👁🗨 Ben Norton - Le monde est à la croisée des chemins, ne restent que deux voies à suivre: le socialisme anti-impérialiste, ou la barbarie fasciste.
Il est de notre responsabilité d'exprimer une ligne ferme non seulement contre l'impérialisme & la guerre, mais aussi contre le chauvinisme, le sectarisme et le capitalisme.
👁🗨 Le monde est à la croisée des chemins, ne restent que deux voies à suivre: le socialisme anti-impérialiste, ou la barbarie fasciste.
📰 Par Ben Norton / Multipolarista, le 11 novembre 2022
Le système mondial impérialiste dirigé par les États-Unis est profonde en crise, il mène donc une nouvelle guerre froide pour éviter la multi-polarité, tout en faisant une embardée vers le fascisme. La gauche doit offrir une véritable voie alternative qui s'oppose à la fois à l'extrême droite et aux chauvins libéraux pro-OTAN.
Voici le discours que Ben Norton, rédacteur en chef de Multipolarista, a prononcé lors de l'événement organisé par l'International Manifesto Group pour commémorer le premier anniversaire de la publication de son manifeste "Through Pluripolarity to Socialism".
Retranscription
Je pense que nous devons comprendre que le moment que nous vivons, historiquement, est extrêmement important. C'est devenu un cliché de dire que nous sommes à un moment décisif, mais je pense que c'est vrai.
À certains égards, il y a des similitudes avec la situation de la Première Guerre mondiale. Mais il y a aussi des similitudes avec la situation historique qui a précédé la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1930.
Je vais commencer par ce dernier point. Je pense que nous sommes à un moment où il est largement reconnu au coeur de l’empire qu'une crise fondamentale sévit au sein du système capitaliste mondial, que la démocratie libérale bourgeoise est fondamentalement en crise et en déclin significatif.
Nous voyons par exemple le niveau de vie s'effondrer aux États-Unis. Nous constatons que plusieurs générations ont maintenant une espérance de vie inférieure à celle de leurs parents.
Nous constatons, notamment avec la catastrophe du Covid, dans laquelle plus d'un million de personnes sont mortes rien qu'aux États-Unis, que l'espérance de vie a diminué de plusieurs années, surtout pour les communautés marginalisées et opprimées, les Noirs américains, les Latinos, les nations indigènes.
Et bien sûr, nous observons une grave crise en Europe. Nous voyons que des économies entières sont menacées de récession. Nous voyons des industries en Allemagne qui vont faire faillite à cause de politiques économiquement suicidaires où l'Europe essaie de rompre toutes ses relations économiques et le commerce de l'énergie avec la Russie, en l'espace de quelques mois, et bien sûr, c'est une politique largement favorisée par l'impérialisme américain.
En ces temps de crise extrême, il y a deux réponses : le socialisme, ou la barbarie. Voilà tout à fait le type d'analyse dont Rosa Luxembourg a parlé il y a 100 ans. Les voies alternatives sont le socialisme, ou alors davantage de barbarie.
Et je pense qu'en ce moment, malheureusement, la réalité, surtout en Europe, est que la barbarie - c'est-à-dire le fascisme - est en nette progression.
Il est de notre responsabilité, en tant qu'anti-impérialistes et socialistes, de dessiner une nouvelles voie qui reconnaisse la crise fondamentale du système actuel, que les institutions impérialistes comme l'OTAN et l'Union européenne ne valent pas la peine d'être sauvées, car en crise dans leurs fondaments mêmes.
La réalité est que nous avons assisté à une tentative de coopter et d'exploiter ce sentiment anti-guerre assez populaire parmi les travailleurs dans le soi-disant Occident, et d'essayer de diriger cette énergie vers l'extrême droite.
Nous le voyons avec quelle très cynique rhétorique des gens comme Donald Trump s’expriment publiquement. Idem en Europe avec des gens comme Marine Le Pen et d'autres leaders d'extrême droite.
Il nous faut également comprendre que, si nous assistons à cette crise au sein des démocraties bourgeoises impérialistes, une autre crise fondamentale couve au sein du système mondial impérialiste.
Et il y a, je dirais, un élan imparable vers la création d'un monde multipolaire.
Bien sûr, nous voyons que l'impérialisme dirigé par les États-Unis tente d’en barrer le chemin, par la création d'un monde bipolaire, menant une nouvelle guerre froide.
On constate des déclarations extrêmement agressives de la part des deux derniers présidents américains, Donald Trump et maintenant Joe Biden, qui ont menacé de faire la guerre à la Chine afin de soutenir l’indépendance de Taïwan. Ils ont émis des sanctions de plus en plus agressives à la République populaire de Chine, pour tenter d’imposer maintenant un blocus économique sur la Russie.
