👁🗨 Assange & le mal qui ronge les prisons américaines
Le système médical des prisons américaines est totalement défaillant. Des personnes meurent littéralement tous les jours de morts évitables et personne ne semble s'en soucier au point de réagir.
👁🗨 Assange & le mal qui ronge les prisons américaines
Par John Kiriakou, Spécial Consortium News, le 13 mars 2024
Évoquant sa propre expérience de lanceur d'alerte emprisonné, John Kiriakou réfléchit aux sombres perspectives sanitaires qui attendent l'éditeur de WikiLeaks s'il est extradé.
Nombre d'entre nous attendent nerveusement des nouvelles de la High Court of England & Wales sur le sort de Julian Assange, espérant contre toute attente qu'il ne sera pas extradé vers les États-Unis. Dans le même temps, nous nous préparons au pire.
Julian a des problèmes médicaux bien documentés, dont un petit accident vasculaire cérébral durant son incarcération, il y a deux ans. Il n'a cessé de recevoir des soins médicaux de qualité médiocre à la prison de Belmarsh, au Royaume-Uni, et la situation ne fera qu'empirer une fois arrivé aux États-Unis.
J'ai écrit récemment et abondamment sur les soins de santé dans les prisons américaines. Mais cela mérite d'être répété, surtout au vu de l'extradition imminente de Julian. Le système médical des prisons américaines est totalement défaillant. Des personnes meurent littéralement tous les jours de morts évitables et personne ne semble s'en soucier au point de réagir.
L'année dernière, un rapport du Washington Lawyers' Committee for Civil Rights and Urban Affairs [Comité des avocats de Washington pour les droits civils et les questions sociales] a révélé les abus subis par les prisonniers par le Bureau fédéral des prisons (BOP), l'entité qui serait en charge de la santé de Julian.
Quarante avocats et membres du personnel ont recueilli des preuves d'“abus physiques et psychologiques extrêmes” dans les prisons fédérales. Cela s'ajoute aux défaillances bien documentées des soins médicaux.
J'ai assisté en temps réel à l'échec du système médical pénitentiaire lorsque j'ai été incarcéré pour avoir dénoncé le programme de torture de la CIA.
J'étais ami avec un prisonnier que je nommerai Bill. Bill avait 68 ans et purgeait une peine de 30 ans pour une condamnation pour crime organisé sans violence. Il avait purgé plus de la moitié de sa peine.
Un jour, je l'ai vu dans le couloir, plié en deux par la douleur. Il m'a dit qu'il n'avait jamais ressenti de telles douleurs au dos. Je lui ai suggéré d'aller à l'infirmerie dans la matinée et de demander du Tylenol, l'analgésique le plus utilisé dans les prisons américaines.
C'est ce qu'il a fait, mais cela ne l'a pas soulagé.
Quelques semaines plus tard, Bill marchait avec une canne et était visiblement en difficulté. Il m'a répété que son mal de dos était atroce. Il a demandé une radiographie à l'unité médicale, qui la lui a refusée. L'assistante médicale lui a simplement donné davantage de Tylenol.
Deux semaines plus tard, Bill était en fauteuil roulant. Je suis allé voir l'aumônier et lui ai dit que Bill se voyait refuser des soins médicaux. Il a accepté d'intervenir. Bill a finalement été envoyé dans un hôpital indépendant pour passer une IRM, qui a révélé un cancer de la colonne vertébrale au stade 4.
Bill a demandé à être libéré pour des raisons médicales afin de pouvoir mourir chez lui, entouré de sa famille. Le directeur de l'établissement est allé le voir dans sa cellule. Bill accepterait-il de signer un document par lequel il s'engage à ne pas tenir la prison pour responsable de l'absence de diagnostic et de traitement de son cancer ? Il a refusé.
Deux semaines plus tard, Bill est mort seul sur son lit en prison.
Les tribunaux fédéraux sont impliqués, bien sûr, comme ils semblent toujours l'être. Mais la situation ne s'améliore jamais.
Dans une décision qui a fait jurisprudence en août dernier, la Cour d'appel fédérale du troisième circuit a estimé qu'un prisonnier fédéral pouvait intenter une action pour faute médicale contre le BOP après avoir signalé aux responsables médicaux de la prison qu'il avait une grosseur sur le testicule en 2017.
Un membre du personnel médical de la prison lui a dit qu'il s'agissait “probablement d'un cancer”, mais n'a rien fait. En 2018, il a finalement été autorisé à consulter un urologue, qui a confirmé que le prisonnier avait un cancer et lui a retiré son testicule par voie chirurgicale.
Bien entendu, le cancer aurait pu être traité de manière non chirurgicale si l'on avait agi dès que le prisonnier l'avait porté à l'attention du personnel. Mais personne ne s'en est soucié au point de faire quoi que ce soit.
Sous-traitants du secteur privé
Le problème vient en grande partie de ce que Laura Applebaum, professeur de droit à l'université de Willamette, appelle le “Big Capital” et de son implication dans les soins médicaux dispensés dans les prisons.
Elle note qu'en 2020, une enquête de l'agence Reuters a révélé que les prisons qui faisaient appel à des sous-traitants avaient des taux de mortalité jusqu'à 58 % plus élevés que les prisons qui n'y avaient pas recours. Les entreprises privées telles que GEO Group, CoreCivic et Centurion Health font de l'argent en fournissant moins de soins médicaux. Elles dégagent des bénéfices en dépensant moins d'argent en médicaments.
La question est complexe. D'autant plus que personne en position d'autorité ne veut faire quoi que ce soit à ce sujet - ni le ministère de la Justice, dont le BOP est la principale agence et la mieux financée, ni les comités de surveillance du Capitole, ni même la majorité des médias. Il n'y a actuellement aucune perspective d'amélioration.
C'est le système auquel Julian Assange serait confronté si, que Dieu nous en préserve, il était extradé. C'est un appel à la prise de conscience de la nécessité de faire plus pour la santé et le bien-être de chaque prisonnier américain.
* John Kiriakou est un ancien agent de la C.I.A. chargé de la lutte contre le terrorisme et un ancien enquêteur principal de la commission sénatoriale des Affaires étrangères. John est devenu le sixième lanceur d'alerte inculpé par l'administration Obama en vertu de l’Espionage Act, une loi conçue pour punir les espions. Il a purgé 23 mois de prison pour avoir tenté de s'opposer au programme de torture de l'administration Bush.
https://consortiumnews.com/2024/03/13/john-kiriakou-assange-the-sickness-of-us-prisons/