👁🗨 Un autoritarisme répressif s'abat sur les critiques d'Israël
Ne croyons surtout pas que nos tentatives de perturbation du contrôle narratif sont vaines. Si ce que nous faisons ne fonctionnait pas, l'empire ne serait pas en train d'essayer de nous en empêcher.
👁🗨 Un autoritarisme répressif s’abat sur les critiques d'Israël
Par Caitlin Johnstone, le18 octobre 2024
Écouter une lecture de cet article par Tim Foley
La police britannique “antiterroriste” a fait une descente au domicile du rédacteur en chef d'Electronic Intifada, Asa Winstanley, jeudi matin, et a saisi plusieurs appareils électroniques, au motif que le journaliste aurait violé la loi britannique de 2006 sur le terrorisme par son activité sur les réseaux sociaux.
Electronic Intifada est un média indépendant qui se consacre aux droits des Palestiniens et aux abus de l'État d'apartheid d'Israël. Depuis un an, il publie des articles critiques confirmés par la suite par des médias plus traditionnels remettant en question la propagande de l'empire sur des questions telles que le canular du “ viol collectif” et la mise en œuvre par Israël de la directive Hannibal le 7 octobre. Winstanley a été l'un des principaux contributeurs à ce journalisme.
The Electronic Intifada rapporte que
“La police antiterroriste britannique a perquisitionné jeudi le domicile d'Asa Winstanley, rédacteur en chef adjoint de The Electronic Intifada, et a saisi plusieurs appareils électroniques lui appartenant.
“Une dizaine d'agents sont arrivés au domicile de Winstanley, dans le nord de Londres, avant 6 heures du matin et ont remis au journaliste les mandats et autres documents les autorisant à fouiller sa maison et son véhicule à la recherche d'appareils et de documents.
“Un courrier adressé à Winstanley par le “Counter Terrorism Command” du Metropolitan Police Service indique que les autorités sont “conscientes de votre profession” de journaliste mais que “néanmoins, la police enquête sur de possibles infractions” en vertu des sections 1 et 2 de la loi sur le terrorisme (2006). Ces dispositions définissent le délit présumé ‘d'encourager le terrorisme’.
“Un agent responsable de la descente de police de jeudi a informé M. Winstanley que l'enquête est liée aux publications du journaliste sur les réseaux sociaux. Les tentatives de contact avec le Metropolitan Police Service pour obtenir des commentaires sur cet article ont été infructueuses.
“Bien que ses appareils aient été saisis, Winstanley n'a pas été arrêté et n'a été inculpé d'aucune infraction.”
“Le degré d'autoritarisme et le recul des droits en Occident pour protéger Israël - en censurant les critiques de ce pays étranger et en sanctionnant ses détracteurs - ne doivent être sous-estimés”,
a tweeté le journaliste Glenn Greenwald à l'annonce de la descente de police, ajoutant :
“Licenciements massifs aux États-Unis et lois limitant la liberté d'expression. Mais le Royaume-Uni, comme toujours, fait pire”.
À partir du moment où le gouvernement britannique s'est donné le droit de désigner les cibles du bellicisme britannique comme étant des “terroristes”, puis a fait du soutien à ces “terroristes” un délit d'expression, la persécution des journalistes britanniques pour avoir critiqué la politique étrangère de leur gouvernement semble inévitable.
En fait, avec la descente de police chez Asa Winstanley, l'Occident a finalement réussi à concilier (A) son besoin de réprimer les discours critiques à l'égard du bellicisme occidental et (B) son soutien affiché à la liberté d'expression. Tout ce qu'il a à faire, c'est de proscrire les discours susceptibles d'être considérés comme un soutien au “terrorisme”, tout en désignant comme “terroristes” les cibles du bellicisme occidental, comme le Hamas et le Hezbollah.
Cette manœuvre permet à l'empire occidental de museler tout discours critique sur sa politique étrangère d'une manière jugée raisonnable, car il est évident que nous ne pouvons tolérer que des individus encouragent le terrorisme ! Cela reviendrait à crier “au feu” dans un théâtre bondé - une limite arbitrairement fixée par l'Occident pour la liberté d'expression.
