đâđš Assange tente un nouveau recours au Royaume-Uni
L'Espionage Act ne fixe pas le champ d'application suggéré par Washington mais le gouvernement trouvera toujours le moyen de qualifier de grave toute fuite affectant soit-disant la Sécurité nationale.
đâđš Assange tente un nouveau recours au Royaume-Uni
Par Gabe Rottman, le 26 février 2024
Gabe Rottman, du RCFP, explique pourquoi l'un des arguments du gouvernement américain dans l'affaire Julian Assange est si préoccupant.
Mardi et mercredi derniers, un panel de deux juges de la High Court britannique a entendu les arguments du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, dans sa tentative de bloquer son extradition vers les Ătats-Unis sur la base d'accusations liĂ©es Ă l'Espionage Act et Ă la criminalitĂ© informatique.
La question technique qui se pose Ă la Cour est de savoir si Julian Assange peut faire appel, aprĂšs qu'un juge unique de la High Court a dĂ©clarĂ© qu'il ne pouvait pas le faire en juin 2023. Si la Cour confirme la dĂ©cision de juin, M. Assange aura Ă©puisĂ© tous les recours devant les tribunaux britanniques (bien qu'il ait dĂ©clarĂ© qu'il continuerait Ă contester l'extradition devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme). Et si la High Court donne raison Ă M. Assange, elle organisera d'autres audiences pour examiner les questions de fond en jeu. La Cour a mis son jugement en dĂ©libĂ©rĂ©, et la date d'une Ă©ventuelle dĂ©cision nâest pas encore fixĂ©e.
D'aprĂšs les rapports publics, il ne semble pas qu'il y ait eu beaucoup de surprises. M. Assange continue de soutenir que la criminalisation de la rĂ©ception et de la publication de secrets gouvernementaux constituerait une atteinte au Premier Amendement. Nous avons depuis longtemps soulignĂ© nos graves prĂ©occupations concernant les trois chefs d'accusation pour âpublication pureâ retenus dans l'acte d'accusation, qui inculpent Assange directement en vertu de l'Espionage Act (loi sur l'espionnage) pour le seul fait d'avoir publiĂ© des secrets d'Ătat en ligne. C'est la premiĂšre fois que le gouvernement obtient un acte d'accusation d'un grand jury sur la base de ce critĂšre.
En outre, l'avocat des Ătats-Unis continue de marteler une autre affirmation troublante : cette affaire ne concerne en rĂ©alitĂ© que la publication par Assange et WikiLeaks des identitĂ©s non expurgĂ©es de sources ayant fourni des informations aux Ătats-Unis.
Selon la BBC, l'un des avocats des Ătats-Unis, Clair Dobbin KC, a dĂ©clarĂ© Ă la Cour :
âIl ne s'agit pas lĂ d'un impair ou d'une bĂ©vue, mais de la publication d'une grande quantitĂ© d'informations non expurgĂ©esâ. Elle aurait Ă©galement dĂ©clarĂ© que la publication par M. Assange âen toute connaissance de cause et sans discernement au monde entier des noms de personnes ayant servi de sources d'information aux Ătats-Unisâ est la âbase objectiveâ qui le distingue des autres mĂ©dias ayant expurgĂ© ces informations mais rendu compte des divulgations sous-jacentes. Elle poursuit : âLe contenu que [Assange] a publiĂ© sans ĂȘtre expurgĂ© ne prĂ©sente aucun intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ralâ, ce qui constitue la âfaille au centre de coeur de l'appelantâ.
Comme nous l'avons soulignĂ© Ă plusieurs reprises, le fait de ne pas avoir expurgĂ© les noms des informateurs peut servir Ă caractĂ©riser l'affaire Assange d'un point de vue pratique et Ă©thique, mais il n'est pas pertinent d'un point de vue juridique. La loi sur l'espionnage ne se fonde pas sur le prĂ©judice relatif ou l'intĂ©rĂȘt public de la divulgation des informations. Elle parle simplement de documents âtangiblesâ - livres de codes, photographies, plans, cartes, etc. - ou d'informations ârelatives Ă la DĂ©fenseâ, que les tribunaux caractĂ©risent comme informations âpotentiellement prĂ©judiciablesâ Ă la SĂ©curitĂ© nationale si elles sont divulguĂ©es alors que le gouvernement s'est efforcĂ© de les garder secrĂštes. Autrement dit, la loi sur l'espionnage ne fixe pas le champ d'application suggĂ©rĂ© par le gouvernement.
En outre, la position du gouvernement consiste essentiellement à dire que l'affaire Assange se distingue par la gravité relative à la divulgation des identités des informateurs. Mais les représentants du gouvernement trouveront toujours le moyen de qualifier de grave n'importe quelle fuite prétendument préoccupante pour la Sécurité nationale.
Par exemple, les Pentagon Papers sont aujourd'hui considĂ©rĂ©s comme la quintessence d'une divulgation d'intĂ©rĂȘt public : rĂ©vĂ©lation de malversations gouvernementales, absence de secrets exploitables par un adversaire, et pertinence directe dans le cadre d'un dĂ©bat public passionnĂ© et permanent sur la nature mĂȘme de notre dĂ©mocratie. Mais, au moment oĂč il a cherchĂ© Ă bloquer la publication, le gouvernement a dĂ©posĂ© de maniĂšre controversĂ©e une annexe spĂ©ciale auprĂšs de la Cour d'appel des Ătats-Unis du second district, arguant, trĂšs explicitement, que la divulgation nuirait de maniĂšre manifeste et grave aux objectifs de guerre des Ătats-Unis au ViĂȘt Nam.
Comme nous l'avons Ă©crit en 2019 lorsque la nouvelle de l'inculpation d'Assange a Ă©tĂ© rendue publique pour la premiĂšre fois, des allĂ©gations contre lui - Ă savoir qu'il aurait Ă©tĂ© complice de Chelsea Manning pour avoir âcraquĂ©â un mot de passe d'un rĂ©seau gouvernemental classifiĂ© - font sortir âcette affaire de la catĂ©gorie âfacileâ pour les dĂ©fenseurs de la libertĂ© de la presseâ. Mais ces arguments n'ont rien Ă voir avec la thĂ©orie des âsourcesâ, et il est inquiĂ©tant de constater que le gouvernement continue Ă les invoquer devant le tribunal.
Le projet "Technologie et liberté de la presse" du Comité des reporters pour la liberté de la presse (Reporters Committee for Freedom of the Press) pratique un traitement intégré - combinant le droit, l'analyse politique et l'éducation du public - pour défendre et promouvoir les droits de la presse sur des questions au croisement de la technologie et de la liberté de la presse, telles que la protection de la confidentialité des sources des journalistes, le droit et la politique en matiÚre de surveillance électronique et la réglementation du contenu en ligne et dans d'autres médias. Le TPFP est dirigé par Gabe Rottman, avocat du Reporters Committee. Il travaille avec Grayson Clary, avocat salarié du RCFP, et Emily Hockett, collaboratrice du projet Technologie et liberté de la presse.