👁🗨 Biden, l'Ukraine et le "coup de fil de 3 heures du matin"
Quand le président américain se tait au lieu d'essayer d'éviter une possible calamité mondiale, les citoyens américains & tous les citoyens du monde devraient commencer à se faire vraiment du souci.
👁🗨 Biden, l'Ukraine et le "coup de fil de 3 heures du matin"
Par Scott Ritter, Spécial Consortium News, le 2 juillet 2023
En juin, Joe Biden a fait face au choix du "coup de fil de 3 heures du matin". Il aurait pu passer un coup de fil qui aurait pu prévenir la menace d'une crise nucléaire, voire pire.
Pendant les primaires démocrates de 2008, Hillary Clinton a diffusé un spot visant à affaiblir son rival aux yeux des électeurs dans la course à l'investiture démocrate à l'élection présidentielle, Barack Obama.
S'appuyant sur le manque d'expérience d'Obama en matière de sécurité nationale, et les conséquences potentielles d'une défaillance de sa part à un moment critique, le message de Mme Clinton cherchait à faire de cette question une affaire personnelle, mettant en scène une banale maison de banlieue américaine dans la nuit.
"Il est 3 heures du matin, vos enfants sont en sécurité et dorment, mais le téléphone de la Maison-Blanche sonne. Il se passe quelque chose dans le monde". L'auditeur est ensuite invité à décider qui est le mieux placé pour répondre à l'appel, et la conclusion est que le choix le plus judicieux devrait se porter sur quelqu'un de déjà "expérimenté et prêt à gérer une situation dangereuse".
Il est 3 heures du matin, et le narrateur demande : " Qui souhaitez-vous voir répondre au téléphone ? ".
Les électeurs ont choisi Obama plutôt que Clinton.
Ce qui n'a pas empêché le camp Clinton de reprendre le thème "3 heures du matin, dans un monde dangereux" dans un spot de campagne diffusé huit ans plus tard, alors qu'Hillary affrontait Donald Trump pour la présidence.
" La planète est pleine de dangers ", déclare un narrateur, tandis que les spectateurs découvrent une image de la Maison Blanche à 3 heures du matin. " À tout moment, notre président pourrait être amené à agir avec calme, détermination et intelligence. "
Un acteur jouant le rôle de Donald Trump est assis juste là, absorbé par son flux Twitter.
"Quelqu'un va-t-il décrocher ce foutu téléphone ?", s'écrie le personnage incarnant Donald Trump. "C'est agaçant à la fin. Qui peut bien m'appeler à 3 heures du matin ? Totalement stupide".
Clinton a également perdu ce match.
Quoi que l'on pense de Trump, l'idée qu'il n'a pas pu ou voulu passer "l'appel de 3 heures du matin" est contredite par les faits - en particulier lorsqu'il s'agit de la Russie.
En décembre 2017, Trump a fourni à la Russie des informations du renseignement américain pour aider les forces de sécurité russes à prévenir un attentat terroriste à la bombe contre une cathédrale orthodoxe à Saint-Pétersbourg. Le président russe Vladimir Poutine a appelé Trump pour le remercier personnellement pour ces renseignements, qui ont permis à la Russie de déjouer un attentat qui, selon des responsables américains, "aurait pu tuer un grand nombre de personnes."
La décision de M. Trump de fournir des renseignements à la Russie fait suite à un attentat terroriste perpétré à Saint-Pétersbourg en avril 2017, qui a fait 11 morts et 45 blessés. M. Trump s'est entretenu avec M. Poutine après cet attentat et lui a présenté ses plus sincères condoléances tout en lui offrant le "soutien total" des États-Unis.
Le coup de 3 heures du matin de décembre 2017 prouve que Trump est allé jusqu'au bout de son engagement.
Deux ans plus tard, en décembre 2019, M. Trump a de nouveau donné le feu vert à la transmission de renseignements américains à la Russie, ce qui a permis aux autorités russes de déjouer un autre attentat terroriste prévu à Saint-Pétersbourg pour perturber les célébrations du Nouvel An. Poutine a de nouveau appelé Trump pour le remercier de l'information, qui aurait permis de sauver de nombreuses vies.
Tout cela semblait oublié lorsqu'en septembre 2020, à la veille de l'élection présidentielle américaine de 2020, 489 anciens responsables de la sécurité nationale ont cosigné une "Lettre ouverte au peuple américain", reprochant à M. Trump de ne pas être "à la hauteur des immenses responsabilités de sa charge", déclarant qu'"il n'est pas en mesure de relever les défis, grands ou moins grands".
