đâđš Assange, et la persĂ©cution par le gouvernement australien du lanceur d'alerte prĂ©sumĂ© de crimes de guerre afghans
Seuls naïfs & crédules pourraient croire que cette cabale belliciste est sur le point de tendre une main bienveillante à celui qui a révélé ses crimes passés, alors qu'elle en prépare de pires encore.
đâđš Assange et la persĂ©cution par le gouvernement australien du lanceur d'alerte prĂ©sumĂ© de crimes de guerre afghans
Par Oscar Grenfell@Oscar_Grenfell, le 11 mai 2023
Au cours de la semaine écoulée, plusieurs membres éminents du gouvernement travailliste australien ont feint d'éprouver de la sympathie pour l'éditeur de WikiLeaks, Julian Assange. La plus notable de ces interventions a été une déclaration du Premier ministre Anthony Albanese, alors qu'il se trouvait en Grande-Bretagne pour le couronnement du roi Charles.
M. Albanese et d'autres reprĂ©sentants du parti travailliste ont rĂ©itĂ©rĂ© le commentaire vague selon lequel "trop c'est trop" en ce qui concerne l'affaire Assange, qui "n'a que trop durĂ©". M. Assange est dĂ©tenu dans une prison britannique depuis plus de quatre ans et risque d'ĂȘtre extradĂ© vers les Etats-Unis oĂč il pourrait ĂȘtre emprisonnĂ© pendant 175 ans pour avoir dĂ©noncĂ© les crimes de guerre amĂ©ricains en Irak et en Afghanistan.
La position essentielle d'Albanese est qu'il a fait des commentaires aux gouvernements britannique et américain dans ce sens et que c'est tout ce qu'il peut faire. Comme le WSWS l'a déjà noté, il s'agit là de l'antithÚse d'une campagne diplomatique et juridique agressive visant à garantir la liberté d'un citoyen australien persécuté.
Le refus de prendre des mesures concrĂštes pour garantir la libĂ©ration d'Assange est liĂ© Ă l'engagement total du parti travailliste en faveur de l'alliance avec les Ătats-Unis, y compris l'escalade des prĂ©paratifs de guerre de Washington avec la Chine.
Mais ce n'est pas le seul problÚme. La suppression de l'opposition à la guerre est un élément clé de ce programme de guerre, le parti travailliste supervisant la plus grande militarisation du pays en 80 ans. Cela est évident dans la persécution d'Assange, mais aussi dans plusieurs affaires draconiennes de "sécurité nationale" que le gouvernement travailliste préside directement en Australie.
La plus importante est la poursuite de David McBride. Ancien avocat de l'armée, il est accusé d'avoir divulgué des informations exposant les crimes de guerre australiens en Afghanistan et d'autres violations du droit international dans le cadre de cette occupation néocoloniale prolongée.

Les documents qui, selon l'Ătat, ont Ă©tĂ© divulguĂ©s par M. McBride comprennent des dĂ©tails sur les meurtres potentiellement illĂ©gaux de dix hommes et garçons afghans par des soldats des forces spĂ©ciales australiennes.
Dans un cas, un homme et son fils ont Ă©tĂ© abattus par le Special Air Service Regiment en septembre 2013. Les rapports officiels indiquent que l'homme avait pointĂ© une arme sur le personnel australien. Les documents ayant fait l'objet d'une fuite indiquent que l'homme et le garçon ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s abattus dans leur lit, ce qui indique qu'ils ont peut-ĂȘtre Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s dans leur sommeil.
D'autres cas impliquent également des enfants. Certains documents indiquent que des prisonniers ont été tués, à la maniÚre d'une exécution, puis accusés à titre posthume d'avoir tenté de s'emparer d'une arme.
Plus explosif encore, les dossiers indiquent que le commandement militaire était conscient de l'existence d'une "culture guerriÚre" au sein des forces spéciales, qui était devenue incontrÎlable et menaçait d'enfreindre les lois de la guerre.
La publication des dĂ©tails des dossiers par le Sydney Morning Herald et l'Australian Broadcasting Corporation (ABC) a dĂ©clenchĂ© une sĂ©rie d'enquĂȘtes sur les actions des forces de dĂ©fense en Afghanistan. Ces enquĂȘtes ont abouti en 2020 Ă la publication d'un rapport officiel, le rapport Brereton, confirmant des "informations crĂ©dibles" selon lesquelles les forces spĂ©ciales avaient assassinĂ© 39 civils et prisonniers afghans.
En d'autres termes, la personne qui a divulgué les documents au cours des années précédentes a fourni au public de véritables informations sur des crimes de guerre qui étaient cachés à la population.
