đâđš Ă La Haye, Aharon Barak revĂȘt l'habit du Dr Jekyll pour lĂ©gitimer les crimes de âM. Hyde IsraĂ«lâ
En tant que prĂ©sident de la Cour suprĂȘme, M. Barak a fourni une protection juridique Ă l'occupation et Ă la façade dĂ©mocratique d'IsraĂ«l. Il est aujourd'hui de retour pour poursuivre son travail.
đâđš Ă La Haye, Aharon Barak revĂȘt l'habit du Dr Jekyll pour lĂ©gitimer les crimes de âM. Hyde IsraĂ«lâ
Par Orly Noy, le 10 janvier 2024
L'annonce qu'IsraĂ«l a choisi Aharon Barak, le cĂ©lĂšbre ancien prĂ©sident de la Cour suprĂȘme, pour rejoindre la Cour internationale de justice (CIJ) alors qu'elle juge une affaire historique accusant IsraĂ«l de gĂ©nocide a mis le pays en Ă©moi. M. Barak sera le reprĂ©sentant d'IsraĂ«l au sein d'un panel rĂ©uni Ă la hĂąte pour examiner la requĂȘte de l'Afrique du Sud visant Ă suspendre d'urgence l'assaut d'IsraĂ«l sur la bande de Gaza - un panel composĂ© des 15 juges permanents de la CIJ, d'un reprĂ©sentant d'IsraĂ«l et d'un reprĂ©sentant de l'Afrique du Sud.
Barak a longtemps Ă©tĂ© honni par la droite israĂ©lienne pour avoir inscrit divers principes libĂ©raux dans la quasi-constitution de l'Ătat durant son mandat de prĂ©sident de la Cour suprĂȘme de 1995 Ă 2006. Ses partisans, quant Ă eux, ont du mal Ă contenir leur excitation. âLe sceau d'approbation le plus appropriĂ©. IsraĂ«l ne peut compter que sur Aharon Barakâ, a dĂ©clarĂ© Yossi Verter, commentateur Ă Haaretz. Le Mouvement pour un gouvernement responsable en IsraĂ«l a dĂ©clarĂ© de la mĂȘme maniĂšre :
âLe juge Barak est l'un des plus grands juristes de l'Ătat d'IsraĂ«l et sa dĂ©signation Ă ce poste est essentielleâ.
Ă premiĂšre vue, Barak est un choix dĂ©routant de la part d'un gouvernement d'extrĂȘme droite qui a passĂ© l'annĂ©e derniĂšre Ă essayer de dĂ©manteler une grande partie de ce qu'il reprĂ©sentait. En effet, selon les mĂ©dias israĂ©liens, Barak n'Ă©tait mĂȘme pas le premier choix de Netanyahou pour le poste, ce qui n'est pas surprenant compte tenu de leur histoire mouvementĂ©e.
Pourtant, il est difficile d'imaginer une personne mieux adaptĂ©e Ă ce rĂŽle. Non pas en raison des prouesses juridiques de Barak, ni de la rĂ©putation internationale qu'il s'est forgĂ©e, ni mĂȘme du fait qu'il est un survivant de l'Holocauste - ce qui n'est pas passĂ© inaperçu aux yeux de ceux qui l'ont envoyĂ© Ă La Haye.
En rĂ©alitĂ©, le nouveau rĂŽle de Barak poursuit la mission Ă laquelle il a consacrĂ© toute sa vie professionnelle : lĂ©gitimer la majoritĂ© des crimes commis par IsraĂ«l, tout en dĂ©fendant simultanĂ©ment la façade de la âdĂ©mocratie israĂ©lienneâ. Barak est en effet l'un des principaux auteurs de la doctrine juridique selon laquelle IsraĂ«l peut prĂ©tendre ĂȘtre une dĂ©mocratie tout en maintenant une occupation militaire sans fin et en privant systĂ©matiquement les Palestiniens de leurs droits, de leur dignitĂ©, de leurs terres et de leurs biens.
D'une part, le systÚme judiciaire israélien sous la direction de Barak a considérablement élargi les limites de sa propre autorité. D'autre part, le tribunal s'est presque toujours tenu à cÎté des positions de l'establishment sécuritaire israélien. Selon les propres termes de Barak :
âToutes les questions relatives Ă la Cisjordanie et Ă Gaza sont justiciables [c'est-Ă -dire qu'elles peuvent ĂȘtre traitĂ©es dans le cadre du systĂšme judiciaire israĂ©lien]. Les affaires militaires dans les territoires [occupĂ©s] sont justiciables. La question de savoir s'il faut couper l'Ă©lectricitĂ© Ă Gaza est justiciable. Pourquoi ? Parce qu'il existe un droit international. Si la coupure de l'Ă©lectricitĂ© Ă Gaza n'est pas justiciable ici, elle le sera Ă La Haye. C'est le cas dans cette affaire et dans celle des coloniesâ.
