đâđš Bilan concret des violences en Palestine
PrÚs de la cÎte se trouvait la Palestine. Que faire pour s'y rendre ? Les gens ont passé peu de temps sur la question, sans doute parce que tous connaissaient déjà la réponse. "Tout ce qu'il faudra".
đâđš Bilan concret des violences en Palestine
Par Steve Salaita, le 19 octobre 2023
La violence palestinienne, notion complexe et ambivalente, exige une analyse réfléchie, et non des lieux communs orientalistes et des platitudes libérales.
I. Terreur et jubilation
Lorsque j'étais étudiant diplÎmé, il y a de nombreuses années, j'ai eu l'occasion de passer du temps dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban. La vie dans le camp était difficile, mais les liens communautaires étaient forts malgré l'adversité. Des tensions internes existaient, mais le retour en Palestine servait de principe unificateur.
C'Ă©tait l'Ă©poque de la rĂ©sistance palestinienne, que les journalistes et intellectuels occidentaux qualifient mollement de âviolences palestiniennesâ. L'une des principales stratĂ©gie utilisĂ©es Ă l'Ă©poque Ă©tait l'attentat-suicide. Parfois, l'attaquant s'en prenait Ă une installation militaire. D'autres fois, il (ou elle) s'en prenait Ă des espaces publics. Les experts et les intellectuels occidentaux, ainsi que bon nombre de leurs homologues du monde arabe, ont dĂ©clarĂ© que cette tactique Ă©tait un sous-produit d'un mal atavique, et ont reçu en retour les Ă©loges habituels. SuggĂ©rer mĂȘme la possibilitĂ© de facteurs sociologiques Ă©tait une violation monstrueuse des normes professionnelles. Selon l'orthodoxie, le comportement des Palestiniens Ă©tait irrĂ©flĂ©chi et irraisonnĂ©.
Comme dans de nombreux lieux de la région, les téléviseurs du camp diffusaient souvent une chaßne d'information, ne serait-ce que comme bruit de fond. Chaque fois que le présentateur parlait d'une nouvelle opération, des acclamations sortaient des appartements bondés du camp. Cette réaction ne me dérangeait pas - ils vivaient dans des conditions sordides, aprÚs tout, et leur cause était indéniablement juste - mais je ne la comprenais pas vraiment non plus. J'ai simplement conservé le souvenir mémorable de ces applaudissements.
à l'époque, j'avais le sentiment vague mais clair que la liesse n'était pas l'expression d'une soif de sang. Ce type d'interprétation me semblait simpliste et peu généreux. J'avais fait l'expérience de trop de chaleur et d'hospitalité pour attribuer quelque méchanceté que ce soit à mes hÎtes. En outre, je savais pourquoi les personnes qui m'entouraient étaient des réfugiés. Je connaissais l'histoire des massacres perpétrés dans deux pays. Je connaissais les histoires de tourments et d'humiliations, de désir et d'exil, de perte et d'agonie. Pas question d'utiliser des clichés
Avec le temps, j'ai compris que la liesse était en grande partie l'expression d'un espoir. Et un espoir simple : le désir profondément humain de rentrer chez soi. Chaque opération contre le colonisateur représentait une possibilité de retour. Les Palestiniens n'envisageaient pas la situation sous un angle abstrait ou idéaliste. Ils étaient parfaitement pragmatiques.
Personne ne voulait plus vivre dans un camp de réfugiés.
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Au dĂ©but du mois, la rĂ©sistance palestinienne Ă Gaza a lancĂ© une offensive sans prĂ©cĂ©dent par son ampleur et sa forme. Des centaines de roquettes ont contournĂ© le fameux DĂŽme de fer israĂ©lien et ont atterri partout, d'Ashqelon Ă Tel-Aviv. SimultanĂ©ment, des agents du Hamas se sont infiltrĂ©s dans le sud d'IsraĂ«l et ont capturĂ© plusieurs civils et membres de l'armĂ©e israĂ©lienne. Les combattants se sont infiltrĂ©s dans les colonies sionistes, laissant derriĂšre eux des dizaines de victimes. L'une des opĂ©rations a visĂ© un festival de musique prĂšs de la bande de Gaza. Pour la premiĂšre fois depuis des dĂ©cennies, les Palestiniens contrĂŽlent des terres situĂ©es Ă l'intĂ©rieur de la âligne verteâ entre IsraĂ«l et les territoires occupĂ©s.