En juin 2019, la police fédérale australienne a effectué une descente sans précédent dans les bureaux de Sydney de la chaßne ABC, en raison de la publication des dossiers afghans. Il a ensuite été révélé que l'un des journalistes impliqués dans l'affaire, Dan Oakes, avait été menacé de poursuites pour atteinte à la sécurité nationale, ce qui aurait constitué un parallÚle exact avec l'affaire Assange.
Ces poursuites n'ont pas eu lieu. Mais le mois dernier, une audience de la Cour suprĂȘme du Territoire de la capitale australienne a confirmĂ© que M. McBride serait jugĂ© en novembre. Il est accusĂ© d'infractions liĂ©es Ă la "sĂ©curitĂ© nationale", notamment de divulgation non autorisĂ©e d'informations, de vol de biens du Commonwealth et de violation de la loi sur la dĂ©fense. M. McBride a plaidĂ© non coupable.
La confirmation de la poursuite de l'affaire signifie que M. McBride sera la premiÚre personne à comparaßtre devant un tribunal pour les crimes de guerre commis par l'armée australienne en Afghanistan, c'est-à -dire pour les avoir prétendument révélés et non pour les avoir perpétrés.
Un seul soldat a été inculpé pour des meurtres de civils documentés. Il aurait tiré à bout portant sur un jeune Afghan non armé. Ce meurtre a eu lieu en 2012. Des images ont été diffusées début 2020 à la télévision nationale, mais le soldat n'a été inculpé que le mois dernier. Il ne sera pas jugé avant l'année prochaine et est en liberté sous caution.
Ătant donnĂ© que M. McBride est accusĂ© d'infractions fĂ©dĂ©rales, le gouvernement travailliste, et plus particuliĂšrement son procureur gĂ©nĂ©ral Mark Dreyfus, peut ordonner l'arrĂȘt des poursuites.
M. McBride est un dĂ©nonciateur prĂ©sumĂ©, alors que M. Assange est un Ă©diteur. Mais l'essentiel du dossier contre les deux est qu'ils devraient ĂȘtre emprisonnĂ©s pendant des dĂ©cennies pour avoir dĂ©noncĂ© des crimes de guerre. Les travaillistes affirment qu'ils ne peuvent pas libĂ©rer M. Assange, car il est soumis aux "procĂ©dures judiciaires" britanniques et risque d'ĂȘtre extradĂ© vers les Ătats-Unis. L'Australie n'est "pas partie prenante" Ă ces procĂ©dures, affirment-ils.
L'affaire McBride vient démentir ces affirmations. Le parti travailliste pourrait abandonner ces poursuites dÚs qu'il le souhaiterait. Mais, à l'instar de l'administration Biden qui poursuit Assange, le gouvernement Albanese est déterminé à créer de nouveaux précédents en matiÚre de répression du sentiment anti-guerre, dans un contexte d'explosion du militarisme et de la guerre.
D'autres affaires sont prĂ©sidĂ©es par le parti travailliste. Il s'agit notamment des poursuites engagĂ©es contre Richard Boyle, un dĂ©nonciateur prĂ©sumĂ© qui aurait exposĂ© les pratiques agressives de recouvrement de crĂ©ances de l'Office australien des impĂŽts (Australian Taxation Office). En mars dernier, un tribunal d'Australie-MĂ©ridionale a rejetĂ© la demande d'immunitĂ© d'intĂ©rĂȘt public prĂ©sentĂ©e par Boyle. Le parti travailliste a refusĂ© d'intervenir pour mettre fin aux poursuites engagĂ©es contre M. Boyle, qui risque des annĂ©es de prison.
Le mois dernier, l'homme d'affaires australien Alexander Csergo a été inculpé d'un chef d'accusation d'"ingérence étrangÚre inconsidérée", en vertu d'une législation draconienne adoptée par le gouvernement de la Coalition libérale-nationale, avec le soutien du parti travailliste, en 2018. Csergo est accusé d'avoir rédigé des rapports, basés exclusivement sur des documents de source publique, et de les avoir fournis à deux personnes qui, selon les autorités australiennes, travaillaient pour les services de renseignement chinois.
M. Csergo a Ă©tĂ© accusĂ© d'atteinte Ă la sĂ©curitĂ© nationale pour avoir exercĂ© des activitĂ©s de conseil en affaires, son domaine d'activitĂ©, en Chine. Cette affaire s'inscrit dans le cadre de la campagne menĂ©e par les Ătats-Unis contre la prĂ©tendue "ingĂ©rence chinoise", utilisĂ©e pour justifier le renforcement militaire agressif de Washington Ă l'encontre de la Chine.
