đâđš Appel final d'Assange : Votre homme dans la galerie du public - Part. 2
Ce probable appel sera fixé à l'automne avec une décision post-électorale pour ne pas embarrasser Biden. L'establishment a atteint son but en maintenant Julian dans une prison de haute sécurité.
đâđš Appel final d'Assange : Votre homme dans la galerie du public - Part. 2
Par Craig Murray, le 29 février 2024
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J'ai abordĂ© le deuxiĂšme jour dâaudience avec apprĂ©hension. Non pas tant que je sois habituĂ© Ă voir mes espoirs anĂ©antis, mais parce que j'ai vĂ©cu si longtemps sans qu'il mâest difficile aujourd'hui de savoir comment rĂ©agir. Ă 5h30 du matin, j'ai arrĂȘtĂ© de travailler Ă la rĂ©daction de la premiĂšre journĂ©e dâaudience et je suis sorti marcher le long du Strand jusqu'au tribunal. Il y avait un peu plus de monde que la veille Ă la mĂȘme heure et, heureusement, parmi eux se trouvaient les volontaires hĂ©roĂŻques qui mâont gardĂ© ma place.
Un vent dâEst glacial soufflait sur le Strand, venu tout droit de SibĂ©rie, chassant devant lui ce qui semblait ĂȘtre une bonne partie de la mer du Nord, s'insinuant Ă travers les couches de vĂȘtements avec l'aisance d'un fantĂŽme traversant les murs de St Paul's. J'ai donnĂ© aux volontaires mon avis sur l'affaire Ă ce jour, et ce que j'espĂ©rais ĂȘtre un vibrant discours d'encouragement Ă 6 heures du matin. Ils ont Ă©tĂ© Ă©tonnamment joyeux compte tenu des circonstances. La bontĂ© humaine peut rĂ©chauffer de l'intĂ©rieur - j'aimerais pouvoir en faire autant.
AprĂšs avoir expliquĂ© que je voulais publier tout ce que je pouvais avant de retourner au tribunal, je suis retournĂ©e Ă mon Airbnb, oĂč j'ai dĂ» changer de vĂȘtements et mĂȘme de chaussures. Je me suis ensuite remis Ă Ă©crire et ai rĂ©digĂ© quelques paragraphes supplĂ©mentaires avant le procĂšs, puis j'ai cliquĂ© sur âpublierâ.
J'Ă©tais un peu inquiet Ă l'idĂ©e d'ĂȘtre arrĂȘtĂ© ce jour-lĂ - mon apparition le premier jour avait peut-ĂȘtre pris les autoritĂ©s au dĂ©pourvu, et j'avais toujours pensĂ© qu'elles rĂ©flĂ©chiraient un peu avant d'agir sur la base de cette absurde âenquĂȘte sur le terrorismeâ. Mais en fin de compte, je n'ai eu aucun problĂšme, et les fonctionnaires de police comme du tribunal ont continuĂ© Ă se montrer trĂšs amicaux Ă mon Ă©gard.
Lorsque nous avons pris place dans la salle d'audience, il y avait encore moins de siĂšges disponibles pour le public que la veille. En effet, les âmĂ©dias judiciairesâ, c'est-Ă -dire les journalistes basĂ©s Ă Londres disposant d'une accrĂ©ditation permanente auprĂšs du tribunal, Ă©taient beaucoup plus nombreux. Ils avaient largement ignorĂ© le premier jour, car il ne s'agissait que de l'affaire Julian : ils se sont toutefois prĂ©sentĂ©s pour rendre compte de l'affaire du gouvernement amĂ©ricain, le deuxiĂšme jour.
J'ai Ă©tĂ© tĂ©moin du mĂȘme comportement lors de l'affaire du gĂ©nocide devant la CIJ Ă La Haye, oĂč les arguments d'IsraĂ«l le deuxiĂšme jour ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d'une couverture mĂ©diatique bien plus large que ceux de l'Afrique du Sud le premier jour. La BBC a mĂȘme retransmis en direct l'affaire israĂ©lienne, mais pas l'affaire sud-africaine, ce qui constitue en soi un niveau de partialitĂ© stupĂ©fiant.
Il y avait donc moins de places disponibles. Je me suis retrouvée serré contre la dame qui représentait l'avocat du ministre de l'Intérieur, en fait trÚs gentille, et qui n'a cessé de me donner des pastilles de menthe alors qu'il devenait de plus en plus évident que je luttais contre les symptÎmes du rhume.
James Lewis, qui avait prĂ©cĂ©demment reprĂ©sentĂ© le gouvernement amĂ©ricain, Ă©tait absent. Il n'est pas courant de changer de procureur principal au milieu d'une affaire importante, et les juges se mettent gĂ©nĂ©ralement en quatre pour Ă©viter les conflits d'agenda. Je dois avouer que j'ai eu une certaine sympathie pour Lewis, comme mon rapport l'a sans doute montrĂ©. Je me suis demandĂ© s'il n'avait pas perdu confiance en son client : il peut ĂȘtre intĂ©ressant de noter que son profil professionnel Ă©numĂšre ses affaires les plus cĂ©lĂšbres - mais pas cette affaire, pourtant la plus cĂ©lĂšbre entre toutes.
Son numĂ©ro 2, Clare Dobbin, a donc pris les devants ce matin-lĂ . Elle semblait ĂȘtre sur la brĂšche. Un quart d'heure avant l'heure prĂ©vue pour le dĂ©but de l'audience (10h30), elle se tenait prĂȘte Ă intervenir, ses documents soigneusement Ă©talĂ©s sur son pupitre. Elle regardait continuellement la chaise du juge, comme si elle martelait mentalement ses arguments dans cette direction. Ou alors, elle s'imaginait devenir juge.. comment savoir Ă quoi elle pouvait bien penser ? Bon, oublions ça ...
Cela semblait d'autant plus inutile qu'elle se tienne lĂ , prĂȘte Ă intervenir, alors que nous Ă©tions assis tout autour Ă bavarder sans se soucier de rien, sachant que nous devrions tous nous lever ensuite lorsque les juges entreraient, avant de reprendre nos places en toussant, en Ă©teignant nos tĂ©lĂ©phones, en renversant des dossiers, en Ă©crasant des sandwichs, etc. Quoi qu'il en soit, elle se tenait debout, fixant le banc avec gravitĂ©. Cela m'a donnĂ© le temps de remarquer qu'elle avait les cheveux nettement plus longs que la derniĂšre fois qu'elle avait plaidĂ© dans cette affaire, et que de longues mĂšches blondes tombaient parfaitement droites et rĂ©guliĂšrement espacĂ©es, se terminant par en ligne droite dans le dos de sa robe de juge, et non seulement parfaitement droite, mais aussi impeccablement horizontale, et qui restait telle quelle, quels que soient ses mouvements.
C'Ă©tait la chevelure la plus disciplinĂ©e que j'aie jamais vue. Je soupçonne qu'elle les a forcĂ©s Ă se soumettre. Mme Dobbin a un accent extrĂȘmement prononcĂ©. Il sort tout droit de ces gigantesques chantiers navals de Belfast qui n'employaient que des protestants et produisaient de grands paquebots coulant avec une efficacitĂ© inĂ©galĂ©e dans un style plus conforme Ă Hollywood que n'importe quel autre navire dans le monde.