La résistance a appelé ses alliés au Liban, en Irak, en Syrie et en Iran à se joindre à l'opération, laissant entrevoir la possibilité d'une guerre régionale. L'attention du monde se porte à nouveau sur la Palestine.
La réponse d'Israël a été exceptionnellement brutale, surpassant l'horreur de ses assauts prolongés contre Gaza en 2009 et 2014.
Le festival de musique allait devenir la principale raison de cette brutalitĂ©. Les mĂ©dias occidentaux ont faussement rapportĂ© que les Palestiniens avaient dĂ©capitĂ© des bĂ©bĂ©s et pratiquaient le viol Ă grande Ă©chelle, des mensonges repris par le prĂ©sident des Ătats-Unis.
L'armĂ©e israĂ©lienne a pris pour cible des civils sans discrimination, coupĂ© le gaz et l'Ă©lectricitĂ©, verrouillĂ© la Cisjordanie, provoquĂ© des dĂ©placements massifs de population, Ă©tripĂ© les secouristes, coupĂ© internet, bombardĂ© les hĂŽpitaux et refusĂ© d'autoriser l'aide de l'Ăgypte. Dans le cadre d'un projet colonial qui a passĂ© plus d'un siĂšcle Ă commettre des atrocitĂ©s, la soi-disant guerre contre le Hamas est l'un de ses Ă©pisodes les plus hideux.
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Dans les mĂ©dias d'entreprise du monde anglophone, prendre le parti des Palestiniens, mĂȘme timidement, n'Ă©tait pas une option. RĂ©primer les sentiments pro-palestiniens a toujours Ă©tĂ© la norme dans ces milieux, mais la rĂ©pression cette fois a Ă©tĂ© plus sĂ©vĂšre que d'habitude. Les hommes politiques des deux bords se sont empressĂ©s de condamner le terrorisme palestinien. Les entreprises ont fait leurs gestes habituels d'angoisse et d'inquiĂ©tude. Et dans un Ă©lan qui a semblĂ© plus cruel qu'insipide, une longue liste de cĂ©lĂ©britĂ©s s'est engagĂ©e Ă soutenir IsraĂ«l.
Si cet embargo sur la sympathie pour les Palestiniens n'avait pas existé, un plus grand nombre d'Américains auraient pu prendre connaissance d'un contexte pertinent, et examiner certaines des questions importantes soulevées par la résistance palestinienne.
Le contexte pertinent commence par la nature de l'Ătat israĂ©lien, un avatar de bellicisme et d'inĂ©quitĂ©. Au-delĂ de son rĂŽle de force extractive dans le rĂ©seau mondial de l'impĂ©rialisme amĂ©ricain, IsraĂ«l a Ă©tĂ© fondĂ© par une conquĂȘte qui n'a pas encore Ă©tĂ© corrigĂ©e. Cette conquĂȘte s'est traduite par le dĂ©placement massif d'Arabes palestiniens, le vol de terres, l'assassinat de villages entiers, l'appropriation de ressources et la destruction de l'environnement naturel.
Dans ce contexte, la notion dââautodĂ©fenseâ, l'outil discursif des sionistes, devient plus compliquĂ©e. Comment une puissance occupante peut-elle ĂȘtre en position de soumission ou d'impuissance ? Ce n'est que dans des circonstances inhabituelles que l'oppresseur historique peut invoquer la lĂ©gitime dĂ©fense. Ce n'est pas le cas ici : l'hostilitĂ© d'IsraĂ«l en tant que puissance occupante est tout Ă fait routiniĂšre. Les points de contrĂŽle sont agressifs. Les passages de frontiĂšres sont agressifs. Les patrouilles militaires sont agressives. Les embargos sont agressifs. La dĂ©molition de maisons est agressive. La construction de colonies est agressive. Les extractions de terre et d'eau sont agressives. On ne peut pas invoquer l'autodĂ©fense comme contrepoint Ă l'agression permanente.
En bref, l'autodéfense israélienne n'existe pas. C'est une impossibilité absolue.
Mais peut-ĂȘtre que le problĂšme des AmĂ©ricains n'est pas l'ignorance ou le manque d'information. Peut-ĂȘtre savent-ils trĂšs bien qu'IsraĂ«l tue Ă grande Ă©chelle, et s'en rĂ©jouissent. Peut-ĂȘtre sont-ils habituĂ©s au spectacle de la violence coloniale. Peut-ĂȘtre y voient-ils un bienfait pour l'humanitĂ©. Peut-ĂȘtre perçoivent-ils dans l'effusion de sang le monde tel qu'il devrait ĂȘtre. Peut-ĂȘtre savent-ils tout ce qu'il faut savoir sur IsraĂ«l, Ă savoir qu'il sert de miroir Ă leurs propres fantasmes d'hĂ©roĂŻsme et de probitĂ©.
