👁🗨 Après avoir été expulsés par les colons, des Palestiniens saluent leur retour incertain à Zanuta
“Aujourd'hui, je vais dormir ici, contempler le ciel au-dessus de ma maison & compter les étoiles. Au matin, je verrai enfin le soleil se lever sur mon village. C'est un sentiment indescriptible”.
👁🗨 Après avoir été expulsés par les colons, des Palestiniens saluent leur retour incertain à Zanuta
Par Hamdan Ballal Al-Huraini, le 9 septembre 2024
Alors que les habitants reviennent au compte-gouttes, à la suite d'une décision de justice, dans le village détruit de Cisjordanie, la joie de se retrouver chez soi l'emporte sur la crainte de nouvelles attaques.
Le 21 août, des dizaines de Palestiniens ont finalement pu retourner dans le village de Khirbet Zanuta, dans les collines du sud d'Hébron, en Cisjordanie occupée. Après des années de menaces constantes de la part des colons israéliens, les quelque 300 habitants de Zanuta ont été contraints de fuir leurs maisons lorsque les colons ont intensifié leur harcèlement quotidien et leurs attaques violentes après le 7 octobre.
Zanuta est l'une des nombreuses communautés palestiniennes de la zone C - les deux tiers de la Cisjordanie entièrement contrôlés par l'armée israélienne - qui ont été déplacées au cours des premières semaines de la guerre. Mais début août, à la suite d'un recours en justice déposé par les habitants, la Haute Cour israélienne a jugé que la police n'avait pas protégé les Palestiniens de Zanuta contre la violence des colons, et a ordonné aux autorités de permettre leur retour.
Malgré cette décision, les menaces de violence et de dépossession à Zanuta n'ont pas disparu. Quelques jours seulement après le retour des habitants, un groupe de colons israéliens est descendu dans le village et a harcelé la communauté. Le 9 septembre, Yinon Levy, un colon sanctionné par les États-Unis en raison de son implication dans l'organisation Hashomer Yosh, est entré dans le village et a tenté de voler un mouton appartenant aux habitants. La police et l'armée sont restées les bras croisés et n'ont pas respecté leurs obligations - un rappel obsédant que, même avec une rare victoire juridique, la situation reste extrêmement précaire.
Il y a quelques semaines, j'ai accompagné les habitants de Zanuta alors qu'ils retournaient dans leur village. La tristesse et la douleur étaient visibles dans leurs yeux lorsqu'ils ont constaté l'étendue des destructions que les colons ont causées en leur absence. Presque toutes les maisons ont été endommagées, leurs murs défoncés, et même l'école a été démolie et dévastée.
Pourtant, ce jour-là, pour de nombreux Palestiniens, le sentiment de perte a été largement compensé par la joie de pouvoir retourner sur leurs terres.
“Lorsque je suis arrivé à Zanuta, je me suis agenouillé et j'ai embrassé la terre”, a déclaré Muhammad Al-Samamra, un habitant de 45 ans, à +972.
“Je me sens comme un enfant qui aurait perdu sa mère et ne l'aurait retrouvée qu'après un temps très long. Je suis revenu à la vie au bout de dix mois et je ne partirai plus. Je dormirai sur la terre de mon village, et me reposerai sur ses rochers, jamais plus je ne l'abandonnerai”.
La plupart des familles du village rural sont revenues avec leurs moutons, accompagnées de militants palestiniens, israéliens et internationaux. Tandis que certains allaient faire paître leur troupeau dans les champs du village, d'autres sont allés cueillir des cactus, faire du feu pour préparer du thé et inspecter leurs maisons détruites. C'était merveilleux de voir Zanuta s’animer de nouveau de tant de vie - de voir les réfugiés revenir enfin chez eux.
Faris Samasara, 57 ans, attendait ce moment depuis longtemps.
“Pour l'instant, seuls les hommes et les garçons sont rentrés, et nous verrons dans les prochains jours comment nous pourrons faire venir les femmes et les enfants en toute sécurité”, a-t-il déclaré. “Mais aujourd'hui, je vais dormir ici, contempler le ciel au-dessus de ma maison et compter les étoiles. Au matin, après tant de temps, je verrai enfin le soleil se lever sur mon village. C'est un sentiment indescriptible”.
Le “village du silence” redonne de l'espoir
“Lorsque j'ai quitté ma maison à Zanuta, je suis parti vivre dans un quartier proche de la ville d'Al-Dhahiriya”, a expliqué Muhammad à +972. “La vie y était très dure : il n'y avait pas d'électricité, pas de pâturage [pour mes moutons], et j'étais obligé d'acheter de l'eau à prix d'or à la ville. J'ai beaucoup enduré, mais j'ai toujours gardé l'espoir de rentrer chez moi”.
Faris a lui aussi été déplacé dans une zone proche d'Al-Dhahiriya, mais la douleur était d'autant plus grande qu'il pouvait encore voir sa maison de loin.
“J'avais l'impression que quelque chose en moi s'était brisé et ne se réparerait jamais”, se souvient-t-il. “Je regardais de loin Zanuta, ma maison et ma terre, les larmes aux yeux. La nostalgie me tuait. J’ai cherché à revenir par tous les moyens”.
En novembre dernier, les habitants de Zanuta et d'Umm Dharit ont déposé une requête auprès de la Haute Cour israélienne, demandant à être autorisés à retourner chez eux. Une audience s'est tenue en janvier 2024, les villageois insistant pour que la police soit chargée de protéger les communautés de la violence des colons.
Grâce à l'avocat Qamar Mashreqi, et après des mois d'attente, le tribunal a finalement statué en faveur des résidents. Il a ordonné à la police et à l'armée de réagir rapidement en cas d'attaque dans le village, de se rendre sur les lieux et de mener les enquêtes appropriées.
“J'avais pris l'habitude d'assister aux séances du tribunal à Jérusalem, et j'espérais entendre le juge nous autoriser à rentrer chez nous”, a déclaré Faris à +972. Mais avec les colons qui continuent à envahir la région, et le peu de confiance en les forces israéliennes pour s'opposer à eux, Faris se méfie de la victoire fragile de Zanuta.
“Nous savons que nous devons relever le défi pour pouvoir rester ici, mais c'est notre droit : nous relèverons ce défi, et nous vivrons en paix dans notre village, et nous nous sentirons à nouveau en sécurité dans nos maisons”.
En tant que défenseur palestinien des droits de l'homme et habitant du village voisin de Susiya, je me suis senti très proche des habitants de Zanuta. Ici, à Masafer Yatta, nous sommes tous confrontés depuis des décennies à la menace constante de la violence de l'armée et des colons, y compris à la démolition des maisons.
Depuis leur déplacement il y a dix mois, je suis allé plusieurs fois à Zanuta pour rassembler des informations et garder un œil sur la région. Je me suis mis à l'appeler le “village du silence” en l'absence de ses habitants, et mes visites m'ont souvent désespéré. Il y a encore des villages dont les habitants ne sont toujours pas revenus, et d'autres - dont le mien - qui sont menacés d'une expulsion imminente.
Mais la lente renaissance de la communauté de Zanuta ouvre la porte à l'espoir pour d'autres villages. Elle rappelle à ceux qui vivent ici qu'ils se doivent de ne pas renoncer à leurs droits sur leurs maisons, et de ne pas abdiquer leur force et leur détermination à vivre en paix sur leurs terres. Le retour à Zanuta restera à jamais gravé dans la mémoire de ses habitants, comme dans celle de tous les habitants de Masafer Yatta.
https://www.972mag.com/zanuta-return-settlers-masafer-yatta/