👁🗨 "Collateral Murder" & la persécution de Julian Assange
Jusqu'à ce que Wikileaks publie la vidéo, l'armée US a affirmé que des combats avaient eu lieu & qu'à part les deux journalistes, tous les morts étaient des insurgés. Mais il n'y a pas eu de combat.
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👁🗨 Collatéral Murder & la persécution de Julian Assange
Par Matthew How, le 18 février 2023
Le plus grand crime que Julian Assange ait commis aux yeux des gouvernements démocrates et républicains est peut-être celui-ci : il a osé dire au peuple américain certaines des choses terribles que leur gouvernement avait faites.
La première fois qu'on m'a demandé de commenter publiquement Julian Assange et Wikileaks, c'était sur MSNBC en avril 2010. Wikileaks venait de publier la vidéo Collateral Murder. La vidéo, divulguée par la lanceuse d’alerte de l'armée Chelsea Manning, a été prise depuis le viseur d'un hélicoptère Apache américain alors que l'équipage de l'hélicoptère tuait 12 civils irakiens non armés dans une rue de Bagdad en 2007. Deux journalistes de Reuters ont été tués, et deux jeunes enfants gravement blessés (l'équipage de l'Apache a tué le père des enfants alors qu'il tentait d'aider les civils blessés). Pendant trois ans, jusqu'à ce que Wikileaks publie la vidéo, l'armée américaine a affirmé qu'une bataille avait eu lieu, et qu'à part les deux journalistes, tous les morts étaient des insurgés.
L'armée a déclaré que les journalistes avaient été tués dans les tirs croisés. Personne n’a fait état des enfants blessés, même si l'équipage de l'Apache avait reconnu au moment des faits qu'il avait tiré sur des enfants. Les pilotes de l'hélicoptère ont déclaré sur la vidéo quelques minutes après avoir tiré sur les enfants : "C'est leur faute aussi [d’] avoir amené leurs enfants sur un lieu de combat". Il n'y avait pas eu de combat.
Dans le studio, l'animateur de MSNBC nous a demandé, à un autre vétéran et à moi-même, ce que nous pensions de la vidéo. Sa question portait sur le choc apparent que le public américain ressentait en regardant la réalité brutale de la guerre en Irak. Nous étions tous deux incrédules à l'idée que, plus de sept ans après le début de la guerre, une telle vidéo puisse être choquante. Que croyiez-vous que nous faisions là-bas ?
Les effets sur le premier amendement et la liberté de la presse seront graves si Julian Assange est extradé et réellement poursuivi.
J'ai fait la guerre trois fois. J'ai vu des mères avec leurs enfants morts, et j'ai entendu leurs cris en arabe, en pachto et en anglais. Ces cris étaient tous les mêmes. L'enfer de la guerre qui a consumé des hommes, des femmes et des enfants pendant des décennies, et se poursuit sous des formes interminables est inimaginable pour beaucoup d'entre nous. Savoir que ces actes de crime organisé et de souffrance massive, perpétrés en nos noms, n'étaient pas de cruels accidents de guerre mais le résultat de politiques planifiées et délibérées, est encore plus difficile à avaler.
Les millions de victimes des guerres américaines dans le monde musulman connaissent bien la violence de ces guerres. Pour les Américains, ce sentiment familier des guerres, de leur violence et de leurs conséquences n'existait pas. Julian Assange et Wikileaks ont contribué à changer cela.
Pour avoir dévoilé les victimes et crimes de guerre causés par les États-Unis et l'Occident, Julian Assange est détenu dans la tristement célèbre prison britannique de Belmarsh, en attente d'extradition vers les États-Unis. La captivité déchirante d'Assange a commencé il y a plus de 12 ans, lorsqu'une restitution américaine l'a forcé à chercher refuge à l'ambassade d'Équateur à Londres. J'ai eu le privilège de le rencontrer là-bas en 2014. Cette visite m'a permis de le remercier pour son témoignage grâce à Wikileaks au nom des millions de victimes de guerre ignorées, non nommées et réduites au silence. Plus de dix ans plus tard, sa santé mentale et physique est défaillante, et Biden, malgré son engagement en faveur de la liberté de la presse, ne montre toujours aucun signe d’une éventuelle grâce.
Le correspondant du New York Times pour la guerre du Viêt Nam, Neil Sheehan, a déclaré que les Pentagon Papers lui avaient appris que les secrets n'étaient pas gardés par un gouvernement pour protéger son peuple de ses adversaires, mais plutôt pour que les citoyens n’apprennent rien des actions de leur gouvernement. C'est peut-être le plus grand crime commis par Julian Assange, aux yeux des gouvernements, tant démocrates que républicains : il a osé dire au peuple américain ce que son gouvernement a fait.
Les effets sur le Premier Amendement et la liberté de la presse seront graves si Julian Assange est extradé et si les poursuites aboutissent. Sa persécution et sa torture servent déjà d'avertissement aux journalistes du monde entier. Et moralement, l'emprisonnement de Julian Assange est un obstacle à toute remise en question nécessaire aux États-Unis quant à nos guerres en Afghanistan et en Irak, et à leurs victimes.
* Matthew Hoh est Senior Fellow au Center for International Policy et membre de l'Eisenhower Media Network (EMN). En 2009, il a démissionné de son poste au département d'État en Afghanistan pour protester contre l'escalade de la guerre.
https://www.commondreams.org/opinion/collateral-murder-julian-assange