II. Pourquoi cette violence ?
La communauté israélienne des adeptes de la Transe s'est réunie dans le désert, prÚs de la colonie de Re'im, à quelques kilomÚtres de la bande de Gaza. Ils étaient là pour profiter d'un festival psychédélique de musique techno-électronique, Nova, une étape dans un mode de vie itinérant fait de sensualité et de vibrations paisibles.
Nova. Le nom Ă©voque l'observation des Ă©toiles, l'errance, tout le possible. Il est mystĂ©rieux et fascinant, un portail vers un monde diffĂ©rent, qui promet d'Ă©chapper aux problĂšmes de cette planĂšte qui se dĂ©tĂ©riore. Les deux millions d'habitants de la bande de Gaza, condamnĂ©s Ă subir les sanctions, l'immobilisme et l'occupation militaire, se trouvaient juste Ă cĂŽtĂ© du champ de vision des ravers. Eux aussi rĂȘvaient d'un autre monde. Mais ce monde n'existe pas dans le cosmos. Il est dĂ©jĂ lĂ , sur cette terre, dans la patrie dont ils ont Ă©tĂ© chassĂ©s.
Ces rĂȘves de mondes diffĂ©rents Ă©taient en conflit inĂ©vitable. Chaque monde exigeait la disparition de l'autre. Les ravers israĂ©liens pensaient avoir atteint leur but et n'avoir plus que le ciel Ă contempler. Mais les habitants de Gaza n'ont pas accĂ©dĂ© Ă ce dĂ©sir.
Ce contraste rappelle l'observation de Frantz Fanon selon laquelle âle contexte colonial se caractĂ©rise par la dichotomie qu'il inflige au mondeâ. L'opĂ©ration Ă Gaza a Ă©tĂ© profondĂ©ment fanonienne - ou peut-ĂȘtre pouvons-nous dire que Fanon a dĂ©crit avec prĂ©cision la logique inĂ©vitable de la rĂ©sistance indigĂšne.
La tentation est grande de montrer du doigt au lendemain de l'opĂ©ration, mais cette tĂąche n'est certainement pas du ressort des universitaires et des activistes de la mĂ©tropole. Elle ne devrait pas non plus ĂȘtre la prioritĂ© des Palestiniens de la diaspora (dont je fais partie). Dans notre environnement, oĂč rĂšgne une hostilitĂ© qui leur est propre, la prioritĂ© devrait ĂȘtre de dĂ©fendre les Palestiniens contre les souffrances subies de la part de l'ensemble du monde industrialisĂ©. Parmi les politiciens, artistes, cĂ©lĂ©britĂ©s et les intellectuels, les Palestiniens ne manquent pas de dĂ©tracteurs heureux de cautionner le gĂ©nocide sioniste. De toute façon, ces critiques n'ont pas besoin de notre validation, et ne la souhaitent pas. Abandonner nos frĂšres pour apaiser l'establishment sioniste ne nous apportera aucune reconnaissance. En fin de compte, l'aspirant Ă la respectabilitĂ© ne se retrouve qu'avec la honte de cette soumission.
Les Palestiniens sont parfaitement capables de formuler une stratĂ©gie et de rĂ©flĂ©chir Ă des problĂšmes complexes sans l'aide de personnes extĂ©rieures, ils n'ont certainement pas besoin du moralisme Ă la noix des abrutis et arrivistes de l'Occident. L'histoire palestinienne n'est pas Ă©sotĂ©rique ou inaccessible. En fait, on peut trouver la justification de la violence palestinienne n'importe oĂč dans la grande masse des Ă©crits rĂ©volutionnaires, d'Amilcar Cabral Ă Bassel al-Araj. Que les intellectuels qui ont fait des carriĂšres lucratives avec des mots Ă la mode aient Ă©tĂ© si empressĂ©s de condamner un exemple rĂ©el de rĂ©sistance indigĂšne est une mise en accusation accablante (et, Ă mon avis, permanente) du monde universitaire occidental.
