đâđš Cornel West : une campagne contre l'apartheid politique
Le pouvoir monolithique nous mÚne fatalement à la tyrannie ou la révolution. Il n'y a pas d'autre option. Voter pour Biden & les démocrates accélérera le processus. Voter pour Cornel, c'est le défier.
đâđš Cornel West : une campagne contre l'apartheid politique
Les deux partis au pouvoir ont détruit notre démocratie. Voter pour l'un ou l'autre ne la ramÚnera pas.
Par Chris Hedges, le 16 juillet 2023
Les partis rĂ©publicain et dĂ©mocrate n'ont pas l'intention d'admettre les indĂ©pendants et autres partis dans leur club trĂšs fermĂ©. Une sĂ©rie de lois et de rĂšgles obscures rĂ©gissant les Ă©lections font qu'il est extrĂȘmement difficile pour les outsiders de s'inscrire sur les bulletins de vote, de se faire connaĂźtre, de lever des fonds, de se conformer aux rĂ©glementations conçues pour promouvoir les intĂ©rĂȘts des rĂ©publicains et des dĂ©mocrates ou de participer Ă des dĂ©bats publics. Les tiers partis et les indĂ©pendants sont en fait privĂ©s de leur droit de vote, bien que 44 % des Ă©lecteurs se dĂ©clarent indĂ©pendants. Cette discrimination est qualifiĂ©e par euphĂ©misme de "bipartisme", mais le terme correct, comme l'Ă©crit Theresa Amato, est "apartheid politique".
"L'un des secrets les mieux gardĂ©s de la politique amĂ©ricaine est que le systĂšme bipartite est depuis longtemps en Ă©tat de mort cĂ©rĂ©brale - maintenu en vie par des systĂšmes de soutien tels que les lois Ă©lectorales des Ătats, qui protĂšgent les partis Ă©tablis de leurs rivaux, et par les subventions fĂ©dĂ©rales et la soi-disant rĂ©forme des campagnes", a notĂ© le politologue Theodore Lowi. "Le systĂšme bipartite s'effondrerait en un instant si on lui coupait les robinets et si on dĂ©branchait les perfusions".
Mme Amato a Ă©tĂ© directrice de la campagne prĂ©sidentielle nationale et conseillĂšre juridique interne de Ralph Nader lors des Ă©lections de 2000 et 2004. Son livre "Grand Illusion : The Myth of Voter Choice in a Two-Party Tyranny" [La grande illusion : le mythe du choix de l'Ă©lecteur dans une tyrannie bipartite] est un rĂ©cit qui donne Ă rĂ©flĂ©chir sur notre apartheid politique, inspirĂ© de son expĂ©rience dans les campagnes de Nader. Elle dĂ©crit dans les moindres dĂ©tails les mĂ©canismes infĂąmes, en particulier les rĂšgles byzantines qui varient d'un Ătat Ă l'autre, pour pouvoir ne serait-ce que figurer sur le bulletin de vote.
Les partis tiers qui ne sont pas dĂ©jĂ admis sur les listes Ă©lectorales, ainsi que les indĂ©pendants, doivent recueillir des signatures en rĂšgle sur une pĂ©tition pour pouvoir se prĂ©senter Ă l'Ă©lection prĂ©sidentielle. Certains Ătats exigent une contribution ou quelques centaines de signatures. D'autres imposent la collecte de dizaines de milliers de signatures. Les rĂ©publicains et les dĂ©mocrates fixent les rĂšgles dans les assemblĂ©es lĂ©gislatives des Ătats, puis, grĂące Ă l'argent des entreprises et Ă leurs Ă©quipes d'avocats, ils traĂźnent les indĂ©pendants et les candidats de diffĂ©rents partis devant les tribunaux pour contester la validitĂ© de leurs signatures de pĂ©tition. Ces poursuites sont utilisĂ©es pour invalider les signatures afin d'exclure les candidats du scrutin, de priver les Ă©lecteurs de la possibilitĂ© de soutenir d'autres candidats et de ponctionner les budgets de campagne des petits concurrents. Les responsables des partis rĂ©publicain et dĂ©mocrate au niveau des Ătats, qu'ils soient Ă©lus ou nommĂ©s, administrent les Ă©lections fĂ©dĂ©rales pour servir les intĂ©rĂȘts de leur parti.