Quelqu'un au chantier naval avait dĂ» prendre l'accent de Mme Dobbin en y ajoutant quelques voyelles allongĂ©es pour rendre lâensemble plus Ă©lĂ©gant, mais cela a malheureusement dĂ» provoquer des fissures de comprĂ©hension sous la ligne de flottaison.
Cependant, il est arrivé quelque chose à Mme Dobbin. Elle qui avait été tonitruante - je l'avais déjà décrite comme un Ian Paisley avec perruque [pasteur presbytérien britannique ancien Premier ministre d'Irlande du Nord en 2007]. Aujourd'hui, il m'a fallu plusieurs minutes pour réaliser qu'elle avait commencé à parler. La situation n'est pas allée en s'améliorant. L'aimable juge Dame Victoria Sharp a dû proposer environ huit formulations différentes au cours de la matinée pour lui demander de parler plus fort, comme une institutrice encouragerait un enfant craintif pour le concert de chants de Noël. En vain.
Une chose est sĂ»re : Mme Dobbin n'a plus confiance dans la cause qu'elle dĂ©fend. Elle n'a pratiquement pas essayĂ© de l'argumenter. Et pas seulement en termes de volume. Mme Dobbin a fait trĂšs peu d'efforts pour rĂ©futer les arguments avancĂ©s par l'Ă©quipe Assange la veille. Au lieu de cela, elle s'est contentĂ©e de lire de grandes parties de l'affidavit fourni par le procureur gĂ©nĂ©ral adjoint des Ătats-Unis, M. Kronberg, Ă l'appui du deuxiĂšme acte d'accusation.
Les juges Johnson et Sharp sachant vraisemblablement lire, la valeur ajoutĂ©e de cet exercice n'Ă©tait pas flagrante. Mme Dobbin ne risque pas tant d'ĂȘtre remplacĂ©e par l'intelligence artificielle que par un pĂšse-personne parlant. Qui, en passant, pourrait avoir des accents plus agrĂ©ables.
Je dois expliquer ce qu'est le âSecond acte d'accusationâ [Second Superseding Indictment]. L'acte d'accusation, ou l'ensemble des accusations pour lesquelles Julian Assange a Ă©tĂ© dĂ©tenu pour la premiĂšre fois en vue de son extradition, n'Ă©tait qu'un ramassis d'absurditĂ©s rassemblĂ©es et griffonnĂ©es au dos de la liste de courses de Mike Pompeo. Toutefois, avant le dĂ©but des audiences, le gouvernement amĂ©ricain a Ă©tĂ© autorisĂ© Ă supprimer ce document et Ă le remplacer par un ensemble d'accusations totalement diffĂ©rent, le âPremier acte d'accusation complĂ©mentaireâ [First Superseding Indictment].
Les audiences sur les restitutions ont dĂ©butĂ© par cinq jours de plaidoiries Ă la Woolwich Crown Court, au cours desquels le premier acte d'accusation a Ă©tĂ© mis en piĂšces par la dĂ©fense. Par consĂ©quent - et veuillez lire ceci trois fois pour surmonter l'incrĂ©dulitĂ© qui va vous submerger - aprĂšs le dĂ©but des audiences et la phase importante des plaidoiries, le gouvernement des Ătats-Unis a Ă©tĂ© autorisĂ© Ă abandonner ces accusations, Ă en changer la teneur et Ă prĂ©senter le deuxiĂšme acte d'accusation avec un ensemble totalement nouveau d'accusations basĂ©es sur l'espionnage et le piratage informatique.
La défense n'a pas été autorisée à modifier ses plaidoiries d'ouverture pour répondre aux nouvelles accusations, ni à bénéficier de la pause de plusieurs mois qu'elle avait sollicitée pour étudier les nouveaux chefs d'accusation et pouvoir y répondre. Elle n'a pas non plus été autorisée à modifier la liste des témoins de la défense, en raison des témoins appelés à réfuter les charges désormais abandonnées, et non les toutes nouvelles inculpations retenues aujourd'hui.
Oui, vous avez bien lu. Non, je n'arrive pas à y croire non plus. Mais reprenons. Je fais de mon mieux pour reconstituer, avec l'aide occasionnelle de l'aimable dame du ministÚre de l'Intérieur, ce que Dobbin a pu marmonner.
Dobbin a commencĂ© par dire que la dĂ©fense avait beaucoup insistĂ© sur le fait que les preuves n'Ă©taient pas contestĂ©es. Il s'agit lĂ d'une interprĂ©tation erronĂ©e. Toutes les preuves de la dĂ©fense ont Ă©tĂ© contestĂ©es. Aucune nâa jugĂ©e recevable.
Le juge Baraitser, a dĂ©clarĂ© M. Dobbin, a fait preuve d'une trĂšs grande indulgence en permettant l'audition de preuves d'une pertinence douteuse. En outre, il existe un lien de parentĂ© entre plusieurs tĂ©moins et entre certains d'entre eux et Julian Assange. Certains, dont un avocat, avaient dĂ©jĂ travaillĂ© pour lui. Le statut et l'expertise des tĂ©moins, individuellement comme collectivement, sont contestĂ©s. Leurs dĂ©positions ont Ă©tĂ© directement contredites par les preuves antĂ©rieures contenues dans les dĂ©clarations sous serment des procureurs gĂ©nĂ©raux adjoints des Ătats-Unis Dwyer et Kronberg.
Cette affaire ne serait pas une affaire concernant le journalisme. Il ne s'agirait que de la divulgation en masse de documents classifiés. Il s'agirait de la publication sans discernement de noms non expurgés. C'est ce qui distinguerait Wikileaks du Guardian ou du New York Times. Le juge Baraitser a, à juste titre, rejeté catégoriquement l'idée que M. Assange est journaliste ou qu'il s'apparente à un journaliste.
Il ne s'agirait pas de poursuites politiques. L'administration américaine a changé au cours de cette procédure, mais la procédure se poursuit parce qu'elle serait fondées sur le droit et les preuves, et non sur des motivations politiques.
Dans le deuxiĂšme acte d'accusation (qui ressemble Ă un trĂšs mauvais film de fiction), l'accusation de piratage est ajoutĂ©e, mais les accusations contenues dans le premier acte d'accusation sont reprises. Ce qui est allĂ©guĂ© n'a aucun rapport avec les affaires relatives Ă la libertĂ© d'expression au titre de l'article X de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme [CEDH] prĂ©sentĂ©es par la dĂ©fense. Cette affaire porterait sur des documents volĂ©s et piratĂ©s, sur un mot de passe hackĂ© pour permettre Ă Wikileaks et Ă Manning de voler des documents aux Ătats-Unis d'AmĂ©rique, et sur la publication ultĂ©rieure de noms non expurgĂ©s qui auraient exposĂ© des personnes Ă un risque immĂ©diat d'atteinte Ă leur intĂ©gritĂ© physique et de dĂ©tention arbitraire.
Les fichiers publiĂ©s sans prĂ©caution seraient volumineux. Ils comprendraient plus de 90 000 documents sur l'Afghanistan, plus de 400 000 sur l'Irak et plus de 250 000 cĂąbles diplomatiques. Assange aurait encouragĂ© et poussĂ© Chelsea Manning Ă tĂ©lĂ©charger ces documents. Le site web de Wikileaks aurait activement sollicitĂ© des documents piratĂ©s. âLa suggestion selon laquelle Mlle Manning est une lanceuse d'alerte n'est pas rĂ©aliste. Un lanceur d'alerte rĂ©vĂšle du matĂ©riel obtenu lĂ©galement dans le cadre de son emploiâ. Mme Manning aurait toutefois obtenu des documents de maniĂšre illĂ©gale.
