👁🗨 Alan Mcleod - TIKTOK : Le "cheval de Troie" chinois est géré par des fonctionnaires du département d'État
Les États-Unis ont bien compris que contrôler les algorithmes signifie contrôler les esprits : des douzaines d'ex fonctionnaires du Département d'État américain sont à des postes clés chez TikTok.
👁🗨 TIKTOK : Le "cheval de Troie" chinois est géré par des fonctionnaires du département d'État
Par Alan Macleod / MintPressNews, le 17 avril 2023
Depuis un certain temps, TikTok recrute d'anciens fonctionnaires du département d'État pour diriger ses opérations.
Au beau milieu d'une hystérie nationale affirmant que la populaire application de partage de vidéos est un cheval de Troie chinois, une enquête de MintPress News a découvert que des douzaines d'anciens fonctionnaires du Département d'État américain travaillent à des postes clés chez TikTok. De nombreuses autres personnes ayant travaillé au FBI, à la CIA et dans d'autres départements de la sécurité nationale occupent également des postes influents chez le géant des réseaux sociaux, affectant un contenu vu par plus d'un milliard d'utilisateurs.
Alors que les politiciens américains exigent l'interdiction de l'application pour des raisons de sécurité nationale, tentent d'imposer une loi sur la surveillance de l'internet qui transformerait le pays en un État orwellien, font des déclarations sans queue ni tête sur la prétendue dangerosité de TikTok parce qu'il se connecte à votre Wi-Fi, il est fort possible que TikTok soit déjà beaucoup plus proche de Washington que de Pékin.
Des médias affiliés au Département d'État
Depuis un certain temps, TikTok recrute d'anciens fonctionnaires du département d'État pour diriger ses opérations. Jade Nester, par exemple, est responsable de la politique publique en matière de données pour l'Europe. Avant d'être recrutée pour ce rôle influent, Jade Nester a été haut fonctionnaire à Washington, où elle a occupé pendant quatre ans le poste de directrice de la politique publique en matière d'internet au sein du département d'État.
Mariola Janik, quant à elle, a quitté une longue et fructueuse carrière au sein du gouvernement pour travailler pour TikTok. Après avoir débuté au Bureau des affaires de l'hémisphère occidental, Mariola Janik est devenue diplomate de carrière au département d'État avant de passer au département de la sécurité intérieure. En septembre, cependant, elle a quitté le gouvernement pour occuper immédiatement le poste de responsable du programme de confiance et de sécurité de TikTok, tâche qui comprendra inévitablement la suppression de contenus, et la refonte d'algorithmes.
Bien que rien ne laisse supposer que Mme Janik soit autre chose qu'une employée modèle, le fait qu'un agent du gouvernement américain ait accédé à un poste aussi influent chez le géant des réseaux sociaux devrait être une source d'inquiétude. Si, par exemple, un haut fonctionnaire chinois avait été engagé pour influencer ce que le public américain peut voir sur ses fils d'actualité, ce serait probablement au coeur du tumulte TikTok qui secoue actuellement Washington.
M. Janik n'est pas le seul ancien responsable de la sécurité à travailler au sein de l'équipe chargée de la confiance et de la sécurité sur TikTok. Entre 2008 et 2021, Christian Cardona a mené une brillante carrière au département d'État, en Pologne, en Turquie et à Oman, au cœur de l'interventionnisme américain au Moyen-Orient. Entre 2012 et 2013, il a été assistant de l'ambassadeur des États-Unis à Kaboul. Il quitte ensuite cette fonction pour devenir responsable des affaires politiques et militaires pour l'Iran.
L'été 2021, il est passé directement de son poste au département d'État à celui de responsable de la politique des produits pour la confiance et la sécurité chez TikTok, un poste pour lequel, sur le papier, il n’a aucune qualification. En début d'année, Cardona a quitté l'entreprise.