Les conditions requises pour figurer sur les bulletins de vote ressemblent aux rĂšgles Ă©rigĂ©es par Jim et Jane Crow pour empĂȘcher les Afro-AmĂ©ricains de s'inscrire sur les listes Ă©lectorales. L'Ohio, par exemple, exige que les signatures des pĂ©titions ne proviennent que d'un seul comtĂ© par pĂ©tition, ce qui oblige les militants Ă transporter des piles de pĂ©titions pour chaque comtĂ©. L'Ătat de Washington exige un prĂ©avis de 10 jours publiĂ© dans la presse avant d'organiser une convention d'investiture. La Virginie-Occidentale requiert de ceux qui font circuler les pĂ©titions dâobtenir au prĂ©alable une accrĂ©ditation du greffier du comtĂ©, dans chaque comtĂ©, qui doit ĂȘtre affichĂ©e pendant la collecte des signatures. Le Nevada contraint chaque pĂ©tition Ă ĂȘtre authentifiĂ©e par un notaire.
"Pour complexifier encore les choses, un peu Ă la Kafka, de nombreux fonctionnaires Ă©lectoraux hĂ©sitent Ă dĂ©voiler la signification exacte des dispositions de la loi de leur Ătat ; ils ne veulent pas ĂȘtre impliquĂ©s dans une bataille juridique - ils affirment donc souvent qu'ils ne savent pas, qu'ils ne peuvent rien dire, et vous ne pouvez vous fier Ă rien de ce qu'ils disent", Ă©crit M. Amato. "Par ailleurs, vous pouvez obtenir des avis diffĂ©rents selon la personne Ă laquelle vous vous adressez, ou rencontrer des fonctionnaires des Ă©lections qui ne connaissent tout simplement pas la loi qu'ils appliquent, mĂȘme dans certains des plus grands Ătats, comme nous l'avons constatĂ© en 2004 en Californie".
Les commissions et conseils mis en place pour surveiller les élections, comme la Commission électorale fédérale, sont également composés presque exclusivement de républicains et de démocrates.
Selon M. Amato, maßtriser les lois sur le financement des campagnes de la Commission électorale fédérale équivaut à apprendre "une langue étrangÚre en quelques jours", et à essayer ensuite de la faire comprendre au personnel et aux bénévoles de la campagne, qui n'ont que peu ou pas d'expérience des réglementations fédérales.
Les sections nationales, régionales et locales des partis républicain et démocrate passent des contrats avec des prestataires et des consultants politiques pour travailler sur chaque cycle de campagne. Ce n'est généralement pas le cas des partis tiers et des indépendants, qui ne disposent pas des ressources et des fonds nécessaires pour mettre en place une infrastructure de campagne pérenne. Les deux partis au pouvoir peuvent également compter sur des "super comités d'action politique" [Super Political Action Committees, ou Super PAC] pour collecter des sommes colossales auprÚs de particuliers fortunés, de syndicats, d'entreprises et d'autres comités d'action politique. Les Super PAC peuvent effectuer des dépenses "indépendantes" illimitées au nom de la campagne, bien qu'ils ne soient pas censés financer directement la campagne ou coordonner leurs activités avec les comités fédéraux de candidats.
Les républicains et les démocrates, qui lÚvent des fonds considérables, ne sont pas incités à participer au systÚme de financement public ou à créer un systÚme alternatif susceptible d'aider les tiers partis et les indépendants.
"De quoi disposent les candidats tiers et indĂ©pendants appauvris ?", Ă©crit M. Amato. Ă©crit M. Amato. "Ils n'obtiennent un financement fĂ©dĂ©ral pour l'Ă©lection gĂ©nĂ©rale qu'aprĂšs coup - si, et seulement si, ils atteignent 5 % du total des voix au niveau national. L'incertitude de pouvoir obtenir des fonds aprĂšs coup est pratiquement inutile pour le candidat qui se prĂ©sente Ă l'Ă©lection en cours et qui ne peut y compter, bien qu'elle puisse ĂȘtre utile au parti pour la prochaine Ă©lection".
Si les partis tiers et les indĂ©pendants sont prĂȘts Ă se soumettre Ă un audit fĂ©dĂ©ral automatique et onĂ©reux, Ă rĂ©pondre Ă une sĂ©rie d'exigences prĂ©cises en matiĂšre de financement dans au moins 20 Ătats et Ă accepter de limiter les dĂ©penses de leurs campagnes dans tous les Ătats et dans l'ensemble du pays, ils peuvent prĂ©tendre Ă des fonds de contrepartie pour les Ă©lections primaires.
Comme le souligne le livre "Third Parties in America", la loi sur la Commission électorale fédérale est "une loi majeure destinée à protéger les partis".
