đâđš Ă Washington, le âBelmarsh Tribunalâ fait un appel dĂ©risoire Ă Biden pour qu'il abandonne les charges visant Assange
Hormis les mots Ă©mouvants du pĂšre d'Assange dĂ©nonçant l'hypocrisie des dĂ©mocraties occidentales, aucune solution nâest proposĂ©e qu'un appel aux forces mĂȘmes qui oeuvrent l'appareil d'Ătat policier.
đâđš Ă Washington, le âBelmarsh Tribunalâ fait un appel dĂ©risoire Ă Biden pour qu'il abandonne les charges visant Assange
Par Dominic Gustavo, le 31 janvier 2023
Le 20 janvier, le âBelmarsh Tribunalâ â du nom de la prison de haute sĂ©curitĂ© du Royaume-Uni oĂč le fondateur et journaliste de WikiLeaks Julian Assange languit depuis trois ans â sâest rĂ©uni Ă Washington pour exiger que le prĂ©sident amĂ©ricain Joe Biden abandonne les charges contre Assange, actuellement menacĂ© dâextradition vers les Ătats-Unis et dâune peine de 175 ans de prison.
Si le Tribunal a entendu des tĂ©moignages importants de lanceurs d'alerte tels que Daniel Ellsberg, de journalistes intĂšgres et de militants des droits civiques comme l'avocate Margaret Kunstler, il a Ă©tĂ© entachĂ© par l'orientation banqueroutiĂšre du « Progressive International » â qui a accueilli l'Ă©vĂ©nement â dont toute la perspective consiste en un appel au gouvernement Biden et au Parti dĂ©mocrate.
Assange, ĂągĂ© de 51 ans, a Ă©tĂ© inculpĂ© en vertu de la loi de 1917 sur l'espionnage pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© des crimes de guerre commis par l'armĂ©e amĂ©ricaine en Afghanistan et en Irak et les avoir divulguĂ©s sur Wikileaks. En 2010, WikiLeaks a publiĂ© la dĂ©sormais tristement cĂ©lĂšbre vidĂ©o « Collateral Murder », oĂč lâon voit des hĂ©licoptĂšres amĂ©ricains Apache massacrant pas moins de 18 civils et journalistes non armĂ©s Ă Bagdad. Les journaux de la guerre dâIrak, publiĂ©s par la suite, Ă©taient composĂ©s de rapports dâactivitĂ© de l'armĂ©e amĂ©ricaine, dĂ©taillant les crimes de guerre systĂ©matiques commis contre la population civile de l'Irak.
Le ton Ă ce Tribunal a Ă©tĂ© donnĂ© par le philosophe croate Srecko Horvat, qui dans ses remarques liminaires a fait un amalgame ridicule entre Thomas Jefferson et le prĂ©sident Joe Biden, au motif que les deux Ă©taient des hypocrites; Jefferson pour avoir possĂ©dĂ© des esclaves et promu « nominalement » l'Ă©galitĂ©, et Biden pour avoir dĂ©fendu nominalement la libertĂ© de la presse. Il a terminĂ© ses remarques par un premier plaidoyer parmi bien dâautres auprĂšs de Biden pour qu'il abandonne les accusations portĂ©es contre Assange.
Un tĂ©moignage important a Ă©tĂ© fourni par Jeffrey Sterling, un ancien responsable de la CIA devenu lanceur d'alerte, qui a comparĂ© la loi sur l'espionnage aux lois contre l'alphabĂ©tisation Ă l'Ă©poque de l'esclavage. Celles-ci visaient Ă empĂȘcher les esclaves de recevoir une Ă©ducation car, selon ses mots, « un esclave Ă©duquĂ© ne sera pas esclave longtemps ».
De mĂȘme, l'Espionage Act, une loi profondĂ©ment rĂ©actionnaire promulguĂ©e pour la premiĂšre fois en 1917, fut utilisĂ©e pour rĂ©primer l'opposition Ă l'entrĂ©e des Ătats-Unis dans la PremiĂšre Guerre mondiale.
Sterling a dénoncé la parodie juridique du procÚs contre Assange. Il a qualifié la loi sur l'espionnage de loi du type « parce que nous en décidons ainsi», étant donné que le gouvernement n'avait pas eu à prouver le moindre préjudice que les révélations d'Assange a causé.
A tĂ©moignĂ© l'avocate des droits civiques Margaret Kunstler qui a dĂ©fendu Mohamedou Ould Slahi, prisonier Ă Guantanamo Bay, obtenant sa libĂ©ration. Si sa position de principe mĂ©rite dâĂȘtre applaudie, elle a cependant dans ses remarques prĂ©parĂ© le terrain pour un appel au Parti dĂ©mocrate, en situant le dĂ©but de la persĂ©cution dâAssange en 2017, Ă lâarrivĂ©e de Donald Trump Ă la prĂ©sidence. Lâimplication Ă©tant que Biden et les dĂ©mocrates pouvaient ĂȘtre persuadĂ©s de changer de cap et d'abandonner les poursuites. Mais en fait, ce fut l'administration Obama qui dirigea l'assaut initial contre Assange.