Aujourd'hui, Barak dĂ©couvre que l'armure juridique qu'il s'est efforcĂ© de fournir pour les crimes d'IsraĂ«l pourrait ne pas suffire - et qu'il devra lui-mĂȘme se battre pour l'obtenir Ă La Haye.
Le mirage de cette doctrine juridique a Ă©tĂ© rendu possible par deux des concepts auxquels Barak est le plus fortement identifiĂ© : tout est justiciable et proportionnalitĂ©. Par exemple, sous sa direction, la Cour suprĂȘme a lĂ©galisĂ© le mur de sĂ©paration dans les territoires occupĂ©s, mais a âĂ©quilibrĂ©â la dĂ©cision, au nom de la proportionnalitĂ© sacrĂ©e, en dĂ©cidant que son tracĂ© devait ĂȘtre modifiĂ© afin de ne pas couper une poignĂ©e de villages palestiniens du reste de la Cisjordanie.
De mĂȘme, Barak s'est assurĂ© de prĂ©senter l'arrĂȘt de la Cour suprĂȘme sur Jami'at Iscan - qui a permis Ă l'armĂ©e israĂ©lienne d'exproprier des terres palestiniennes pour la construction d'autoroutes en Cisjordanie - comme s'il Ă©tait destinĂ© Ă servir les rĂ©sidents sous occupation, arguant que
âla domination militaire Ă long terme pourrait conduire Ă une stagnation du dĂ©veloppement de la population locale et de la rĂ©gionâ.
Bien qu'il ait trouvĂ© les dĂ©molitions punitives de maisons palestiniennes âinappropriĂ©esâ et inutiles, il a dĂ©cidĂ© qu'en tant que juge, il n'avait pas de pouvoir discrĂ©tionnaire en la matiĂšre et n'a pas agi pour mettre fin Ă cette politique. Cette approche a abouti Ă la dĂ©cision finale de Barak, qui a en fait lĂ©galisĂ© la politique de l'armĂ©e en matiĂšre d'âassassinats ciblĂ©sâ - c'est-Ă -dire d'exĂ©cutions extrajudiciaires - mais avec une mise en garde selon laquelle
âdes restrictions et des limitations doivent ĂȘtre dĂ©finies pour les assassinats ciblĂ©s, de sorte que chaque cas soit examinĂ© sĂ©parĂ©mentâ.
En réponse à cette décision, la juriste Suzie Navot a écrit :
âEn thĂ©orie, cette dĂ©cision rendra difficile le ciblage des terroristes ... Mais ce n'est qu'en thĂ©orie. En effet, dans la pratique, mĂȘme aujourd'hui, les forces de sĂ©curitĂ© dĂ©cident d'assassinats ciblĂ©s sur la base de considĂ©rations similaires Ă celles Ă©noncĂ©es dans le verdict. On peut supposer que la rĂ©alitĂ© ne changera pas grand-chose.â
Par ces mots, Navot a mis le doigt - en le soutenant - sur le double mirage de Barak, dont elle explique l'essence et le but comme suit :
âLa dĂ©cision sur les assassinats ciblĂ©s n'a pas Ă©tĂ© rĂ©digĂ©e uniquement pour l'armĂ©e. Il s'agit peut-ĂȘtre de l'un des documents juridiques les plus importants rĂ©digĂ©s en IsraĂ«l du point de vue de la hasbara (relations publiques). Il est essentiellement similaire Ă d'autres jugements rĂ©digĂ©s par Aharon Barak, notamment en ce qui concerne le mur de sĂ©paration. Des jugements orientĂ©s en direction de la communautĂ© internationale, qui examine de prĂšs les actions d'IsraĂ«l dans les territoires [occupĂ©s]. La derniĂšre phrase de l'ancien prĂ©sident Barak constitue une dĂ©claration critique de la situation impossible d'IsraĂ«l et de sa guerre incessante contre une menace extĂ©rieureâ.
Il s'avĂšre finalement que ce n'Ă©tait pas la derniĂšre pirouette du juge. ĂgĂ© de 87 ans, il s'est portĂ© volontaire pour revĂȘtir le manteau du Dr Jekyll afin de lĂ©gitimer les crimes de M. Hyde - un corps au service de la hasbara israĂ©lienne - encore et toujours.
* Orly Noy est rédactrice à Local Call, activiste politique et traductrice de poésie et de prose en farsi. Elle est présidente du conseil d'administration de B'Tselem et militante au sein du parti politique Balad. Ses écrits traitent des lignes qui se croisent et définissent son identité en tant que Mizrahi, femme de gauche, femme, migrante temporaire vivant à l'intérieur d'une immigrante perpétuelle, et du dialogue constant entre elles.
https://www.972mag.com/aharon-barak-the-hague-israel-genocide/