Une autre personne influente chez TikTok est la coordinatrice du recrutement Katrina Villacisneros. Avant de trier les candidats susceptibles d’être embauchés par l'entreprise, Mme Villacisneros travaillait au Bureau des droits de l'homme et des affaires humanitaires du département d'État. Et jusqu'en 2021, elle faisait partie de l'Army Cyber Command, l'unité militaire américaine qui supervise les cyberattaques et la guerre de l'information en ligne.
D'autres employés de TikTok ont une longue expérience de la sécurité nationale des États-Unis : Brad Earman, responsable mondial des enquêtes criminelles et civiles, qui a été 21 ans agent spécial au Bureau des enquêtes spéciales de l'armée de l'air, et a également été gestionnaire de programme pour l'antiterrorisme au département d'État ; et Ryan Walsh, responsable de la gestion des escalades pour la confiance et la sécurité chez TikTok, qui, jusqu'en 2020, était conseiller principal du gouvernement pour la stratégie numérique. L’essentiel du travail de M. Walsh au département d'État, comme l'indique son propre CV, consistait à "promouvoir des récits de soutien" pour les États-Unis et l'OTAN en ligne.
Ryan Walsh est un bon exemple de la vague d'employés gouvernementaux affairés à manipuler l’espace public mondial en passant au secteur privé
Ryan Walsh est donc l'exemple type des nombreux individus qui ont délaissé les gouvernements pour tenter de manipuler l'espace public mondial au profit d'entreprises privées, où ils sont chargés de protéger le public contre le type même d'opérations d'influence soutenues par l'État que leurs anciens collègues orchestrent. En bref, ce système, où des fonctionnaires retraités depuis peu décident de ce que le monde voit (et ne voit pas) en ligne, n'est qu'un pas de plus vers la censure d'État au niveau planétaire.
Malgré tous les discours sur les opérations d'influence numérique émanant de la Russie ou d'autres adversaires des États-Unis, ces derniers sont certainement les plus mauvais élèves en matière de manipulation de l'opinion publique en ligne. On sait, par exemple, que le Département de la défense emploie une armée d'au moins 60 000 personnes dont le travail consiste à influencer la sphère publique, la plupart d'entre elles jouant les trolls et les "guerriers du clavier" pour promouvoir les intérêts du gouvernement ou de l'armée des États-Unis. Au début de l'année, les "Twitter Files" ont révélé comment les géants des réseaux sociaux collaboraient avec le Pentagone pour mener des opérations d'influence en ligne, et des campagnes de "fake news" visant à provoquer un changement de régime au Moyen-Orient.
Attention au Project Texas
L'arrivée de fonctionnaires du département d'État dans les rangs de TikTok est une conséquence de l’initiative du "Projet Texas", lancée par l'entreprise en 2020 pour éviter de se faire interdire aux États-Unis. Pendant son mandat, le secrétaire d'État Mike Pompeo a mené la charge pour faire fermer la plateforme, la qualifiant fréquemment d'"application d'espionnage" et d'"outil de propagande pour le Parti communiste chinois".
Il a été largement rapporté que le gouvernement américain avait forcé la vente de TikTok à Walmart, puis à Microsoft. Mais à la fin de l'année 2020, au début du Project Texas, ces accords sont mystérieusement tombés à l'eau et la rhétorique des responsables sur les dangers de TikTok s'est évaporée.
Le Project Texas est un dispositif de sécurité à 1,5 milliard de dollars visant à transférer les données de l'entreprise à Austin. Cette opération s'est accompagnée de l'annonce d'un partenariat avec le géant de la technologie Oracle, une société qui, comme l'a rapporté MintPress, est la CIA dans tous les sens du terme.
De toute évidence, le Project Texas prévoyait aussi secrètement l'embauche de toutes sortes de membres du personnel de la sécurité nationale américaine pour superviser les opérations de l'entreprise - et pas seulement du Département d'État. Rebecca Pober, par exemple, a quitté son poste de responsable de la stratégie et de la politique au Pentagone pour devenir responsable de la politique américaine chez TikTok
Un certain nombre d'employés influents de TikTok sont d'anciens agents de longue date de la CIA. Alex S., ancienne responsable de la politique de confiance, de sécurité et d'intégrité du contenu mondial de l'entreprise, a été analyste au siège de l'agence à Langley, en Virginie, pendant près de neuf ans. Avant la CIA, elle a travaillé pour le département d'État et le U.S. Pacific Command.
