đâđš Au Niger, les manifestations contre les troupes françaises s'intensifient en prĂ©vision de la guerre.
âSi une attaque devait ĂȘtre entreprise contre notre paysâ, a dĂ©clarĂ© M. Tchiani dans son allocution tĂ©lĂ©visĂ©e de samedi, âce ne sera pas une partie de plaisir comme certains semblent le croireâ.
đâđš Au Niger, les manifestations contre les troupes françaises s'intensifient en prĂ©vision de la guerre
Par Pavan Kulkarni*, Peoples Dispatch, le 30 août 2023
Le gouvernement militaire de Niamey a ordonné le départ des troupes françaises d'ici le 2 septembre. Le président Macron refusant de se retirer et soutenant une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO, les tensions s'intensifient en conséquence.
Le gouvernement militaire du Niger aurait coupé l'électricité et l'eau à l'ambassade de France à Niamey, la capitale, aprÚs l'expiration du délai de 48 heures octroyé à l'ambassadeur français, Sylvain Itte, pour quitter le pays.
La junte a Ă©galement demandĂ© aux fournisseurs de cesser de livrer eau, Ă©lectricitĂ© et nourriture Ă la base militaire française, avertissant que toute personne continuant Ă fournir des biens et des services Ă la base serait traitĂ©e comme un âennemi du peuple souverainâ.
La base militaire de Niamey, forte de 1 500 hommes, est devenue le théùtre de fréquentes manifestations, la population exigeant que l'ancien colonisateur du Niger procÚde au retrait de ses troupes.
Des milliers de manifestants brandissant le drapeau nigérien se sont rassemblés devant la base dimanche, exigeant que l'ambassadeur et les troupes nigériennes quittent le pays. Une manifestation de moindre ampleur a également eu lieu vendredi, quelques heures aprÚs que le gouvernement militaire, le Conseil national pour la sauvegarde de la Patrie (CNSP), a ordonné à l'ambassadeur de France de quitter le Niger.
Les manifestants ont scandé des slogans anti-français, et ont menacé d'envahir la base si les troupes ne quittaient pas le Niger dans une semaine.
Au début du mois, le CNSP a mis fin aux accords militaires entre le Niger et la France et a ordonné le départ des troupes françaises en septembre. La France refusant de se retirer au motif qu'elle ne reconnaßt pas l'autorité du gouvernement militaire, les manifestations devraient s'intensifier à l'approche de la date butoir.
Le Niger n'appartient pas Ă la France
âLe Niger n'appartient pas Ă la France. Nous avons dit aux Français de partir, mais ils ont refusĂ©â, se plaint Aicha, une sympathisante du CNSP qui manifeste Ă l'extĂ©rieur de la base. âEn tant que citoyens, nous ne voulons pas des Français ici. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent en France, mais pas iciâ, a-t-elle dĂ©clarĂ© Ă Al Jazeera.
Le mécontentement populaire à l'égard de la présence des troupes françaises s'est traduit par plusieurs manifestations de masse, particuliÚrement virulentes, au cours des deux derniÚres années.
En réprimant le mouvement anti-français et en renforçant le nombre de soldats français dans le pays, chassés du Mali voisin par son gouvernement militaire, le président nigérien déchu Mohamed Bazoum a consolidé la perception qu'avait l'opinion publique nigérienne de ce dernier comme étant un "pantin" de la France.
Sa destitution le 26 juillet lors d'un coup d'Ătat militaire menĂ© par le chef de la garde prĂ©sidentielle de l'Ă©poque, le gĂ©nĂ©ral Abdourahmane Tchiani, a obtenu le soutien de la population, des milliers de personnes Ă©tant descendues Ă plusieurs reprises dans les rues pour se rallier au CNSP et rĂ©itĂ©rer la demande de retrait des troupes françaises.
