👁‍🗨 Le "jeu de confiance" : Assange, l'homme qui a tout risqué pour faire éclater la vérité.

Mon principal but : rendre justice au sacrifice, à la bravoure de Julian pour le bien des citoyens du monde. Si ce film peut faire ne serait-ce qu'une petite différence, alors rien n'aura été vain.

👁‍🗨 Le "jeu de confiance" : Assange, l'homme qui a tout risqué pour faire éclater la vérité.

Par Reuben Stojanovic-Rowe, le 27 juillet 2023

The Trust Fall : Julian Assange - Le réalisateur, Kym Staton, parle de la partialité des médias, de la sensibilisation politique et du rôle de son documentaire pour sauver un homme persécuté.

“Nous sommes à un moment charnière.”

Une décision de justice met en jeu la vie du journaliste, activiste, mari et père australien Julian Assange.

Ce nom vous est sans doute familier, mais il a été largement occulté dans le paysage de l'actualité, fait que le réalisateur Kym Staton estime tout à fait intentionnel.

“Les grands médias ne parlent pas assez de sa situation. Il y a un véritable black-out médiatique, même s'il se bat pour leur profession [de journaliste]. Il est dans leur camp. Mais la majorité des journalistes ont peur de lui”.

M. Assange a fait la une des quotidiens internationaux en démontrant que les journalistes ont la capacité d'ébranler des gouvernements parmi les plus puissants. Mais cela a un coût : M. Assange a été poursuivi sans relâche par ces gouvernements et traité en criminel.

Fondateur du média révolutionnaire Wikileaks, responsable de la fuite de documents classifiés du gouvernement américain, il a fait l'objet d'un mandat d'arrêt. L'éventualité de son extradition vers les États-Unis suscite de vives inquiétudes. Il a été placé sous la protection de l'ambassade de l'Équateur au Royaume-Uni jusqu'en 2019, puis détenu par les autorités et incarcéré à la prison de Belmarsh, où il se trouve actuellement dans l’attente du verdict sur son extradition. De toute évidence, cette histoire est loin d'être terminée, et pourrait faire l'objet d'un documentaire, et c'est là que le film de M. Staton entre en jeu.

"Ce film met tout le monde au courant de l'évolution de la situation, mais surtout, il explore la signification et l'interprétation de ce qui est arrivé [à Assange].”

M. Staton admet que The Trust Fall : Julian Assange ne sera pas un film anodin.

"C'est un film très intense sur le plan émotionnel. Il est normal que les gens pleurent à plusieurs reprises dans le film. Les gens sont choqués, écœurés. Il s'agit d'aborder les aspects tragiques de l'histoire, ainsi que le choc et le rejet du traitement infligé à Julian. C'est un film très lourd pour les spectateurs".

C'est tout à fait normal si l'on considère le drame qui se joue pour Assange et pour la profession journalistique.

"Nous assistons à un recul global de la liberté de la presse. Plus de 500 journalistes sont détenus dans le monde, un chiffre jamais atteint, un des nombreux signes de notre déclin en matière de liberté d'expression. Il appartient à chacun de faire quelque chose, car la situation va s'aggraver.”

Cette affaire qui court sur près de treize ans ne facilite pas la compréhension de toute l'histoire, en particulier des derniers développements. M. Staton a pour objectif de dissiper toute confusion.

Avec ce film, "nous voulons tout exposer de manière claire. Le film est conçu pour donner une idée relativement simple de ce dont il s'agit. Il revêt une dimension éducative".

Ce documentaire riche en informations est le premier long métrage documentaire de M. Staton, qui menait auparavant une carrière musicale. Poussé par l'urgence du cas de cet homme qu'il sait être innocent, et qui fait l'objet de poursuites injustes et de violations des droits fondamentaux, M. Staton a décidé de prendre la caméra.

"Je n'avais aucune expérience en matière d'interviews. La toute première a été celle du père de Julian, John Shipton.”

La chance qu'a eue Staton de pouvoir s'entretenir avec des personnes étroitement liées à l'affaire Assange s'avère être l’atout majeur du documentaire, mais il admet qu'il a dû relever quelques défis. Aux débuts, il était un réalisateur totalement inconnu ; personne ne connaissait son objectif ou son engagement en faveur d'Assange. Les gens n'allaient pas donner de leur temps à un parfait inconnu pour parler de leur ami, frère, collègue ou mari emprisonné.

"J'ai dû beaucoup travailler en réseau, questionner tous azimuts, mais une fois que j'ai obtenu quelques interviews et que l'on a pris conscience de mes intentions et de la nature du film, les choses ont commencé à devenir un peu plus faciles".

STATON INTERVIEWANT LA JOURNALISTE MARY KOSTAKIDIS

M. Staton a su qu'il tenait quelque chose lorsqu'il a attiré l'attention de Stella, la compagne d'Assange à l'époque, aujourd'hui son épouse, qui est tombée par hasard sur le projet et l'a partagé sur Twitter.

"Ce fut un tournant. Elle m'a invité au 51e anniversaire de Julian à Londres, où j'ai rencontré tout un tas de gens, dont l'un de nos narrateurs : la rappeuse britannique M.I.A."

Outre Stella Assange, le film met en scène le frère de Julian Assange, Gabriel, l'activiste politique Tariq Ali, et bien d'autres encore. Toutefois, le plus grand coup de maître pour Staton a été de pouvoir s'entretenir avec une légende de la liberté d'expression : feu Daniel Ellsberg, le célèbre lanceur d'alerte des "Pentagon Papers" de 1971.

