đ© Craig Murray: HystĂ©rie de masse, style British-Royal
Le public est incité à suivre un deuil émotionnel pour la reine défunte, tandis que ceux dont on pourrait penser qu'ils sont vraiment en deuil sont engagés dans de froids calculs politiques.
â ïž C'est un Dieu capricieux qui soutient une famille royale au point de crĂ©er des nuages Ă leur image et de les cĂ©lĂ©brer par des arcs-en-ciel et des comĂštes, tout en incitant Ă faire couler l'encre "Ă chaque fois que ça pue".
đ© HystĂ©rie de masse, style British-Royal
đ° Par Craig Murray @CraigMurrayOrg, le 16 septembre 2022
Le public est incité à suivre un deuil émotionnel pour la reine défunte, tandis que ceux dont on pourrait penser qu'ils sont vraiment en deuil sont engagés dans de froids calculs politiques.
Lorsque le soi-disant chef de l'opposition s'oppose Ă une manifestation contre un nouveau chef d'Ătat non Ă©lu, par respect pour le prĂ©cĂ©dent chef d'Ătat non Ă©lu, vous savez que vous vivez en plein totalitarisme.
Si ce n'est que presque toutes les dictatures prennent au moins la forme d'une élection. En effet, certains des pires dictateurs de l'histoire moderne ont été effectivement élus, fait regrettable que nous préférons généralement éluder.
Plus d'une semaine d'hystérie collective au Royaume-Uni nous aide à comprendre comment.
Le phĂ©nomĂšne psychologique du spasme Ă©motionnel sociĂ©tal est assez bien Ă©tudiĂ©, mais n'est pas nĂ©cessairement entiĂšrement expliquĂ©. Comment en sommes-nous arrivĂ©s Ă un stade oĂč, en 2022, les journaux font sĂ©rieusement la promotion de nuages miraculeux qui "ressemblent Ă la reine", de doubles arcs-en-ciel ou de mĂ©tĂ©ores, voilĂ une question Ă©pineuse.
Ce qui ne fait aucun doute, c'est la tendance des foules bercées d'illusions à se retourner contre ceux qui ne les rejoignent pas - et la capacité des personnes sans scrupules à exploiter ce pouvoir.
Les tentatives d'intimidation visant Ă dissuader les gens de protester contre la monarchie semblent avoir largement rĂ©ussi. La semaine derniĂšre, nous avons assistĂ© Ă de terribles attaques contre la libertĂ© d'expression, notamment des personnes arrĂȘtĂ©es pour avoir brandi des pancartes, pour avoir exprimĂ© pacifiquement leur dĂ©saccord, ou mĂȘme pour avoir apportĂ© des Ćufs ou des feuilles de papier vierge.
Un certain nombre de personnalitĂ©s ont pris la parole pour dĂ©fendre la libertĂ© d'expression - Andrew Marr, Martin Bell, John Sweeney, David Davis, Joanna Cherry, Michael Russell. Toutes ces personnalitĂ©s reprĂ©sentent largement un consensus libĂ©ral de la sociĂ©tĂ© qui semble s'ĂȘtre volatilisĂ©. Comme je les connais tous sauf un, j'espĂšre qu'ils me pardonneront de dire qu'ils ont tendance Ă ĂȘtre lĂ©gĂšrement dĂ©passĂ©s.
Pas une seule personne au pouvoir, Ă Westminster ou en Ăcosse, n'a affirmĂ© l'importance de la libertĂ© d'expression, alors que le chef de l'opposition Keir Starmer fait exactement le contraire, soulignant que le "respect" de l'autoritĂ© est plus important que la libertĂ© d'expression, une position adoptĂ©e par tous les anti-dĂ©mocrates.
Deux arguments sont actuellement utilisés contre la liberté d'expression :
âȘïž 1. Nous devrions honorer les morts, et respecter le caractĂšre sacrĂ© de la pĂ©riode de deuil.
