👁🗨 Assange : Quand la démocratie redoute l'information
Un homme est enfermé pour avoir dit la vérité. Pas en dictature, pas dans une autocratie. En Europe, dans l'Ouest démocratique, dans la noble Angleterre. Et dans le silence assourdissant des médias.
👁🗨 Assange : Quand la démocratie redoute l'information
Par Riccardo Cucchi, le 23 janvier 2023
Un homme est emprisonné pour avoir dit la vérité. Pas dans une dictature, pas dans une autocratie. En Europe, dans l'Ouest démocratique, dans la noble Angleterre. Et dans le silence assourdissant des médias.
Cela ressemble à une histoire d'un autre temps, une histoire de pouvoirs occultes, impénétrables, arrogants, enclins au mépris de la loi. Une histoire noire dystopique. Elle se déroule sous nos yeux, elle est réelle, et elle génère de la souffrance chez un homme, et de l'injustice pour tous.
Elle devrait être criée plutôt que racontée, montrée à la télévision, révélée dans les écoles, débattue dans les parlements. Elle devrait heurter nos consciences, susciter notre indignation.
Au lieu de cela, peu en parlent, peu peut-être en connaissent l'existence. Elle est contestée par des organisations de lutte pour les droits comme Amnesty, par quelques volontaires qui manifestent dans les rues d'Europe ou de Londres, et est obstinément ignorée par les médias. On n'en parle tout simplement pas. Pas de talk-shows, pas de prime ou de bis, pas de reportages dans les journaux ou dans les émissions de radio. La stratégie parfaite pour que les gens n'en parlent pas, ne prennent pas conscience des faits et de l'injustice qui perdure depuis longtemps. Ils ignorent qu'Assange existe. Pas plus qu'il se trouve enfermé dans une minuscule cellule, dans l'attente d'une extradition vers les États-Unis qui, si elle était accordée, le conduirait tout droit à une peine de prison plus longue que la vie qu'il lui reste à vivre, sans pouvoir réellement se défendre, sans aucun espoir réaliste d'être entendu. C'est-à-dire, si sa santé le préserve, car le régime auquel il est soumis le mine depuis longtemps, et on ne connaît pas vraiment son véritable état de santé.
En clair : il ne doit plus s'exprimer, il ne doit plus écrire. Personne ne doit plus l'écouter.
Car c'est précisément le but recherché : le faire taire, le rendre inoffensif, le faire disparaître. Sans le tuer, du moins pas directement. Dans ce domaine, la démocratie occidentale est moins voyante que les autocraties et les dictatures. Mais pour ce faire, elle a besoin du silence des médias. Et que les gens, les citoyens occidentaux, ne sachent pas. Ou peut-être, lors des rares occasions où le nom d'Assange apparaît miraculeusement dans l'actualité, être correctement informé qu'il est un "espion".
Le silence imposé à Assange et la mystification de son action sont la peine qu'il doit purger, sans aucun procès, pour avoir révélé via des documents officiels que nous n'étions pas censés connaître. Sur la guerre des Américains et de leurs alliés, les cruautés infligées à des civils innocents, la violation des droits de l'homme les plus fondamentaux dans la prison de Guantanamo. Et surtout, sur la façon dont le monde est convaincu qu'une guerre est juste, sur la façon dont le pouvoir trompe ses citoyens dans la moitié démocratique du monde à grands coups de propagande. Même au point de les espionner.
Tout est rapporté dans des milliers de documents sortis des archives grâce à des hommes et des femmes ayant traversé une crise de conscience en les manipulant et qui, horrifiés, les ont remis à Assange, qui les a ensuite rendus publics en les remettant à son tour aux plus grands journaux européens et américains.
Il nous a informés, nous tous, de choses que nous n'aurions pas dû savoir.
Tant que l'on ne saisira pas que l'acharnement sur Assange correspond à l'acharnement contre ceux qui tentent d'informer librement pour rendre leurs lecteurs plus libres, on ne comprendra pas non plus que son emprisonnement est une menace pour la totalité du monde de l'information.
https://www.articolo21.org/2023/01/assange-quando-la-democrazia-ha-paura-dellinformazione/