đâđš Dernier acte : Il est grand temps pour Biden de gracier Assange
Si Biden croit les poursuites contre son fils entachĂ©es de considĂ©rations politiques, le dossier bĂąclĂ© dâAssange est encore plus limpide. Cette affaire est politique, personnelle & tendancieuses.
đâđš Dernier acte : Il est grand temps pour Biden de gracier Assange
Par Binoy Kampmark, le 19 décembre 2024
Depuis qu'il a conclu ce qui Ă©tait probablement un accord de plaidoyer salvateur pour s'Ă©pargner les barbaries mĂ©diĂ©vales du systĂšme carcĂ©ral amĂ©ricain, Julian Assange et ses proches se concentrent dĂ©sormais sur l'Ă©tape suivante. AprĂšs avoir Ă©tĂ© directement visĂ© par l'appareil de harcĂšlement connu sous le nom de loi amĂ©ricaine de l'Espionage Act, et condamnĂ© en vertu de cette loi, l'Ă©diteur de WikiLeaks a Ă©tĂ© Ă©rigĂ© en exemple par le gouvernement amĂ©ricain. Le 24 juin 2024, il a plaidĂ© coupable dâun chef d'accusation de complicitĂ© en vue d'obtenir et de divulguer des informations relatives Ă la dĂ©fense nationale en vertu de la loi, ou section 793(g) (Titre 18, USC). D'un certain point de vue, ce plaidoyer a constituĂ© une amĂ©lioration, puisqu'il a permis de rĂ©duire l'acte d'accusation initial, qui comportait 18 infractions prĂ©sumĂ©es, dont 17 Ă©taient fondĂ©es sur des Ă©lĂ©ments d'espionnage.
Si la condamnation d'Assange a rĂ©joui les dĂ©fenseurs scribouillards de l'Ătat de sĂ©curitĂ© nationale, les laquais, les valets rĂ©tribuĂ©s et tous les autres, de la CIA Ă CBS (âAssange : hacker, voleur et rĂ©vĂ©lateur de sources confidentielles !â a-t-on pu entendre), son procĂšs et sa condamnation finale pour un seul chef d'accusation relevant de l'Espionage Act n'ont servi qu'un seul objectif : criminaliser l'obtention, l'utilisation et la diffusion d'informations sur les crimes et les vices de la SĂ©curitĂ© nationale, en particulier celles fournies par les lanceurs d'alerte.
L'un des moyens d'atténuer les implications sinistres de cet héritage brutal est de persuader le plus haut magistrat du pays de la liberté de faire preuve d'un peu de bon sens - pour autant qu'il lui en reste. La campagne Assange se concentre désormais sur l'obtention d'une grùce pour l'éditeur, avec l'objectif de persuader jusqu'à 30 000 personnes d'écrire au président américain Joe Biden pour qu'il en soit ainsi.
âEn graciant Julian Assange, le prĂ©sident Biden peut non seulement rectifier une grave injustice, mais aussi envoyer un message fort : le respect de la dĂ©mocratie et de la libertĂ© de la presse au cĆur de sa prĂ©sidence. Il peut rĂ©affirmer l'attachement de l'AmĂ©rique Ă la vĂ©ritĂ© et au Premier Amendementâ.
Deux lĂ©gislateurs amĂ©ricains sont convaincus que l'un des derniers actes de M. Biden devrait ĂȘtre prĂ©cisĂ©ment celui-lĂ . D'une certaine maniĂšre, il serait appropriĂ© qu'il le fasse. Ă la fin de son mandat, le prĂ©sident Barack Obama a commuĂ© la peine de Chelsea Manning, l'une des sources les plus prĂ©cieuses de WikiLeaks. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une grĂące, cette mesure a eu pour effet de modifier la peine Ă©crasante de 35 ans imposĂ©e par un tribunal militaire pour avoir divulguĂ© des informations gouvernementales classifiĂ©es Ă WikiLeaks.
Le mois dernier, les reprĂ©sentants amĂ©ricains James McGovern (D-Mass.) et Thomas Massie (R-Ky.) ont adressĂ© une lettre Ă M. Biden dans laquelle ils ont approuvĂ© la ârĂ©solution de l'affaire criminelle contreâ le fondateur de WikiLeaks, mettant ainsi fin Ă sa âdĂ©tention prolongĂ©eâ et lui permettant de retourner en Australie et d'y retrouver sa famille. Toutefois, ils ont exprimĂ© de vives inquiĂ©tudes
âquant Ă l'accord qui mettait fin Ă l'affaire et exigeait de M. Assange qu'il plaide coupable Ă des accusations de crime au titre de l'article 793 de la loi sur l'espionnageâ. Agir de la sorte âa dĂ©clenchĂ© des craintesâ parmi plusieurs membres du CongrĂšs et dĂ©fenseurs de la libertĂ© d'expression et de la libertĂ© de la presse en Ă©tablissant âun prĂ©cĂ©dent qui accentue grandement notre inquiĂ©tudeâ. C'Ă©tait, fondamentalement, âla premiĂšre fois que la loi Ă©tait utilisĂ©e Ă l'encontre d'un Ă©diteurâ.
