đâđš Cinq ans de dĂ©tention dâAssange & sa persĂ©cution menace toujours la libertĂ© de la presse
Washington soutient que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, doit ĂȘtre poursuivi en tant que âhackerâ et non en tant journaliste. Alors pourquoi ne se contente-t-il pas de le punir comme tel ?
đâđš Cinq ans de dĂ©tention dâAssange & sa persĂ©cution menace toujours la libertĂ© de la presse
Par Caitlin Vogus, le 9 avril 2024
Dans l'attente de son extradition, Julian Assange a passé cinq ans à la prison de Belmarsh, au Royaume-Uni, soit la peine maximale prévue par la législation américaine pour conspiration en vue de commettre une intrusion informatique.
Cette semaine, cela fait cinq ans que Julian Assange est emprisonnĂ© au Royaume-Uni, oĂč il attend son extradition vers les Ătats-Unis pour des accusations liĂ©es Ă la publication par WikiLeaks de documents secrets du ministĂšre de la DĂ©fense et du dĂ©partement d'Ătat, qui ont fait la une des journaux du monde entier.
La High Court britannique a rĂ©cemment accordĂ© Ă M. Assange une nouvelle audience dans son affaire, retardant au moins temporairement son extradition vers les Ătats-Unis, sans toutefois mettre fin Ă la menace que son extradition et les poursuites dont il fait l'objet font peser sur la libertĂ© de la presse.
Les autoritĂ©s amĂ©ricaines affirment que les poursuites engagĂ©es contre M. Assange ne peuvent pas nuire Ă la libertĂ© de la presse parce qu'il s'agit d'un âpirate informatiqueâ et non d'un journaliste. S'ils le croient vraiment, on pourrait penser qu'ils se contentent de le punir comme un pirate informatique. Ce n'est pourtant pas le cas.
Lorsque M. Assange a Ă©tĂ© placĂ© pour la premiĂšre fois en dĂ©tention provisoire en Grande-Bretagne le 11 avril 2019, il a Ă©tĂ© accusĂ© d'avoir enfreint une loi fĂ©dĂ©rale sur le piratage informatique. Les Ătats-Unis avaient inculpĂ© Assange pour un chef d'accusation de complot en vue de commettre une intrusion informatique avec le lanceur d'alerte Chelsea Manning.
Nombreux sont ceux qui ont contestĂ© la culpabilitĂ© prĂ©sumĂ©e d'Assange pour ce chef d'accusation. Mais mĂȘme si M. Assange Ă©tait reconnu coupable, il encourrait une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement.
En d'autres termes, M. Assange a dĂ©jĂ purgĂ© la peine d'emprisonnement maximale pour le dĂ©lit de piratage informatique dont il est accusĂ©, bien qu'il ait Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ© Ă la prison de Belmarsh, Ă Londres. Pourtant, les Ătats-Unis continuent de rĂ©clamer son extradition et de le poursuivre pour des faits qui relĂšvent bien plus du journalisme que du piratage informatique.
AprĂšs avoir initialement inculpĂ© M. Assange au titre de la loi sur la fraude et les abus informatiques, les Ătats-Unis ont rapidement modifiĂ© l'acte d'accusation initial pour y ajouter 17 chefs d'accusation au titre de la loi sur l'espionnage (Espionage Act). (Le gouvernement a ensuite modifiĂ© Ă nouveau le dossier pour Ă©largir le champ d'application de l'accusation de piratage informatique portĂ©e contre M. Assange, d'une maniĂšre qui continue de susciter des critiques).
Bien que les autorités continuent à axer leurs commentaires publics sur le piratage présumé d'Assange, les accusations au titre de la loi sur l'espionnage sont fondées sur des pratiques journalistiques : s'adresser à des sources, leur poser des questions et leur demander davantage d'informations ou de documents. Selon la théorie du gouvernement dans l'affaire Assange, le simple fait de publier des secrets gouvernementaux - ce que les journalistes font en permanence - constituerait une violation de la loi sur l'espionnage.
C'est pourquoi les mĂ©dias, les groupes de dĂ©fense de la libertĂ© de la presse et des droits de l'homme, ainsi que les experts en droit ont tous reconnu que les poursuites engagĂ©es contre M. Assange en vertu de la loi sur l'espionnage menacent la libertĂ© de la presse. Si M. Assange peut ĂȘtre condamnĂ© pour avoir commis des actes que les journalistes pratiquent tous les jours, les journalistes du New York Times, du Wall Street Journal, de Fox News ou d'ABC pourraient l'ĂȘtre Ă©galement - que vous considĂ©riez ou non M. Assange comme un journaliste.
C'est également la raison pour laquelle l'insistance de l'administration Biden de baser les poursuites contre M. Assange ssur le piratage informatique, et non sur le journalisme, ne tient pas la route. Les accusations portées en vertu de l'Espionage Act montrent que les procureurs poursuivent Assange pour des actes journalistiques.
MĂȘme les porte-parole de l'administration Biden l'ont reconnu, du moins dans le passĂ©. En 2019, Matthew Miller - ancien porte-parole du ministĂšre de la Justice sous l'administration Obama - a expliquĂ© que le ministĂšre de la Justice d'Obama avait refusĂ© de poursuivre Assange en vertu de l'Espionage Act parce que si Assange pouvait ĂȘtre poursuivi, le New York Times pouvait l'ĂȘtre aussi. Mais en 2024, M. Miller, devenu porte-parole du dĂ©partement d'Ătat, a rĂ©pondu Ă une question sur les poursuites engagĂ©es contre M. Assange en soulignant que le piratage informatique n'Ă©tait pas une activitĂ© journalistique lĂ©gitime.
De telles dĂ©clarations visent Ă assurer au public que l'administration Biden ne poursuivra jamais un journaliste âlĂ©gitimeâ. Mais les promesses de ne pas poursuivre les journalistes n'ont aucun sens lorsque le gouvernement s'arroge le pouvoir incontrĂŽlĂ© de le faire. Si Assange est condamnĂ© avec succĂšs en vertu de la loi sur l'espionnage, ces promesses n'empĂȘcheront en rien une future administration, ou mĂȘme l'administration actuelle, de poursuivre les journalistes qui lui dĂ©plaisent.
MĂȘme si ces poursuites ne se concrĂ©tisent pas, lâĂ©ventualitĂ© effraie assurĂ©ment le journalisme. Les journalistes font souvent Ă©tat de secrets gouvernementaux susceptibles d'embarrasser les fonctionnaires, voire de rĂ©vĂ©ler leurs actes rĂ©prĂ©hensibles et leurs crimes. Il est trop risquĂ© pour eux de se fier Ă la promesse des procureurs de ne pas s'en prendre aux journalistes qui recueillent et rapportent les informations âde la bonne maniĂšreâ - du moins aux yeux des autoritĂ©s. La menace d'une peine de prison incitera fortement les mĂ©dias et les journalistes Ă ne pas publier.
Bien entendu, l'administration Biden pourrait mettre fin Ă cette menace pour la libertĂ© de la presse en un instant, en abandonnant les poursuites contre Assange. Si les poursuites dont il fait l'objet portent rĂ©ellement sur le piratage informatique et non sur le journalisme - comme le gouvernement le proclame avec tant de force et dâobstination depuis cinq ans -, il est temps que les Ătats-Unis renoncent Ă extrader et Ă poursuivre Assange en vertu de la loi sur l'espionnage.