Je ne rejette pas en gĂ©nĂ©ral la valeur des conventions sociĂ©tales, et j'ai une certaine sympathie pour cette approche. Cependant, la difficultĂ© est que l'accession d'un nouveau monarque se produit au moment de la mort de l'ancien. Ce dernier ne peut ĂȘtre utilisĂ© pour museler toute protestation contre le premier.
L'Establishment mĂȘle dĂ©libĂ©rĂ©ment les deux afin d'empĂȘcher toute protestation. Nous avons droit Ă l'extraordinaire et macabre spectacle du cadavre de la dĂ©funte reine diffusĂ© dans tout le pays, et de son cercueil exposĂ© au public.
Si les gens se souciaient vraiment d'elle, j'aurais pensĂ© qu'il serait beaucoup plus respectueux de l'enterrer, mais l'hystĂ©rie monarchiste doit ĂȘtre poussĂ©e Ă son maximum pendant la pĂ©riode la plus longue possible, et l'excuse pour supprimer la dissidence doit ĂȘtre maintenue.
Rory, 22 ans, qui a Ă©tĂ© mĂ©chamment et physiquement agressĂ© pour avoir chahutĂ© le prince Andrew, auteur d'abus sexuels, lors de la procession d'Ădimbourg, puis arrĂȘtĂ©, menottĂ© et inculpĂ©, a Ă©tĂ© largement condamnĂ© par les mĂ©dias pour avoir perturbĂ© les funĂ©railles. Mais ce n'Ă©tait pas un enterrement. Ces funĂ©railles n'auront lieu que lundi, lorsque cette farce prendra alors fin.
Le terme correct pour ce dont nous avons Ă©tĂ© tĂ©moins jusqu'Ă prĂ©sent n'est pas un enterrement, mais une sĂ©rie d'obsĂšques bizarres. L'Ătat exige de tous ses citoyens qu'ils se soumettent Ă ses exigences.
Il y a une raison pour laquelle ce concept a des connotations si nĂ©gatives, et si le Royaume-Uni avait des journalistes cultivĂ©s au lieu de stĂ©nographes d'Ătat, ils pourraient le dĂ©couvrir.
Tant de choses ont été totalement irrationnelles. L'un des moments qui m'est resté en mémoire est la critique adressée à la nouvelle premiÚre ministre, Liz Truss, pour ne pas avoir fait la révérence devant le cercueil de la reine à son arrivée à RAF Northolt. Cette attitude a été qualifiée de "grotesque", comme si faire la révérence à un cadavre n'était pas en soi une image tout droit sortie de la plume d'Edgar Allan Poe.
La concomitance de l'étirement de la période avant que la pauvre Elizabeth ne soit finalement mise au repos, est d'utiliser cette période à un avantage politique maximum pour l'introduction du nouveau roi, alors que l'aura de sa mÚre brille encore.
Nous assistons à une confusion délibérée des deux processus. L'homme d'Oxford qui s'est contenté de demander "qui l'a élu ?" et la femme d'Edimbourg qui tenait une pancarte "Fuck imperialism, abolish the monarchy" assistaient tous deux à la proclamation spécifique de l'accession du roi Charles III - des événements distincts des obsÚques. Pourtant, tous deux ont été condamnés pour manque de respect envers une reine décédée.
Nous avons Ă©galement droit au spectacle extraordinaire de Charles, immĂ©diatement aprĂšs la mort de sa mĂšre, qui dĂ©laisse son deuil et met sa peine en bouteille tout en sillonnant furieusement l'Ăcosse, l'Irlande du Nord et le Pays de Galles pour des Ă©vĂ©nements entiĂšrement politiques.
Ceci n'aurait pas dĂ» se produire. Cela n'a rien Ă voir avec la tradition. Rien de semblable ne s'est jamais produit auparavant.