Le fait qu'Assange dĂ©crypte le hachage du mot de passe âva bien au-delĂ des prĂ©rogatives d'un journalisteâ. Le juge Baraitser Ă©tait donc tout Ă fait en droit de donner tout son poids Ă cet aspect de l'affaire.
Les Ătats-Unis auraient Ă©tĂ© obligĂ©s de faire beaucoup d'efforts pour attĂ©nuer le danger encouru par leurs sources aprĂšs la rĂ©vĂ©lation de leurs noms, beaucoup auraient Ă©tĂ© rĂ©installĂ©s, forcĂ©s de dĂ©mĂ©nager. L'accusation porte sur le fait que l'accusĂ© aurait sciemment et dĂ©libĂ©rĂ©ment publiĂ© les noms des informateurs.
Comme l'a souligné le procureur général adjoint Kronberg, les accusations ont été approuvées par un grand jury fédéral, aprÚs un examen indépendant trÚs minutieux des preuves.
Bien que ces poursuites soient sans prĂ©cĂ©dent, elles se sont dĂ©roulĂ©es selon des principes Ă©tablis de longue date. Les journalistes ne bĂ©nĂ©ficient d'aucune immunitĂ© sâils contreviennent au droit pĂ©nal. Il existe dĂ©sormais une loi spĂ©cifique contre la divulgation intentionnelle des noms des agents de renseignement et des sources, et il a Ă©tĂ© jugĂ© que cela n'enfreignait pas le Premier Amendement. Les seuls documents pour lesquels Assange est poursuivi en vertu de la loi sur l'espionnage sont ceux qui contiennent des noms. C'est la diffĂ©rence entre cette affaire et les cas prĂ©cĂ©dents qui ont Ă©tĂ© ou n'ont pas Ă©tĂ© poursuivis.
M. Kronberg a affirmĂ© dans sa dĂ©claration sous serment qu'il existe des preuves que des personnes auraient dĂ» quitter leur domicile, voire leur pays, Ă la suite de cette divulgation. Plusieurs d'entre elles auraient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es ou interrogĂ©es, et d'autres auraient disparu.
Les documents publiés par Wikileaks auraient été utiles à des gouvernements hostiles, à des groupes terroristes et à des organisations criminelles. Oussama Ben Laden et les Talibans auraient cherché et étudié certains des documents divulgués.
Ă ce stade, les juges semblent beaucoup plus Ă l'aise que la veille. Ils se sont assis sur leurs chaises, visiblement dĂ©tendus et souriants. Hier, ils ont Ă©tĂ© dĂ©contenancĂ©s par des confrĂšres qui leur ont parlĂ© des crimes de guerre amĂ©ricains qu'ils auraient prĂ©fĂ©rĂ© ne pas entendre. Aujourd'hui, ils ont eu droit Ă un simple rĂ©cital de clichĂ©s du Daily Mail et de mots clĂ©s qui renforcent la vision du monde de l'establishment. Ils Ă©taient Ă nouveau dans leur milieu, comme des poissons tropicaux grassouillets dans un aquarium dont le chauffage, tombĂ© en panne la veille, venait d'ĂȘtre rĂ©parĂ©.
Mme Dobbin a poursuivi en affirmant qu'il n'Ă©tait pas question de mettre en balance l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. âLes documents publiĂ©s par M. Assange sans ĂȘtre expurgĂ©s ne prĂ©sentent aucun intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. C'est le cĆur de l'affaireâ.
Le juge Johnson a demandé à Mme Dobbin si elle acceptait les preuves fournies hier selon lesquelles d'autres personnes ont publié les documents non expurgés avant Wikileaks. Mme Dobbin a répondu qu'Assange était responsable de la diffusion de ces documents en premier lieu.
Sur la question de l'extradition pour motifs politique, la loi de 2003 aurait modifié le droit de l'extradition et aurait délibérément supprimé l'interdiction de l'extradition pour des délits politiques figurant à l'article 6 de la loi sur l'extradition de 1989 :
En revanche, l'article 81 de la loi sur l'extradition de 2003 stipule ce qui suit :
La phrase âinfraction politiqueâ aurait Ă©tĂ© de toute Ă©vidence dĂ©libĂ©rĂ©ment supprimĂ©e par le Parlement, a affirmĂ© M. Dobbin.
Le juge Johnson a demandé s'il existait des documents publiés par le gouvernement ou des déclarations de ministres dans le registre des débats (Hansard) qui expliqueraient l'omission. M. Dobbin a répondu que cela n'était pas nécessaire : la suppression était claire à la lecture de l'article 81. Si un traité contient une disposition non incorporée dans le droit national britannique, il n'appartient pas au tribunal de la rétablir. L'exclusion des infractions politiques en matiÚre d'extradition ne relÚverait pas du droit international coutumier.
Un traitĂ© non intĂ©grĂ© peut donner lieu Ă une obligation en droit national, mais ne peut pas contredire les termes d'une loi. L'article 4 du traitĂ© d'extradition Ătats-Unis/Royaume-Uni de 2007 contredit les termes de la section 81(a) de la loi sur l'extradition de 2003. Cet article du traitĂ© relĂšve donc de la compĂ©tence du Royaume-Uni, mĂȘme s'il est appliquĂ© aux Ătats-Unis oĂč il ne contredit pas la lĂ©gislation nationale. Alors que les traitĂ©s d'extradition sont censĂ©s ĂȘtre rĂ©ciproques et interprĂ©tĂ©s de la mĂȘme maniĂšre par les deux parties, cela n'empĂȘche pas une extradition unilatĂ©rale par une des parties.
Ă ce stade, le juge Johnson regardait Mme Dobbin avec une certaine inquiĂ©tude, comme un supporter local lors d'un match de football dont lâĂ©quipe perd inopinĂ©ment 3 Ă 0, et qui ne comprend pas vraiment pourquoi elle fait une si mauvaise performance.
à ce stade, il me paraßt opportun d'introduire un contexte afin de permettre au lecteur de mieux comprendre cet argument essentiel. La question est la suivante. Cette disposition de l'article 81 (A) de la loi sur l'extradition de 2003 est-elle incompatible avec la présente section ?
... est-elle incompatible avec cette section du traitĂ© d'extradition de 2007 entre les Ătats-Unis et le Royaume-Uni ?
... de maniĂšre Ă rendre ce dernier nul et non avenu ? Il s'agit d'une question fondamentale dans cette audience et de l'affirmation faite par Dobbin.
Si le juge Baraitser a acceptĂ© cet argument, cela signifie Ă©videmment que les juristes du ministĂšre de l'intĂ©rieur ont rĂ©digĂ© en 2007 un traitĂ©, approuvĂ© par les juristes du Foreign Office, dont aucun des deux groupes de juristes n'aurait remarquĂ© l'incompatibilitĂ© avec la lĂ©gislation que ces mĂȘmes juristes avaient rĂ©digĂ©e quatre ans plus tĂŽt.
Cela signifierait également que les mécanismes fondamentaux visant à garantir la compatibilité des traités avec la législation nationale, qui impliquent un grand nombre de consultations formelles écrites entre divers départements, ont également échoué. J'ai personnellement travaillé sur ces mécanismes lorsque j'étais au Foreign Office, et je ne vois pas comment ils pourraient échouer.