Au cours de l'année écoulée, le Royaume-Uni a été le fer de lance de cette initiative, la police “antiterroriste” persécutant des journalistes comme Winstanley et Richard Medhurst, et des militants comme Mick Napier, Tony Greenstein, Richard Barnard et Sarah Wilkinson, mais nous assistons à la multiplication de mesures similaires dans l'ensemble du monde occidental. Les plateformes de réseaux sociaux comme Facebook et Instagram censurent de plus en plus les discours qu'elles considèrent favorables aux “individus et organisations dangereux” comme le Hamas et le Hezbollah, et ici, en Australie, la police enquête sur des manifestants pour avoir brandi des drapeaux du Hezbollah lors d'une manifestation à Melbourne, en vertu d'une nouvelle loi interdisant l'affichage public de symboles de groupes désignés comme étant « terroristes ».
Depuis 2016, on a vu les gestionnaires des empires occidentaux se tordre publiquement les mains et s'inquiéter de la position défavorable du monde occidental à l'ère de l'information du fait des lois soutenant la liberté d'expression permettant aux ennemis des gouvernements occidentaux de diffuser “propagande” et “désinformation” auprès des Occidentaux. En criminalisant de plus en plus tout discours pouvant être interprété comme du soutien aux organisations terroristes désignées, ils ont repéré une faille majeure qui les autorise à restreindre les libertés d'expression hautement démocratiques dont jouissent les Occidentaux grâce à un accès généralisé à internet, et à reprendre le contrôle de leur mode de pensée, d'expression, d'action et de vote.
En début d'année, le PDG de Palantir, Alex Karp, a déclaré sans ambages que si les manifestants occidentaux contre le génocide parvenaient à s'imposer dans le débat public, l'Occident perdrait sa capacité à faire la guerre.
“Nous pensons que ces événements, en particulier sur les campus universitaires, constituent une sorte d’enjeu parallèle - non, c'est le véritable enjeu”,
a déclaré M. Karp lors d'une conférence en mai dernier.
“Car si nous renonçons au débat intellectuel, aucune armée ne pourra jamais être déployée en Occident”.
Pour ceux qui l'ignorent, Palantir est une entreprise technologique de surveillance et d'extraction de données soutenue par la CIA, qui entretient des liens étroits à la fois avec le cartel du renseignement américain et avec Israël, jouant un rôle crucial à la fois dans le réseau de surveillance tentaculaire de l'empire américain, et dans les atrocités israéliennes à l'encontre des Palestiniens. Karp est un milliardaire qui siège au comité directeur du groupe Bilderberg et participe régulièrement au Forum économique mondial et à d'autres plateformes de gestion de l'empire ploutocratique.
En mai dernier, le sénateur Mitt Romney et le secrétaire d'État Antony Blinken se sont entretenus à l'Institut McCain, et ont reconnu certains faits généralement passés sous silence par ces gestionnaires d'empire.
Après avoir déploré la médiocrité des “relations publiques” d'Israël sur l'assaut de Gaza, Mitt Romney a déclaré tout de go que
“voilà pourquoi nous avons bénéficié d'un soutien massif pour faire cesser l'activité de TikTok ou d'autres entités de cette nature”
- le “nous” étant lui-même et ses collègues législateurs du Capitole.
“Oui, la façon dont ce récit a évolué est une excellente question”, a répondu M. Blinken, affirmant qu'au début de sa carrière à Washington, tout le monde obtenait ses informations à la télévision et dans des journaux classiques tels que le New York Times, le Wall Street Journal et le Washington Post.
“Aujourd'hui, bien sûr, nous sommes alimentés en informations par intraveineuse, avec de nouvelles informations toutes les millisecondes”, a poursuivi M. Blinken. “Et bien sûr, les réseaux sociaux ont dominé le récit des événements. Dans l'écosystème des réseaux sociaux, le contexte, l'histoire, les faits se perdent et l'émotion, l'impact des images dominent. Et nous ne pouvons pas - nous ne pouvons pas ignorer cela, mais je pense que cela a aussi un effet très, très, très stimulant sur le récit”.
