👁‍🗨 Assange libre, mais sans justice

Nous vivons toujours sous l'emprise d'une structure de pouvoir mondiale qui a montré au monde entier qu'elle est prête à détruire votre vie si vous dénoncez ses crimes. Le combat continue.

Des militants londoniens en manifestation hebdomadaire devant la prison de Belmarsh pour protester contre le maintien en détention du journaliste dissident Julian Assange, le 29 juin 2022. (Alisdaire Hickson, Flickr, CC BY-SA 2.0)

👁‍🗨 Assange libre, mais sans justice

Par Caitlin Johnstone, le 25 juin 2024

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Julian Assange est libre. Tôt dans la journée de mardi, il était en route pour les îles Mariannes du Nord, un territoire américain isolé dans le Pacifique occidental, afin de finaliser un accord avec le gouvernement américain qui l'a contraint à purger une peine à la prison de Belmarsh. À moins que l'empire ne se livre à des manigances louches au cours de la procédure, il retournera dans son pays d'origine, l'Australie, en homme libre.

Fait notable, selon les experts que j'ai entendus commenter ce nouveau développement étonnant, il ne semble pas que l'accord de plaidoyer établisse de nouveaux précédents juridiques susceptibles de nuire aux journalistes à l'avenir. Joe Lauria rapporte ce qui suit pour Consortium News :

“Bruce Afran, un avocat constitutionnel américain, a déclaré à Consortium News qu'un accord de plaidoyer ne crée pas de précédent juridique. Par conséquent, l'accord conclu par M. Assange ne mettrait nullement en danger les journalistes poursuivis à l'avenir pour avoir accepté et publié des informations classifiées provenant d'une source, parce que M. Assange a consenti à une telle accusation”.

J'ai évidemment beaucoup de mal à accepter tout cela, car je suis cette importante affaire de près depuis si longtemps et ai consacré tant d'efforts à la rédaction d'articles sur le sujet. Il reste encore beaucoup, beaucoup de travail à accomplir dans notre lutte collective pour libérer le monde des griffes de la machine à tuer impériale, mais je suis comblée pour Assange et les siens, et cela fait du bien de marquer une victoire importante dans ce combat.

https://x.com/Stella_Assange/status/1805393089819033890

Cependant, rien de tout cela n'efface les souffrances impardonnables que l'empire a infligés à Julian Assange en le persécutant, ni n'annule les préjudices mondiaux occasionnés en faisant de lui un cas d'école pour montrer ce qui attend un journaliste qui dit des vérités dérangeantes sur le gouvernement le plus puissant du monde.

Ainsi, même si Assange est libre, nous ne pouvons pas affirmer que justice a été rendue.

La justice consisterait à accorder à M. Assange sa réhabilitation totale et inconditionnelle, et à recevoir des millions de dollars de compensation de la part du gouvernement américain pour les souffrances endurées lors de son emprisonnement à Belmarsh depuis 2019, de son emprisonnement de facto à l'ambassade d'Équateur depuis 2012, et de sa privation de liberté et de son assignation à résidence depuis 2010.

https://x.com/Stella_Assange/status/1805573781303308326

La justice consisterait pour les États-Unis à opérer des réformes juridiques et politiques concrètes garantissant que Washington ne pourra plus jamais utiliser son pouvoir et son influence à l'échelle mondiale pour détruire la vie d'un journaliste étranger qui rapporte des faits dérangeants à son sujet, et à présenter des excuses officielles à Julian Assange et sa famille.

https://x.com/Leo_Puglisi6/status/1805401684971340116

La justice se traduirait par l'arrestation et la poursuite de ceux dont Assange a dénoncé les crimes de guerre, ainsi que par l'arrestation et la poursuite de tous ceux qui ont contribué à détruire la vie de Julian Assange pour avoir dénoncé ces crimes. Cela inclurait toute une flopée d'agents et de fonctionnaires gouvernementaux dans de nombreux pays, ainsi que plusieurs présidents des États-Unis.

La justice prendrait la forme de l'accueil et des honneurs réservés aux héros par l'Australie à son arrivée, et d'une sérieuse révision des relations obséquieuses qu'entretient Canberra avec Washington.

La justice se traduirait par des excuses officielles à Assange et à sa famille de la part des comités de rédaction de tous les organes de presse grand public qui ont contribué au consentement de sa persécution vicieuse - y compris et surtout The Guardian - et en détruisant intégralement la réputation de tous les journalistes sans scrupules qui ont contribué à le dénigrer au fil des ans.

John Shipton, le père de Julian Assange, lors de la projection du film Ithaka, un combat pour libérer Julian Assange, à Mexico, en mai 2023. (Joe Lauria)

Si tout cela arrivait, nous pourrions peut-être affirmer que justice a été rendue à un certain point. Pour l'heure, tout ce que nous avons, c'est la fin d'un unique acte de perversité de la part d'un empire qui ne recule que pour faire place à de nouvelles perversités plus graves encore.

Nous continuons tous à vivre sous l'emprise d'une structure de pouvoir mondiale qui a montré au monde entier qu'elle est prête à détruire votre vie si vous dénoncez ses crimes, puis à se retirer et à qualifier fièrement cet acte de justice.

Personnellement, je pense donc que je vais prendre cette petite victoire du bon pied, adresser un rapide “merci” au ciel et me remettre au travail. Il y a encore tant à faire, et si peu de temps pour le faire.

Le combat continue.

https://consortiumnews.com/2024/06/25/caitlin-johnstone-assange-free-but-no-justice/