Quoi qu'il en soit, il n'a pas fallu bien longtemps pour que les premiers tĂ©moignages de sauvagerie palestinienne ne s'avĂšrent faux ou disproportionnĂ©s. Les bĂ©bĂ©s israĂ©liens n'ont pas Ă©tĂ© dĂ©capitĂ©s et l'affaire des viols collectifs s'est rĂ©vĂ©lĂ©e totalement absurde. Au moins deux captifs israĂ©liens ont dĂ©clarĂ© lors d'interviews qu'ils avaient Ă©tĂ© traitĂ©s humainement. Les policiers et les militaires israĂ©liens qui sâĂ©taient cachĂ©s parmi les civils ont Ă©tĂ© responsables de certaines des pertes attribuĂ©es aux Palestiniens. NĂ©anmoins, l'histoire de la dĂ©pravation palestinienne a continuĂ© Ă circuler alors qu'IsraĂ«l tuait des innocents par milliers et rĂ©duisait des pans entiers de la bande de Gaza en dĂ©combres.
La rĂ©ponse d'IsraĂ«l a donc mis en lumiĂšre la raison d'ĂȘtre de l'opĂ©ration palestinienne. Tout le monde s'attendait Ă des actes de malveillance. Cette attente n'a pas surgi de nulle part. L'opĂ©ration n'Ă©tait pas une expression alĂ©atoire de la haine. Il s'agissait d'un retour de bĂąton Ă la malveillance systĂ©matique du colonisateur.
Les Palestiniens, comme tous les peuples colonisĂ©s, doivent mesurer leur soif de dignitĂ© face Ă la souffrance des reprĂ©sailles. Ils ne peuvent rester passifs pendant que l'oppresseur leur inflige une misĂšre perpĂ©tuelle, et ils refusent d'accepter un rĂ©cit ethno-religieux dans lequel ils n'existent que pour ĂȘtre vaincus. Que peuvent-ils faire alors ? Ils doivent se battre. Ce combat peut ĂȘtre laid en raison de la situation imposĂ©e par la puissance occupante. Il peut remettre en question la perception qu'ont les observateurs du statut de victime. Parfois, il peut mĂȘme transgresser les limites de ce que les intellectuels occidentaux considĂšrent comme Ă©tant une convenance civique.
Les caractĂ©ristiques psychiques du combat confĂšrent une dignitĂ© qui n'existe pas dans le monde imaginaire du colonisateur. C'est donc un motif de jubilation. Il y a quelques mois, un groupe de fĂȘtards blancs indisciplinĂ©s a sautĂ© sur un docker noir sur le front de mer de Montgomery (Alabama). C'Ă©tait une scĂšne familiĂšre : une bande de prĂ©tentieux du Sud aux droits sans limites agressant un bouc Ă©missaire pour exprimer leur animositĂ© raciale. L'ouvrier s'est battu vaillamment, mais il Ă©tait en infĂ©rioritĂ© numĂ©rique. Rapidement, cependant, des dizaines de passants se sont portĂ©s Ă sa dĂ©fense, par la terre et lâeau. Ils ont frappĂ© les dĂ©linquants blancs dans une scĂšne choquante filmĂ©e par de nombreuses camĂ©ras. Leur rĂ©sistance a Ă©tĂ© intense. Une femme blanche a Ă©tĂ© frappĂ©e Ă la tĂȘte avec une chaise pliante. L'un des hommes blancs a fini dans la riviĂšre.
Sur les réseaux sociaux (et au-delà ), les utilisateurs noirs se sont réjouis. Ils ont rapidement créé des mÚmes de la violence, et donné des surnoms aux participants à la rixe. Cette masse d'utilisateurs était, en un mot, jubilatoire.
La liesse a duré plus d'une semaine.
Elle vĂ©hiculait un message clair : âNous ne sommes plus sans dĂ©fenseâ.
Pour les Palestiniens, la rĂ©sistance dĂ©livre un message similaire : nous ne resterons pas passifs dans ces camps de concentration, affamĂ©s et bombardĂ©s jusqu'Ă l'oubli. Ils sont poussĂ©s par le dĂ©sespoir de la survie, car si leur colonisateur parvient Ă trancher, ils disparaĂźtront de la surface de la terre. Leur violence soi-disant irrationnelle est la dĂ©finition mĂȘme de l'autodĂ©fense.
La violence n'est pas purement psychologique. Elle sert Ă©galement des objectifs matĂ©riels. L'idĂ©e Ă©tant que les colons ne puissent jamais ĂȘtre tranquilles, car c'est en Ă©tant tranquilles que les colons ont l'impression d'avoir atteint leurs objectifs. La terre leur appartient. Les indigĂšnes ont bel et bien oubliĂ©. L'histoire est enfin terminĂ©e.
