👁🗨 Des médecins contraints de quitter l'hôpital al-Shifa pour le sud de la bande de Gaza racontent leur périple “terrifiant”.
Tsahal a bombardé les réservoirs d'eau de l’hôpital dans la nuit. Un seul fonctionne encore ce matin, fournissant environ 12 tasses d'eau/heure pour les 15 000 personnes piégées à l'intérieur.
👁🗨 Des médecins contraints de quitter l'hôpital al-Shifa pour le sud de la bande de Gaza racontent leur périple “terrifiant”.
Par Aseel Mousa à Gaza, Palestine occupée, le 12 novembre 2023
Sous la menace du blocus et des bombardements israéliens, de nombreux médecins ont dû quitter le plus grand établissement médical de la bande de Gaza, mais près de 15 000 autres sont confrontés à une mort à petit feu.
L’armée israélienne a bombardé les réservoirs d'eau de l’hôpital dans la nuit. Un seul fonctionne encore ce dimanche, fournissant environ 12 tasses d'eau/heure pour les 15 000 personnes piégées à l'intérieur.
Le plus grand complexe médical de Gaza, al-Shifa, est assiégé et bombardé par Israël depuis le 9 novembre, ce qui a contraint un certain nombre de médecins et de civils à quitter les lieux, au péril de leur vie.
Parmi eux se trouve la chirurgienne palestinienne Haya al-Sheikh Khalil, qui n'avait pas quitté l'établissement depuis le début de l'attaque israélienne sur la bande de Gaza il y a plus d'un mois, jusqu'au vendredi 10 novembre, lorsqu'une invasion militaire du bâtiment a semblé imminente.
Elle a expliqué à Middle East Eye qu'elle avait quitté l'hôpital en compagnie de ses deux frères et d'un certain nombre de femmes médecins.
Khalil raconte que dans la nuit de jeudi à vendredi, les forces israéliennes ont visé le bâtiment des services spécialisés avec des missiles et des obus de chars, ainsi que le bâtiment des consultations externes et celui de l'obstétrique et de la gynécologie.
De nombreux médecins ont refusé d'abandonner les blessés, qui ne peuvent être évacués de l'hôpital en raison de leur état critique, en dépit du risque de mort qu'ils encourent.
“Je n'arrive pas à comprendre comment les Israéliens peuvent commettre des atrocités dans un hôpital qui abrite un très grand nombre de blessés et de médecins civils qui ont quitté leur maison et leur famille pour prodiguer des soins”, a déclaré Mme Khalil.
Elle a ajouté que de nombreux patients de l'hôpital al-Shifa ont perdu toute leur famille, se retrouvant privés de toute personne susceptible de répondre à leurs besoins. L'urgence de leur situation nécessite un transport en ambulance, a-t-elle ajouté, mais les ambulances sont rares dans la bande de Gaza, nombre d'entre elles ayant été bombardées et les ambulances restantes ne pouvant pas se rendre à l'hôpital.
“La plupart des cas que j'ai opérés sont des enfants, qui sont maintenant laissés sans personnel médical adéquat, sans matériel médical, sans électricité et sans carburant. Ils sont littéralement laissés à l'abandon”, a déclaré Khalil.
Dimanche matin, le directeur général du ministère palestinien de la Santé à Gaza, le Dr Munir al-Borsh, a déclaré aux journalistes qu'une quarantaine de personnes réfugiées dans l'hôpital ont tenté de quitter les lieux par l'entrée principale, mais qu'elles ont été victimes d'un tir de char israélien stationné sur la route adjacente.
Leurs corps sont restés éparpillés dans la rue, les ambulances et le personnel, qui se trouvaient à moins de 100 mètres, n'ont pas pu les atteindre, les forces israéliennes tirant sur tout ce qui bouge.
Borsh a déclaré que les forces israéliennes ont également bombardé les citernes d'eau dans le complexe médical pendant la nuit. Seul un réservoir est opérationnel ce dimanche, fournissant l'équivalent de 12 tasses d'eau par heure pour les 15 000 personnes piégées à l'intérieur.
L'unité de soins intensifs a été à nouveau touchée après avoir été frappée 24 heures plus tôt.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré dimanche matin qu'elle avait perdu la communication avec ses contacts à l'hôpital al-Shifa.
“L'OMS est très préoccupée par la sécurité du personnel de santé, des centaines de patients malades et blessés, y compris des bébés sous assistance respiratoire, et des personnes déplacées restées à l'intérieur de l'hôpital”, a déclaré l'organisation.