Rien ne justifiait que Charles se rende maintenant au Parlement Ă©cossais, Ă l'AssemblĂ©e galloise ou Ă l'AssemblĂ©e d'Irlande du Nord. Il aurait pu attendre la fin des funĂ©railles. Il aurait mĂȘme pu bĂ©nĂ©ficier d'une semaine de repos et de rĂ©flexion aprĂšs les funĂ©railles, avant de se lancer dans une tournĂ©e des nations.
La dĂ©cision de fixer ces Ă©vĂ©nements politiques Ă Ădimbourg, Belfast et Cardiff, visant Ă renforcer la monarchie et l'union, a Ă©tĂ© prise dĂ©libĂ©rĂ©ment, alors que le cadavre Ă©tait encore mĂ©taphoriquement chaud, afin de maximiser le rebond politique de la monarchie Ă la mort d'Ălisabeth.
Cette stratĂ©gie repose en partie sur le fait que, si la premiĂšre visite de Charles en tant que roi a lieu aprĂšs les funĂ©railles, l'accession suscitera des protestations politiques Ă Ădimbourg, Cardiff et Belfast, qui pourraient ĂȘtre considĂ©rables.
Aucun précédent moderne ne justifie une tournée royale entre la mort et les funérailles du monarque précédent. C'est, quand on y pense, un véritable manque de respect.
Ădimbourg peut se justifier par le fait qu'Ălisabeth est morte en Ăcosse, mais Belfast et Cardiff ?
Ce qui nous indique que le "roi Charles III" aurait quand mĂȘme profitĂ© de la pĂ©riode de deuil pour faire sa visite de consolidation du pouvoir Ă Ădimbourg, peu importe oĂč sa mĂšre avait rendu l'Ăąme.
Rien n'est plus cynique. On nous pousse à observer un deuil émotionnel, alors que ceux que l'on s'attendrait à voir vraiment en deuil sont engagés dans un froid calcul politique.
L'un des aspects sombrement divertissants de ces derniers jours a Ă©tĂ© de voir tous les monarchistes dĂ©lirants sur les rĂ©seaux sociaux excuser l'extraordinaire colĂšre de Charles en Irlande du Nord Ă propos d'un stylo, au motif qu'il devait ĂȘtre Ă©puisĂ© par cette tournĂ©e alors que sa mĂšre venait de mourir.
Mais la réponse, bien sûr, est qu'il n'avait nullement besoin de se précipiter en Irlande du Nord, laissant derriÚre lui les rites funéraires de sa mÚre. Il le faisait pour des raisons politiques.
C'est un Dieu capricieux qui soutient une famille royale au point de créer des nuages à leur image et de les célébrer par des arcs-en-ciel et des comÚtes, tout en incitant à faire couler l'encre " à chaque fois que ça pue ".
âȘïž 2. La protestation peut dĂ©clencher une rupture de la paix.
C'est un argument vraiment sinistre. Il se résume à ceci: la foule est invitée à malmener les dissidents, donc l'expression de la dissidence est illégale.
C'est littĂ©ralement du fascisme, l'exercice de la force violente par des voyous en pleine rue pour rĂ©primer la dissidence, l'Ătat soutenant les voyous et criminalisant les dissidents. C'est prĂ©cisĂ©ment la façon dont tous les rĂ©gimes fascistes fonctionnent.
Il est maintenant utilisĂ© sans vergogne. Aucun des voyous qui ont attaquĂ© Rory Ă Ădimbourg n'a Ă©tĂ© inculpĂ©. Rory a Ă©tĂ© accusĂ© de trouble de l'ordre public.
Si une violation de la paix est une action susceptible de provoquer des troubles, alors les personnes Ă inculper devraient ĂȘtre celles qui ont dĂ©cidĂ© de placer Ă des postes de prestige un homme qui a Ă©vitĂ© un procĂšs pour trafic sexuel grĂące au versement de 12 millions de livres sterling.
Signe que la lie de la sociĂ©tĂ© est encouragĂ©e par cette pĂ©riode de rĂšgne des foules, on constate sur les rĂ©seaux sociaux un nombre assez considĂ©rable de personnes qui dĂ©fendent activement le prince Andrew, fait extrĂȘmement rare avant la mort de la reine.
