đâđš âAl-Aqsa Floodâ aplanit les clivages entre factions confessionnelles au Liban
Aujourd'hui, notre devoir est d'affronter lâennemi & une fois la confrontation & la guerre Ă Gaza terminĂ©es, nous reviendrons Ă la question libanaise - les crises au Liban ne nous en dĂ©tourneront pas.
đâđš âAl-Aqsa Floodâ aplanit les clivages entre factions confessionnelles au Liban
Par le correspondant de The Cradle au Liban, le 17 octobre 2024
Alors que l'agression israĂ©lienne s'intensifie au Liban, l'Ă©mergence d'une rĂ©sistance commune rĂ©vĂšle un rare moment d'unitĂ© entre sunnites et chiites, tandis que la lutte contre lâennemi commun fait naĂźtre l'espoir d'une nouvelle Ăšre de coopĂ©ration.
Le 23 septembre a été un jour sombre pour le Liban : Israël a étendu son agression, provoquant un exode massif du Sud-Liban et de la région de la Bekaa vers la capitale, Beyrouth, et les districts du Nord.
Alors que le nombre de morts avoisinait le millier, les civils ont fui la violence en quĂȘte d'un lieu sĂ»r. La route reliant le sud du Liban Ă la capitale est devenue le thĂ©Ăątre d'une dĂ©tresse inimaginable, les personnes dĂ©placĂ©es Ă©tant prises au piĂšge dans des embouteillages suffocants, et ce une journĂ©e entiĂšre. Sous une chaleur accablante et dans un Ă©tat d'Ă©puisement extrĂȘme, les familles ont dĂ» faire face non seulement Ă la fatigue et Ă la soif, mais aussi Ă la crainte obsĂ©dante que les bombes israĂ©liennes ne prennent leurs vĂ©hicules pour cible.
Au milieu de ce chaos, les habitants des deux cĂŽtĂ©s de la route nationale ont fait preuve d'une incroyable gĂ©nĂ©rositĂ©. Les habitants ont offert de l'eau, du carburant et des abris temporaires, compensant ainsi le vide laissĂ© par l'Ătat.
Dans tout le pays, les écoles publiques ont été aménagées en refuges, et des initiatives civiles ont vu le jour dans les villes de Saïda, Beyrouth et Tripoli. Cette réponse humanitaire collective pose la question suivante : les tensions profondes entre Tripoli, à majorité sunnite, et le Hezbollah, nées d'années de conflits sectaires et de la guerre en Syrie, commencent-elles à s'atténuer ?
La réconciliation entre sunnites et chiites
Tripoli, officiellement âla ville la plus pauvre de la MĂ©diterranĂ©eâ et longtemps un bastion de l'opposition sunnite au Hezbollah, a toujours Ă©tĂ© un foyer de division sectaire. Au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, les programmes politiques ont tirĂ© parti de ces divisions, suscitant l'animositĂ© entre la population urbaine et la base de soutien chiite du Hezbollah.
Pourtant, les initiatives humanitaires des habitants de Tripoli, qui ont tendu la main aux familles dĂ©placĂ©es du sud, constituent un symbole d'espoir et d'unitĂ© dans ce bain de sang. Cette solidaritĂ© pourrait-elle ĂȘtre le signe d'une Ă©volution dans la longue rivalitĂ© entre sunnites et chiites au Liban ?
Sur la place Al-Nour de Tripoli, une grande banniÚre à l'effigie du chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, orne la ville aux cÎtés des symboles du mouvement de résistance palestinien et de la faction locale, le Groupe islamique.
