đâđš Aux premiĂšres loges de l'implosion du gouvernement israĂ©lien
Si Ben Gvir a arrachĂ© le logo de la voiture dâYitzhak Rabin - abattu en 1995 par un extrĂ©miste juif - pour dĂ©fier l'unitĂ©, lui & autres du mĂȘme acabit vont disloquer lâunitĂ© & la briser de l'intĂ©rieur
đâđš Aux premiĂšres loges de l'implosion du gouvernement israĂ©lien
Par Anis Raiss, le 4 septembre 2024
Dans un contexte de guerre existentielle, le gouvernement israĂ©lien est en train de se dĂ©sintĂ©grer sous l'effet de conflits et de divisions internes sans prĂ©cĂ©dent. Les luttes de pouvoir menacent de dĂ©manteler son autoritĂ© et de transformer un Ătat autrefois redoutable en une entitĂ© irrĂ©mĂ©diablement brisĂ©e.
Imaginez une Ă©quipe sportive autrefois dominante, aujourd'hui en plein chaos : des joueurs qui se rebellent contre leur entraĂźneur, une Ă©quipe d'entraĂźneurs en dĂ©saccord, et des supporters, le public israĂ©lien, qui protestent en masse dans les rues. Telle est la situation aujourdâhui en IsraĂ«l.
Il y a deux jours à peine, Israël a été le théùtre d'une nouvelle manifestation massive déclenchée par la mort de six captifs détenus à Gaza. La découverte de leurs corps a déclenché une colÚre générale et a conduit des centaines de milliers d'Israéliens juifs à descendre dans les rues de Tel-Aviv et d'autres grandes villes. Au cours d'affrontements avec la police, ils ont demandé au Premier ministre Benjamin Netanyahu de conclure un accord de cessez-le-feu avec le Hamas, tandis que des appels à la grÚve générale ont été lancés par le syndicat national du travail.
Les forces d'occupation, pierre angulaire des ambitions expansionnistes d'IsraĂ«l, sont en proie Ă des conflits internes. Les prises de bec publiques entre M. Netanyahu, le ministre de la DĂ©fense, M. Yoav Gallant, et le ministre de la SĂ©curitĂ© nationale d'extrĂȘme droite, M. Itamar Ben Gvir, rĂ©vĂšlent un gouvernement en plein chaos, dont les programmes s'opposent et la stratĂ©gie s'Ă©rode.
MĂȘme le Shin Bet, le service de sĂ©curitĂ© intĂ©rieure israĂ©lien, a critiquĂ© les influences extrĂ©mistes au sein du gouvernement, rĂ©vĂ©lant ainsi de profondes dissensions. Le chef du Shin Bet, Ronen Bar, a pris l'habitude de qualifier les forces de l'extrĂ©misme de âterrorisme juifâ qui, selon lui, âmettra en danger l'existence d'IsraĂ«lâ.
Les parallÚles napoléoniens de Netanyahu et la discorde interne
Les rĂ©centes actions du Premier ministre Netanyahu ont exposĂ© davantage ces fractures. Le 17 juillet, lors d'un dĂ©bat Ă la Knesset, Netanyahu a rejetĂ© les appels Ă une enquĂȘte civile indĂ©pendante sur l'opĂ©ration de rĂ©sistance Ă l'Al-Aqsa Flood du 7 octobre, comparant ces requĂȘtes aux distractions administratives rencontrĂ©es par les chefs militaires pendant les guerres napolĂ©oniennes.
Il a suggĂ©rĂ© que toute enquĂȘte attendrait la fin de la guerre contre Gaza, rĂ©vĂ©lant ainsi sa rĂ©ticence Ă donner la prioritĂ© Ă la transparence en temps de guerre.
La comparaison de Netanyahu avec Napoléon est révélatrice : tout comme la retraite de Napoléon en Russie a marqué sa chute, le refus de Netanyahu de rendre des comptes laisse présager une retraite similaire vers la sienne. Alors que les tireurs embusqués du Hamas infligent quotidiennement des pertes aux forces israéliennes, ce qui ressemblait autrefois à une offensive rapide et décisive s'est transformé en un conflit de longue haleine, traduisant la déloyauté et le désarroi qui rÚgnent dans les rangs de Netanyahu.
Le vote de la Knesset, en juin, en faveur du projet de loi Haredi, qui exige que les juifs ultra-orthodoxes servent dans l'armĂ©e, a Ă©galement suscitĂ© un sentiment de trahison parmi les rĂ©servistes israĂ©liens. Pendant des annĂ©es, les Haredim, qui jouissent d'une grande influence politique au sein de l'Ătat, ont Ă©vitĂ© la conscription, citant l'Ă©tude religieuse comme motif d'exemption.
Les réservistes, déjà débordés par une guerre qui traßne en longueur, se sentent abandonnés par un gouvernement qui donne la priorité aux alliances politiques plutÎt qu'aux besoins de la Sécurité nationale, creusant ainsi le fossé entre les communautés laïques et religieuses d'Israël.
