👁🗨 Comment les enfants de Gaza vont-ils pouvoir guérir ?
“Les avions bombardent-ils les étoiles? Non, pourquoi mon petit? Parce que je les aime, & j'ai peur pour elles. Je ne veux pas qu'on les tue”. Elles nous redonnent espoir, même dans les pires moments.
👁🗨 Comment les enfants de Gaza vont-ils pouvoir guérir ?
Par Wejdan Wajdy Abu Shammala, le 25 janvier 2024
À Gaza, votre vie peut vous être arrachée en un instant.
On ne contrôle rien. La mort rôde un peu partout.
Le plus terrifiant dans tout cela, c'est que vous n'aurez pas le temps d'exprimer quoique ce soit que votre nom sera déjà inscrit dans les registres des victimes de l'occupation israélienne.
Plus de 10 000 enfants palestiniens ont été tués en un peu plus de 100 jours de bombardements israéliens. C'est-à-dire environ 100 enfants par jour.
Combien de ces histoires ont été racontées aux États-Unis et en Europe ?
Pour moi, le plus traumatisant dans cette violence génocidaire d'Israël est le vécu des jeunes enfants au cours de ces assauts.
J'ai deux jeunes frères et sœurs, l'un a 5 ans, l'autre pas tout à fait 3.
Un jour, alors que nous nous apprêtions à aller chercher de quoi manger, ma sœur de 5 ans a dit à ma mère : “Maman, je veux des frites. Cela fait un mois et demi que je n'en ai pas mangé”.
Ma mère m'a regardée d'un air impuissant, puis a dit :
“Wejdan va au marché pour acheter à manger. Il n'y a pas de frites ou de chips au marché, mais je lui dirai d'en rapporter pour toi et ton frère si elle en trouve”.
Ma petite sœur était folle de joie, se raccrochant à ce si simple espoir.
Elle a quitté la pièce et je me suis tournée vers ma mère.
“Tu sais très bien qu'il ne reste presque rien à manger”, ai-je dit, “et qu'il n'y a certainement pas de chips, et encore moins des frites”.
Elle m'a de nouveau regardée avec cet air désemparé. “Et qu'est-ce que je pouvais lui dire, à part ce que j'ai dit ?” a-t-elle répondu.
Je suis allée au marché, emplie de toute la douleur et la misère de la guerre et du manque. J'ai trouvé en partie ce dont ma famille avait besoin, mais pas le reste.
Évidemment, je n'ai pas trouvé les frites tant désirées par ma sœur. Elle a pleuré lorsqu'elle a su que je n'en avais pas trouvé.
Un profond impact
Ce soir-là, les forces d'occupation ont transformé la nuit en jour en larguant une pluie de fusées éclairantes. Cette luminosité soudaine nous a rappelé la menace constante des violences.
Peu après, le vacarme des bombardements a retenti, ébranlant le sol et faisant trembler les fenêtres.
Mon petit frère s'est réveillé en criant, les yeux agrandis par la peur. Il s'est précipité vers ma mère, enfouissant sa tête entre ses bras.
Ma petite sœur a couru vers moi, les mains sur les oreilles. Elle s'est accrochée à moi, le corps tremblant.
— “J'ai peur”, a-t-elle chuchoté. “Le bruit des bombardements est si terrifiant”.
Lorsque les bombardements ont cessé quelques instants, ma petite sœur m'a posé une question candide alors que j'essayais de jouer avec elle pour lui faire oublier ce qui se passait dehors.
— “Les avions et l'occupation bombardent-ils les étoiles ?”
Je l'ai regardée, le cœur brisé, et je lui ai dit :
— “Non, ils ne le font pas. Pourquoi, ma chérie ?”
— “Parce que j'aime les étoiles, et que j'ai peur pour elles. Je ne veux pas qu'elles soient tuées.”
J'ai passé mon bras autour d'elle et l'ai serrée contre moi.
— “Je les aime aussi. Je te promets qu'elles ne risquent rien.”
J'ai regardé les étoiles et j'ai su que, là, au moins, je disais la vérité. Les étoiles sont loin, hors de portée des bombardiers.
Elles nous rappellent l'espoir, même dans les pires moments.
Le lendemain matin, les bombardements ont repris. J'étais en train de servir de l'eau à mon jeune frère quand j'ai entendu les détonations.
Je l'ai immédiatement pris dans mes bras et l'ai serré contre moi.
“N'aie pas peur, mon amour. Nous sommes tous là avec toi.”
Il a répondu d'une voix simple et innocente : “J'ai peur du feu.”
Mon frère voulait parler des bombardements, car il ne connait rien à tout cela, si ce n'est qu'il s'agit d'une lumière vive accompagnée d'un bruit terrifiant.
Il a tendu la main vers mon téléphone, ses yeux implorant une distraction. Je le lui ai tendu, espérant que les jeux l'aideraient à oublier la terreur.
Ma petite sœur a également demandé à s'asseoir avec lui et à regarder le téléphone.
Nous nous sommes assis ensemble, regardant l'écran en essayant d'oublier la peur et la violence, là au-dehors.
Les enfants de Gaza seront marqués à vie. Nous savons que cette terreur aura un impact profond.
Comment les esprits et les cœurs des enfants vont-ils guérir ?
Je n'ai pas la réponse à cette question. Je ne sais même pas comment je guérirai, ou si mes parents y arriveront.
Après avoir enduré tant de peur, et de mort, peut-on même espérer guérir ?
* Wejdan Wajdy Abu Shammala est écrivain, artiste de voix off et traductrice.
https://electronicintifada.net/content/how-will-children-gaza-heal/44161