L'argument de M. Dobbin repose essentiellement sur l'idée que le traité d'extradition donne une définition plus large des motifs politiques d'extradition que la loi. Ainsi, si l'extradition d'Assange est interdite par le traité, elle ne l'est pas par la loi.
Mais cela n'a manifestement aucun sens. Le but de la disposition beaucoup plus dĂ©taillĂ©e du traitĂ© est manifestement de limiter ce qui est considĂ©rĂ© comme politique dans le cadre de la dĂ©finition trĂšs large de la loi. Elle rĂ©duit le motif de refus de l'extradition en tant que motif politique, elle ne l'Ă©tend pas. Que mĂȘme cette longue liste de restrictions n'exclue pas l'activitĂ© de Wikileaks est extrĂȘmement rĂ©vĂ©lateur.
Bon, fin de la parenthĂšse. Revenons Ă l'audience.
Mme Dobbin a poursuivi en affirmant que les arguments relatifs Ă l'abus de procĂ©dure ne permettraient pas d'incorporer des traitĂ©s internationaux non inscrits dans la loi. Ă titre d'exemple, les obligations prĂ©sumĂ©es du Royaume-Uni en vertu de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant ont Ă©tĂ© jugĂ©es par les tribunaux comme n'Ă©tant pas exĂ©cutoires en droit national. Les Ătats-Unis ne reconnaissent pas qu'il s'agit d'un dĂ©lit politique. Mais mĂȘme si c'Ă©tait le cas, Swift et Baraitser auraient raison de dire qu'il n'y a pas d'obstacle Ă l'extradition pour les dĂ©lits politiques.
Elle a affirmĂ© que les poursuites semblaient porter sur un dĂ©lit pĂ©nal, mais qu'elles seraient en rĂ©alitĂ© politiques. Cet argument doit ĂȘtre traitĂ© avec beaucoup de prudence, car n'importe quel criminel pourrait prĂ©tendre que son infraction Ă©tait motivĂ©e par des considĂ©rations politiques.
Le point de dĂ©part doit ĂȘtre la prĂ©somption de bonne foi de la part de l'Ătat avec lequel le Royaume-Uni a conclu un traitĂ© d'extradition. Les Ătats-Unis sont l'un des partenaires internationaux les plus anciens et les plus proches du Royaume-Uni.
L'article de Yahoo [qui a divulguĂ© des propos de hauts fonctionnaires amĂ©ricains attestant que lâadministration amĂ©ricaine de Trump et de Mike Pompeo avait Ă©laborĂ© des plans pour kidnapper, empoisonner et tuer Assange alors rĂ©fugiĂ© dans lâambassade - 2017] ne constituait pas une nouvelle preuve. Il aurait Ă©tĂ© attentivement examinĂ© et rejetĂ© par Swift et Baraitser. Il serait incohĂ©rent sur le plan interne et comporterait des dĂ©nĂ©gations officielles de la conduite allĂ©guĂ©e. Le tribunal devra examiner le lien entre ceux qui font des allĂ©gations d'irrĂ©gularitĂ© et l'appelant. Il n'y aurait tout simplement pas de preuve qu'un prĂ©judice quelconque serait causĂ© Ă Assange s'il Ă©tait extradĂ©.
MĂȘme en acceptant l'article de Yahoo comme preuve, cela n'affecterait pas pour autant la base objective de la procĂ©dure d'extradition. L'article indique que l'enlĂšvement a Ă©tĂ© rejetĂ© par les avocats du gouvernement amĂ©ricain car il interfĂ©rerait avec les procĂ©dures pĂ©nales.
Ce ne serait pas du journalisme que d'encourager les gens Ă enfreindre la loi sur les secrets officiels ou Ă voler des informations. Mlle Manning ne serait pas une lanceuse d'alerte, mais une pirate informatique. Le discours protĂ©gĂ© ne serait donc pas concernĂ© et l'ensemble de l'argumentation tomberait Ă l'eau. M. Baraitser a clairement distinguĂ© Wikileaks du concept de âjournalisme responsableâ. La diffusion massive et indiscriminĂ©e d'informations ne prĂ©senterait aucun intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles le statut de lanceuse d'alerte ne saurait ĂȘtre attribuĂ© Ă Chelsea Manning. Rien ne prouve que Manning dĂ©tenait des informations spĂ©cifiques Ă transmettre ou des questions spĂ©cifiques Ă traiter.
Julian Assange n'Ă©tait pas tenu de divulguer les documents non expurgĂ©s. Il ne s'agissait pas d'un Ă©lĂ©ment indispensable Ă ses publications. Le New York Times aurait publiĂ© une partie de ces documents de maniĂšre responsable et expurgĂ©e. En revanche, M. Assange se serait arrogĂ© le rĂŽle de dĂ©cider de ce qui est dans l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
Mme Dobbin s'est trompĂ©e dans son approche de l'article X sur la libertĂ© d'expression. En Angleterre et au Pays de Galles, il ne s'agit pas de dĂ©terminer si une publication donnĂ©e est compatible avec l'article X, mais si une accusation pĂ©nale donnĂ©e est compatible avec l'article X. De toute Ă©vidence, l'accusation serait compatible avec l'article X dans le cas prĂ©sent. Dans ce cas, l'accusation serait clairement compatible avec les restrictions imposĂ©es par l'article X pour des raisons de SĂ©curitĂ© nationale. Il n'y aurait pas eu d'erreur de droit. Dans cette juridiction, Assange pourrait Ă©galement ĂȘtre accusĂ© de conspiration.
M. Johnson a ensuite posé une question trÚs prudente. Si, dans ce pays, un journaliste disposait d'informations sur des malversations gouvernementales graves et sollicitait des documents classifiés, et publiait ces documents de maniÚre sérieuse et prudente, cela n'engagerait-il pas l'article X ?
Dobbin a répondu qu'à la suite de la décision rendue dans l'affaire Shayler, il aurait dû rechercher des solutions en interne.
M. Johnson a insisté sur le fait qu'il ne parlait pas de lanceur d'alerte mais de journaliste. Ce dernier bénéficierait-il de la protection de l'article X ?
M. Dobbin a rĂ©pondu que non, mais qu'il faudrait procĂ©der Ă un critĂšre de proportionnalitĂ© avant d'engager des poursuites. (Vous vous souviendrez que Dobbin avait dĂ©clarĂ© prĂ©cĂ©demment que dans ce cas, il n'Ă©tait pas nĂ©cessaire de procĂ©der Ă un tel test car Manning n'Ă©tait pas une lanceuse d'alerte et que les informations n'Ă©taient pas dans l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral).
Mme Dobbin a dĂ©clarĂ© que les Ătats-Unis s'efforçaient de distinguer ces poursuites sans prĂ©cĂ©dent du journalisme ordinaire. Il s'agirait d'une publication sans discernement de documents non expurgĂ©s. L'affaire Rosen est importante car, bien qu'elle ait Ă©tĂ© jugĂ©e par une juridiction de premiĂšre instance, elle explique pourquoi on poursuit Wikileaks et non le New York Times. (Cette affaire a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e Ă plusieurs reprises au cours des audiences. Pour l'heure, elle concerne la rĂ©ception et l'utilisation d'informations classifiĂ©es par l'AIPAC).