Casey Getz, quant à lui, a passé près de 11 ans à la CIA, où il est devenu chef de branche, avant d'être embauché par TikTok pour travailler sur la sécurité des données et l'intégration de la sécurité. Il a également été directeur de la cybersécurité au Conseil national de sécurité de la Maison Blanche.
Et, selon le curriculum vitae de Beau Patteson, responsable de la confiance et de la sécurité chez TikTok, il a non seulement été analyste dans le ciblage de la CIA jusqu'en 2020, mais il est également officier du renseignement militaire dans l'armée américaine, tout en travaillant au noir pour le géant des réseaux sociaux.
En effet, pratiquement toutes les branches de la sécurité nationale sont représentées chez TikTok. Avant de devenir responsable de la confiance et de la sécurité de l'entreprise, Kathryn Grant a travaillé pendant plus de trois ans à la Maison-Blanche, avant de passer au Conseil national de sécurité, puis au ministère de l'énergie. Victoria McCullough, sa collègue chargée de la confiance et de la sécurité chez TikTok, a elle aussi un parcours très étoffé : deux ans au ministère de la sécurité intérieure avant de rejoindre Kathryn Grant à la Maison-Blanche, où elle exerçait les fonctions de directrice associée au sein du Bureau de l'engagement public. Quant à Jim Ammons, responsable de la gestion de crise chez TikTok, il a été chef d'unité au FBI pendant plus de 21 ans.
Par ailleurs, une étude de 2022 de MintPress décrit ce qu'elle appelle un "NATO-to-TikTok-pipeline", dans lequel des dizaines de fonctionnaires de l'alliance militaire ont également obtenu des postes au sein des domaines clés de l'entreprise. L'embauche la plus surprenante est sans doute celle de Greg Andersen, dont le profil LinkedIn indique qu'il a travaillé sur des "opérations psychologiques" pour l'OTAN juste avant de se lancer dans les réseaux sociaux.
Les anciens fonctionnaires sont massivement affectés à des postes politiquement sensibles tels que la sécurité, la confiance et la sûreté, plutôt qu'à des départements plus neutres tels que le service clientèle et les ventes. Bien que le présent article ne prétende pas spécifiquement que l'une ou l'autre des personnes énumérées ici ne mérite pas d'être prise en considération pour son poste, il est difficile de comprendre ce phénomène autrement que comme un coup de force du gouvernement américain pour tenter d'établir un contrôle sur l'une des entreprises de réseaux sociaux les plus populaires au monde, et qui connaît la croissance la plus forte.
Scénario politique
TikTok est un média immensément influent qui façonne la perception que les gens ont d'eux-mêmes, en particulier les jeunes générations. Une étude réalisée en 2021 a révélé que 31 % des personnes âgées de 18 à 24 ans dans le monde avaient utilisé l'application au cours de la semaine écoulée, et que 9 % d'entre elles l'utilisaient comme principale source d'information.
C'est sans doute en partie pour cette raison que les autorités américaines s'en préoccupent tant. Le mois dernier, le PDG de TikTok, Chew Shou Zi, a été traduit devant le Congrès et mis en cause pour les liens de son entreprise avec la République populaire de Chine. Bien que TikTok soit une filiale de la société chinoise ByteDance, elle insiste sur le fait qu'elle fonctionne comme une entité indépendante, et qu'elle n'a jamais partagé de données d'utilisateurs avec Pékin.
Néanmoins, des questions subsistent quant aux pratiques et aux dispositifs de sécurité de l'application. Malheureusement, l'occasion d'interroger M. Chew sur des questions plus substantielles a été compromise par les déclarations grandiloquentes des élus, paraissant peu intéressés par ses réponses, plus soucieux de marquer des points politiques, ou de faire des déclarations susceptibles d'être reprises par les médias.