Ceux qui tentent de remettre en cause la mainmise du duopole des partis républicain et démocrate sont qualifiés de fauteurs de troubles, de naïfs ou d'égocentriques. Ces attaques ont déjà commencé contre Cornel West, qui se présente à l'investiture du Parti Vert. L'hypothÚse sous jacente à ces attaques veut que nous n'ayons pas le droit de soutenir un candidat qui défend nos valeurs et nos préoccupations.
"En 2016, le Parti vert a jouĂ© un rĂŽle considĂ©rable dans la bascule de l'Ă©lection en faveur de Donald Trump", a Ă©crit David Axelrod, stratĂšge en chef des campagnes prĂ©sidentielles de Barack Obama, "Maintenant, avec Cornel West comme futur candidat, il pourrait facilement rĂ©cidiver. C'est une affaire risquĂ©e.â
C'est le mĂȘme message qui a Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ© Ă maintes reprises par les responsables du parti dĂ©mocrate, les mĂ©dias et les cĂ©lĂ©britĂ©s pour discrĂ©diter Ralph Nader, qui a recueilli plus de 2,8 millions de voix lors des Ă©lections de 2000, lorsqu'il Ă©tait candidat.
Les indĂ©pendants et partis tiers ne reprĂ©sentent pas encore de menace sĂ©rieuse pour le duopole. Leur score est gĂ©nĂ©ralement infĂ©rieur Ă 10 %, bien que Ross Perot ait obtenu prĂšs de 19 % du vote populaire. Ils ne recueillent qu'une infime partie des centaines de millions de dollars dont disposent les dĂ©mocrates et les rĂ©publicains. La campagne Biden-Harris, le ComitĂ© national dĂ©mocrate et leurs comitĂ©s conjoints de collecte de fonds, par exemple, ont recueilli 72 millions de dollars entre avril et fin juin. L'ancien prĂ©sident Donald Trump a collectĂ© plus de 35 millions de dollars entre avril et fin juin. Le gouverneur de Floride Ron DeSantis a obtenu 20 millions de dollars au cours de la mĂȘme pĂ©riode. La campagne de Cornel a rĂ©coltĂ© 83 640,28 dollars, selon Jill Stein qui gĂšre sa campagne.
Joe Biden a collecté 1 milliard de dollars pour financer sa course à la présidence en 2020. Le coût total des élections de 2020 s'élÚve à 14,4 milliards de dollars, ce qui en fait, comme le souligne Open Secrets, "l'élection la plus chÚre de l'histoire, deux fois plus chÚre que le précédent cycle d'élections présidentielles".
Les candidats d'un tiers parti et les indĂ©pendants sont nĂ©anmoins considĂ©rĂ©s comme dangereux par les rĂ©publicains et les dĂ©mocrates infĂ©odĂ©s aux entreprises, car ils dĂ©masquent la faillite politique, la malhonnĂȘtetĂ© et la corruption du duopole. Ces rĂ©vĂ©lations, si on les laisse persister, alimenteront potentiellement un mouvement plus large destinĂ© Ă briser la tyrannie du bipartisme. C'est pourquoi les partis rĂ©publicain et dĂ©mocrate organisent des campagnes durables, amplifiĂ©es par les mĂ©dias, pour discrĂ©diter les partis tiers et les rivaux indĂ©pendants.
La censure gouvernementale imposée aux réseaux sociaux, comme l'a révélé Matt Taibbi, vise à faire taire les critiques de gauche et de droite attaquant l'élite au pouvoir.
Vous entendrez bien plus de vĂ©ritĂ©s, par exemple, sur l'Ătat d'apartheid d'IsraĂ«l et les souffrances des Palestiniens de la part de Cornel que de n'importe quel candidat rĂ©publicain ou dĂ©mocrate, y compris Robert F. Kennedy, Jr. qui soutient le gouvernement israĂ©lien.
Notre systĂšme Ă©lectoral pose de nombreux problĂšmes : la suppression d'Ă©lecteurs, les difficultĂ©s d'inscription sur les listes Ă©lectorales, la lourdeur du processus Ă©lectoral, les mĂ©canismes dĂ©fectueux utilisĂ©s pour le dĂ©compte des voix, les 30 ou 40 titulaires qui se prĂ©sentent au CongrĂšs sans opposition Ă chaque cycle Ă©lectoral, le redĂ©coupage des circonscriptions, le refus d'accorder aux rĂ©sidents de Washington une reprĂ©sentation Ă©lectorale au CongrĂšs, le refus du droit de vote aux citoyens des "territoires" des Ătats-Unis, comme Guam et Porto Rico, la dĂ©chĂ©ance du droit de vote de plus de trois millions d'ex-dĂ©tenus et la purge de millions de non-dĂ©tenus des listes Ă©lectorales, ainsi que l'absurditĂ© du collĂšge Ă©lectoral, qui voit des candidats comme George W. Bush et Donald Trump perdre le vote populaire et remporter la prĂ©sidence.