Manifestement, la discorde va au-delĂ des dĂ©saccords politiques et imprĂšgne profondĂ©ment l'appareil de sĂ©curitĂ© de Tel-Aviv. Le 20 aoĂ»t, la mĂšre d'un des prisonniers israĂ©liens, s'exprimant devant une âcommission civileâ indĂ©pendante, a rĂ©vĂ©lĂ© que le directeur du Mossad, David Barnea, lui a dit qu'un accord sur les prisonniers Ă©tait impossible âpour des raisons politiquesâ. Le Mossad a par la suite dĂ©menti cette affirmation.
Entre-temps, les familles des prisonniers ont accusé Ben Gvir d'entraver les initiatives d'échange de prisonniers, enflammant encore davantage l'opinion publique et intensifiant les dissensions au sein du gouvernement d'occupation.
Le terrorisme juif et la fragilisation de l'unité militaire
Ben Gvir incarne le dĂ©sarroi croissant au sein de la gouvernance israĂ©lienne. Le 19 avril, il a tweetĂ© un seul mot : âDardaleh!â qui signifie en hĂ©breu âfaiblesseâ ou âdĂ©ceptionâ, Ă la suite de l'attaque prĂ©sumĂ©e d'IsraĂ«l contre l'Iran. Ce tweet se moquait publiquement de l'armĂ©e israĂ©lienne, dĂ©capant le vernis de puissance que Tel-Aviv s'efforce de prĂ©senter.
L'imprudence de Ben Gvir ne s'est pas arrĂȘtĂ©e lĂ . AprĂšs les premiĂšres frappes de reprĂ©sailles de l'Iran au dĂ©but du mois, qui, selon lui, ont dĂ©truit deux bases militaires israĂ©liennes et causĂ© de lourdes pertes - des dĂ©clarations en contradiction flagrante avec le rĂ©cit officiel - M. Ben Gvir a approfondi les fractures existantes Ă la direction d'IsraĂ«l.
Ses remarques ont porté un coup à l'image soigneusement préservée de l'unité militaire que les dirigeants israéliens tentent de maintenir, mettant dans l'embarras un systÚme militaire qui s'enorgueillit de faire croire à son invincibilité.
Les provocations de Ben Gvir se poursuivent par des visites frĂ©quentes et des remarques incendiaires dans l'enceinte de la mosquĂ©e Al-Aqsa Ă JĂ©rusalem, un site d'une grande portĂ©e religieuse et marquĂ© par des tensions historiques. Ces visites, accompagnĂ©es de forces de sĂ©curitĂ© israĂ©liennes armĂ©es, loin d'ĂȘtre de simples gestes symboliques, ont dĂ©clenchĂ© des conflits non seulement avec les Palestiniens, mais aussi au sein du gouvernement israĂ©lien et de la communautĂ© internationale.
Le 13 aoĂ»t, Ă l'occasion de Tisha B'Av [ou neuviĂšme jour du mois d'av (hĂ©breu : ŚȘŚ©ŚąŚ ŚŚŚ tish°a bĂš'av), date correspondant selon la tradition rabbinique au âjeĂ»ne du cinquiĂšme moisâ], les actions de Ben Gvir ont Ă©tĂ© largement condamnĂ©es en IsraĂ«l. Gallant et Bar ont exprimĂ© leur profonde inquiĂ©tude quant Ă lâapparition de âdivisions internesâ et au phĂ©nomĂšne croissant du âterrorisme juifâ.
Tel Aviv projette ses propres peurs
Cette mise en garde fait Ă©cho au concept de âprojectionâ en psychologie, thĂ©orisĂ© par Sigmund Freud, selon lequel des individus ou des groupes projettent des traits ou des peurs indĂ©sirables sur d'autres en tant que mĂ©canisme de dĂ©fense. Dans le cas d'IsraĂ«l, la dĂ©signation incessante des habitants de Gaza comme Ă©tant des âterroristesâ reflĂšte les actions violentes et extrĂ©mistes qui se manifestent de plus en plus parmi les dirigeants et dans la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne.
Le gouvernement d'occupation, fervent dĂ©nonciateur de la terreur extĂ©rieure, est aujourd'hui confrontĂ© Ă la troublante rĂ©alitĂ© de l'effritement de son propre tissu social, de nombreuses personnes dans ses rangs adoptant les mĂȘmes tactiques que celles qu'il condamne.
Pour compliquer encore un peu plus les choses, l'Ă©pouse de Ben Gvir, Ayala Nimrodi, joue un rĂŽle dans l'administration du Mont du Temple, renforçant ainsi son influence sur l'un des sites religieux les plus instables d'Asie occidentale. MĂȘme si son implication n'a pas d'impact significatif sur la prise de dĂ©cision, elle souligne l'investissement personnel du couple dans l'affirmation du contrĂŽle juif sur le site.
Cela illustre un niveau inquiĂ©tant de manque de professionnalisme - mĂȘme selon les normes israĂ©liennes au sein du gouvernement d'occupation - oĂč la vie personnelle et la vie politique interfĂšrent dangereusement. Ă l'instar de Sara Netanyahu, l'Ă©pouse du Premier ministre israĂ©lien Ă©claboussĂ©e par les scandales, le rĂŽle de Nimrodi montre Ă quel point les intĂ©rĂȘts personnels peuvent empiĂ©ter sur la politique nationale, exacerbant les tensions et aliĂ©nant des personnalitĂ©s clĂ©s au sein du gouvernement.
