đâđš Caitlin Johnstone: La complaisance des mĂ©dias dominants nous met tous en danger
Les rédactions sont des propagandistes d'Etat. C'est probablement pour cela qu'ils sirotent des cafés latte dans la salle de rédaction d'AP pendant que Julian Assange dépérit en prison.
đâđš La complaisance des mĂ©dias dominants nous met tous en danger
đ Par Caitlin Johnstone đŠ@caitoz, le 24 novembre 2022
Le commentaire d'un rédacteur en chef de l'Associated Press symbolise le danger que les médias grand public créent avec leur déférence routiniÚre envers les sources de renseignement, écrit Caitlin Johnstone.
Le journaliste de l'Associated Press qui a rapporté la fausse affirmation d'un responsable du renseignement américain selon laquelle la Russie avait lancé des missiles sur la Pologne la semaine derniÚre a été licencié.
Comme nous l'avons dit précédemment, le rapport anonyme de l'AP qui disait: " Un haut responsable du renseignement américain affirme que des missiles russes ont traversé la Pologne, membre de l'OTAN, tuant deux personnes " est devenu viral en raison des implications massives d'une guerre ouverte directe entre la Russie et l'alliance de l'OTAN.
AP a par la suite retiré son article, la classe politique/médiatique dominante ayant fini par concéder que c'était en fait un missile ukrainien qui avait frappé la Pologne.
Le licenciement du journaliste James LaPorta par AP semble ĂȘtre le point final de toute responsabilitĂ© pour la diffusion de cette fausse information extrĂȘmement dangereuse.
Lauren Easton, porte-parole de l'AP, affirme qu'aucune mesure disciplinaire ne sera prise à l'encontre des rédacteurs en chef qui ont laissé passer cette histoire bidon, et jusqu'à ce jour, le public n'a pas été informé de l'identité du fonctionnaire américain qui a diffusé des informations erronées aussi flagrantes au public par le biais de la presse grand public.
Il est tout Ă fait inexcusable quâAP continue Ă protĂ©ger l'anonymat d'un fonctionnaire du gouvernement qui leur a fourni un mensonge d'une telle importance.
Cela n'a pas seulement affecté le personnel d'AP, mais le monde entier; nous méritons de savoir ce qui s'est passé, et qui est responsable, et AP n'a pas à nous le cacher.
Le licenciement de LaPorta constitue un Ă©niĂšme exemple oĂč la personne la moins influente impliquĂ©e dans une dĂ©bĂącle doit en assumer la responsabilitĂ©.
Un responsable influent du renseignement ne paiera pas pour avoir fourni de fausses informations Ă la presse - ce qui garantit que cela se reproduira - et aucune mesure disciplinaire ne sera prise contre les supĂ©rieurs de LaPorta, malgrĂ© la bĂȘtise absolue que les rapports ultĂ©rieurs ont rĂ©vĂ©lĂ©e de leur part.
Dans un article intitulé "Associated Press reporter fired over erroneous story on Russian attack" [" Un journaliste de l'Associated Press est licencié à cause de l'article inexact sur l'attaque russe "], le Washington Post rapporte ce qui suit (c'est nous qui soulignons):
"Les communications internes de l'AP consultées par le Post montrent une certaine confusion et un malentendu lors de la préparation du reportage erroné.
LaPorta a partagé le tuyau du fonctionnaire américain dans un message électronique vers 13 h 30, heure de l'Est. Un rédacteur en chef a immédiatement demandé si AP devait publier une alerte sur son tuyau, "ou si nous avions besoin d'une confirmation d'une autre source et/ou de la Pologne".
AprĂšs une discussion plus approfondie, une deuxiĂšme rĂ©dactrice a dĂ©clarĂ© qu'elle "voterait" pour la publication de lâalerte, ajoutant : "Je ne peux pas imaginer qu'un responsable du renseignement amĂ©ricain se trompe Ă ce point."â
"Je ne peux pas imaginer qu'un responsable du renseignement américain se trompe à ce point."
Pouvez-vous imaginer ne pas pouvoir imaginer qu'un responsable du renseignement américain puisse avoir tort ?
Ce serait une position inacceptable pour tout adulte bien informé, et encore moins pour un journaliste, et encore moins pour un rédacteur en chef de l'une des agences de presse les plus influentes de la planÚte.
Et ce sont ces personnes qui publient les reportages que nous lisons pour savoir ce qui se passe dans le monde. C'est du niveau de luciditĂ© d'un bĂ©bĂ© que de penser que ces gens servent l'intĂ©rĂȘt public.
Le commentateur anti-guerre Daniel Larison écrit ce qui suit à propos de la citation choquante du rédacteur en chef de l'AP :
"Le scepticisme Ă l'Ă©gard des affirmations officielles devrait toujours ĂȘtre le mot d'ordre des journalistes et des analystes. Ce sont des affirmations qui nĂ©cessitent plus d'examen que d'habitude, et non moins. Si vous ne pouvez pas imaginer qu'un agent des services de renseignement puisse se tromper sur quelque chose d'important, que ce soit par erreur ou volontairement, vous tenez pour acquis bien trop de choses qui devraient d'abord ĂȘtre remises en question, puis vĂ©rifiĂ©es.