La lettre poursuit en indiquant que l'article 793 de l'Espionage Act a toujours comportĂ© le risque d'ĂȘtre utilisĂ© contre des journalistes et des organes de presse
âen particulier ceux qui traitent de sujets liĂ©s Ă la SĂ©curitĂ© nationaleâ, car il âcriminalise l'obtention, la dĂ©tention ou la divulgation d'informations sensiblesâ. C'est prĂ©cisĂ©ment ce risque qui âa motivĂ© la dĂ©cision de l'administration Obama de ne pas poursuivre M. Assangeâ. Par consĂ©quent, âune grĂące annulerait le prĂ©cĂ©dent crĂ©Ă© par cet accord de plaidoyerâ.
Quant aux perspectives d'une grĂące effective de la part de la Maison Blanche du prĂ©sident Biden, il est difficile de savoir Ă quoi s'en tenir. Il est certain que le prĂ©sident est dans un Ă©tat de confusion Ă©pouvantable aprĂšs avoir graciĂ© son propre fils Hunter pour des infractions Ă la lĂ©gislation sur les armes Ă feu et Ă la lĂ©gislation fiscale, un acte d'indulgence familiale auquel il avait pourtant dĂ©clarĂ© qu'il ne cĂ©derait jamais. Cette dĂ©cision a Ă©galement Ă©tĂ© compromise par son ampleur. Pour justifier sa dĂ©cision, Biden a tenu des propos bateau, en grande partie parce qu'ils auraient pu ĂȘtre prononcĂ©s par son adversaire et successeur, Donald Trump. Bien que croyant âau systĂšme judiciaire [...], je pense Ă©galement que la politique brute a contaminĂ© ce processus et qu'elle a entraĂźnĂ© une erreur judiciaireâ.
CBS rapporte maintenant que Biden rumine la possibilitĂ© d'accorder plusieurs grĂąces prĂ©ventives Ă de hauts collaborateurs de la Maison-Blanche et Ă des membres du comitĂ© du 6 janvier de la Chambre des reprĂ©sentants, en prĂ©vision d'une Ă©ventuelle campagne de reprĂ©sailles par l'administration Trump entrante. Le sĂ©nateur du Vermont Bernie Sanders a Ă©galement appelĂ© publiquement le prĂ©sident Ă faire de mĂȘme. Le prĂ©sident a Ă©galement graciĂ© prĂšs de 1 500 personnes assignĂ©es Ă rĂ©sidence pendant la pandĂ©mie de covid-19, ainsi que 39 personnes condamnĂ©es pour des dĂ©lits non violents. Tout cela pourrait-il amener M. Biden Ă faire preuve de clĂ©mence Ă l'Ă©gard de l'homme qu'il a autrefois accusĂ© de cyberterrorisme de haute technologie ?
Une grĂące contribuerait Ă attĂ©nuer l'hĂ©ritage toxique de la condamnation d'Assange en vertu de l'Espionage Act, qui, de par sa nature mĂȘme, constitue un avertissement planĂ©taire pour les Ă©diteurs et les journalistes dĂ©sireux de dĂ©noncer les crimes et les dĂ©lits de l'Ătat. M. Assange est le premier Ă©diteur Ă©tranger non amĂ©ricain travaillant en dehors des Ătats-Unis Ă ĂȘtre inculpĂ© et condamnĂ© en vertu de cette loi archaĂŻque et oppressive, soi-disant pour avoir portĂ© atteinte Ă la SĂ©curitĂ© nationale des Ătats-Unis en rĂ©vĂ©lant l'identitĂ© d'informateurs et de sources.
L'accord de plaidoyer d'Assange, tout comme l'ensemble des poursuites, est Ă©galement Ă©maillĂ© de fumisteries et autres mascarades grossiĂšres. L'ancien Ă©lu de New York Peter King avait-il raison d'affirmer, comme il l'a fait en novembre 2010, que les publications de WikiLeaks âsont pires qu'une attaque physique contre les AmĂ©ricainsâ, pires mĂȘme âqu'une agression militaireâ ? Pas selon la juge en chef des Ăźles Mariannes du Nord, Ramona V. Manglona, qui a prĂ©sidĂ© la procĂ©dure finale Ă laquelle l'Ă©diteur a Ă©tĂ© confrontĂ©.
âLe gouvernement a indiquĂ© qu'il n'y a pas de victime directe dans cette affaire. Ce qui mâamĂšne Ă conclure que la diffusion de ces informations n'a pas entraĂźnĂ© de prĂ©judice physique connuâ.
Si Joe Biden pense que les poursuites Ă l'encontre de son fils ont Ă©tĂ© entachĂ©es de considĂ©rations politiques, le dossier bĂąclĂ© Ă l'encontre d'Assange est encore plus limpide. Cette affaire est politique, personnelle et tendancieuse. Il y a eu des manĆuvres revanchardes, pilotĂ©es par des personnages animĂ©s d'une malveillance douteuse, tels l'ancien directeur de la CIA Mike Pompeo et une clique de procureurs trop zĂ©lĂ©s du ministĂšre de la Justice, pour punir un homme qui a dĂ©rangĂ© la RĂ©publique impĂ©riale et ses valeurs moralisatrices. Maintenant qu'il assume le rĂŽle de sauveur en chef, Joe Biden pourrait clore le dossier et passer du bon cĂŽtĂ© de l'histoire.
* Binoy Kampmark a été boursier du Commonwealth au Selwyn College de Cambridge. Il enseigne à l'université RMIT de Melbourne. Courriel : bkampmark@gmail.com
https://www.counterpunch.org/2024/12/19/last-acts-time-for-biden-to-pardon-assange/