Les images du successeur de Haniyeh, Yahya Sinwar, et du porte-parole des Brigades Qassam, Abu Obeida, sont dĂ©sormais monnaie courante dans les rues et les quartiers Ă©troits de la ville. C'est dans ces mĂȘmes rues que se dĂ©roulent chaque semaine des mouvements populaires dĂ©nonçant les crimes de l'Ătat d'occupation israĂ©lien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
Le matin, de jeunes hommes se réunissent dans un vieux café de la place Al-Tal pour discuter de la situation dans la région. Interrogé par The Cradle sur les images des dirigeants du Hamas et les manifestations en cours depuis le 7 octobre, l'un d'entre eux répond :
âLa Palestine nous colle Ă la peau. Les crises successives au Liban ne nous en dĂ©tourneront pas. C'est notre cause premiĂšre, et quiconque n'a pas de cause Ă dĂ©fendre n'a pas de valeurs.â
Un jeune passant de la rue Azmi Bey de Tripoli déclare également à The Cradle:
âNotre principal et unique ennemi est l'occupation israĂ©lienne, et nous devons nous unir, sunnites et chiites, pour l'affronter. Les crimes d'IsraĂ«l unissent le sang des Palestiniens et des Libanais, nous devons donc nous unir et taire nos divergences internes.â
âAl-Aqsa Floodâ ou la rĂ©conciliation
AprĂšs des annĂ©es de divergences, l'opĂ©ration âAl-Aqsa Floodâ a fait naĂźtre un climat de rĂ©conciliation entre sunnites et chiites libanais, notamment avec l'arrivĂ©e du Groupe islamique sur le front, aux cĂŽtĂ©s du Hezbollah.
Cette coopération a fait du Groupe islamique le défenseur sunnite unique de la cause palestinienne, au grand dam des dirigeants sunnites traditionnels du Liban, qui entretiennent des relations étroites avec l'Arabie saoudite.
Depuis la création du Grand Liban en 1920, sunnites et chiites ont partagé un grand nombre d'institutions religieuses et sociales. Les tensions confessionnelles ont connu des hauts et des bas au fil des décennies, pour culminer avec l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri en 2005.
Cependant, malgré l'occupation de la Palestine et la montée des pressions coloniales destinées à morceler la région, les relations entre sunnites et chiites sont restées largement constructives, en particulier à l'époque de Gamal Abdel Nasser, lorsque l'esprit du nationalisme et de l'unité arabes était à son apogée.
Cette période a favorisé l'émergence d'un objectif commun aux deux communautés, motivé par la lutte commune contre l'influence étrangÚre et une vision plus large de la solidarité arabe.
L'assassinat de Hariri, imputĂ© au Hezbollah, et l'alignement du mouvement sur le gouvernement syrien qui s'est ensuivi, ont accentuĂ© la fracture politique du Liban au sein de la communautĂ© musulmane. Ce clivage a Ă©tĂ© exacerbĂ© par des puissances extĂ©rieures : les Ătats du golfe Persique ont soutenu l'alliance sunnite du 14 mars, tandis que la Syrie et l'Iran ont appuyĂ© le bloc du 8 mars, dirigĂ© par les chiites.
Une lutte commune
La guerre civile syrienne a encore érodé tout semblant d'unité, les sunnites soutenant généralement l'opposition tandis que le Hezbollah se rangeait aux cÎtés de l'armée syrienne. Les tensions ont atteint leur paroxysme, laissant la société libanaise farouchement divisée selon des critÚres confessionnels.
L'Ătat d'occupation, cependant, attaque Ă la fois les Palestiniens et les Libanais, sans distinction de religion ou de secte, et cette menace commune a favorisĂ© l'Ă©mergence d'un climat de coopĂ©ration rare entre sunnites et chiites au Liban.
En tant que principal acteur de l'Axe de la rĂ©sistance, l'Iran a jouĂ© un rĂŽle essentiel dans la restructuration des relations entre sunnites et chiites au Liban, en soutenant activement la rĂ©sistance palestinienne. Beaucoup pensent que les motivations de TĂ©hĂ©ran sont doubles : asseoir son influence dans le monde arabe et se positionner comme le dĂ©fenseur absolu de la Palestine, en exploitant la complaisance manifeste des Ătats arabes qui ont normalisĂ© leurs relations avec IsraĂ«l.
Le 8 octobre, en entrant de plain-pied dans la guerre de Gaza aux cÎtés du Groupe islamique sunnite, le Hezbollah s'est démarqué des clivages politiques historiques qui caractérisent le Liban. Lors des conflits précédents, les relations entre le Groupe islamique et le Hezbollah étaient au mieux tendues.