S'il est vrai que les Ătats-Unis pourraient faire valoir que Julian Assange n'a pas droit Ă la protection du Premier Amendement en raison de sa nationalitĂ©, il n'a pas Ă©tĂ© dit qu'ils le feraient. Il s'agit simplement d'une option. Cela ne pourrait donc pas constituer un obstacle Ă l'extradition en raison d'une discrimination fondĂ©e sur la nationalitĂ© en vertu de l'article 81a.
M. Johnson a ajoutĂ© que, dans la dĂ©claration sous serment, le procureur avait clairement indiquĂ© que cela pourrait ĂȘtre le cas. Dobbin a rĂ©pondu que cela Ă©tait âincertainâ. MĂȘme si le procureur l'a fait, il n'y a aucun moyen de savoir comment cela pourrait fonctionner. Le juge pourrait le rejeter. Cet argument pourrait Ă©chouer devant le tribunal. Cette possibilitĂ© n'offrirait pas de base suffisante pour exclure l'extradition sur la base d'une discrimination en raison de la nationalitĂ©. En outre, il s'agirait de droits garantis par la Convention ne relevant pas de la compĂ©tence de ce tribunal.
Ă ce moment-lĂ , le juge Dame Victoria Sharp a regardĂ© Mme Dobbin avec une expression d'inquiĂ©tude, alors que cette derniĂšre jacassait dans une sorte de flux continu de phrases dĂ©pourvues de sens. Le juge Johnson a tentĂ© de la ramener Ă la rĂ©alitĂ©. Disposons-nous d'Ă©lĂ©ments prouvant, a-t-il demandĂ©, qu'un ressortissant Ă©tranger a effectivement les mĂȘmes droits au titre du Premier Amendement qu'un citoyen amĂ©ricain ?
Eh bien, oui, a rĂ©pondu Mme Dobbin. Ou peut-ĂȘtre que non. L'un des deux. (Elle va trouver !)
Sur ce, Mme Dobbin s'est assise en affichant une mine extrĂȘmement soulagĂ©e. Elle Ă©tait allĂ©e jusqu'au bout et avait parlĂ© si doucement que trĂšs peu de gens avaient entendu ce qu'elle venait de dire. Elle n'a donc pas fait trop de dĂ©gĂąts. Les juges semblaient encore plus soulagĂ©s qu'elle ait terminĂ©. Le professeur Alice Edwards, redoutable rapporteur spĂ©cial des Nations unies sur la torture, Ă©tait prĂ©sente au tribunal. Je voulais lui demander si le fait d'Ă©couter Mme Dobbin pendant plus de 15 minutes pouvait en soi ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une peine cruelle et inhabituelle, mais elle Ă©tait malheureusement assise trop loin.
Le procureur suivant pour les Ătats-Unis s'est alors levĂ©, un certain M. Smith, promu du numĂ©ro 3 au numĂ©ro 2 en l'absence de M. Lewis. D'aprĂšs ses maniĂšres, M. Smith n'avait aucun doute sur le dossier de son client, ou du moins il n'avait aucun doute sur ses honoraires, ce qui revient au mĂȘme. Il n'a pas non plus eu de difficultĂ©s particuliĂšres Ă se faire entendre. Il a mĂȘme Ă©tĂ© entendu jusqu'Ă Chelsea.
Il dit vouloir aborder le faisceau de griefs formulĂ©s par le requĂ©rant au titre des articles IV et VI de la CEDH, relatifs au procĂšs Ă©quitable, Ă l'Ătat de droit et Ă l'abus de procĂ©dure. Dans ses observations Ă©crites, le requĂ©rant avait fait rĂ©fĂ©rence au systĂšme de nĂ©gociation de plaidoyer comme imposant des plaidoyers de culpabilitĂ© en brandissant la menace d'une peine disproportionnĂ©e, interfĂ©rant ainsi avec les rĂšgles d'un procĂšs Ă©quitable. Mais cet argument n'a jamais Ă©tĂ© retenu dans le cadre d'une extradition vers les Ătats-Unis. Dans certains domaines, comme la sĂ©lection du jury, le dĂ©fendeur a de meilleurs droits qu'au Royaume-Uni.
En ce qui concerne les renforcements de peine par rapport Ă d'autres infractions prĂ©sumĂ©es non retenues, il ne peut s'agir d'un abus de procĂ©dure ou d'un dĂ©ni d'Ă©quitĂ© du procĂšs. Il s'agit d'une âspĂ©cificitĂ© ou nonâ, la spĂ©cificitĂ© Ă©tant le principe du droit international selon lequel une personne extradĂ©e ne peut ĂȘtre inculpĂ©e que pour l'infraction dĂ©signĂ©e.
Comme l'avait notĂ© le plaignant, le juge de premiĂšre instance amĂ©ricain peut aggraver la peine en fonction du degrĂ© de culpabilitĂ© du requĂ©rant pour d'autres infractions, sur la base d'un jugement fondĂ© sur la âprobabilitĂ© de culpabilitĂ©â. La condamnation porte uniquement sur l'infraction reprochĂ©e, aggravĂ©e par d'autres comportements. L'argument de la spĂ©cificitĂ© ne tient donc pas. Cette situation n'est pas diffĂ©rente de celle du Royaume-Uni, oĂč des facteurs aggravants ou attĂ©nuants peuvent ĂȘtre pris en compte.
Cette situation est loin d'atteindre le seuil de violation âflagranteâ de l'Ătat de droit requis pour que la CEDH entre en application. L'article 6, paragraphe 2, ne serait invoquĂ© que si la procĂ©dure impliquait une condamnation supplĂ©mentaire sur la base d'un nouveau chef d'accusation. Le requĂ©rant avait Ă©galement Ă©voquĂ© la possibilitĂ© d'une majoration de la peine sur la base d'informations contenues dans des documents classifiĂ©s communiquĂ©s au juge, mais non au dĂ©fendeur ou Ă ses avocats. Or, aucun Ă©lĂ©ment de preuve prĂ©sentĂ© Ă la Cour n'indiquait que cela se produirait en l'espĂšce.
Nous en venons maintenant, a dĂ©clarĂ© M. Smith, Ă la question des peines manifestement disproportionnĂ©es, que la dĂ©fense a d'abord soulevĂ©e dans le cadre de l'article III de la CEDH et qu'elle invoque Ă prĂ©sent Ă©galement dans le cadre de l'article X relatif Ă la libertĂ© d'expression. Mais il ne s'agit pas ici d'imposer les normes britanniques en matiĂšre de condamnation Ă des Ătats Ă©trangers. Le critĂšre est de savoir si une dĂ©cision de condamnation est âextrĂȘmeâ.
La défense a estimé à 175 ans la peine maximale pour l'ensemble des chefs d'accusation. Mais les témoins experts de la défense ont fourni des estimations différentes, allant de 30 à 40 ans à 70 à 80 mois.
Dans sa déclaration sous serment, le procureur général adjoint a déclaré qu'éviter les disparités était un élément clé des directives relatives à la détermination de la peine. Mlle Manning a été condamnée à 35 ans et pouvait bénéficier d'une libération conditionnelle aprÚs un tiers de cette peine en vertu du droit militaire. M. Kronberg avait indiqué d'autres comparateurs possibles allant de 42 mois à 63 mois.
Assange aurait Ă©tĂ© accusĂ© d'un comportement trĂšs grave, pour lequel la peine pourrait ĂȘtre alourdie par des facteurs aggravants significatifs. Au Royaume-Uni, Simon Finch a vu sa peine portĂ©e Ă 8 ans pour avoir divulguĂ© un document qui aurait mis en pĂ©ril la SĂ©curitĂ© nationale. En comparaison, l'infraction prĂ©sumĂ©e d'Assange n'est pas seulement grave, elle est aussi sans prĂ©cĂ©dent.