" Ce fut un immense plaisir et honneur de pouvoir l'interviewer, et il s'est montré très généreux de son temps. Il a fait preuve d'une grande perspicacité, comme en témoigne le film. C'était donc formidable de connaître son point de vue, car il présente de nombreux liens intéressants avec cette affaire".

Daniel Ellsberg est décédé à l'âge de 92 ans, le 16 juin 2023.

Face à une histoire aussi potentiellement complexe, M. Staton a estimé qu'il était impératif de faire preuve de créativité avec le format du documentaire pour maximiser son impact sur le public.

"Le film ne suit pas une chronologie stricte. Un chapitre est consacré à la chronologie. Le deuxième chapitre du film résume son histoire, et vise à informer les spectateurs. Mais nous consacrons le reste à la signification de cette histoire, aux leçons que nous pouvons tirer de la situation. Quelle a été la contribution de Wikileaks, pourquoi les autorités s'en prennent-elles si agressivement à ce journaliste et le persécutent-elles ? Et que faire pour résoudre la situation ? Comment pouvons-nous obtenir sa liberté ?"

INTERVIEW DE DAVID SHOEBRIDGE, MEMBRE DU PARLEMENT AUSTRALIEN, SÉNATEUR DES VERTS ET FERVENT DÉFENSEUR DE JULIAN ASSANGE

M. Staton est particulièrement impatient de voir comment une certaine partie du film, qu'il qualifie de "très expérimentale", va être perçue par le public.

"Je me suis rendu compte d'une chose : venant d'un milieu de musiciens, où on utilise très souvent le silence sur scène - le silence fait partie de la musique - je me suis rendu compte que je pouvais me servir du silence dans le film. J'espère que cela permettra de percevoir les réactions du public dans une salle de cinéma. C'est aussi une grande partie de l'expérience cinématographique. On a conscience du public et de ses réactions".

Il est évident que M. Staton souhaite que ce film fasse évoluer non seulement la situation d'Assange, mais aussi l'avenir de la profession de journaliste.

"Nous espérons que le public se sentira inspiré pour agir, d'une manière ou d'une autre. En écrivant une lettre à leur député local, en signant une pétition, en écrivant une lettre à Julian en prison (un site web y est dédié). Ou rejoindre une manifestation. En parlant du film aux gens, en sensibilisant leurs amis".

Selon M. Staton, le principal objectif de son film est de sensibiliser l'opinion publique, ce qui devrait permettre d'exercer une pression sur les hommes politiques pour qu'ils agissent.

"Il faut que cette question devienne un enjeu électoral en Australie. Et aux États-Unis, que (le président) Biden prenne conscience de la pression croissante, et fasse ce qu'il faut, le libère".

Entre les appels à l'aide sans réponse de M. Assange, les poursuites incessantes des États-Unis en vue de son extradition, et le rejet de ses derniers appels en justice, les perspectives de sa libération semblent de plus en plus sombres.

"De multiples possibilités peuvent se produire à ce stade. Pour l'instant, nous attendons que les tribunaux britanniques annoncent la date de l'audience publique, qui constitue le dernier recours. Cela pourrait être communiqué dans un délai très court. Les journalistes pourront y assister, et l'audience ne durera pas plus d'une demi-heure. Si l'appel est rejeté, la défense d'Assange pourra alors se tourner vers la Cour européenne des droits de l'homme et tenter d'obtenir son aide pour bloquer l'extradition".

Quoi qu'il arrive, tout le monde s'accorde à dire qu'il ne bénéficiera pas d'un procès équitable. Même le célèbre conseiller juridique américain Steven Donzinger, connu pour ses batailles juridiques contre l'entreprise énergétique Chevron, a déclaré lors d'un rassemblement "Free Assange" :

"L'histoire d'Assange est une fraude complète de A à Z."

"Il s'agit d'une affaire politique”, selon M. Staton. "Les avocats de Julian s'accordent à dire qu'elle ne sera pas résolue par des procédures judiciaires. La farce judiciaire et l'affaire contre lui sont bidons. Elles ont en quelque sorte tranquillisé la population, en la convainquant que cette affaire était légitime. Elle est présentée comme une action en justice, mais il s'agit en fait d'une persécution".

Dans l'attente de la sortie du film sur lequel il travaille inlassablement depuis plus de deux ans, force est de reconnaître que The Trust Fall : Julian Assange est un projet d'envergure. Pour Staton, si ce film peut faire ne serait-ce qu'une petite différence, alors tout cela en aura valu la peine.

"Ma principale motivation est de rendre justice au sacrifice et à la bravoure dont Julian a fait preuve pour le bien des citoyens du monde".

M. Staton est convaincu que les voix se conjugueront pour que justice soit enfin rendue.

"Écrit un livre, une chanson, créer un beau tableau ou rédiger un article sont des contributions à la prise de conscience. Tant que Julian Assange aura besoin d'aide, ce film sera là pour lui en tant qu'outil de campagne et de ressource éducative.”

The Trust Fall : Julian Assange sera projeté en première mondiale le dimanche 30 juillet 2023, puis en rediffusion au Melbourne Documentary Film Festival.

https://www.filmink.com.au/trust-in-assange/