âLa lutte ne s'arrĂȘtera pasâ
âLa lutte ne s'arrĂȘtera que le jour oĂč il n'y aura plus de soldats français au Nigerâ, a dĂ©clarĂ© le colonel Obro Amadou, membre du CNSP, dans son discours devant une foule d'environ 20 000 sympathisants qui s'Ă©taient rassemblĂ©s dans le plus grand stade du Niger, Ă Niamey, samedi. âEt c'est vous qui allez les chasserâ, a-t-il ajoutĂ©.
Insistant sur le fait que âla France doit respecterâ le choix du peuple nigĂ©rien, Ramatou Boubacar, un partisan du CNSP prĂ©sent dans le stade, s'est plaint du contrĂŽle permanent exercĂ© par la France sur les gouvernements nigĂ©riens successifs, mĂȘme aprĂšs la fin de la domination coloniale. âPendant soixante ans, nous n'avons jamais Ă©tĂ© indĂ©pendants [jusqu'Ă ]... ce jour du coup d'Ătatâ, a-t-il dĂ©clarĂ© Ă l'Agence France Presse (AFP).
Le prĂ©sident français Emmanuel Macron s'est obstinĂ©. â[N]ous ne reconnaissons pas les putschistes, nous soutenons un prĂ©sident [Bazoum] qui n'a pas dĂ©missionnĂ©â, a-t-il dĂ©clarĂ© lundi, rĂ©itĂ©rant le soutien de la France Ă une invasion militaire du Niger par la CommunautĂ© Ă©conomique des Ătats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), âquand elle le dĂ©cideraâ.
Exprimant le âsoutien totalâ de l'Union europĂ©enne Ă la France et rĂ©affirmant que l'UE âne reconnaĂźt pasâ le CNSP, la porte-parole de l'UE pour les affaires Ă©trangĂšres, Nabila Massrali, a Ă©galement Ă©voquĂ© le spectre de la guerre.
âLa dĂ©cision des putschistes d'expulser l'ambassadeur de France est une nouvelle provocation qui ne peut en aucun cas contribuer Ă trouver une solution diplomatique Ă la crise actuelleâ, a-t-elle dĂ©clarĂ©.
Les efforts diplomatiques de la CEDEAO
Le président de la CEDEAO, le Nigérian Bola Tinubu, a déclaré samedi :
âNous sommes dĂ©terminĂ©s Ă rĂ©gler pacifiquement la question du Niger en nous appuyant sur nos ressources diplomatiques. Je continue Ă retarder l'intervention de la CEDEAO, bien qu'elle soit prĂȘte Ă toutes les options, afin d'Ă©puiser tous les autres moyens de remĂ©dier Ă la situationâ.
M. Tinubu a atténué sa rhétorique initialement agressive et menaçante à l'égard du Niger aprÚs avoir été confronté à des manifestations contre la guerre et à l'opposition dans son pays. Le 5 août, un jour avant l'expiration du délai d'une semaine accordé par la CEDEAO le 30 juillet au CNSP pour réintégrer Bazoum, le Sénat nigérian a refusé de soutenir une action militaire.
Sans la participation du Nigeria - qui représente la plus puissante économie d'Afrique, représentant environ 67 % du PIB de la CEDEAO, et la plus grande puissance militaire de la région - la capacité de l'Union à entreprendre une action militaire est considérablement réduite.
Une guerre en perspective
Le Mali, le Burkina Faso et la GuinĂ©e soutiennent le coup d'Ătat nigĂ©rien. Ces pays font partie des 15 membres de la CEDEAO, mais ont Ă©tĂ© suspendus et sanctionnĂ©s Ă la suite de coups d'Ătat soutenus par la population et encouragĂ©s par un vaste mouvement anti-français.
Le Mali et le Burkina Faso, dont les gouvernements militaires ont réussi à expulser les troupes françaises du pays, se sont engagés à mobiliser leurs forces armées pour défendre le Niger. Ensemble, ces quatre pays représentent prÚs de 60 % de la superficie de la CEDEAO.
Une intervention militaire de la CEDEAO au Niger pour restaurer Bazoum pourrait mobiliser les troupes du Mali et du Burkina Faso et déboucher sur une guerre régionale en Afrique de l'Ouest.