On a également pu observer une certaine xénophobie tout au long des rencontres, M. Chew ayant dû à plusieurs reprises rappeler à ses interlocuteurs qu'il n'était pas Chinois, mais ceux-ci l'ont ignoré et ont continué à insinuer qu'il l'était. Le sénateur républicain Tom Cotton est allé plus loin en demandant que Chew soit expulsé et en insistant sur le fait que "nous ne pouvons pas permettre aux citoyens chinois, ou à toute personne affiliée au [Parti communiste chinois], de posséder un centimètre carré de plus du sol américain" - une déclaration qui rappelle la loi sur l'exclusion des Chinois, une loi raciste sur l'immigration qui n'a été complètement abrogée que dans les années 1960. Chew est originaire de Singapour.
"Nous nous engageons à fournir une plateforme fiable et sécurisée qui favorise l'intégration de nos étonnantes et diverses communautés dans ce pays. Il est dommage que la conversation d'aujourd'hui ait été marquée par la xénophobie", a écrit Vanessa Pappas, directrice de l'exploitation de TikTok.
M. Chew a également été soumis à des questions bizarres de la part de personnalités politiques totalement ignorantes du fonctionnement des télécommunications modernes. Le député Richard Hudson (R-NC) a demandé si TikTok pouvait accéder aux réseaux Wi-Fi, une question si évidente que M. Chew a supposé qu'il l'avait mal comprise. Buddy Carter (R-GA) a quant à lui demandé si l'application utilisait les caméras des téléphones des utilisateurs pour suivre la dilatation de leurs pupilles afin de pouvoir leur proposer des vidéos choquantes de manière plus efficace. Regarder des membres du Congrès, "paumés", poser des questions à des baby-boomers était "pénible à voir", a conclu le magazine technologique Futurism.
20 ans pour avoir regardé une vidéo de danse
Néanmoins, ces politiciens ignorants sont en train de légiférer sur un projet de loi anti-TikTok qui changerait à jamais l'internet et sonnerait le glas de la vie privée en ligne.
"HR 1153, la loi DATA, récemment adoptée par la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, est presque surréaliste dans certaines de ses implications", écrit l'Institute for Responsible Statecraft. Non seulement TikTok (et éventuellement d'autres grandes applications chinoises comme WeChat) serait interdit, mais l'accès à ces applications à l'aide d'un VPN deviendrait une infraction pénale fédérale passible de 20 ans de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à 1 million de dollars.
Le projet de loi donne également au gouvernement le pouvoir d'espionner secrètement et de manière permanente toute personne qu'il soupçonne d'interagir avec des adversaires étrangers. S'il désigne ces adversaires comme étant la Chine, Cuba, le Venezuela, l'Iran, la Russie et la Corée du Nord, il précise également que cette liste peut être modifiée à tout moment. Ainsi, le projet de loi réduirait à néant la liberté d'expression en ligne, et mettrait en œuvre certaines des lois les plus draconiennes et les plus autoritaires de la planète en matière d'internet, bien plus strictes que celles du célèbre gouvernement chinois, qui pratique la censure.
Des espions parmi nous
Une partie de la colère suscitée par la menace supposée de TikTok a été attisée artificiellement par ses rivaux. Facebook, par exemple, a passé un contrat avec une société de relations publiques pour mener une campagne nationale de dénigrement contre TikTok, présentant la plateforme comme une "menace pour les enfants" et publiant des articles vantant les dangers de ses concurrents dans les journaux de tout le pays.
