đâđš Blinken : l'humiliation
âQuels sont les objectifs & le nombre de victimes susceptibles dâinciter les USA Ă rĂ©flĂ©chir, reconnaĂźtre cette tuerie au grand jour & exiger dâIsraĂ«l la fin du bain de sang dans la bande de Gaza ?â
đâđš Blinken : l'humiliation
OĂč qu'il se rende au Moyen-Orient, le secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricain s'est heurtĂ© Ă des oppositions.
Par Joe Lauria*, Spécial Consortium News6 novembre 2023
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a terminé son périple de quatre jours au Moyen-Orient, au cours duquel il a essuyé les rebuffades d'Israël, les avertissements de l'Egypte et de la Jordanie, et a été ignoré en Turquie.
M. Blinken va rentrer aux Ătats-Unis oĂč des centaines de milliers d'AmĂ©ricains, dont de nombreux Ă©lecteurs du parti dĂ©mocrate, sont descendus dans la rue pour dĂ©noncer le rĂŽle de l'administration Biden dans le gĂ©nocide.
Il va retrouver un dĂ©partement d'Ătat oĂč un fonctionnaire a dĂ©missionnĂ© en raison du soutien inconditionnel de l'administration Ă IsraĂ«l, et oĂč un deuxiĂšme collaborateur a accusĂ© Joe Biden, sur les rĂ©seaux sociaux, d'ĂȘtre âcomplice d'un gĂ©nocideâ.
Les Ă©lecteurs arabo-amĂ©ricains du parti de Blinken, qui ont aidĂ© Joe Biden Ă gagner la Maison Blanche en 2020 en lui apportant l'Ătat pivot du Michigan, se rebellent ouvertement cette fois-ci parce qu'ils voient sur leurs Ă©crans ce dont est consciente toute personne dotĂ©e d'un peu de cĆur, et qu'ils savent le rĂŽle de Joe Biden dans cette affaire.
Selon un nouveau sondage du New York Times et du Siena College, il ne devance Donald Trump que dans un seul des six Ătats clĂ©s. Le niveau de barbarie dĂ©clenchĂ© par le rĂ©gime de droite enragĂ© de Tel-Aviv a pris Blinken et Biden au dĂ©pourvu, ne serait-ce qu'en raison des consĂ©quences politiques.
Les responsables américains sont tellement habitués à soutenir inconditionnellement Israël qu'ils ont du mal à reconnaitre ce qu'ils soutiennent vraiment cette fois-ci. Mais ils commencent à comprendre. S'il reste chez Biden et Blinken le moindre soupçon de sens moral, ils ne peuvent pas rester sans réagir. Faute de réactions humainement normales, ils ne savent manifestement pas quoi faire d'autre que ce qu'ils ont toujours fait : soutenir Israël à tout prix, en dépit des réalités évidentes.
Le raisonnement politique est brouillĂ© par le pouvoir incontestable du lobby israĂ©lien, qui peut dĂ©truire des carriĂšres politiques amĂ©ricaines en organisant des âprimairesâ pour un candidat ou en soutenant un adversaire lors des Ă©lections prĂ©sidentielles. C'est ce qui explique le dilemme de M. Biden.
Caitlin Johnstone, dans un article republié par Consortium News aujourd'hui, commente un article du Washington Post, qui dit :
âAlors que l'invasion terrestre de Gaza par IsraĂ«l s'intensifie, l'administration Biden se trouve dans une position dĂ©licate : selon les hauts fonctionnaires, la contre-attaque d'IsraĂ«l contre le Hamas a Ă©tĂ© trop brutale, trop lourde en pertes civiles et dĂ©pourvue de cohĂ©rence stratĂ©gique, mais incapable dâexercer une influence significative sur le plus proche alliĂ© de l'AmĂ©rique au Moyen-Orient pour le convaincre de revenir sur sa dĂ©cision.
âChaque missile lĂąchĂ© sur Gaza, chaque enfant palestinien tuĂ© - et IsraĂ«l a tuĂ© dans cette guerre plus d'enfants que dans tous les conflits mondiaux depuis 2019 - fait sombrer toute la rĂ©gion dans un ocĂ©an de haine qui marquera les gĂ©nĂ©rations Ă venir.â
Ătant donnĂ© que Washington assure le soutien militaire d'IsraĂ«l et que la Maison-Blanche a demandĂ© au CongrĂšs 14 milliards de dollars supplĂ©mentaires pour IsraĂ«l au milieu de ses atrocitĂ©s, Johnstone remarque :
âAinsi, l'administration Biden dispose en fait d'une multitude de moyens de pression qu'elle pourrait utiliser pour mettre fin au massacre gĂ©nocidaire Ă Gaza, mais elle ne dĂ©sire pas le faire parce que ce serait âpolitiquement impopulaireâ, et parce que âBiden lui-mĂȘme est personnellement liĂ© Ă IsraĂ«lââ.