Assange et d'autres membres de Wikileaks auraient recruté Chelsea Manning et d'autres pirates informatiques, les auraient encouragés à voler des informations classifiées et auraient publié des noms non censurés, mettant ainsi des vies en danger et provoquant des déplacements. Par conséquent, aucune des peines proposées à la Cour ne serait manifestement disproportionnée, allant de 60 mois à 40 ans.
L'article X ne pourrait ĂȘtre appliquĂ© dans ces circonstances qu'en cas de violation flagrante des droits Ă la libertĂ© d'expression. Ce n'Ă©tait pas le cas. Il ne s'agirait ni d'une affaire de lanceur d'alerte, ni de journalisme responsable. L'article X ne pouvait en aucun cas ĂȘtre invoquĂ©.
Le juge Johnson a demandé une copie des conclusions de la cour martiale dans l'affaire Manning.
Ben Watson s'est alors levĂ© pour s'adresser Ă la Cour au nom du ministre de l'intĂ©rieur britannique, bien que, d'aprĂšs son expĂ©rience rĂ©cente, il ne soit pas certain que le ministre soit toujours le mĂȘme lorsqu'il retournera Ă son bureau. Il dĂ©clare que le SecrĂ©taire d'Etat n'a aucun rĂŽle Ă jouer dans la supervision du traitĂ© d'extradition, la dĂ©cision de fond revenant aux juges.
Il a dĂ©clarĂ© qu'il Ă©tait utile de noter que l'interdiction des extraditions politiques aurait Ă©tĂ© supprimĂ©e de l'accord-cadre europĂ©en entre les Ătats membres de l'UE. Il s'agirait d'une âdoctrine en voie de disparitionâ.
Le tribunal n'avait aucune raison de déduire que le Parlement n'était pas conscient de la différence entre l'article 81 de la loi sur l'extradition de 2003 et l'interdiction de l'extradition politique prévue à l'article 6 de la loi de 1989. Voir par exemple la contribution du professeur Ross Cranston MP au débat sur la loi (Cranston était à la fois un ministre et un ancien juge de la High Court).
Je soupçonne M. Watson d'avoir lancé cette idée en pensant que personne ne lirait la contribution du professeur Ross Cranston au débat. J'ai décidé de consulter la contribution du professeur Ross Cranston MP au débat, et voici ce qu'il avait à dire sur le sujet de l'extradition politique, lors des débats du 9 décembre 2002.
L'article 13 fait référence aux circonstances extérieures. Nous n'extraderons personne s'il est possible qu'il soit poursuivi pour ses opinions politiques ou religieuses. C'est une bonne chose. Il y a, bien sûr, la question de la définition. Dans l'affaire Shayler, le tribunal français a refusé d'extrader Shayler vers ce pays au motif qu'il s'agissait d'un délit politique. Il peut donc y avoir des désaccords sur ce que les circonstances extérieures peuvent impliquer. Cependant, il existe une barriÚre efficace dans notre droit national.
Cela va plutĂŽt dans le sens inverse de ce que Watson a voulu faire dire au professeur Cranston. M. Cranston affirme que les dĂ©lits politiques seront toujours interdits et qu'il appartiendra aux tribunaux de les dĂ©finir. Ce n'est manifestement pas la mĂȘme chose que de dire que la loi lĂšve la restriction Ă l'extradition pour les dĂ©lits politiques.
Le juge Johnson a alors posĂ© une question Ă Watson. Le traitĂ© interdit l'extradition pour un dĂ©lit politique. Cela signifie-t-il que si les Ătats-Unis reçoivent une demande d'extradition pour un dĂ©lit politique de la part du Royaume-Uni, ils peuvent la refuser, mais que si le Royaume-Uni reçoit une demande d'extradition pour un dĂ©lit politique identique de la part des Ătats-Unis, il ne peut pas la refuser et le secrĂ©taire d'Ătat ne peut pas la bloquer mĂȘme s'il la considĂšre comme contraire Ă l'article IV ?
M. Watson a répondu par l'affirmative. Il a semblé ne rien trouver de troublant à cela. Le juge Johnson, quant à lui, a paru trouver sa position trÚs étrange.
M. Watson a ensuite abordĂ© la question de la peine de mort. Chelsea Manning n'a pas Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă la peine de mort. Rien n'indique que la requĂ©rante ait Ă©tĂ© sĂ©rieusement menacĂ©e de la peine de mort. Les Ătats-Unis ont dĂ©clarĂ© que M. Assange pourrait purger sa peine en Australie, ce qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une garantie contre la peine de mort. Il n'Ă©tait donc pas nĂ©cessaire que le secrĂ©taire d'Ătat cherche Ă obtenir des garanties. Les Ătats-Unis ont suggĂ©rĂ© que M. Assange encourait une peine maximale de 30 Ă 40 ans.
Le juge Johnson est intervenu de nouveau et a demandĂ© si des dispositions empĂȘcheraient les Ătats-Unis d'ajouter des infractions de complicitĂ© de trahison ou autres chefs d'accusation d'espionnage passibles de la peine de mort. M. Watson a rĂ©pondu que rien ne les en empĂȘchait, mais que cela irait Ă l'encontre de la garantie donnĂ©e lors de la possible exĂ©cution de la peine en Australie. Il y aurait un seuil de possibilitĂ© d'application de la peine de mort avant que le secrĂ©taire d'Ătat ne soit obligĂ© de chercher Ă obtenir des garanties contre cette Ă©ventuelle condamnation.
Edward Fitzgerald s'est alors levé pour répondre aux questions. Il était en bien meilleure forme aujourd'hui, trÚs offensif, méprisant les arguments qu'il balayait d'un revers de main rhétorique.
Les Ătats-Unis n'ont pas abordĂ© la question de l'arbitraire. Bien sĂ»r, il est arbitraire d'enfermer quelqu'un en vertu d'un traitĂ© d'extradition, tout en ignorant dĂ©libĂ©rĂ©ment une disposition majeure de ce mĂȘme traitĂ© qui stipule spĂ©cifiquement qu'il ne doit pas ĂȘtre enfermĂ©. MĂȘme si nous ignorions cette disposition essentielle du traitĂ©, M. Assange continuerait d'ĂȘtre sanctionnĂ© pour ses opinions politiques, en violation de l'article 81 de la loi sur l'extradition.
Il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© que la suppression de l'expression âinfraction politiqueâ de la loi de 2003 Ă©tait une âomission expresseâ. Mais aucune preuve n'a Ă©tĂ© apportĂ©e Ă ce sujet.
âNe pas trancher prĂ©voit par dĂ©duction lâapplication de la loi, qui dĂ©sapprouve une disposition qui se trouve clairement dans le traitĂ© subsĂ©quentâ.
Il est ridicule de dire que l'interdiction de l'extradition politique est obsolĂšte. Ce n'est pas le cas. Le Royaume-Uni continue de signer des traitĂ©s d'extradition contenant exactement la mĂȘme disposition. Elle figure dans tous les traitĂ©s d'extradition du Royaume-Uni, Ă l'exception de deux d'entre eux (plus de 150). Elle figure dans tous les traitĂ©s d'extradition des Ătats-Unis. Elle figure dans de nombreux accords internationaux importants. Il s'agit manifestement d'un abus de procĂ©dure. Comme l'ont clairement dĂ©clarĂ© Bingham et Harper, âc'est commettre un abus que de priver quelqu'un de la protection du traitĂ©â.