Les Palestiniens invitent les IsraĂ©liens Ă abandonner l'idĂ©e romantique de leur colonie. Ce n'est pas votre utopie exclusive. Elle ne sera jamais un lieu de rĂ©pit. Vous ne pouvez pas ĂȘtre en sĂ©curitĂ© et prospĂ©rer Ă nos dĂ©pens.
C'est pourquoi un grand nombre de Palestiniens ont jubilé lorsqu'ils ont vu des colons israéliens embarquer dans des avions pour un ailleurs.
III. Compulsion au génocide
Les commentateurs occidentaux ont pris l'habitude de dĂ©crire la situation actuelle comme la âguerre IsraĂ«l-Hamasâ. Cette expression est inexacte Ă deux Ă©gards. PremiĂšrement, elle suggĂšre une sorte d'Ă©quivalence qui masque les disparitĂ©s Ă©conomiques et technologiques entre les sociĂ©tĂ©s israĂ©lienne et palestinienne. DeuxiĂšmement, IsraĂ«l n'est pas engagĂ© dans une offensive contre un parti politique ; il fait la guerre Ă l'ensemble de la population palestinienne.
L'objectif d'Israël n'est pas seulement de vaincre le Hamas. Il veut une éradication totale de la Palestine. Lorsque le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a déclaré qu'Israël traiterait les Palestiniens comme des animaux, il a exprimé, dans un langage clair et direct, la nécessité d'un génocide.
En qualifiant les Palestiniens d'animaux, M. Gallant, ainsi que nombre de ses collĂšgues, peut penser qu'il dĂ©peint l'inhumanitĂ© des Palestiniens, mais il prĂ©suppose en fait leur violence et la justifie ainsi. AprĂšs tout, ce sont les sionistes qui ont introduit le concept de race auquel les Palestiniens ont Ă©tĂ© acclimatĂ©s (par la souffrance et l'exclusion). Les sionistes ont Ă©tabli et maintenu la dichotomie entre homme et animal. En consĂ©quence, les sionistes ont inventĂ© un âsujet palestinienâ qu'ils n'ont jamais pu contrĂŽler par la suite. Ils n'avaient pas le choix. Le colon n'est rien sans l'indigĂšne animalisĂ©. En dĂ©finitive, Gallant cautionne inconsciemment le sacrifice de l'homme.
IV. Adhésion de la gauche officielle
On peut discerner la gravité d'une insurrection dans le Sud global ou dans les ghettos et les réserves d'Amérique du Nord par le type de réaction qu'elle inspire à l'intelligentsia progressiste. Si l'insurrection promet d'infliger des dommages réels à l'oppresseur, les membres de cette intelligentsia s'empresseront de la condamner pour des raisons morales.
C'est ce qui s'est passĂ© aux Ătats-Unis avec les responsables politiques et les intellectuels publics habituels : Bernie Sanders, Alexandra Ocasio-Cortez, Naomi Klein, Jamelle Bouie, et ainsi de suite au fil du Rolodex. La rĂ©flexion insipide de Judith Butler sur la rĂ©ticence des Palestiniens Ă rendre leur libĂ©ration plus aisĂ©e pour leur oppresseur a Ă©tĂ© un peu plus surprenante.
Beaucoup d'entre nous ont toujours su que cracher sur la Palestine est un rite de passage pour les aspirants aux fonctions politiques ou aux studios d'information du cĂąble. Nous comprenons donc que pour les aspirants influenceurs, la mort des IsraĂ©liens et des Palestiniens n'est pas une prĂ©occupation morale, mais une opportunitĂ© professionnelle. Nous voyons ici le rĂ©sultat pitoyable de la ârĂ©sistanceâ en tant que brand online : l'abandon total d'une population encagĂ©e au gĂ©nocide.
Savoir que l'approbation ou mĂȘme la comprĂ©hension des classes professionnelles ne sera jamais au rendez-vous est l'une des raisons pour lesquelles la violence est essentielle Ă la libĂ©ration nationale. Les Palestiniens ont dĂ©cidĂ© de se passer de leurs tuteurs occidentaux. La dĂ©colonisation est un thĂšme Ă©puisant, qui dĂ©passe gĂ©nĂ©ralement les capacitĂ©s de ceux qui ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans le confort.