Pourtant, Facebook lui-même a été soumis au traitement gouvernemental de TikTok. En 2018, Mark Zuckerberg a été traîné devant le Congrès et interrogé pendant des heures sur les dangers de sa plateforme. Les élus ont évoqué la possibilité de démanteler l'entreprise, voire d'emprisonner Zuckerberg pour son rôle dans la promotion de la désinformation. Si l'objectif était de l'intimider pour qu'il abandonne le contrôle éditorial de la plateforme, on peut dire qu’il a fonctionné. Quelques semaines seulement après l'enquête, Facebook a annoncé un "partenariat" avec l’Atlantic Council, un organe de l'OTAN, qui influencerait désormais ce que des milliards de personnes voient - ou ne voient pas - dans leur fil d'actualité.
L'Atlantic Council est depuis longtemps l'une des organisations les plus virulentes à l'égard de la Chine et de la Russie, publiant des rapports alarmistes sur l'ampleur de l’influence de cette dernière dans la société occidentale. On soupçonne aussi fortement l'Atlantic Council d'être impliqué dans le tristement célèbre groupe "Prop or Not", une organisation de l'ombre qui a étiqueté des centaines de médias alternatifs (dont MintPress News) comme étant susceptibles de faire de la propagande russe.
À la suite de récents ajustements des algorithmes, le trafic de Facebook vers les sites d'information alternatifs a été complètement réduit, car la plateforme privilégie fortement les médias de l'establishment ou les organes de presse conservateurs. MintPress, par exemple, a perdu plus de 99 % de son trafic sur Facebook. Pour l'État, ce type d'étranglement algorithmique des entreprises est bien plus efficace que les interdictions gouvernementales pures et simples ; il permet d'obtenir pratiquement les mêmes paramètres de suppression tout en suscitant beaucoup moins d'indignation de la part de l'opinion publique.
Facebook lui-même regorge d'agents de l'État chargé de la sécurité nationale. Aaron Berman, par exemple, qui dirige l'équipe responsable de la modération des contenus sur la plateforme, était, jusqu'en 2019, un membre haut placé de la CIA, rédigeant les briefings quotidiens du président jusqu'à ce qu'il quitte le navire pour Facebook.
Une autre Berman, Deborah, a passé près d'une décennie en tant qu'analyste du renseignement à Langley. En tant que spécialiste de la Syrie, il est fort possible qu'elle ait participé à la sale guerre menée par la CIA contre ce pays, dans le cadre de laquelle l'agence a financé, formé et entretenu une armée de djihadistes pour renverser le gouvernement Assad. Au début de l'année 2022, elle a toutefois quitté la CIA pour occuper un poste de responsable de l'équipe de confiance et de sécurité de Meta.
Les Bermans ne sont que deux parmi des dizaines d'agents de la CIA qui dirigent aujourd'hui les opérations mondiales sur Facebook et qui ont été présentés dans une précédente enquête de MintPress, "Meet the Ex-CIA Agents Deciding Facebook's Content Policy" (Venez rencontrer les ex-agents de la CIA qui décident de la politique de contenu de Facebook).
Facebook et TikTok sont loin d'être des cas isolés. Il est parfois difficile de trouver un employé senior de Google qui n'ait pas été membre de la CIA ; Twitter a embauché un nombre alarmant d'agents du FBI pour diriger ses opérations ; et Reddit a mystérieusement nommé Jessica Ashooh, membre de l’Atlantic Council, au poste de directrice des opérations, alors qu'elle n'a que peu ou pas d'expérience dans ce domaine.
La menace rouge
Alors qu'elle était autrefois considérée comme une source inépuisable de main-d'œuvre bon marché et un allié potentiel, la position de Washington à l'égard de la Chine a radicalement changé au cours de la dernière décennie. Depuis le "pivot vers l'Asie" lancé en 2012 par l'administration Obama, les États-Unis se sont préparés à entrer en guerre avec Pékin afin d'empêcher son essor économique.
À ce jour, la Chine est encerclée par 400 bases militaires et pour tenter de former ce que beaucoup ont appelé une "OTAN asiatique" - une alliance militaire d'États cherchant à contrer Pékin. L'un des participants volontaires est l'Australie, qui a récemment accepté (sous la pression considérable des États-Unis) d'acheter une flotte de sous-marins nucléaires, dont le coût pourrait s'élever à un quart de billion de dollars américains. Et ce, bien que la Chine soit le premier partenaire commercial de l'Australie.