À l'inverse, ces fonctionnaires ont vanté les mérites de Joe Biden, le rival démocrate de M. Trump, en tant que "leader incontournable pour notre nation", soulignant ce qu'ils décrivent comme "son jugement sûr, sa compréhension approfondie et ses valeurs fondamentales".
Selon ces anciens responsables de la sécurité nationale, Joe Biden était mieux préparé que Donald Trump à relever le défi du "coup de fil de 3 heures du matin". Les événements récents en Russie semblent toutefois suggérer le contraire.
Prigozhin a-t-il agi seul ?
Alors que le calme revient sur l'insurrection armée ratée de la semaine dernière menée par Evgeniy Prigozhin, le patron de la société militaire privée Wagner, l'une des principales questions qui se posent est de savoir si Prigozhin a agi de son propre chef, ou dans le cadre d'un plan plus large soutenu par des agences extérieures, notamment les services de renseignement de nations hostiles à la Russie.
Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que les services de sécurité russes "se penchent actuellement sur la question".
La Russie n'a pas besoin d'enquêter sur la question de savoir si les services de renseignement américains ont été informés à l'avance du coup d'État avorté de M. Prigozhn.
Selon les médias américains, les responsables du renseignement américain ont informé M. Biden, les hauts responsables de la sécurité nationale de l'administration Biden et le "Gang des Huit" (les principaux dirigeants du Congrès, tant à la Chambre qu'au Sénat, impliqués dans les questions de sécurité nationale) quelques jours avant l’action soudaine de M. Prigozhin.
Selon CNN, les services de renseignement américains ont fourni aux décideurs politiques américains une " description extrêmement détaillée et précise des plans du chef de Wagner, Evgeniy Prigozhin, avant sa rébellion de courte durée, y compris où et comment Wagner prévoyait d'avancer ".
Les services de renseignement américains s'attendaient à ce que la marche de Prigozhin sur Moscou se heurte à la résistance du gouvernement russe, et donne lieu à des combats vraiment "sanglants".
Sur la base de ces évaluations, Joe Biden a ordonné à son équipe de sécurité nationale de réagir à divers scénarios susceptibles de découler du coup d'État de Prigozhin. La nature de ces scénarios reste confidentielle.
Mais un tweet d'Anton Gerashchenko, conseiller du ministre ukrainien de l'intérieur, donne un aperçu de la réflexion de ceux qui ont suivi les événements entourant la rébellion de Prigozhin.
"Soit Prigozhin sera éliminé dans les 24 heures par une frappe de missile ordonnée par Poutine", a tweeté M. Gerashenko, "soit il prendra le contrôle du Kremlin et se déclarera lui-même dictateur militaire russe. La suite, ce sera une guerre civile et la désintégration de la Russie".
M. Gerashchenko s'est ensuite inquiété de "ce qu'il adviendra des milliers d'ogives nucléaires, à bord de missiles et d'avions, si Prigozhin les contrôle".
L'éventualité d'une perte de contrôle des armes nucléaires russes a été évoquée par des comptes Twitter anti-russes, dont l'un émettait l'hypothèse que les soldats Wagner de Prigozhin avaient avancé en direction du village de Borisoglebsk "dans le but de pénétrer le territoire du camp militaire 'Voronezh-45', où se trouve l'unité militaire 14254 (12e direction principale du ministère russe de la défense (GUMO))".
Cette unité est responsable de la sécurité des armes nucléaires tactiques.
(Selon des sources mieux informées, l'installation de Voronezh-45, qui abritait une base voisine de l'armée de l'air russe utilisée pour l'entraînement, était probablement dépourvue d'armes nucléaires.
Quoi qu'il en soit, puisque les armes nucléaires russes sont démontées une fois stockées, et que les divers composants et codes nécessaires pour rendre utilisables toute arme stockée dans l'installation ne pouvaient être activés par les soldats de Wagner, la thèse selon laquelle Wagner aurait pu devenir une puissance nucléaire par la simple occupation de l'installation n'a pas été retenue).
Quelle que soit la réalité de l'action supposée de Wagner sur Voronezh-45, les hauts fonctionnaires américains s'inquiétaient du lien entre l'arsenal nucléaire de la Russie et les actions de Prigozhin.