Les agents des services de renseignements de nombreux gouvernements fournissent des informations aux journalistes, et ce pratiquement depuis qu'il existe une presse populaire à laquelle il est possible de fournir des informations, et il ne faut certainement pas se fier à ces informations simplement parce qu'elles proviennent d'une source officielle. Il peut arriver aux responsables du renseignement de se tromper, que ce soit parce qu'ils s'appuient sur des informations erronées, ou parce qu'ils ont tiré des conclusions trop hùtives sur sur les informations dont ils disposent.
Que la source dâAP leur ait fourni une ligne de conduite, ou qu'elle se soit simplement trompĂ©e, une affirmation aussi provocante et sĂ©rieuse que celle-ci aurait dĂ» ĂȘtre vĂ©rifiĂ©e de maniĂšre beaucoup plus approfondie avant d'ĂȘtre publiĂ©e. Le rapport dâAP dans ce cas semble ĂȘtre la combinaison d'une histoire "trop bonne pour ĂȘtre vĂ©rifiĂ©e", et d'une culture de soumission aux sources officielles qui fait que les rĂ©dacteurs ne se sont pas sentis obligĂ©s de faire l'effort de vĂ©rifier".
En effet, la seule raison pour laquelle la presse bĂ©nĂ©ficie d'une protection aussi explicite dans la Constitution des Ătats-Unis est qu'elle est censĂ©e demander des comptes aux puissants.
[Dans son jugement de 1971 sur l'affaire des "Pentagon Papers", le juge Hugo Black de la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis a Ă©crit : "Dans le premier amendement, les pĂšres fondateurs ont donnĂ© Ă la presse libre la protection dont elle doit bĂ©nĂ©ficier pour remplir son rĂŽle essentiel dans notre dĂ©mocratie. La presse devait servir les gouvernĂ©s, et non les gouvernants. Le pouvoir du gouvernement de censurer la presse a Ă©tĂ© aboli afin que la presse reste Ă jamais libre de censurer le gouvernement"].
Si les rĂ©dacteurs en chef d'une agence de presse trĂšs influente se contentent de rĂ©pĂ©ter aveuglĂ©ment tout ce que leur disent les responsables du gouvernement tout en protĂ©geant ces derniers par l'anonymat, ils ne demandent pas de comptes aux puissants, et ne sont en fait pas trĂšs diffĂ©rents des propagandistes de l'Ătat.
Ils sont des propagandistes d'Etat. C'est probablement pour cela qu'ils sirotent des cafĂ©s latte dans la salle de rĂ©daction dâAP pendant que Julian Assange dĂ©pĂ©rit en prison.
Comme l'a fait remarquer Branko Marcetic de Jacobin, c'est loin d'ĂȘtre la premiĂšre fois quâAP a assurĂ© l'anonymat Ă des fonctionnaires du gouvernement amĂ©ricain diffusant des affirmations bidon aux consĂ©quences potentiellement dangereuses, comme lorsquâelle a rapportĂ© l'affirmation sans preuve d'un fonctionnaire, qui s'est avĂ©rĂ©e fausse par la suite, selon laquelle l'Iran avait menĂ© une attaque contre quatre pĂ©troliers au large des cĂŽtes des Ămirats arabes unis, ou encore lorsquâelle a laissĂ© un autre fonctionnaire affirmer anonymement que "l'Iran pourrait essayer de profiter du retrait des troupes amĂ©ricaines d'Irak et d'Afghanistan".
Donc, pour récapituler
Un puissant fonctionnaire du gouvernement fournit à AP une fausse histoire : zéro responsabilité
Le rĂ©dacteur en chef d'AP qui a demandĂ© si le rapport devait ĂȘtre publiĂ© immĂ©diatement aprĂšs rĂ©ception de l'histoire : zĂ©ro responsabilitĂ©
La rĂ©dactrice dâAP qui dit qu'elle ne peut pas imaginer qu'un responsable du renseignement amĂ©ricain puisse se tromper: zĂ©ro responsabilitĂ©
Le journaliste qui a Ă©crit l'histoire : le seul responsable
Dans une sociĂ©tĂ© saine, le pouvoir et la responsabilitĂ© seraient aller de pair. Un dĂ©sastre devrait ĂȘtre imputĂ© aux personnes impliquĂ©es les plus puissantes. Dans notre sociĂ©tĂ©, c'est gĂ©nĂ©ralement l'inverse, la base assumant toute la responsabilitĂ©, jamais le pouvoir.
Nos gouvernants nous mentent, nous soumettent à la propagande, nous mettent en danger, nous appauvrissent, détruisent le journalisme, déclenchent des guerres, tuent notre biosphÚre et rendent notre monde sombre et confus, et ne subissent pas la moindre représaille.
Nous ne pouvons pas leur permettre de continuer à détenir tout le pouvoir sans en assumer la responsabilité. Cette situation est rétrograde, et doit cesser.
Cet article provient de CaitlinJohnstone.com et a été republié avec l'autorisation de l'auteur.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.
https://consortiumnews.com/2022/11/24/the-corporate-media-deference-that-endangers-us-all/