Mais, dans le même temps, nous constatons que, dans d'autres zones, du Sud global, qui évoluent vers ce monde multipolaire, il y a une tentative claire de diviser ces forces entre elles, notamment dans les clivages encouragés entre l'Inde et la Chine, et bien sûr l'Inde et le Pakistan.
Les contradictions internes sont exploitées par l'impérialisme.
Mais je soulignerai brièvement certains commentaires faits par l'Union européenne.
Bien sûr, dans ce partenariat impérialiste dirigé par les États-Unis, l'Union européenne ne joue que le rôle du partenaire junior dans le système impérialiste mondial dominé par les États-Unis.
L'Europe devient de plus en plus dépendante des exportations énergétiques américaines, en particulier du GNL [gaz naturel liquéfié].
Mais en même temps, nous voyons aussi en l'Union européenne un collaborateur plus que consentant, et pas seulement un collaborateur - un agresseur plus que consentant quand il s'agit d'être un participant volontaire à ce système impérialiste mondial.
Un discours a été prononcé le 13 octobre - un discours choquant, ouvertement raciste - par Joseph Borrell, chef de la politique étrangère, le ministre des affaires étrangères de facto de l'Union européenne, lors de l'inauguration de la conférence des ambassadeurs de l'UE à Bruxelles. Il a déclaré que l'Europe est un beau "jardin" à impérativement protéger des méchants barbares du reste du monde - une "jungle", témoignant d’une mentalité néocolonialiste encore bien vivante dans la classe dirigeante européenne.
Il déclare que le reste du monde est une "jungle" qui menace de nous "envahir" - une incroyable projection si l'on considère que l'Europe, les puissances coloniales européennes, ont derrière elles une histoire de 500 ans d'invasion de tous les coins de la planète, supervisant certains des empires les plus violents et meurtriers de l'histoire, ainsi que le génocide, le nettoyage ethnique et l'esclavage de masse.
Ce discours a attiré l'attention, mais ce qui est également intéressant, c'est que trois jours auparavant, Josep Borrell a prononcé un autre discours lors de l'inauguration de cette académie diplomatique à Bruxelles, et la teneur de ce discours était bien différente. Dans ce discours, nous avons vu Borrell se lamenter à propos du déclin de l'hégémonie unipolaire occidentale. Et dans ce discours, il reconnaissait qu'après la fin de la première guerre froide et le renversement de l'Union soviétique et du bloc socialiste, que la période de prospérité du noyau impérial était fondé sur la soumission de la Chine et de la Russie. Vous pouvez trouver la transcription sur le site officiel de l'UE.
Il dit : "Notre prospérité était fondée sur la Chine et la Russie."
Il reconnaît qu'elle était fondée sur la subordination de l'économie chinoise, sur un marché captif et sur des biens de consommation bon marché en provenance de Chine, ainsi que sur de l'énergie bon marché issue de la Russie, le tout exporté vers l'Europe.
Et bien sûr, cette énergie bon marché est ce qui a permis aux économies européennes d'être compétitives. Nous le voyons maintenant avec l'effondrement d'industries entières en Allemagne.
Il s'agit donc d'une reconnaissance par l'un des acteurs clés du système impérialiste mondial, le chef de la politique étrangère de l'UE, que cet ordre impérialiste unipolaire, co-déterminé avec le système néolibéral - le néolibéralisme étant la phase du capitalisme de l'hégémonie unipolaire dirigée par les États-Unis, de la domination hégémonique unipolaire du système capitaliste mondial par les États-Unis et l'Europe.
Ce système ne pouvait pu fonctionner que sur la base de la subordination de la Chine et de la Russie, et bien sûr du reste du monde.
Maintenant que la Chine et la Russie ne sont plus subordonnées, maintenant qu'elles sont des puissances indépendantes - et, soit dit en passant, maintenant qu'elles sont des partenaires stratégiques et qu'elles construisent un nouveau bloc eurasien - la crise devient fondamentale au sein du système mondial capitaliste et du bloc impérialiste dirigé par les États-Unis et l'Europe.
Et quelle est leur réponse à cette crise ? Leur réponse est une incitation à la guerre mondiale, les États-Unis et l'Europe poussant le monde vers cette troisième guerre mondiale, au bord de l'apocalypse nucléaire.
On assiste aussi à une évolution vers le fascisme. Et je terminerai sur cette réflexion. C'est le véritable danger auquel nous devons faire face.