L'apparition de Jeremy Corbyn au Tribunal, quâon a prĂ©sentĂ© comme « la pure antithĂšse » du chef du Parti travailliste Keir Starmer, Ă©tait une honteuse dĂ©monstration d'hypocrisie. Dans son discours dĂ©magogique, Corbyn a dĂ©plorĂ© la complicitĂ© de responsables Ă©lus, aux Ătats-Unis et ailleurs, dans la persĂ©cution d'Assange. « Votre silence aggrave la situation de la dĂ©mocratie dans son ensemble » a-t-il dit, terminant par cet appel insipide aux responsables amĂ©ricains : « Faites-vous entendre ! »
Son plaidoyer auprĂšs de Biden fait Ă©cho Ă son appel de 2021 au Premier ministre britannique Boris Johnson, dans le cadre de la campagne banqueroutiĂšre « Don't Extradite Assange » (Nâextradez pas Assange â DEA), qui a fait long feu. La rĂ©ponse de Corbyn Ă cela avait Ă©tĂ© de lever les bras au ciel et de dĂ©clarer: «J'ai fait tout ce que jâai pu! »
Cet appel aux dĂ©mocrates a Ă©tĂ© repris par presque tous les orateurs, y compris Betty Medsger (journaliste du Washington Post qui a Ă©crit sur les dossiers fuitĂ©s du FBI en 1971) et Steven Donziger, qui a donnĂ© un tĂ©moignage important sur le «corporatisme» de l'appareil de sĂ©curitĂ© amĂ©ricain, faisant rĂ©fĂ©rence Ă lâassassinat par la police dâun militant Ă©cologiste Ă Atlanta en dĂ©but d'annĂ©e. MalgrĂ© cela, il a ensuite appelĂ© Biden à «relever le dĂ©fi» et Ă libĂ©rer Assange.
Dans ses remarques, le lanceur dâalerte Daniel Ellsberg â qui a rĂ©cemment publiĂ© des documents montrant Ă quel point les Ătats-Unis Ă©taient sur le point d'utiliser des armes nuclĂ©aires contre la Chine lors de la crise de TaĂŻwan en 1958 â a parlĂ© de la formulation intentionnellement ambiguĂ« de la loi sur l'espionnage. Celle-ci autorisait les poursuites non seulement contre ceux qui divulguaient des informations sensibles, mais aussi contre ceux qui les possĂšdaient simplement, outrepassant le premier amendement. Dans cet esprit, il a appelĂ© Biden Ă l'inculper lui aussi « avec Julian Assange et d'autres, ou Ă abandonner cette tentative inconstitutionnelle d'extrader Julian ».
Enfin, il y a eu une allocution émouvante du pÚre d'Assange, John Shipton, qui a dénoncé l'hypocrisie des démocraties occidentales, qui claironnaient leur « liberté » tout en persécutant les journalistes.
Horvat a clÎturé le Tribunal en disant qu'il avait fourni un « témoignage convaincant » qui, espérons-le, « convaincrait Biden d'abandonner les charges ».
Le Tribunal n'a fourni aucune analyse sĂ©rieuse de la nature de la persĂ©cution d'Assange ou de la croissance de formes autoritaires de gouvernement dans le monde entier. Alors qu'il a Ă©voquĂ© certains aspects de cette tendance, il nâa pas pu l'expliquer. Il nâa pas pu rĂ©pondre au « pourquoi » ; il nâa mĂȘme pas pu, en fait, poser cette question de maniĂšre sĂ©rieuse.
Ceci est tout Ă fait normal pour le Progressive International, formĂ© Ă l'origine par le sĂ©nateur amĂ©ricain Bernie Sanders en collaboration avec des personnalitĂ©s comme l'homme politique grec Yanos Varoufakis, ministre des Finances du gouvernement Syriza en 2015 oĂč il a supervisĂ© l'imposition de mesures d'austĂ©ritĂ© aux travailleurs grecs.
Sanders, pour sa part, a fidÚlement servi la classe dirigeante américaine en canalisant vers le Parti démocrate l'opposition de masse aux deux partis capitalistes, dans le but illusoire de «réformer » ce parti de la réaction impérialiste.
Les orateurs nâont pu offrir aucune solution autre qu'un appel aux forces mĂȘmes chargĂ©es de construire l'appareil d'Ătat policier. En sa qualitĂ© de vice-prĂ©sident du gouvernement Obama, Biden a prĂ©sidĂ© Ă une expansion sans prĂ©cĂ©dent du pouvoir et de la portĂ©e de l'Ătat sĂ©curitaire amĂ©ricain. Les lanceurs dâalerte comme Edward Snowden qui ont dĂ©masquĂ© cette croissance de pouvoir anti-dĂ©mocratique â rĂ©vĂ©lant, par exemple, que la National Security Administration (NSA) espionnait secrĂštement des millions d'AmĂ©ricains â ont Ă©tĂ© impitoyablement persĂ©cutĂ©s.
La Maison Blanche d'Obama a franchi un autre Rubicon avec l'introduction des assassinats ciblĂ©s Ă l'aide de drones, en fait des exĂ©cutions extrajudiciaires, mĂȘme de citoyens amĂ©ricains, sans aucune forme de procĂšs. Ayant cette histoire en vue, tout appel Ă Biden pour faire marche arriĂšre revient dĂ©sormais Ă demander au diable de se couper volontairement les griffes.
La dĂ©fense de journalistes comme Julian Assange, et celle des droits dĂ©mocratiques les plus fondamentaux Ă la libertĂ© d'expression et de la presse, ne peuvent ĂȘtre laissĂ©s entre les mains d'aucune section de la classe dirigeante. Les journalistes les plus intĂšgres doivent se tourner vers la force sociale la plus puissante sur terre, et la seule qui puisse dĂ©fendre les droits dĂ©mocratiques: la classe ouvriĂšre internationale.