đâđš Biden, le dernier prĂ©sident en date Ă prĂ©senter la guerre du Vietnam comme une fiertĂ© historique.
Dire la vĂ©ritĂ© sur le ViĂȘt Nam fait peser une menace fondamentale sur la machine de guerre amĂ©ricaine. On ne sâĂ©tonne donc pas que les chefs de l'Ătat belliciste prĂ©fĂšrent continuer Ă faire semblant.
đâđš Biden, le dernier prĂ©sident en date Ă prĂ©senter la guerre du Vietnam comme une fiertĂ© historique.
Par Norman Solomon, le 20 septembre 2023
Lorsque Joe Biden a quittĂ© Hanoi la semaine derniĂšre, il a quittĂ© un pays oĂč la guerre menĂ©e par les Ătats-Unis a causĂ© la mort d'environ 3,8 millions de Vietnamiens. Mais, comme tous les autres prĂ©sidents depuis la guerre du ViĂȘt Nam, il n'a donnĂ© aucun signe de remords. En fait, avant sa visite, M. Biden a prĂ©sidĂ© une cĂ©rĂ©monie Ă la Maison-Blanche qui a glorifiĂ© la guerre en la prĂ©sentant comme un noble effort.
En remettant la mĂ©daille d'honneur Ă l'ancien pilote de l'armĂ©e Larry L. Taylor pour sa bravoure au combat, M. Biden a fait l'Ă©loge du vĂ©tĂ©ran en le fĂ©licitant d'avoir risquĂ© sa vie au ViĂȘt Nam pour sauver ses compagnons d'armes des griffes de âl'ennemiâ. Mais ce prĂ©tendu hĂ©roĂŻsme remonte Ă 55 ans. Pourquoi remettre la mĂ©daille sur une chaĂźne nationale quelques jours avant de se rendre au ViĂȘt Nam ?
Le moment choisi rĂ©affirme cette fiertĂ© Ă©hontĂ©e pour la guerre des Ătats-Unis au ViĂȘt Nam, que les prĂ©sidents successifs ont tentĂ© de faire passer Ă la postĂ©ritĂ©. On pourrait penser qu'aprĂšs avoir tuĂ© un si grand nombre de personnes dans une guerre d'agression basĂ©e sur des mensonges permanents, un peu d'humilitĂ© et mĂȘme de repentir seraient de mise.
Mais non. Comme l'a dit George Orwell, âQui contrĂŽle le passĂ© contrĂŽle l'avenir : qui contrĂŽle le prĂ©sent contrĂŽle le passĂ©â. Et un gouvernement qui a l'intention de poursuivre le recours Ă la puissance militaire a besoin de dirigeants qui font de leur mieux pour dĂ©former l'histoire par une rhĂ©torique brumeuse et des omissions dĂ©libĂ©rĂ©es. Les mensonges et les dĂ©robades sur les guerres passĂ©es prĂ©figurent les guerres futures.
Ainsi, lors d'une conférence de presse à Hanoï, la phrase la plus proche de la reconnaissance par Biden du massacre et de la dévastation infligés au Vietnam par l'armée américaine a été la suivante :
âJe suis incroyablement fier de la façon dont nos nations et nos peuples ont construit la confiance et la comprĂ©hension au cours des dĂ©cennies et ont travaillĂ© pour rĂ©parer le douloureux hĂ©ritage que la guerre a laissĂ© Ă nos deux nations.â
Ce faisant, M. Biden prĂ©tendait que les souffrances et la culpabilitĂ© des deux pays Ă©taient comparables - une prĂ©tention trĂšs rĂ©pandue chez les commandants en chef depuis la fin de la guerre du ViĂȘt Nam, quand le premier d'entre eux a Ă©tĂ© nommĂ©.
Deux mois aprĂšs le dĂ©but de sa prĂ©sidence, au dĂ©but de l'annĂ©e 1977, Jimmy Carter s'est vu demander lors d'une confĂ©rence de presse s'il ressentait âune quelconque obligation morale d'aider Ă la reconstruction de ce paysâ. Carter a rĂ©pondu avec fermetĂ© :
âEh bien, la destruction Ă©tait mutuelle. Vous savez, nous sommes allĂ©s au ViĂȘt Nam sans aucun dĂ©sir de conquĂȘte de territoires ou de volontĂ© d'imposer la volontĂ© amĂ©ricaine Ă d'autres peuples. Nous y sommes allĂ©s pour dĂ©fendre la libertĂ© des Sud-Vietnamiens. Et je ne pense pas que nous devions nous excuser, nous fustiger ou assumer le statut de coupableâ.
Et Carter d'ajouter : âJe ne pense pas que nous ayons la moindre dette, ni que nous devrions ĂȘtre contraints de payer des rĂ©parationsâ.
En d'autres termes, quel que soit le nombre de mensonges ou de morts, ĂȘtre le gouvernement des Ătats-Unis signifie ne jamais avoir Ă s'excuser.
Lorsque le prĂ©sident George H.W. Bush a cĂ©lĂ©brĂ© la victoire des Ătats-Unis dans la guerre du Golfe de 1991, il a proclamĂ© : âPar Dieu, nous avons mis fin au syndrome du ViĂȘt Nam une fois pour toutesâ. Bush voulait dire par lĂ que le massacre triomphal du peuple irakien - estimĂ© Ă 100 000 en six semaines - avait donnĂ© lieu Ă une euphorie amĂ©ricaine Ă l'Ă©gard de l'action militaire, qui promettait de balayer toute hĂ©sitation Ă dĂ©clencher d'autres guerres Ă l'avenir.
De Carter Ă Biden, les prĂ©sidents n'ont jamais Ă©tĂ© prĂȘts Ă fournir de compte-rendu honnĂȘte de la guerre du ViĂȘt Nam. Aucun d'entre eux n'aurait pu imaginer faire preuve de la mĂȘme franchise que le lanceur dâalerte des Pentagon Papers, Daniel Ellsberg, lorsqu'il a dĂ©clarĂ© :
âCe n'est pas que nous Ă©tions du mauvais cĂŽtĂ©, c'est que nous Ă©tions le mauvais cĂŽtĂ©.â
Le discours politique dominant n'a accordĂ© que peu de considĂ©ration aux morts et aux blessĂ©s du peuple vietnamien. De mĂȘme, les dĂ©gĂąts Ă©cologiques et les effets des poisons provenant de l'arsenal du Pentagone ont Ă©tĂ© trĂšs peu Ă©voquĂ©s dans les mĂ©dias et la politique amĂ©ricaine.
Cette histoire est-elle vraiment importante aujourd'hui ? Absolument. Les efforts visant à présenter les actions militaires du gouvernement américain comme bien intentionnées et vertueuses sont incessants. Les prétextes qui falsifient le passé préfigurent les excuses des guerres futures.
Dire les vĂ©ritĂ©s essentielles sur la guerre du ViĂȘt Nam fait peser une menace fondamentale sur la machine de guerre amĂ©ricaine. Il n'est donc pas Ă©tonnant que les dirigeants de l'Etat de guerre prĂ©fĂšrent continuer Ă faire semblant.
* Norman Solomon est cofondateur et coordinateur national de RootsAction.org. Il a notamment publié "War Made Easy : How Presidents and Pundits Keep Spinning Us to Death" (La guerre rendue facile : comment les présidents et les experts continuent de nous faire mourir) et "War Made Invisible : How America Hides the Human Toll of Its Military Machine" (La guerre rendue invisible : comment l'Amérique occulte le coût humain de sa machine militaire).