Nous nous trouvons à un stade où la démocratie bourgeoise, le capitalisme lui-même, connaît une crise institutionnelle fondamentale de légitimité. Et il y a deux réponses à cela : le socialisme ou la barbarie.
Cependant, le fascisme s'est toujours présenté, comme le disait Michael Parenti, comme une fausse révolution. Il se drape dans une rhétorique révolutionnaire contre les soi-disant "mondialistes" - pas les impérialistes, les soi-disant "mondialistes", ce qui est bien sûr très vague. Il peut s'agir d'antisémitisme, de libéraux, de personnes qui soutiennent les droits des LGBT et qui sont contre le racisme, et de féministes.
Une terminologie très peu spécifique est utilisée pour coopter cette énergie populaire, qui reconnaît que ces guerres impérialistes constantes ont dévasté le monde, et redirige cette énergie non pas contre l'impérialisme et le capitalisme, mais contre le soi-disant "globalisme".
Ou bien ils parlent de "l'establishment", mais ils ne le définissent jamais
Ils disent même "classe dominante". Nous voyons que Steve Bannon a parlé de, s'est déchaîné contre la "classe dominante"; il n"‘arrive pas à dire “la classe capitaliste”.
Nous voyons donc ces charlatans, ces sophistes, qui essaient de coopter cette énergie populaire et de la rediriger vers le fascisme, vers la désignation de boucs émissaires pour les LGBT, les nations opprimées, en particulier aux États-Unis pour les Noirs - nous voyons une augmentation de la suprématie blanche, du nationalisme blanc et du soi-disant nationalisme chrétien épousé par certains de ces politiciens fascistes américains.
Je pense donc qu'il est de notre responsabilité d'exprimer une ligne ferme ni seulement contre l'impérialisme et la guerre, mais aussi contre le chauvinisme national, le sectarisme et le capitalisme.
Et cela, en ce moment, c'est tout à fait nécessaire, c'est absolument crucial.
Parce que nous constatons également une crise fondamentale au sein de la gauche, en particulier dans l’empire, qui n'est pas différente de la crise qui a conduit à la scission de la Deuxième Internationale en 1916.
Et dans ce sens, nous ne nous trouvons pas seulement dans une époque similaire aux années 1930, dans le sens de la montée du fascisme et de la crise fondamentale au sein du système mondial capitaliste, mais nous sommes aussi dans un moment similaire à la période 1914-1918.
Non pas que je pense que cette guerre que l'OTAN mène contre la Russie est une guerre inter-impérialiste; ce n'est pas une guerre inter-impérialiste, c'est une guerre menée par les impérialistes pour empêcher la consolidation de ce monde multipolaire.
L'OTAN mène une guerre contre la Russie pour détruire les BRICS, pour empêcher la consolidation de l'Organisation de coopération de Shanghai et l'intégration eurasienne, pour empêcher la Chine et la Russie de former un bloc économique politique cohérent capable d’offrir aux pays du Sud une autre voie de développement économique.
Telle est la guerre qu'ils mènent. Ce n'est pas comme la première guerre mondiale, qui était fondamentalement une guerre impérialiste concernant les colonies.
Mais nous vivons un moment qui n'est guère différent de celui des années 1910, dans le sens où de larges pans de la gauche, ont abandonné l'anti-impérialisme, et ont en fait donné à l'extrême droite l’opportunité de rassembler en disant qu’ils sont à l’origine de ces soi-disant "mondialistes", et non les impérialistes.
Le constat est clair que de grands pans de la gauche vont en fait de pair avec l'impérialisme, que ce soit tacitement, ou ouvertement.
Il s'agit donc d'une lutte contre ces deux tendances : l'extrême droite, mais aussi contre les parties opportunistes de la gauche qui ne soutiennent pas le défaitisme révolutionnaire, qui voient cette guerre et disent qu'ils veulent que l'OTAN, et fondamentalement le bloc impérialiste, gagne cette guerre, ce qui signifie au fond de bloquer toute tentative de construire un monde multipolaire, et de consolider un monde unipolaire à l’agonie.
Je ne peux donc qu’insister sur l'urgence de cette question. Et heureusement, je pense que le travail que vous faites tous, et que j'essaie de faire, dans des organisations comme l'International Manifesto Group ne peut pas être plus essentiel en ce moment historique critique.
Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui.
Ben Norton est un journaliste, écrivain et cinéaste. Il est le fondateur et l'éditeur de Multipolarista, et est basé en Amérique latine.
https://multipolarista.com/2022/11/10/crisis-capitalism-imperialism-fascism/