“Les patients en quête de soins médicaux ne devraient jamais être en proie à la peur, et les agents de santé qui ont prêté serment de les soigner ne devraient jamais être contraints de risquer leur propre vie pour leur prodiguer des soins”.
L'OMS a ajouté que, selon certaines informations, des personnes ayant fui l'hôpital “ont été la cible de tirs, blessées et même tuées”.
Une fuite “terrifiante” vers le sud
Khalil et d'autres personnes qui ont quitté al-Shifa vendredi ont commencé à fuir à pied.
“Nous avions sur nous nos papiers d'identité, mais nous ne savions pas exactement où nous allions”, a-t-elle déclaré.
“La route a été un véritable cauchemar. L'évacuation s'est déroulée sous les bombardements aériens et d'artillerie, avec des soldats pointant leurs fusils sur nous. Nous avons beaucoup marché sous une chaleur torride. C'était épuisant et terrifiant”.
Khalil, ses deux frères médecins et plusieurs de ses collègues ont dû marcher trois heures et demie avant de trouver refuge dans le camp de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza.
En chemin, Khalil raconte que les soldats israéliens ont empêché ceux qui marchaient du nord vers le sud de la bande de Gaza de tourner à droite ou à gauche et ont arrêté de nombreux jeunes hommes pour les interroger, les battre et les violenter.
“Nous avons vu les soldats de l'occupation agresser un jeune Palestinien et le forcer à se déshabiller. Ils ont également battu et insulté un autre jeune homme et son jeune enfant”.
Khalil et le groupe de médecins qui l'accompagnaient ont fini par rejoindre un centre d'hébergement dans l'école gérée par l'agence d'aide des Nations Unies Unrwa dans le camp de Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, à l'est de Nuseirat.
Le nombre de personnes déplacées dans l'école était stupéfiant, dit-elle, et il n'y avait pas de place pour en accueillir d'autres.
Le frère de Khalil, Badr, était également médecin à al-Shifa depuis le début de la guerre.
Il a déclaré à MEE que les bombardements de jeudi n'avaient pas cessé jusqu'à vendredi matin. Il a déclaré avoir reçu un ultimatum des forces israéliennes lui demandant d'évacuer les lieux entre 9 heures et 16 heures le vendredi 10. Comme sa sœur, il a dû partir à pied, assistant à des scènes effroyables de mort et de destruction sur leur chemin vers le sud.
“Le trajet a été très dur. Tout autour de nous, des bâtiments étaient bombardés et détruits, et un grand nombre de cadavres et de morceaux de cadavres jonchaient la route, y compris ceux d'individus et d'animaux abattus”.
“Nous avons fui, en montrant bien notre pièce d'identité, et nous n'avons été autorisés ni à tourner à droite, ni à gauche”.
Il raconte qu'ils ont rencontré environ sept chars à un poste de contrôle, plusieurs bulldozers et une vingtaine de soldats israéliens entourant les chars. Ceux qui essayaient de passer mais ne portaient pas de papiers d'identité ont été arrêtés et interrogés “de manière injurieuse”, a-t-il déclaré.
Les responsables militaires israéliens affirment depuis le début des hostilités que l'hôpital al-Shifa est utilisé à des fins militaires, mais n'ont fourni aucune preuve pour étayer leurs déclarations.
Les responsables palestiniens et les factions armées ont nié cette accusation, et Human Rights Watch a déclaré ne pas avoir trouvé la moindre preuve permettant de corroborer les affirmations israéliennes.
Mads Gilbert, un médecin norvégien qui a travaillé pendant 16 ans à l'hôpital, a déclaré qu'il n'avait jamais vu la moindre trace d'un “centre de commandement militaire quelconque” dans les parages.
De son côté, l'association israélienne Physicians for Human Rights a déclaré que quand bien même les hôpitaux seraient utilisés par des groupes armés, Israël “aurait toujours l'obligation de ne pas cibler les civils”.
Depuis le lancement de l'offensive contre Gaza le 7 octobre, les frappes aériennes israéliennes ont tué au moins 11 000 Palestiniens, dont plus de 4 500 enfants, 3 000 femmes et 200 professionnels de la santé.
En Israël, les attaques menées par les Palestiniens le 7 octobre ont fait environ 1 200 morts, dont au moins 31 enfants, selon des responsables israéliens cités par les médias israéliens.