Les catĂ©gories socio-professionnelles sont enlisĂ©es dans des abstractions bourgeoises (dont elles tirent tant de gratifications) ou professent une politique matĂ©rielle qu'elles ne soutiennent pas dans la rĂ©alitĂ©. Elles exigent une libĂ©ration sans effusion de sang, Ă condition de ne pas faire couler le sang du colonisateur, alors mĂȘme que l'indigĂšne se vide de son sang au vu et au su de tous. Ils exigent une rĂ©volte sans consĂ©quences, un caucus de victimes immaculĂ©es demandant poliment Ă rester en vie. Ils ont enseignĂ© Fanon mais ont ignorĂ© son observation selon laquelle la dĂ©colonisation âne peut ĂȘtre accomplie par un coup de baguette magique, un cataclysme naturel ou un gentleman's agreementâ.
Ces anciens libĂ©raux n'ont pas besoin de consulter les Palestiniens pour voir Ă quel point ils se trompent. Les sionistes expliquent depuis des dĂ©cennies qu'IsraĂ«l doit ĂȘtre vaincu par la force.
V. La Palestine a tout dit
La Palestine est donc le canari de la mine de charbon. Elle oblige les radicaux autoproclamés à admettre qu'ils sont furtivement libéraux. (L'idéologie : la mine de charbon. Le libéralisme : ses gaz délétÚres.) Elle fait mentir la lionne occidentale de la liberté d'expression comme moyen d'affirmer la supériorité de la civilisation. (La liberté d'expression : la mine de charbon. Le suprémacisme racial : ses gaz toxiques.) Elle révÚle quels sont les gouvernements du monde à prendre au sérieux les droits de l'homme. (Les gouvernements : la mine de charbon. Les droits de l'homme : ses gaz néfastes).
Chaque fois que la rĂ©sistance palestinienne menace de gommer l'impĂ©rialisme, les villes de l'Occident dĂ©mocratique s'empressent de mettre en Ćuvre des politiques fascistes, en rĂ©primant les manifestations, en licenciant ou en arrĂȘtant les dissidents, en supprimant les libertĂ©s civiques et en exigeant la soumission. Au lendemain de l'opĂ©ration palestinienne, les mĂ©dias de tous horizons ont dĂ©ployĂ© un vocabulaire qui faciliterait le gĂ©nocide israĂ©lien. Les quelques bribes de couverture bienveillante ont pris la forme de juifs parlant d'IsraĂ«l Ă d'autres juifs, ce qui a eu pour effet de relĂ©guer encore davantage la Palestine dans un espace d'Ă©trangetĂ© et de mĂ©connaissance (et les conditions du gĂ©nocide, en premier lieu). Les conseils d'administration ont pris des mesures disciplinaires immĂ©diates. Les prĂ©sidents d'universitĂ© ont clairement indiquĂ© que les Ă©tudiants et les employĂ©s palestiniens n'avaient pas droit Ă la parole.
Le véritable conflit n'existe pas entre le civisme et le terrorisme ; il existe entre la force d'ùme palestinienne et la peur des Occidentaux.
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Je me souviens avec tendresse de ces jours passés dans le camp de réfugiés. Son paysage est à jamais gravé dans ma mémoire : les bùtiments patinés par les intempéries, plus étranges à mesure qu'ils s'élÚvent, les cris des enfants dans chaque recoin et chaque cage d'escalier, l'odeur de l'huile chaude, du thym et de l'eau non traitée, les ruelles à peine plus larges que les épaules.
Le camp Ă©tait dangereux. MĂȘme dans les moments de joie, la tension Ă©tait palpable. C'est la nature mĂȘme d'un ghetto ou d'un bidonville. Ă tout moment, il peut ĂȘtre submergĂ© par la violence. Un camp de rĂ©fugiĂ©s est rempli d'excĂ©dents dont les personnes influentes ne se soucient guĂšre. Les IsraĂ©liens pouvaient arriver, ou l'armĂ©e libanaise, ou les Marines amĂ©ricains. Il pouvait y avoir un siĂšge. Il pouvait se produire des guerres intestines. Il pouvait y avoir des pĂ©nuries de nourriture. Il pouvait ĂȘtre confrontĂ© Ă des maladies incurables. La possibilitĂ© elle-mĂȘme Ă©tait une source de stress constant.
Mais tout prĂšs de la cĂŽte se trouvait la Palestine.
Que fallait-il faire pour s'y rendre ? Les gens ont passé étonnamment peu de temps sur cette question, probablement parce que tout le monde connaissait déjà la réponse.
"Tout ce qu'il faudra pour y revenir".
https://stevesalaita.com/a-practical-appraisal-of-palestinian-violence/