Les États-Unis ont eu recours à des sanctions et à d'autres actes de guerre économique pour tenter de ralentir la montée en puissance apparemment inévitable de la Chine. L'année dernière, la présence de puces semi-conductrices chinoises dans les produits américains a été interdite, et le géant de l'électronique Huawei empêché d'opérer aux États-Unis.
En outre, les USA se sont engagés dans une guerre de propagande massive contre Pékin, dépeignant le pays comme une menace. Sur le plan intérieur, la propagande a fonctionné : il y a seulement cinq ans, une majorité d'Américains avaient une opinion positive de la Chine. Aujourd'hui, ce chiffre s'est effondré à un niveau historiquement bas de 15 %.
Washington a soutenu toutes sortes de groupes séparatistes en Chine, notamment au Xinjiang, au Tibet, à Hong Kong et à Taïwan, et a tenté de mettre en lumière les mauvais traitements infligés par la Chine à ses populations minoritaires sur la scène internationale. Ses efforts sont largement tombés dans l'oreille d'un sourd au niveau international, les pays du Sud continuant à entretenir des liens économiques, culturels et politiques de plus en plus étroits avec la superpuissance émergente. Et nombreux sont ceux qui considèrent que la coopération chinoise s'accompagne de relativement peu de contraintes, et ne présente aucune menace militaire, contrairement à la coopération avec les États-Unis.
La progression rapide d’une tendance à la dédollarisation dans le monde entier est encore plus préoccupante pour les planificateurs de guerre à Washington. Ces dernières semaines, des pays du monde entier ont annoncé qu'ils allaient renoncer à utiliser le dollar pour le commerce international, ce qui affaiblira considérablement les États-Unis sur le plan économique, et réduira leur capacité à user des sanctions comme moyen de coercition.
C'est donc dans cette optique que nous devrions considérer la dernière marotte TikTok au Congrès. Un empire mondial sur le déclin tente désespérément de maintenir son emprise sur les moyens de communication mondiaux. TikTok enregistre certainement une quantité alarmante de données personnelles sur ses utilisateurs, et un débat sur l'éthique et les implications de telles pratiques s'impose. Mais ce modèle de données est un peu différent de celui de ses concurrents.
Avec des milliards d'utilisateurs dans le monde, les grandes entreprises de réseaux sociaux ont un pouvoir d'influence sur l'opinion publique mondiale bien supérieur à celui des plus grands empires médiatiques. Les États-Unis ont bien compris que celui qui contrôle les algorithmes contrôle les esprits. Au cours des dernières décennies, le département d'État et la CIA ont dépensé des fortunes pour la création de réseaux de centaines d'informateurs rémunérés dans les salles de rédaction à travers l'Amérique, et ont même créé secrètement des centaines de journaux et magazines pour diffuser des informations (ou de la désinformation), afin de modeler l'opinion publique. Aujourd'hui, cependant, pour le gouvernement américain, il est bien plus efficace et plus simple de placer quelques agents à des postes clés dans de grandes entreprises technologiques - avec des résultats bien plus performants.
Les Américains ne doivent donc pas voir en TikTok une sorte de cheval de Troie de la Chine communiste : TikTok est déjà géré par le Département d'État.
* Alan MacLeod est rédacteur principal pour MintPress News. Après avoir obtenu son doctorat en 2017, il a publié deux livres : Bad News From Venezuela : Twenty Years of Fake News and Misreporting et Propaganda in the Information Age : Still Manufacturing Consent, ainsi qu'un certain nombre d'articles universitaires. Il a également contribué à FAIR.org, The Guardian, Salon, The Grayzone, Jacobin Magazine et Common Dreams.
https://scheerpost.com/2023/04/17/tiktok-chinese-trojan-horse-is-run-by-state-department-officials/