“Nous n'avons rien à voir avec tout ça”
Le secrétaire d'État Antony Blinken a déclaré à la presse le lendemain de la mutinerie de Prigozhin :
"Nous nous préparons toujours à toutes les éventualités concernant la situation en Russie. C'est une question interne que les Russes doivent résoudre. Bien entendu, lorsqu'il s'agit d'une grande puissance, et en particulier d'une grande puissance dotée d'armes nucléaires, nous sommes préoccupés par cette situation, sur laquelle nous nous concentrons. Nous n'avons constaté aucune modification dans le dispositif nucléaire de la Russie. Il n'y a pas eu de changement dans le nôtre, mais c'est quelque chose que nous allons surveiller très, très attentivement".
Le lendemain de l'intervention de M. Blinken, M. Biden a fait sa propre déclaration publique, déclarant qu'il avait été en contact permanent avec les alliés des États-Unis pour coordonner les réactions à la rébellion de Prigozhin. La priorité de Joe Biden, semble-t-il, était de s'assurer que personne ne pointe du doigt les États-Unis.
"Nous devions nous assurer de ne fournir aucun prétexte à Poutine pour rejeter la faute sur l'Occident, sur l'OTAN, a déclaré M. Biden. Nous avons clairement indiqué que nous n'étions pas impliqués, que nous n'avions rien à voir avec ces faits. Tout ceci relève d'une lutte interne au système russe".
La personne désignée par Biden pour faire passer le message à la Russie et à son dirigeant était le directeur de la CIA, William Burns, qui a appelé Sergei Naryshkin, le directeur du service de renseignement extérieur russe, pour lui faire comprendre que les États-Unis n'étaient pas impliqués dans l'affaire Prigozhin.
Mais les affirmations de Burns sonnent faux. La communauté du renseignement américaine, de son propre aveu, disposait de renseignements extrêmement détaillés sur ce que Prigozhin prévoyait de faire, y compris sur la portée et l'ampleur de l'implication des mercenaires de Wagner sous ses ordres, où ils avaient l'intention d'aller, ce qu'ils avaient l'intention de faire, et quand ils avaient l'intention de le faire.
La communauté du renseignement américaine s'attendait à ce que cette opération se solde par "un bain de sang".
Selon Blinken, les États-Unis étaient préoccupés par les armes nucléaires russes.
Et apparemment, un entrepôt d'armes nucléaires russes se trouvait sur la route des soldats du Groupe Wagner qui se dirigeaient vers Moscou.
En outre, les Russes ont dû se demander pourquoi Burns les informait de cela après coup.
En 2017 et 2019, Trump a demandé aux services de renseignement américains de transmettre à la Russie des informations sur d'éventuelles attaques terroristes, ce qui a permis de sauver des dizaines, voire des centaines, de vies russes.
En juin 2023, Biden disposait de renseignements sur une insurrection explosive imminente qui aurait pu mettre en péril les armes nucléaires de la Russie et le monde entier. M. Biden a choisi de ne pas partager ces informations avec la Russie.
Le silence de l'Amérique en dit long.
Comme l'a fait remarquer Dmitri Medvedev, l'ancien président russe, actuel vice-président du Conseil de sécurité de la Russie (Poutine en est le président) :
"L'évolution des événements montre que les actions de ceux qui ont organisé la rébellion militaire [de Prigozhin et Wagner] s'inscrivent pleinement dans le schéma de la mise en scène d'un coup d'État. Si les armes nucléaires se retrouvent entre les mains de voyous, le monde sera au bord de la destruction et la crise ne se limitera pas à un seul pays".
En juin, Biden a été confronté au fameux "coup de fil de 3 heures du matin". Il aurait pu passer le coup de fil susceptible prévenir la menace d'une crise nucléaire ou, pire, d'une guerre nucléaire.
Mais il ne l'a pas fait.
Alors que la Russie et le monde ont évité le pire suite à la révolte de Prigozhin, qu'un président américain soit resté muet quand il aurait dû chercher à prévenir une calamité mondiale potentielle devrait inquiéter non seulement tous les citoyens américains, mais aussi tous les habitants de la planète.
M. Biden a échoué au test du "coup de fil de 3 heures du matin".
Heureusement, le monde a survécu. Mais que se passera-t-il la prochaine fois ?
* Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines américains qui a servi dans l'ex-Union soviétique pour mettre en œuvre les traités de contrôle des armements, dans le golfe Persique pendant l'opération Tempête du désert et en Irak pour superviser le désarmement des armes de destruction massive (ADM). Son dernier ouvrage est Disarmament in the Time of Perestroika, publié par Clarity Press.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.
https://consortiumnews.com/2023/07/02/scott-ritter-bidens-3am-moment-in-ukraine/