đâđš De Gaza, avec rage
Ils perpétuent leurs crimes la nuit, dans le noir, quand l'électricité et internet sont coupés, quand les journalistes sont abattus, pour cacher leurs crimes, l'immolation d'enfants par le feu.
đâđš De Gaza, avec rage
Par Mona El-Farra, le 17 novembre 2023
Ce qui se passe actuellement à Gaza est un génocide. Je pleure mes amis, mes voisins et ma famille dans la plus grande tristesse, mais ce n'est pas seulement de la tristesse que je ressens.
Les frappes aériennes israéliennes répétées sur le camp de réfugiés de Jabalia, à Gaza, dépassent l'entendement. Pendant au moins 10 des 40 derniers jours, des missiles se sont abattus sur le camp de réfugiés le plus densément peuplé de toute la bande de Gaza.
Et pas seulement de jour, mais aussi de nuit. Les bombardements sont perpétrés dans le noir, quand l'électricité est coupée et que la seule lumiÚre vient des feux qui brûlent. Ils ont lieu quand internet est coupé, quand les journalistes sont abattus, pour cacher leurs crimes, l'immolation d'enfants par le feu.
J'ai une longue histoire et des liens Ă©troits avec les personnes de ce camp. Mes amis, mes anciens collĂšgues, mes patients et les personnes que je connais depuis des dĂ©cennies grĂące Ă mon travail de mĂ©decin Ă l'hĂŽpital Al-Awda de Gaza vivent dans ce camp. Des enfants qui ont grandi et sont venus Ă la bibliothĂšque que j'ai fondĂ©e Ă Jabalia, qui sont aujourdâhui des jeunes hommes et des jeunes femmes, avec leurs propres enfants et leurs propres familles. Il y a mes merveilleux voisins, amis et patients, qui ne sont pas mes parents mais qui sont ma famille. Ce sont des familles de rĂ©fugiĂ©s, qui, gĂ©nĂ©ration aprĂšs gĂ©nĂ©ration, vivent dans l'un des endroits les plus surpeuplĂ©s de la planĂšte.
Depuis le dernier massacre, je ne peux joindre aucun d'entre eux.
Je suis si triste. Mais ce n'est pas seulement de la tristesse que je ressens. C'est aussi de la rage.
Je vois ces mĂȘmes familles dans la vidĂ©o que m'ont envoyĂ©e mes voisins, en train de sortir des enfants des dĂ©combres. Je les vois dans mes souvenirs, lorsque nous vivions et luttions sous la double occupation, les bombardements israĂ©liens et l'apartheid. J'entends les cris et les pleurs des femmes et des enfants, l'Ă©crasante majoritĂ© de ceux qui vivent, sont blessĂ©s et tuĂ©s Ă Jabalia, et qui se rĂ©veillent pour continuer, encore et encore, Ă vivre dans l'angoisse. Je peux sentir le goĂ»t des produits chimiques, des poisons flottant dans l'air pendant des heures et des jours aprĂšs ces explosions aveugles. Je peux sentir l'odeur Ăącre du phosphore blanc, utilisĂ© par IsraĂ«l Ă Gaza, qui recouvre les murs des bĂątiments en flammes et les corps. Je peux sentir la faim collective : pour la nourriture, la justice, et pour que tout cela s'arrĂȘte.
Mais maintenant, je suis au Caire, et il est si dur et angoissant d'entendre chaque jour des nouvelles chaque fois plus terribles, des nouvelles de mes proches tuĂ©s par l'occupation israĂ©lienne, par ces crimes de guerre dont se vantent les responsables israĂ©liens qui disent quâune fois Gaza rasĂ©e, il ne restera plus qu'une âville de tentesâ.
J'ai toujours vĂ©cu Ă Gaza lors des prĂ©cĂ©dents bombardements israĂ©liens, qui utilisent si souvent des avions et des missiles amĂ©ricains, offerts et donnĂ©s en guise dââaideâ. Cette âaideâ va Ă l'encontre de celle que j'achĂšte aujourd'hui. De la nourriture, des mĂ©dicaments, et mĂȘme des jouets pour les enfants qui ont tant perdu. The Middle East Childrenâs Alliance collecte des fonds pour que nous puissions acheter ces fournitures, et les distribuer aux enfants et aux familles de Gaza dĂšs que possible.
Je suis si triste. Mais ce n'est pas seulement de la tristesse que je ressens. C'est aussi de la rage.
Comment nourrir un enfant qui n'arrive plus Ă manger parce qu'il a peur ? Comment donner Ă un enfant un jouet alors quâil ne veut plus jouer, le regard perdu vers le ciel, guettant la prochaine menace ?
Je suis révoltée par les bombardements incessants, impitoyables d'Israël, qui tuent des milliers de personnes, des nouveau-nés aux aïeuls. Ce qui a lieu actuellement à Gaza est un génocide. Ceux qui ne sont pas tués sous les bombes israéliennes meurent lentement, privés de médicaments, de nourriture et d'eau.
Chaque jour, je pleure de plus en plus d'ĂȘtres chers, membres de ma famille, amis, et je me demande qui sera le prochain. La semaine derniĂšre, c'est l'un de mes chers amis qui a Ă©tĂ© tuĂ© Ă Jabalia. Nous Ă©tions amis depuis plus de 35 ans, depuis que nous avons travaillĂ© ensemble pendant la premiĂšre Intifada en 1987.
Avant, c'était ma famille. Mon propre frÚre parle sur une vidéo des membres de notre famille tués il y a quelques semaines.
C'est notre histoire, et c'est la tragédie de toutes les familles de Gaza. Plus d'un Palestinien sur deux cents à Gaza a été tué au cours de ces 40 derniers jours.
J'ai toujours signĂ© mes lettres aux sympathisants et aux amis du monde entier par ces mots : âDe Gaza, avec amourâ. Mais aujourd'hui, j'Ă©cris avec une rage qu'aucune mĂšre ne devrait connaĂźtre, la rage du dĂ©sespoir et de l'incrĂ©dulitĂ© face Ă ce que l'on laisse faire. J'Ă©prouve toujours de l'amour pour tous les habitants de la Palestine et pour les personnes qui ont soutenu notre lutte commune et se sont montrĂ©es solidaires. Mais s'il vous plaĂźt, agissez. Et plus encore.
Il faut mettre un terme à ce génocide.
Comment nourrir un enfant qui n'arrive plus Ă manger parce qu'il a peur ? Comment donner Ă un enfant un jouet alors quâil ne veut plus jouer, le regard perdu vers le ciel, guettant la prochaine menace ?
* Le Dr Mona El-Farra, directrice des projets de Gaza pour l'Alliance des enfants du Moyen-Orient, est médecin de formation et militante des droits de l'homme et des droits de la femme dans la bande de Gaza occupée. Elle est née à Khan Younis, dans la bande de Gaza, et s'est consacrée à l'élaboration de programmes communautaires visant à améliorer la qualité de la santé, et à relier les services de santé aux services culturels et récréatifs dans toute la bande de Gaza. Le Dr El-Farra est également présidente de la section santé de la Société du Croissant-Rouge palestinien de la bande de Gaza, et membre de l'Union des comités de travail sur la santé. Le Dr El-Farra a un fils, deux filles et deux petits-enfants.