Humilié par Netanyahou
M. Blinken s'est rendu en IsraĂ«l vendredi pour faire pression sur Benjamin Netanyahou afin qu'il accepte ce Ă quoi les Ătats-Unis avaient opposĂ© leur veto quelques jours plus tĂŽt au Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies : des pauses humanitaires pour permettre l'acheminement de l'aide Ă Gaza, et le dĂ©part des ressortissants Ă©trangers. Un peu comme si le tortionnaire s'arrĂȘtait une minute pour donner une gorgĂ©e d'eau Ă la victime avant de reprendre la torture.
Que le gouvernement insiste maintenant sur la nécessité de ces pauses - au lieu d'un cessez-le-feu - alors qu'il avait auparavant exercé son droit de veto - ce qui n'est pas rien - montre à quel point il est dans l'embarras et cherche désespérément un moyen de se sortir de cette impasse.
Le simpliste Blinken ne fait pas le poids face Ă un machiavĂ©lique de calibre mondial tel que Benjamin Netanyahou. Pourtant, il devait rencontrer Blinken parce qu'aprĂšs tout, il y a 14 milliards de dollars sur la table. Se priver de ces fonds constituerait un revers majeur pour Netanyahou et un soulagement pour les habitants de Gaza. Il a donc tapotĂ© la tĂȘte de Blinken et lui a dit âmerci d'ĂȘtre venuâ, mais sans merci pour le reste.
Blinken a dû faire une déclaration à la presse, seul, alors qu'il aurait normalement dû se tenir à cÎté du dirigeant qu'il venait de rencontrer. Mais Netanyahou était trop occupé. Il a une opération de nettoyage à mener.
Netanyahou est apparu ensuite seul, en chemise noire, pour dire non aux pauses humanitaires, non au carburant, non Ă tout ce qui va Ă Gaza, Ă part la mort.
Avertissements de l'Ăgypte et de la Jordanie
M. Blinken s'est ensuite rendu Ă Amman, oĂč il a Ă©tĂ© totalement dĂ©passĂ© par les propos des ministres des affaires Ă©trangĂšres jordanien et Ă©gyptien, qui ont soulignĂ© les crimes massifs commis par IsraĂ«l 24 heures sur 24, jour et nuit. Le ministre jordanien des Affaires Ă©trangĂšres, Ayman Safadi, a parlĂ© de âl'importance du respectâ du âdroit humanitaire international... et du droit de la guerreâ.
Le ministre jordanien des affaires Ă©trangĂšres, Ayman Safadi, a Ă©voquĂ© âla nĂ©cessitĂ© de respecterâ
le âdroit humanitaire international et de dĂ©noncer le dĂ©placement des Palestiniens et la dĂ©possession de leurs terres. ... Nous considĂ©rons qu'il s'agit d'un crime de guerre auquel nous mettrons fin par tous les moyens dont nous disposons. ... Les massacres doivent cesser, de mĂȘme que l'immunitĂ© dont jouit IsraĂ«l pour commettre des crimes de guerre. ... Comment pouvons-nous mĂȘme imaginer ce qui se passera Ă Gaza alors que nous ne savons pas ce qu'il restera de Gaza une fois la guerre terminĂ©e ? Allons-nous parler d'un terrain vague ? Allons-nous parler d'une population entiĂšre rĂ©duite statut de rĂ©fugiĂ©s ?".
Le ministre Ă©gyptien des affaires Ă©trangĂšres, Sameh Shoukry, n'aurait pas pu ĂȘtre plus direct lorsqu'il a dĂ©clarĂ©, en prĂ©sence de Blinken :
âLa punition collective - IsraĂ«l prenant pour cible des civils innocents et des installations mĂ©dicales, du personnel paramĂ©dical, tout en essayant de chasser les Palestiniens de leurs terres - ne peut en aucun cas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme de la lĂ©gitime dĂ©fense. Je rĂ©clame un cessez-le-feu immĂ©diat et gĂ©nĂ©ralisĂ© Ă Gaza, sans aucune condition, et qu'IsraĂ«l mette immĂ©diatement fin Ă ses violations du droit international et des lois de la guerre.â
Le raisonnement de M. Blinken manque cruellement de cohérence lorsqu'il a déclaré :
âNous pensons que les pauses peuvent ĂȘtre un mĂ©canisme essentiel pour protĂ©ger les civils, faire entrer l'aide, faire sortir les ressortissants Ă©trangers, tout en permettant Ă IsraĂ«l d'atteindre son objectif : vaincre le Hamas.â
Ne saisit-il pas que l'objectif d'Israël est la destruction du peuple palestinien à Gaza en vue de vaincre le Hamas ?