Les Ătats-Unis sont loin d'avoir satisfait Ă la condition relative Ă la discrimination fondĂ©e sur la nationalitĂ© si M. Assange ne bĂ©nĂ©ficie pas de la protection du Premier Amendement parce qu'il n'est pas citoyen amĂ©ricain. Lorsque le procureur amĂ©ricain dĂ©clare qu'il peut ou non appliquer cette discrimination, il ne rĂ©pond pas, pas plus que s'il disait qu'il se rĂ©serve le droit de torturer quelqu'un, mais qu'il n'est pas en droit de le faire.
En ce qui concerne le relÚvement de la peine, ce point n'a pas non plus été abordé. Il y a un risque évident qu'Assange soit condamné pour des délits dont il n'est pas accusé.
Le juge Sharp a demandĂ© Ă M. Fitzgerald si ce point ne pouvait pas bloquer toute extradition vers les Ătats-Unis. Fitzgerald a rĂ©pondu que non, qu'il fallait juger au cas par cas de la probabilitĂ© que cela se produise. Dans le cas prĂ©sent, le tribunal dispose d'Ă©lĂ©ments prouvant que l'accusation n'a pas Ă©tĂ© motivĂ©e par les dĂ©lits reprochĂ©s, mais par d'autres comportements prĂ©sumĂ©s. Le juge Sharp a demandĂ© s'il parlait des fuites de âVault 7â sur la CIA. Fitzgerald a confirmĂ© que oui.
Mark Summers KC s'est alors levĂ© pour poursuivre son rĂ©quisitoire. Il est remarquable, a-t-il dĂ©clarĂ© avec une rage Ă peine contenue, que les avocats des Ătats-Unis aient parlĂ© pendant des heures sans jamais reconnaĂźtre les preuves massives du comportement criminel des Ătats-Unis au niveau de l'Ătat, rĂ©vĂ©lĂ©es dans les documents divulguĂ©s. Ils n'ont jamais mentionnĂ© ou reconnu les crimes de guerre rĂ©vĂ©lĂ©s. Il n'y a jamais eu au tribunal la moindre contestation des tĂ©moins ayant attestĂ© pendant des jours que les documents rĂ©vĂ©laient des crimes commis au niveau de l'Ătat.
Summers a dĂ©clarĂ© que l'un des principaux arguments des Ătats-Unis semble reposer sur l'idĂ©e que ce qui constitue un acte politique et une persĂ©cution politique au sens de l'article 81, ainsi que les normes de preuve requises pour en juger, sont diffĂ©rentes dans une audience d'extradition de celles appliquĂ©es dans l'examen des cas d'asile politique. C'est faux, ces critĂšres sont les mĂȘmes. Les catĂ©gories protĂ©gĂ©es de l'article 33 de la Convention sur les RĂ©fugiĂ©s de 1954 sont les suivantes
⊠du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.
... sont en pratique identiques aux catégories protégées de l'article 81 de la Loi sur l'Extradition de 2003 :
⊠du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de ses opinions politiques
Il y a une raison Ă cela. La protection Ă accorder en vertu de la loi sur l'extradition et de la convention sur les rĂ©fugiĂ©s est identique, pour des raisons identiques, et doit ĂȘtre jugĂ©e selon les mĂȘmes normes.
Lorsque des poursuites sont engagĂ©es pour avoir publiĂ© des preuves de crimes de guerre, le lien avec la persĂ©cution politique est on ne peut plus Ă©vident. La publication d'informations exposant les crimes d'un Ătat est un discours protĂ©gĂ©. L'Ătat que vous avez dĂ©noncĂ© ne peut pas vous poursuivre pour cela.
Nous avons beaucoup entendu parler du procureur général adjoint Kronberg, mais il n'a pas été l'initiateur de cette affaire. Tout cela a été décidé bien au-dessus de ses compétences. Les poursuites ont été décidées au plus haut niveau. On ne peut pas discuter des moutons en ignorant le berger. L'accusation avait noté que Trump avait fait l'éloge de Wikileaks à plusieurs reprises, comme si cela excluait la possibilité que des agences américaines complotent pour tuer Assange. Cela n'a manifestement pas été le cas.
L'article de Yahoo News et le témoin protégé n° 2 montrent clairement que les autorités américaines avaient l'intention d'assassiner, d'enlever ou d'empoisonner M. Assange. Qu'est-ce que cela nous apprend sur les intentions du gouvernement américain, par opposition aux affirmations insipides de M. Kronberg ?
L'argument du caractÚre prévisible n'a pas été contré. Aucun effort n'a été fait pour le contrer. En 2010, il était impossible de prévoir que la publication entraßnerait des accusations d'espionnage contre l'éditeur. Cela ne s'était jamais produit auparavant. Encourager un lanceur d'alerte à produire des documents n'était certainement pas sans précédent. C'est une affirmation absurde. Il s'agit d'une activité journalistique courante, comme en témoignent les experts. Aucun témoin n'a été produit pour dire le contraire.
Bien sĂ»r, il est illĂ©gal pour les journalistes de commettre des actes criminels pour obtenir des documents. Mais ce n'est pas ce qui s'est passĂ© ici. Mais mĂȘme dans ce cas, cela ne rendrait pas l'acte de publication illĂ©gal.
La publication de noms non expurgĂ©s n'Ă©tait pas du tout sans prĂ©cĂ©dent. Daniel Ellsberg a attestĂ© lors de ces mĂȘmes auditions que les Pentagon Papers qu'il a publiĂ©s contenaient des centaines de noms non expurgĂ©s de sources et d'officiers. L'affaire Philip Agee a Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© des noms non expurgĂ©s de sources et d'officiers. Aucune de ces affaires n'a donnĂ© lieu Ă des poursuites au titre de la loi sur l'espionnage, ni Ă des poursuites Ă l'encontre d'un journaliste ou d'un Ă©diteur.
Les informations divulguĂ©es ont rĂ©vĂ©lĂ© des crimes de guerre. L'article X est donc inĂ©vitablement concernĂ© par les discours protĂ©gĂ©s. L'affaire Shayler a Ă©tĂ© mal interprĂ©tĂ©e par l'accusation. Cet arrĂȘt excluait spĂ©cifiquement la presse de toute responsabilitĂ© en cas de publication. Il portait sur la position du lanceur d'alerte. Ici, Assange n'est pas le lanceur d'alerte, c'est Manning qui l'est. Assange est l'Ă©diteur. Aucune des autoritĂ©s de Strasbourg ne suggĂšre que la presse doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme lanceuse d'alerte. Ce que Strasbourg Ă©nonce, c'est qu'il doit y avoir un exercice de mise en balance, au titre de l'article X, de l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral des divulgations. Aucun examen de ce type n'a Ă©tĂ© effectuĂ© par Baraitser.