Les chefs d'Ătat de la CEDEAO se sont rĂ©unis au Nigeria le 10 aoĂ»t et ont ordonnĂ© Ă leurs chefs d'Ă©tat-major de la dĂ©fense âd'activer immĂ©diatementâ le dispositif de rĂ©serve de la CommunautĂ©. Les chefs d'Ă©tat-major des Ătats membres de la CEDEAO ont ensuite tenu une rĂ©union de deux jours les 17 et 18 aoĂ»t au Ghana.
Le prĂ©sident ghanĂ©en est Ă©galement confrontĂ© Ă une opposition interne, et il est peu probable qu'il parvienne Ă obtenir l'approbation du Parlement, oĂč le principal parti d'opposition, opposĂ© Ă l'intervention militaire, dispose du mĂȘme nombre de siĂšges que le parti au pouvoir.
NĂ©anmoins, ânous sommes prĂȘts Ă intervenir dĂšs que l'ordre en sera donnĂ©â, a dĂ©clarĂ© Abdel-Fatau Musah, commissaire de la CEDEAO chargĂ© des affaires politiques, de la paix et de la sĂ©curitĂ©, Ă l'issue de la rĂ©union du Ghana, ajoutant qu'un âjour J non prĂ©cisĂ© avait Ă©galement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©. Nous nous sommes dĂ©jĂ mis d'accord sur les modalitĂ©s de l'interventionâ.
Il a toutefois ajoutĂ© une mise en garde : âĂ l'heure oĂč nous parlons, nous sommes toujours en train de prĂ©parer une mission de mĂ©diation dans le pays, nous ne fermons donc encore aucune porte.â
Une semaine plus tard, le 26 aoĂ»t, la CEDEAO a dĂ©clarĂ© qu'elle Ă©tait toujours âdĂ©terminĂ©e Ă se plier en quatre pour faciliter les efforts diplomatiquesâ.
Le prĂ©sident de la Commission de la CEDEAO, Omar Touray, ancien secrĂ©taire d'Ătat aux affaires Ă©trangĂšres de la Gambie, a dĂ©clarĂ© aux mĂ©dias :
âPour lever toute ambiguĂŻtĂ©, permettez-moi d'affirmer sans Ă©quivoque que la CEDEAO n'a pas dĂ©clarĂ© la guerre au peuple nigĂ©rien, et qu'il n'y a pas non plus de volontĂ©, comme le veut la rumeur, d'envahir le paysâ.
Lâavertissement du prĂ©sident du CNSP
NĂ©anmoins, dĂ©clarant que âdes menaces d'agression sur le territoire national se font toujours plus insistantesâ, le gĂ©nĂ©ral de brigade Moussa Barmou a placĂ© l'armĂ©e nigĂ©rienne en âalerte maximaleâ le 25 aoĂ»t, âafin d'Ă©viter tout effet de surpriseâ*.
Abdoulaye Diop et Olivia Rouamba, respectivement ministres des Affaires Ă©trangĂšres du Mali et du Burkina Faso, se sont rendus Ă Niamey le 24 aoĂ»t, rĂ©itĂ©rant leur ârefus d'une intervention armĂ©e contre le peuple nigĂ©rien, qui serait considĂ©rĂ©e comme une dĂ©claration de guerreâ contre leurs propres nations.
Ils ont Ă©galement saluĂ© les deux arrĂȘtĂ©s signĂ©s ce jour-lĂ par le prĂ©sident du CNSP, M. Tchiani, âautorisant les Forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© du Burkina Faso et du Mali Ă intervenir sur le territoire nigĂ©rien en cas d'attaqueâ.
âSi une attaque devait ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e contre notre paysâ, a dĂ©clarĂ© M. Tchiani dans son allocution tĂ©lĂ©visĂ©e de samedi, âce ne sera pas une partie de plaisir comme certains semblent le croireâ.
* Pavan Kulkarni est un journaliste de Peoples Dispatch qui couvre les luttes ouvriĂšres et les mouvements sociaux progressistes, principalement sur le continent africain, mais aussi en Inde.
Cet article provient de Peoples Dispatch.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.