🚩 Caitlin Johnstone: Notre condition de mortels devrait nous unir
"Nous allons tous mourir, chacun d’entre nous, quel cirque!"
⚠️ Une grande partie de la gestion de la perception est utilisée pour nous empêcher de voir clairement ce qui se passe, ce qu'ils nous prennent, et à quel point ce monde pourrait être meilleur. Quel cirque, c'est vrai.
🚩 Notre condition de mortels devrait nous unir
📚 Par Caitlin Johnstone 🐦@caitoz, le 17 septembre 2022
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"Nous allons tous mourir, chacun d’entre nous, quel cirque! Cela seul devrait nous faire aimer l’autre, mais ça ne fonctionne pas. Terrorisés et aplatis par des futilités, nous sommes dévorés par rien"
~ Charles Bukowski
Un avion de ligne s'ouvre et précipite ses passagers vers le sol. On pourrait s'attendre à ce qu'ils crient, pleurent, s'accrochent les uns aux autres de peur, se préparent à mourir, prient, pensent à leurs proches, mais ils ne le font pas. En fait, ils se disputent et commencent à se battre.
"Je te déteste ! Je te déteste !", crient-ils en se frappant à coups de poing dans leur descente.
Certains essaient de s'étrangler à mort. Les uns essaient de se voler les uns les autres. Quelques-uns essaient de grimper sur d'autres pour mourir une fraction de seconde plus tard. D'autres s'accrochent à leurs biens en criant "Jamais tu n'auras ce qui m'appartient!" et donnent des coups de pied à quiconque s'approche trop près.
Ils se dirigent tous vers le même destin au même moment, mais s'en prennent les uns aux autres et essaient de prendre le dessus pendant leur courte chute, au lieu de faire la paix entre eux, et avec ce qui les attend.
C'est à ça que ressemble notre relation bizarre avec la mortalité. Un vagin géant s'ouvre dans le ciel et donne naissance à des bébés qui grandissent au fur et à mesure qu'ils tombent vers la mort, et ils passent ce court laps de temps à se haïr, se battre, se manipuler et à comploter les uns contre les autres.
Bien sûr, ce n'est pas tout à fait ce qu'on le ressent. La façon dont les humains perçoivent le temps ne donne pas l'impression d'une chute rapide vers la mort. De notre point de vue, cela semble durer juste assez longtemps pour oublier ce qui se passe, que nous soyons distraits ou absorbés par les drames, les conflits, les opinions et les rancunes, ou que nous perdions de vue le grand éclatement qui nous attend là, en bas.
Mais c'est pourtant bien ce qui se joue. Nous sommes tous engagés dans une danse intime avec la mort, que nous le reconnaissions ou pas. Nous sommes dans le feu de l'action. Tout ce à quoi nous occupons nos vies est comme une balle que nous faisons rebondir sur le mur de cette extrémité définie, là où nous nous trouvons. À l'autre extrémité de l'espace temps où nous sommes occupés sur cette planète, à l'opposé de là où nous sommes maintenant. La mort se tient sur ce même champ, renvoyant chaque balle.
Il est très simple de refuser d'entrer dans une relation authentique avec cette situation difficile si l'on n'est pas une personne authentique, si l'on ne s'attend pas à mourir de sitôt, ou si l'on n'aime personne profondément. Aimer vraiment, profondément quelqu'un, c'est plonger immédiatement dans une conscience aiguë de la mort, car plus vous aimez quelqu'un avec intensité, plus vous cristallisez sur l’inéluctable fin de cette relation. Mais tant que l'on évite de franchir ce pas pour mener une vie de distraction et de superficialité, il est possible de passer de longs moments à faire comme si la danse avec la mort n'existait pas.
Et ainsi, nous sommes capables de prétendre que nous sommes en désaccord les uns avec les autres. Faire comme si cela avait un sens de vivre dans une société basée sur la compétition, où nous devons nous frayer un chemin à marcher sur l'autre pour avancer dans une course folle à somme nulle qui ne peut exister sans perdants. Faire semblant de croire qu'il est logique de vivre dans un monde où sévissent les guerres, le militarisme, la haine, l'égoïsme, la cupidité et la défensive. Tout ce jeu repose sur notre capacité à passer de longues périodes d'oubli, dont aucun d'entre nous ne sortira vivant.
Et puis, avant même de vous en rendre compte, vous vous retrouvez seul dans un corps frêle et faible, à vous demander pourquoi vous avez du mal à marcher, où a bien pu passer votre amant, et à quoi rimait toute cette histoire. Aucune des réussites après lesquelles vous avez passé votre vie à courir ne signifie plus rien. Rien de ce qui vous a permis d'être choisi au détriment de quelqu'un d'autre pour quelque chose que vous vous souhaitiez ne vous semble spécial ou significatif, et vous ne pouvez plus vous rappeler ce pourquoi vous l'avez fait. Vous n'êtes sûrement pas assis là à regretter de ne pas avoir passé plus de temps au bureau, d'avoir acheté des vêtements plus chics, ou d'avoir eu la voiture qui aurait impressionné votre voisin. Tout ce que vous voulez, c'est voir les gens que vous ne voyez plus, et peut-être échanger un câlin.
Si nous pouvions voir tout cela se dérouler en accéléré, ou simplement percevoir ce que nous savons déjà avec une conscience et une lucidité accrues, nous ne choisirions jamais de vivre nos vies de la manière dont les puissants veulent que nous les vivions. Et il est hors de question que nous consentions à des systèmes qui exigent que nous le fassions. Une grande partie de la gestion de la perception est utilisée pour nous empêcher de voir clairement ce qui se passe, ce qu'ils nous prennent, et à quel point ce monde pourrait être meilleur.
Quel cirque, c'est vrai.
📚 https://caitlinjohnstone.substack.com/p/our-mortality-should-unite-us