Vous avez remarqué qu'il a prononcé trois fois le mot “récit” ? C'est ainsi que les gestionnaires d'empire se parlent entre eux, car c'est ainsi qu'ils réfléchissent à tout.
En effet, les gestionnaires d'empire sont toujours parfaitement conscients de ce que les êtres humains normaux ne savent pas : le véritable pouvoir vient de la manipulation du contenu - des récits - que les gens échangent au sujet de leur réalité.
Ils sont conscients que les êtres humains sont des êtres qui racontent des histoires et dont la vie intérieure est généralement dominée par des récits mentaux sur les événements, et que si l'on peut contrôler ces récits, on peut contrôler les hommes.
Ils savent que le pouvoir consiste à contrôler ce qui se passe, mais que le véritable pouvoir consiste à contrôler ce que les gens pensent de ce qui se passe.
Ils savent que celui qui contrôle le récit contrôle le monde.
Voilà ce qui se passe avec la propagande des médias de masse, la manipulation des algorithmes de la Silicon Valley, les think tanks financés par les ploutocrates, et la fabrication de la culture grand public à New York et à Hollywood, et c'est ce qui explique la répression policière dont font l'objet journalistes et militants au Royaume-Uni. Quelques manipulateurs astucieux ont compris qu'il est possible de contrôler une société en contrôlant ses récits dominants, et ils s’y emploient.
Nos dirigeants ne pensent pas comme les gens normaux. Ils ne pensent pas à faire ce qu'il faut ou à agir pour le bien de tous. Ils ne pensent pas en termes de vérité et d'honnêteté, ou d'absence de vérité et d'honnêteté. Ils ne pensent qu'aux histoires que les gens se racontent, et à la manière dont ces histoires peuvent être adaptées pour servir les intérêts de l'empire qu'ils gèrent.
Les gestionnaires d'empire - et les manipulateurs en général - n'utilisent pas le langage de la même manière que les gens normaux. Les êtres humains normaux ont recours au langage pour établir un lien et communiquer, alors que les manipulateurs ne l'utilisent que pour obtenir des gens ce qu'ils souhaitent et exercer un contrôle sur eux. Et pour ce faire, ils s'efforcent de contrôler les récits que les citoyens se font de leur réalité concrète.
C'est pourquoi, lorsque des types comme Romney et Blinken se demandent pourquoi les gens sont si en colère contre Israël, il ne leur vient même pas à l'esprit de discuter de la façon dont l'image publique d'Israël pâtit de ses propres crimes, ou de suggérer une amélioration de cette image en cessant simplement de se comporter d'une manière monstrueuse. Tout ce dont ils parlent, c'est du “récit” des agissements d'Israël, et de la capacité des gens à partager des idées et des informations en ligne, rendant ce récit plus difficilement contrôlable.
Ainsi, alors que les citoyens lambda assistent à l'effusion de sang et à l'horreur à Gaza et au Liban et crient à tue-tête que cela doit cesser, nos dirigeants nous entendent et se disent : “Ah non ! Il faut trouver un moyen de les empêcher de croire à cette version des faits, et les amener à en gober une autre”.
C'est ce à quoi nous assistons avec toutes ces tentatives de répression de la liberté d'expression, que ce soit dans les manifestations ou en ligne. Ils ont compris que s'ils perdent le contrôle du récit, ils ne pourront plus déployer leurs armées.
Ne commettez donc pas l'erreur de croire que vos tentatives pour perturber leur contrôle narratif ne fonctionnent pas. Ne laissez personne vous dire que vos manifestations ne font pas la différence ou que votre discours dissident ne constitue pas de danger pour les puissants. Si ce que nous faisons ne fonctionnait pas, les dirigeants de l'empire ne seraient pas en train d'essayer de nous en empêcher.