Mais alors que le Hamas se préparait à une confrontation inévitable avec Israël, le soutien de l'Iran a permis de négocier une alliance rare entre les deux factions, culminant dans des actions concertées lors de l'opération « Al-Aqsa Flood » (inondation d'Al-Aqsa).
Le calme aprĂšs la tempĂȘte : un espoir d'unitĂ© ?
Dans une interview accordée au journal The Cradle, l'ancien député Khaled al-Daher revient sur cette évolution de l'unité en déclarant :
âNous partageons au Liban la mĂȘme volontĂ© de faire face Ă l'ennemi, sans pour autant dĂ©nier l'existence de divergences antĂ©rieures.
âNous devons engager le dialogue pour en venir Ă bout, et quiconque frappe le Hezbollah alors qu'il se bat pour soutenir Gaza frappera un jour tout le Liban.
âNous devons donc oublier toutes les divergences et revenir Ă l'unitĂ© entre sunnites, chiites, chrĂ©tiens et druzes pour confronter le projet sioniste d'anĂ©antir le Liban.
âAujourd'hui, notre devoir est d'affronter notre ennemi commun et, une fois cette confrontation et la guerre de Gaza terminĂ©es, nous reviendrons Ă la question libanaise, nous nous rĂ©unirons et entamerons un dialogue.â
Les commentaires de M. Daher illustrent l'Ă©volution des mentalitĂ©s au Liban, oĂč mĂȘme les voix les plus sceptiques appellent aujourd'hui Ă l'unitĂ© face Ă l'agression israĂ©lienne. Ils surviennent Ă©galement aprĂšs une sĂ©rie de dĂ©clarations de l'ancien secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Groupe islamique, Azzam al-Ayoubi, qui a soulignĂ© la nĂ©cessitĂ© de la cohĂ©sion islamique pour faire face Ă l'ennemi israĂ©lien, et la nĂ©cessitĂ© de surmonter les divergences antĂ©rieures aprĂšs la guerre, pour aboutir au dialogue et Ă un accord qui mette fin Ă ces divisions.
Les rĂ©seaux sociaux sont inondĂ©s d'hommages aux chefs de la rĂ©sistance, dont Hassan Nasrallah, du Hezbollah, cĂ©lĂ©brĂ© pour ses dĂ©cennies de rĂ©sistance Ă IsraĂ«l. Un contraste total avec l'Ă©poque de la guerre en Syrie, oĂč l'implication du Hezbollah dans le conflit a fait fuir de nombreux sunnites.
Pourtant, aujourd'hui, alors que la machine de guerre israélienne nous assaille, les musulmans du Liban, qu'ils soient sunnites ou chiites, semblent plus unis que jamais, leurs divergences étant éclipsées par un danger existentiel.
Alors qu'IsraĂ«l tente une nouvelle fois, en vain, de rĂ©occuper le sud du Liban, lâopĂ©ration âAl-Aqsa Floodâ a crĂ©Ă© une opportunitĂ© de rĂ©conciliation, mĂȘme si ce n'est que provisoire. Il n'est pas certain que cette fragile unitĂ© puisse rĂ©sister aux retombĂ©es du conflit de Gaza.
Cependant, l'agression israélienne a, pour l'instant, accompli ce que des années de négociations politiques n'avaient pu faire : unir les communautés profondément divisées du Liban face au danger commun.
https://thecradle.co/articles/how-al-aqsa-flood-is-reshaping-lebanons-muslim-sectarian-divide
Il est quand mĂȘme dĂ©concertant (mais rĂ©confortant par lĂ -meme) de constater que le pan-arabisme n'a pas pu fonctionner sous la houlette de leaders arabes (comme Nasser ou Kadhafi malgrĂ© leurs tentaives, faute de temps peut-ĂȘtre) mais rĂ©ussira avec l'Iran ! C'est donc une nation musulmane mais non-arabe qui retissera les liens dĂ©faits par d'autres nations et entretenus constamment depuis ce bĂątard de colonel Lawrence. C'est peut-ĂȘtre mieux ainsi. La Perse reprend une place historique de premier ordre en prenant une telle attitude.