La fracture kahaniste
Les antĂ©cĂ©dents de Ben Gvir amplifient encore la gravitĂ© de ces dĂ©veloppements. Disciple de Meir Kahane, dont le parti Kach a Ă©tĂ© interdit en IsraĂ«l en raison de son idĂ©ologie raciste et violente et qui figurait sur la liste des organisations terroristes du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain, Ben Gvir est depuis longtemps controversĂ©.
Ses racines kahanistes se caractĂ©risent par une croyance en la suprĂ©matie juive, une idĂ©ologie oĂč les Juifs, des Ăbermenschen [de lâallemand ĂŒber : «sur-», et le nom (der) Mensch : «lâhumain», supĂ©rioritĂ© qu'un type d'homme aurait acquise sur le reste du genre humain], surpassent les autres, des Untermenschen [de lâallemand unter âsous"et (der) Mensh âlâhumainâ, terme utilisĂ© par les nazis pour dĂ©crire des âĂȘtres infĂ©rieursâ]. Cet Ă©tat d'esprit suprĂ©maciste n'est pas l'apanage de Ben Gvir, mais imprĂšgne la gouvernance israĂ©lienne. La distinction entre gauche et droite s'est estompĂ©e, ne laissant subsister que droite et extrĂȘme-droite, cette idĂ©ologie influençant des politiques qui perpĂ©tuent inĂ©galitĂ©s et tensions.
Ben Gvir n'est pas seulement une voix dissonante : il révÚle une fracture qui a toujours couvé sous la surface, menaçant à présent de faire voler en éclats l'illusion de domination que la structure politique d'Israël a longtemps projetée.
Il ne s'agit pas d'un cas de rupture d'un pouvoir autrefois cohérent, mais plutÎt de l'exposition d'une vulnérabilité inhérente masquée par la façade de l'unité. Les actions de Ben Gvir sont les étincelles qui enflamment ces failles déjà anciennes, révélant l'instabilité sous-jacente de la société sioniste.
Et cela pousse les Juifs israĂ©liens Ă dĂ©serter l'Ătat, et Ă fuir vers d'autres pays plus sĂ»rs : plus de 500 000 depuis le 7 octobre, dont beaucoup invoquent Ă la fois l'insĂ©curitĂ© et la montĂ©e de l'extrĂ©misme juif pour justifier leur dĂ©cision.
De la suprématie au chaos
Au beau milieu d'une guerre rĂ©gionale, le gouvernement israĂ©lien est embourbĂ© dans un conflit, Ben Gvir Ă©tant au centre de plusieurs querelles. Sa rĂ©cente menace de dissoudre le Conseil du gouvernement souligne l'influence dĂ©stabilisatrice qu'il exerce sur le pays. La profonde mĂ©fiance entre Netanyahu et Ben Gvir rĂ©sulte de la dĂ©termination de ce dernier Ă promouvoir une idĂ©ologie extrĂ©miste dĂ©sormais omniprĂ©sente dans la politique israĂ©lienne, brouillant les frontiĂšres entre extrĂȘme droite et courant dominant.
Les actions de Ben Gvir n'ont pas seulement tendu ses relations avec Netanyahu, mais ont également approfondi les divisions entre d'autres personnages clés, tels que le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Défense Yoav Gallant, qui s'opposent sur les politiques susceptibles de porter atteinte à la sécurité d'Israël. Ces politiques ont également provoqué des conflits entre M. Gallant et M. Netanyahu, ce dernier ayant menacé à plusieurs reprises de renvoyer son propre ministre de la Défense.
Par ailleurs, les réformes judiciaires proposées par le ministre de la Justice, Yariv Levin, ont suscité de nombreuses contestations, fragmentant encore davantage le Conseil, menaçant les bases juridiques d'Israël et la séparation des pouvoirs.
Le Conseil israĂ©lien ressemble dĂ©sormais Ă un vieil Ă©pisode du Jerry Springer Show - un spectacle chaotique oĂč chaque personnage saute Ă la gorge des autres, oĂč fusent les accusations et oĂč le dysfonctionnement sous-jacent est exposĂ© de maniĂšre flagrante.
Dans ce grand cirque politique, les provocations de Ben Gvir, y compris ses menaces de dissolution du Conseil ne sont pas de simples manĆuvres - ce sont des stratĂ©gies conçues pour tirer profit des faiblesses de la gouvernance israĂ©lienne.
Tout comme Ben Gvir a autrefois arrachĂ© le logo de la voiture du Premier ministre israĂ©lien Yitzhak Rabin - assassinĂ© en 1995 par un extrĂ©miste juif qui s'opposait aux accords d'Oslo - pour dĂ©fier symboliquement l'unitĂ©, lui et d'autres responsables du mĂȘme acabit menacent aujourd'hui de disloquer complĂštement lâunitĂ©, et de la briser de l'intĂ©rieur.
https://thecradle.co/articles/a-front-row-seat-to-the-implosion-of-israels-government