👁🗨 Des garanties douteuses : la torture judiciaire d'Assange continue
Il faudra attendre le 20 mai pour savoir si les juges sont satisfaits de cette dernière manipulation diplomatique. Pour Assange, les rouages de la torture judiciaire ne font continuer à tourner.
👁🗨 Des garanties douteuses : la torture judiciaire d'Assange continue
Par Binoy Kampmark, le 17 avril 2024
Ce mois-ci encore, le président américain Joe Biden, quasi comateux, a fait une remarque désinvolte et hasardeuse selon laquelle son administration “examinait” la demande de l'Australie de mettre un terme à l'affaire Julian Assange. Le fondateur de WikiLeaks a déjà passé cinq années éprouvantes dans la prison londonienne de Belmarsh, où il poursuit une campagne impressionnante, bien qu'épuisante, contre la demande d'extradition des États-Unis pour 18 chefs d'accusation, dont 17 sont basés de manière absurde et scandaleuse sur l'Espionage Act (loi sur l'espionnage) de 1917.
Ses défenseurs ont pris cette remarque comme un signe de progrès, à l'instar de vérités lues dans le marc de café. Jennifer Robinson, membre de longue date de l'équipe juridique d'Assange, a déclaré à Sky News Australia que
la “réponse de Biden, c'est ce que nous demandons depuis plus de cinq ans. Depuis 2010, nous disons qu'il s'agit d'un dangereux précédent. Nous espérons donc qu'il s'agissait d'une remarque sérieuse et que les États-Unis agiront en conséquence”.
Le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson , a jugé “extraordinaire” le commentaire marmonné par le président, espérant “voir dans les jours à venir” si “une clarification de ce que cela signifie” serait apportée par les puissants.
Le 14 avril, le Wall Street Journal a rapporté que Canberra avait sollicité ses homologues américains pour savoir si un accord de plaidoyer pour infraction pénale pouvait être conclu, permettant à l'éditeur de retourner en Australie.
“Les procureurs et l'avocat d'Assange ont discuté d'une série d'accords potentiels, y compris ceux incluant le plaidoyer de culpabilité pour un délit en vertu de la loi sur l'espionnage en vertu de laquelle il a été inculpé, et ceux pour conspiration en vue de manipuler des informations classifiées, ont déclaré des personnes familiarisées avec l'affaire”.
Le mois dernier, la High Court britannique a donné ce qui ne peut être considéré que comme une prescription absurde à l'accusation au cas où elle souhaiterait obtenir gain de cause. Il est peu probable que l'extradition soit refusée si M. Assange bénéficie des protections offertes par le Premier Amendement (tout en rejetant les affirmations selon lesquelles il est un journaliste légitime), s'il a la garantie de ne pas être lésé, tant au cours du procès que lors de la condamnation, en raison de sa nationalité, et s'il n'est pas passible de la peine de mort. Le fait que de telles directives aient même été envisagées montre la nature quelque peu délirante des juges britanniques à l'égard de leurs homologues américains.
Le 16 avril, les partisans d'Assange ont reçu la confirmation que la bataille pour l'extradition, loin de s'achever, se poursuivrait dans la tourmente. Ne souhaitant pas voir s'ouvrir la perspective d'une audition complète des arguments d'Assange, déjà fortement réduits, le département d'État américain a, presque à l'heure près, fait part de ses garanties dans une note diplomatique adressée au service des poursuites judiciaires de la Couronne (CPS).
“Assange”, a affirmé l'ambassade des États-Unis à Londres, fidèle à la formule proposée par la High Court, “ne sera pas lésé en raison de sa nationalité concernant les arguments de défense qu'il pourrait chercher à invoquer au procès et lors de la condamnation”.
S'il est extradé, “Assange aura la possibilité de soulever et d'invoquer lors du procès (qui inclut toute audience de détermination de la peine) les droits et protections accordés par le Premier Amendement de la Constitution des États-Unis”.
Une mise en garde manifeste, qui devrait être observée avec circonspection par les juges de la High Court, s'ensuit :
“La décision relative à l'applicabilité du Premier Amendement relève exclusivement de la compétence des tribunaux américains”.