L'accusation a refusĂ© de reconnaĂźtre le fait, Ă©tayĂ© par des tĂ©moignages nombreux et incontestĂ©s, qu'Assange avait entrepris pendant toute une annĂ©e un important travail de correction afin d'Ă©viter la publication de noms susceptibles d'ĂȘtre mis en danger. Au cours de cette mĂȘme annĂ©e, l'un des partenaires mĂ©diatiques a publiĂ© le mot de passe du document non expurgĂ© en tĂȘte de chapitre d'un livre. M. Assange a alors dĂ©ployĂ© des efforts dĂ©sespĂ©rĂ©s pour limiter les dĂ©gĂąts, notamment en tĂ©lĂ©phonant Ă la Maison Blanche. Cela ne concorde pas du tout avec le rĂ©cit de l'accusation selon lequel âAu mieux, M. Assange a Ă©tĂ© imprudent en fournissant la clĂ© Ă M. Leighâ.
Plusieurs autres personnes, dont le site Cryptome, ont alors publié en premier la base de données complÚte et non expurgée. Aucun d'entre eux n'a été poursuivi, ce qui prouve une fois de plus que ces poursuites étaient imprévisibles.
Cependant, aucune preuve n'a Ă©tĂ© apportĂ©e que les divulgations auraient causĂ© un prĂ©judice Ă une personne quelconque. La divulgation a engendrĂ© un risque. Ce risque doit ĂȘtre mis en regard de la peine de 30 Ă 40 ans de prison proposĂ©e par l'accusation. Cela signifie âpour le restant de ses joursâ. Chelsea Manning a Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă 35 ans. Il a Ă©tĂ© prouvĂ© que la peine de 30 ans Ă©tait un âplancher et non un plafondâ. Une telle condamnation pour publication âchoque la conscience de tous les journalistes du mondeâ.
Pour quelle raison ? Pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© des crimes d'Ătat tels que la torture, les restitutions, le waterboarding, les frappes de drones, les meurtres, les assassinats, la trahison. Strasbourg considĂšre que la rĂ©vĂ©lation de ces crimes d'Ătat est extrĂȘmement importante. La Cour a jugĂ© que la rĂ©vĂ©lation de tels abus Ă©tait clairement couverte par l'article X. Les fuites ont eu la capacitĂ© de mettre fin Ă ces abus, et dans certains cas, ce fut vraiment le cas. La divulgation d'actes criminels internationaux majeurs l'emporte sur le risque crĂ©Ă© par la rĂ©vĂ©lation des noms de certaines personnes impliquĂ©es dans ces actes.
Dame Victoria a fait remarquer que certains des noms cités concernaient des personnes non impliquées dans des actes criminels. Summers a reconnu ce fait, mais a déclaré
qu'âil n'est tout simplement pas dĂ©fendable de soutenir, comme le fait l'accusation, qu'il n'y a aucun intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Ă ce que ces publications soient diffusĂ©esâ.
Concernant la peine capitale, le ministĂšre de l'intĂ©rieur a affirmĂ© qu'il n'y avait âpas de risque rĂ©elâ. Mais il a admis qu'Assange pouvait ĂȘtre accusĂ© d'une infraction passible de la peine capitale. Cette dĂ©marche ne constitue pas une Ă©valuation des risques. La loi stipule que dans les cas oĂč la peine de mort pourrait ĂȘtre imposĂ©e, il faut s'assurer de ne pas l'encourir.
âNous ne comprenons pas pourquoi il n'y a pas de garantie systĂ©matique contre la peine de mort dans ce cas. S'il n'y a pas de risque, il n'y a certainement pas de difficultĂ© Ă fournir cette garantieâ.
Puis, tout d'un coup, l'audience s'est terminée. Les juges se sont levés et sont sortis par la porte située derriÚre eux. Cinq minutes plus tard, ils sont revenus et ont mis leur jugement en délibéré, demandant que divers documents soient fournis, avec pour dernier délai le 4 mars. Puis ils sont partis et l'affaire a été close.
Je suis conscient que ce compte rendu est moins fluide et se lit de maniĂšre beaucoup plus dĂ©cousue que le compte rendu du premier jour. C'est tout simplement ainsi que les choses se sont passĂ©es. Le premier jour, l'Ă©quipe juridique d'Assange a prĂ©sentĂ© un exposĂ© planifiĂ© et dĂ©taillĂ© de l'affaire.Le deuxiĂšme jour, les Ătats-Unis et le ministĂšre de l'intĂ©rieur ont rĂ©pondu, et ce de maniĂšre plutĂŽt dĂ©cousue, se contentant essentiellement de rĂ©itĂ©rer les accusations. Peu d'arguments juridiques ont Ă©tĂ© avancĂ©s pour expliquer pourquoi Baraitser et Swift avaient eu raison de les accepter. La rĂ©futation s'est ensuite rĂ©sumĂ©e Ă une sĂ©rie de rĂ©ponses rapides sur des points spĂ©cifiques.
Force est de constater que les juges n'ont pas Ă©tĂ© convaincus par certains Ă©lĂ©ments de l'accusation. Le risque de discrimination liĂ©e Ă la nationalitĂ© dans l'application du Premier Amendement semble ĂȘtre un argument auquel les juges ont cherchĂ© en vain une rĂ©ponse adĂ©quate. Ils ont Ă©galement Ă©tĂ© manifestement mĂ©contents de l'absence de garanties concernant la peine de mort.
Mais l'Ătat sĂ©curitaire britannique n'acceptera jamais que la publication de secrets d'Ătat soit justifiĂ©e lorsqu'elle rĂ©vĂšle des crimes d'Ătat, et les juges se sont dĂ©sespĂ©rĂ©ment cramponnĂ©s Ă la ruse pour Ă©viter cette question en disant qu'il ne s'agit que de la publication de noms de sources innocentes. En outre, ils n'envisageront jamais les critiques plus gĂ©nĂ©rales du systĂšme amĂ©ricain, telles que la majoration des peines.
Je pense donc qu'un nouvel appel sera accordé, mais uniquement sur la base des motifs limités de la discrimination par la nationalité et de la peine de mort. Si on leur force ainsi la main, les Américains produiront des garanties concernant la peine de mort et l'appel portera sur la discrimination fondée sur la nationalité.
Ce probable appel sera programmé pour l'automne et son résultat sera reporté aprÚs les élections américaines afin d'éviter de mettre Biden dans l'embarras. C'est ce que je pense de la suite des événements. Bien sûr, pendant ce temps, l'establishment a atteint son objectif en maintenant Julian plus longtemps dans une prison de haute sécurité.
Ce qui m'a le plus frappĂ© dans toute cette procĂ©dure, c'est que lors des premiĂšres audiences, les Ătats-Unis ont tenu Ă minimiser la sentence possible, soulignant sans cesse que 6 Ă 7 ans Ă©taient probables. Maintenant qu'une dĂ©cision antĂ©rieure a Ă©cartĂ© les considĂ©rations relatives aux conditions de dĂ©tention aux Ătats-Unis et Ă la santĂ© de Julian, les Ătats-Unis ont radicalement changĂ© de tactique et ont insistĂ© Ă plusieurs reprises sur le fait que 30 Ă 40 ans constituent la norme, ce qui Ă©quivaut en fait Ă une peine d'emprisonnement Ă vie. Ce changement, ainsi que le refus jusqu'Ă prĂ©sent d'exclure la peine de mort, donne la mesure du caractĂšre impitoyable avec lequel la CIA poursuit cette affaire.
Je vous prie de m'excuser pour le retard pris dans la rédaction de ce rapport. J'ai attrapé un sérieux rhume - je pense que c'est dû au froid et à l'humidité qui régnaient à Londres la semaine derniÚre - et j'étais vraiment incapable du moindre effort.