Sur Twitter, il est intéressant de voir combien de ceux qui défendent Andrew présentent les caractéristiques que j'ai identifiées des unités de trolls du gouvernement britannique. Il s'agit d'un nombre trÚs faible de followers pour un compte prétendant exister depuis au moins 10 ans, et une chronologie entiÚrement constituée de retweets.
La réhabilitation d'Andrew est également l'un des objectifs politiques du processus de décÚs d'Elizabeth, auquel nous ne sommes pas autorisés à nous opposer pour des raisons de "décorum" et de "respect".
Personnellement, je n'aurais pas fait ce que Rory a fait, en présence d'un cercueil. Mais c'est une question qui relÚve de l'étiquette, des préférences et du savoir-vivre, et non du droit pénal.
Quiconque a Ă©tĂ© attentif ne devrait pas ĂȘtre surpris de voir comment le ministĂšre public Ă©cossais canalise joyeusement ce fascisme, et que des personnes sont jugĂ©es pour atteinte Ă l'ordre public, y compris la jeune femme qui n'a fait que brandir une pancarte lors de la cĂ©rĂ©monie publique de proclamation en plein air.
Dimanche, la police écossaise a interdit le Yestival, un rassemblement annuel pour l'indépendance à George Square, à Glasgow, au motif que les funérailles de la reine ont lieu le lendemain, à 400 miles de là .
Les organisateurs ont discrĂštement reprogrammĂ© l'Ă©vĂ©nement, mais je m'y rendrai quand mĂȘme pour tĂ©moigner de mes convictions, car je refuse qu'on me dise que je ne peux pas exprimer mes opinions politiques. Je ne pense pas que nous serons plus d'une douzaine et rien de particulier n'est prĂ©vu - ni scĂšne ni micros. Ă moins que ma simple existence ne soit considĂ©rĂ©e par les fascistes comme une violation de la paix, je ne vois pas comment cela pourrait ĂȘtre illĂ©gal. Mais ils trouveront bien une solution. C'est l'Ecosse version 2022.
Sur le long terme, je ne me laisse pas abattre. La propagande fonctionne, et je n'ai aucun doute sur le fait que le monarchisme, et mĂȘme l'unionisme, bĂ©nĂ©ficieront d'une hausse notable dans les sondages d'opinion grĂące aux manigances actuelles.
Mais il serait faux de croire que le remplacement d'un monarque populaire par un monarque impopulaire va, à moyen terme, renforcer la monarchie. L'accÚs du public et de la presse sera restreint afin de faire taire la prise de conscience de l'autoritarisme et du tempérament épouvantables de Charles, et de la façon dont il traite le personnel.
Mais on ne peut pas rendre cet homme populaire, et sa reine consort sera un rappel constant de la façon dont il a traité sa malheureuse premiÚre épouse.
Quant Ă l'hystĂ©rie de la foule, je suis de la gĂ©nĂ©ration qui a Ă©tĂ© expĂ©diĂ©e Ă l'Ă©glise tous les dimanches de l'enfance. Je me souviens du sermon prononcĂ© chaque dimanche des Rameaux, qui rappelait que la mĂȘme foule enthousiaste qui avait acclamĂ© JĂ©sus Ă JĂ©rusalem rĂ©clamait sa mort cinq jours plus tard.
Toutes les grandes religions renferment pas mal de bon sens dans leur mysticisme.
* Craig Murray est un auteur, un diffuseur et un militant des droits de l'homme. Il a été ambassadeur britannique en Ouzbékistan d'août 2002 à octobre 2004 et recteur de l'université de Dundee de 2007 à 2010. Sa couverture est entiÚrement dépendante du soutien des lecteurs. Les abonnements permettant de maintenir ce blog en activité sont les bienvenus.
Cet article provient de CraigMurray.org.uk.
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https://consortiumnews.com/2022/09/16/craig-murray-mass-hysteria-uk-royal-style/