Totalement dĂ©pourvu de la moindre capacitĂ© de recul sur sa situation et ses interlocuteurs, Blinken a rĂ©flĂ©chi Ă haute voix, justifiant la politique monstrueuse d'IsraĂ«l qui consiste Ă bombarder des cibles civiles telles que des hĂŽpitaux en raison d'une prĂ©tendue prĂ©sence du Hamas et de l'utilisation par celui-ci de âboucliers humainsâ.
Tamer Smadi, d'Al Jazeera, a demandé à M. Blinken :
âQuels sont les objectifs dâIsraĂ«l, et le nombre exact de victimes, de civils, qui inciterait les Ătats-Unis Ă faire le point, Ă rĂ©flĂ©chir et Ă considĂ©rer cette tuerie au grand jour, et Ă exiger d'IsraĂ«l qu'il mette fin au bain de sang dans la bande de Gaza ?â
Tout en justifiant explicitement les crimes de guerre d'Israël, M. Blinken a répondu :
âLe Hamas se retranche cyniquement derriĂšre des civils ; il place ses combattants, ses commandants, ses armes, ses munitions, son commandement et son contrĂŽle dans des immeubles rĂ©sidentiels, sous des Ă©coles et dans des Ă©coles, sous des hĂŽpitaux et dans des hĂŽpitaux, sous des mosquĂ©es et dans des mosquĂ©es - c'est monstrueuxâ.
Ignoré en Turquie
AprĂšs un dĂ©tour inattendu par Bagdad, M. Blinken s'est envolĂ© pour Ankara, oĂč, une semaine auparavant, le prĂ©sident Recep Tayyip Erdogan avait pris la tĂȘte d'un rassemblement de prĂšs d'un million de personnes Ă l'aĂ©roport, et avait vivement condamnĂ© IsraĂ«l.
Deux jours avant l'arrivée de M. Blinken, M. Erdogan l'a mis dans l'embarras en rappelant l'ambassadeur turc d'Israël. (Naturellement, il ne coupera pas 40 % des approvisionnements en pétrole d'Israël qui transitent par la Turquie). Blinken est arrivé dans la capitale turque, mais Erdogan n'a pas eu le temps de le rencontrer. La Turquie exige un cessez-le-feu et ne croit pas aux appels tardifs de M. Blinken en faveur de pauses humanitaires.
Avant la rencontre de M. Blinken avec le ministre turc des affaires Ă©trangĂšres, la police turque a dĂ» faire usage de gaz lacrymogĂšnes et de canons Ă eau pour empĂȘcher des centaines de manifestants de prendre d'assaut la base aĂ©rienne d'Incirlik, oĂč sont stationnĂ©es des troupes amĂ©ricaines. Un millier de personnes ont Ă©galement manifestĂ© devant l'ambassade des Ătats-Unis Ă Ankara.
Ce week-end devrait marquer les esprits Ă Washington.
Comme l'a déclaré M. Blinken à Amman,
âLorsque je vois un garçon ou une fille palestinien(ne) extrait(e) des dĂ©combres d'un bĂątiment, cela me prend aux tripes, comme tout le monde, et je vois mes propres enfants Ă travers ces visages. En tant qu'ĂȘtre humain, comment chacun d'entre nous peut-il ne pas ressentir quelque chose de fort ?â
Alors agissez. Stoppez Israël.
* Joe Lauria est rĂ©dacteur en chef de Consortium News et ancien correspondant aux Nations unies pour le Wall Street Journal, le Boston Globe et de nombreux autres journaux, dont la Gazette de MontrĂ©al, le London Daily Mail et le Star de Johannesburg. Il a Ă©tĂ© journaliste d'investigation pour le Sunday Times of London, journaliste financier pour Bloomberg News et a commencĂ© sa carriĂšre professionnelle Ă 19 ans comme pigiste pour le New York Times. Il est l'auteur de deux livres, A Political Odyssey, avec le sĂ©nateur Mike Gravel, prĂ©facĂ© par Daniel Ellsberg, et How I Lost By Hillary Clinton, prĂ©facĂ© par Julian Assange. Il peut ĂȘtre contactĂ© Ă l'adresse joelauria@consortiumnews.com et suivi sur Twitter @unjoe