L'ambassade des États-Unis a également promis que
“la peine de mort ne sera ni requise ni prononcée à l'encontre de M. Assange. Les États-Unis sont en mesure de fournir cette garantie car Assange n'est pas accusé d'un délit passible de la peine de mort, et les États-Unis assurent qu'il ne sera pas jugé pour un délit passible de la peine de mort”.
Cet engagement n'écarte pas la menace d'une inculpation d'Assange pour des délits supplémentaires tels que l'espionnage traditionnel, sans parler de la complicité de trahison, qui elle serait passible de la peine de mort.
En 2020, Gordon Kromberg, le procureur en chef du ministère de la justice chargé de l'affaire, a déclaré à la Cour pénale centrale d'Angleterre et du Pays de Galles que les États-Unis
“pourraient faire valoir que les ressortissants étrangers n'ont pas droit aux protections prévues par le Premier amendement, du moins en ce qui concerne les informations relatives à la défense nationale”.
Il était également probable qu'Assange, en révélant prétendument les noms de sources des services de renseignement américains, les mettant ainsi en danger, exclue également la possibilité pour lui de s'appuyer sur de telles protections.
Il est plus que troublant de constater que le zélé Kromberg sera en première ligne si Assange atteint les côtes américaines. Des avocats et des militants des droits civiques l'ont accusé d'utiliser le tribunal du district oriental de Virginie pour des poursuites sélectives et malveillantes. Comme Murtaza Hussain de The Intercept l’a observé avec une sombre précision en juillet 2021,
“plus que d'être réduit à néant du fait de ces tentatives, il joue aujourd'hui un rôle clé dans l'une des affaires les plus importantes au monde en matière de libertés civiles”.
La High Court a également confirmé le point de vue exprimé par M. Kromberg lors du procès concernant la possibilité que le Premier Amendement ne s'applique pas aux ressortissants étrangers. On peut raisonnablement supposer que [Kromberg] n'aurait pas dit que l'accusation “pourrait soutenir que les ressortissants étrangers n'ont pas droit aux protections du Premier Amendement” à moins qu'il ne s'agisse d'un argument défendable que l'accusation serait en droit de faire valoir avec de réelles chances de succès. Ces dernières garanties n'y changent rien.
Un message de Stella, l'épouse d'Assange, résume de manière claire et accablante la note de l'ambassade.
“Les États-Unis ont émis une non-garantie concernant le Premier Amendement, et une garantie standard concernant la peine de mort. Ils ne s'engagent pas à retirer l'affirmation précédente de l'accusation selon laquelle Julian n'a pas le droit au Premier Amendement parce qu'il n'est pas citoyen américain. Au lieu de cela, les États-Unis se sont limités à des termes ambigus, affirmant que Julian peut ‘chercher à invoquer’ le Premier Amendement s'il est extradé.”
Il faudra attendre l'audience du 20 mai pour savoir si les juges sont satisfaits de cette dernière manipulation diplomatique, non contraignante en termes tangibles ou réels pour les procureurs et les juges américains. Pour Assange, les rouages de la torture judiciaire ne font que continuer à tourner.
* Binoy Kampmark a été boursier du Commonwealth au Selwyn College de Cambridge. Il enseigne actuellement à l'université RMIT. Courriel : bkampmark@gmail.com
Un acharnement qui s’apparente à une vengeance sordide, et un véritable terrorisme mental.
On ne peut s’expliquer autrement la poursuite de cette sordide comédie. Les faits révélés ont été , depuis longtemps intégrés dans la mémoire collective de la communauté internationale, et, de toutes les façons, les USA se moquent bien des jugements qui pourraient être portés à leur encontre par le reste du monde.
Enfin, pour ce qui est des promesses de l’Oncle Sam, nous savons tous à quoi nous en tenir, et, même pour ce qui est du 1er amendement, pourra t-il vraiment en bénéficier compte tenu du fait qu’il n’est pas. Citoyen américain .
Soulignons, au passage, que la Grande Bretagne n’a jamais aussi bien mérité son pseudonyme de « perfide Albion », qui se rend. Complice de cette vaste et tragique entreprise de torture et de persécution pour cause de divulgation de la Vérité!
Honte à eux! Honte à nous tous, qui sommes incapables de mettre un terme à cette lente mise à mort!…