Depuis octobre, l'Australie emprisonne Daniel Duggan, citoyen australien et ancien pilote de l'armĂ©e de l'air amĂ©ricaine, dans des prisons de haute sĂ©curitĂ©. Il risque d'ĂȘtre extradĂ© vers les Ătats-Unis, qui cherchent Ă le poursuivre pour avoir dispensĂ© des cours de pilotage, notamment Ă des Chinois. Dans l'acte d'accusation amĂ©ricain extraordinairement lĂ©ger, cela est ridiculement prĂ©sentĂ© comme une violation du contrĂŽle du blanchiment d'argent et des exportations d'armes.
En d'autres termes, les travaillistes approfondissent une offensive antidémocratique visant les libertés civiles de la population, dont les poursuites américaines à l'encontre d'Assange constituent un point focal international.
Cela souligne l'imposture des affirmations selon lesquelles les travaillistes mÚnent une "diplomatie feutrée" au nom d'Assange.
DerniÚre étape de cette mascarade, des membres d'un groupe parlementaire fédéral interpartis ont rendu visite à l'ambassadrice américaine en Australie, Caroline Kennedy, pour discuter de l'affaire Assange. Rien n'indique qu'ils aient obtenu quoi que ce soit.
Le dĂ©putĂ© des Verts David Shoebridge s'est nĂ©anmoins rĂ©joui : "Le fait que l'ambassadrice ait consacrĂ© un temps prĂ©cieux Ă cette question avant la visite du prĂ©sident Biden est une indication utile de la visibilitĂ© de la campagne pour la libĂ©ration d'Assange.â
Le dĂ©putĂ© travailliste Julian Hill a Ă©crit sur Twitter : "J'ai remerciĂ© l'ambassadrice pour sa volontĂ© d'engagement. Au-delĂ des enjeux de l'affaire Julian Assange, le retard dans sa rĂ©solution est une distraction malvenue pour AUKUS et notre travail avec les Ătats-Unis pour faire face aux dĂ©fis stratĂ©giques auxquels nous sommes confrontĂ©s".
Qualifier de "distraction indĂ©sirable" la persĂ©cution d'un journaliste par l'Ătat, qui dure depuis 12 ans et l'a conduit au bord de la mort, est obscĂšne. La rĂ©fĂ©rence Ă AUKUS est remarquable. Hill parlait du pacte trilatĂ©ral entre la Grande-Bretagne, les Ătats-Unis et l'Australie, dirigĂ© contre la Chine. Le "dĂ©fi stratĂ©gique" est une rĂ©fĂ©rence voilĂ©e Ă la confrontation des Ătats-Unis avec la Chine.
En d'autres termes, M. Hill affirme que les poursuites engagées contre M. Assange, un éditeur anti-guerre, ne font que détourner l'attention des préparatifs américains en vue d'une nouvelle guerre. En réalité, les deux vont de pair. Il est impossible de concevoir un argument plus à droite, plus belliciste, pour la défense nominale d'Assange.
Dans une interview accordée hier à la chaßne ABC, M. Albanese a réaffirmé sa ligne "trop c'est trop" à l'égard d'Assange. Il a refusé d'indiquer si le gouvernement travailliste demandait à l'administration Biden de mettre fin aux poursuites contre Assange.
De maniĂšre inquiĂ©tante, M. Albanese a dĂ©clarĂ© : "Une solution doit ĂȘtre trouvĂ©e, et M. Assange doit bien sĂ»r en faire partie.â La seule façon pour M. Assange de "faire partie d'une solution" est de reconnaĂźtre sa culpabilitĂ© dans le cadre d'une sorte d'accord de plaidoyer. Si les Ătats-Unis abandonnaient les poursuites, la "part" d'Assange consisterait simplement Ă sortir de prison en homme libre.
Les déclarations d'Albanese et d'autres dirigeants travaillistes sont une tentative transparente d'un gouvernement qui n'a rien fait pour la liberté d'Assange d'émousser le large soutien de l'opinion publique à l'égard de ce dernier. Dans l'immédiat, le sort d'Assange est considéré comme une "distraction", pour reprendre les termes de M. Hill, du sommet du dialogue quadrilatéral qui se tiendra à Sydney à la fin du mois. M. Biden, les dirigeants indiens et japonais, ainsi que M. Albanese, se réuniront pour discuter de la prochaine étape de leur préparation à la guerre avec la Chine.
Seuls les naïfs et crédules pourraient croire que cette cabale belliciste est sur le point de tendre une main bienveillante à quelqu'un qui a révélé ses crimes passés, alors qu'elle en prépare de plus grands encore.