Mais ces problÚmes ne sont pas comparables aux obstacles auxquels se heurtent les partis tiers et les indépendants qui organisent et mÚnent des campagnes.
Les partis des grandes entreprises au pouvoir sont parfaitement conscients qu'ils n'ont pas grand-chose à offrir à un public désabusé, si ce n'est plus de guerres, plus d'austérité, plus de contrÎle et d'intrusion du gouvernement dans nos vies, plus d'allÚgements fiscaux pour Wall Street et les grandes entreprises et plus de misÚre pour les travailleurs et les travailleuses. Ils utilisent leur mainmise sur le systÚme électoral pour nous forcer à choisir entre des médiocres comme Donald Trump - et de grands donateurs démocrates comme Lloyd Blankfein ont déclaré qu'ils soutiendraient Trump si Bernie Sanders était le candidat du Parti démocrate - ou Joe Biden. Les seuls candidats électoralement viables en dehors de la structure bipartite sont les trÚs riches, comme Ross Perot ou Michael Bloomberg, qui, comme l'écrit M. Amato, sont capables "de contourner les barriÚres des restrictions d'accÚs au scrutin et d'une couverture médiatique inexistante".
Les Ă©lecteurs ne votent pas pour qui ils veulent. Ils votent contre ceux qu'ils ont Ă©tĂ© conditionnĂ©s Ă dĂ©tester. L'oligarchie, quant Ă elle, est assurĂ©e que ses intĂ©rĂȘts sont protĂ©gĂ©s.
Aucun candidat républicain ou démocrate à l'élection présidentielle n'a l'intention de mettre un terme au pillage des entreprises. Ils ne freineront pas l'industrie des combustibles fossiles, ni ne lutteront contre l'écocide. Ils ne reconstruiront pas nos infrastructures délabrées et notre systÚme éducatif défaillant. Ils ne réformeront pas notre systÚme de santé prédateur à but lucratif et ne rétabliront pas notre droit à la vie privée en mettant fin à la surveillance gouvernementale généralisée. Ils n'institueront pas de financement public des élections pour mettre un terme à la corruption légalisée qui caractérise les fonctions électives. Ils n'augmenteront pas le salaire minimum. Ils ne mettront pas fin à nos guerres permanentes.
Les partis tiers et les indĂ©pendants, mĂȘme s'ils n'obtiennent qu'un seul chiffre dans les sondages, constituent une menace pour le duopole des entreprises car ils soutiennent des rĂ©formes, telles que l'augmentation des taux d'imposition des entreprises et des riches, largement soutenues par l'opinion publique. Ils dĂ©noncent la corruption d'un systĂšme qui, sans le financement des milliardaires et des entreprises, s'effondrerait. Sur presque toutes les grandes questions - guerre, politiques commerciales, police militarisĂ©e, suppression du salaire minimum, hostilitĂ© Ă l'Ă©gard des syndicats, suppression des libertĂ©s civiles, escroquerie des grandes banques, des sociĂ©tĂ©s de cartes de crĂ©dit, des grandes sociĂ©tĂ©s pharmaceutiques et de l'industrie des soins de santĂ© -, il n'y a que peu ou pas de diffĂ©rence entre les rĂ©publicains et les dĂ©mocrates.
Le pouvoir monolithique confond toujours privilÚge et supériorité morale et intellectuelle. Il réduit au silence les critiques et les réformateurs. Il défend des idéologies en faillite, comme le néolibéralisme, pour justifier son omnipotence. Il encourage l'intolérance et la soif d'autocratie. Au cours de l'histoire, ces systÚmes verrouillés, qu'ils soient monarchiques ou totalitaires, se sont transformés en bastions de la cupidité, du pillage, de la médiocrité et de la répression. Ils nous mÚnent inévitablement à la tyrannie ou à la révolution. Il n'y a pas d'autres options. Voter pour Biden et les démocrates accélérera le processus. Voter pour Cornel, c'est le défier.