đâđš Des milliers de bĂ©bĂ©s naissent dans âl'enferâ de Gaza, selon l'UNICEF
âQuand Washington dĂ©fend son bilan, son argument est qu'il apporte des amĂ©liorations graduelles, ce qui revient Ă dire : âNous avons trois seaux supplĂ©mentaires pour lutter contre les feux de forĂȘtâ.
đâđš Des milliers de bĂ©bĂ©s naissent dans âl'enferâ de Gaza, selon l'UNICEF
Par Julia Conley, le 19 janvier 2024
âL'humanitĂ© ne peut pas permettre que cette version dĂ©formĂ©e de la normalitĂ© persiste plus longtempsâ, a dĂ©clarĂ© un responsable de l'UNICEF. âLes mĂšres et les nouveau-nĂ©s ont besoin d'un cessez-le-feu humanitaire.â
Alors que les Forces de dĂ©fense israĂ©liennes continuent d'empĂȘcher les aides d'atteindre les abris, les camps de rĂ©fugiĂ©s et les hĂŽpitaux de Gaza, les travailleurs humanitaires avertissent qu'il n'y a âpas dâissue en vueâ pour les horreurs auxquelles sont confrontĂ©es environ 55 000 femmes enceintes, ainsi que les parents en post-partum et les nouveau-nĂ©s.
Tess Ingram, spécialiste de la communication pour le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), a déclaré vendredi à la presse que prÚs de 20 000 bébés sont nés au cours des trois derniers mois depuis qu'Israël a commencé à bombarder la bande de Gaza - un assaut ostensiblement mené en réponse à l'attaque du 7 octobre du Hamas contre le sud d'Israël, mais qui a ciblé de maniÚre disproportionnée les civils de l'enclave, les femmes et les enfants représentant 70 % des 24 762 civils tués jusqu'à présent.
âDevenir mĂšre devrait ĂȘtre un moment de joieâ, a dĂ©clarĂ© Mme Ingram. âĂ Gaza, ce sont des enfant mis au monde en enfer... Voir des nouveau-nĂ©s souffrir, tandis que certaines mĂšres se vident de leur sang, devrait nous empĂȘcher de dormir la nuitâ.
Seuls neuf des 35 hĂŽpitaux de Gaza sont opĂ©rationnels, et l'Agence France Presse a rapportĂ© que l'hĂŽpital Emirati de Rafah dispense dĂ©sormais des soins Ă âla grande majoritĂ© des femmes enceintes de Gazaâ, alors que plus d'un million de personnes ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©es vers cette ville du sud depuis le dĂ©but de la guerre.
Les mĂ©decins et les infirmiĂšres de l'hĂŽpital, qui traitent normalement 30 Ă 40 patientes enceintes par jour, s'occupent de 400 femmes enceintes, mĂšres en post-partum et nouveau-nĂ©s chaque jour, a indiquĂ© l'organisation humanitaire CARE au HuffPost. L'unique salle d'opĂ©ration de lâhĂŽpital, oĂč deux ou trois cĂ©sariennes sont normalement pratiquĂ©es chaque jour, est maintenant utilisĂ©e pour prĂšs de 20 cĂ©sariennes par jour.
âDevenir mĂšre devrait ĂȘtre un moment de joie. Ă Gaza, ce sont des enfants mis au monde en enfer.â
La surpopulation a obligé le personnel hospitalier à laisser sortir des mÚres dans les trois heures suivant la césarienne, dont beaucoup sont pratiquées sans anesthésie ni équipement médical correctement désinfecté, ce qui accroßt le risque d'infection.
ââVais-je survivre Ă l'accouchement ? Mon enfant survivra-t-il ? Qu'arrivera-t-il Ă mes autres enfants ?â Ce sont les dangers trĂšs concrets auxquels les femmes enceintes et les jeunes mĂšres de Gaza sont confrontĂ©es depuis 100 jours, sans qu'aucune issue ne soit en vueâ,
a déclaré la semaine derniÚre Hiba Tibi, directrice régionale adjointe par intérim de CARE pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
AprĂšs l'accouchement, les mĂšres et leurs nouveau-nĂ©s vulnĂ©rables retournent aux conditions de vie âinhumainesâ dans des abris de fortune ou des camps surpeuplĂ©s, oĂč le manque de nourriture et d'eau potable expose âenviron 135 000 enfants de moins de deux ans Ă un risque de malnutrition sĂ©vĂšreâ, a dĂ©clarĂ© M. Ingram Ă la presse.
Une femme nommĂ©e Fedaa Issa a racontĂ© Ă Middle East Eye cette semaine lâexpĂ©rience de son retour dans une tente de fortune Ă Khan Younis immĂ©diatement aprĂšs avoir donnĂ© naissance Ă sa fille le 2 dĂ©cembre.
âDans le camp, il n'a pas dâinstallations sanitaires indispensables aux premiers jours et premiĂšres semaines de la vie d'Aya, ni de vĂ©ritable intimitĂ©â, a rapportĂ© MEE. âIssa a dĂ©clarĂ© qu'elle et d'autres femmes n'avaient pas accĂšs aux serviettes hygiĂ©niques et qu'elles risquaient l'infection en lavant des bouts de tissu dans de l'eau sale.â
N'ayant pas accÚs aux nutriments nécessaires, Issa n'a pas pu allaiter et a dû recourir à du lait maternisé pour nourrir son nouveau-né, ce que sa famille a du mal à payer.
âL'humanitĂ© ne peut tolĂ©rer plus longtemps cette version dĂ©formĂ©e de la normalitĂ©â, a dĂ©clarĂ© M. Ingram. âLes mĂšres et les nouveau-nĂ©s ont besoin d'un cessez-le-feu humanitaire.â
Mme Ingram a raconté aux journalistes l'histoire d'une femme qu'elle a rencontrée à Gaza, Mashael, enceinte lorsque sa maison a été frappée par une attaque aérienne le mois dernier.
Alors que son mari est resté coincé sous les décombres plusieurs jours, Mashael s'est rendu compte, aprÚs le bombardement, que son bébé avait cessé de bouger.
âElle dit qu'elle est sĂ»re maintenant, environ un mois plus tard, que le bĂ©bĂ© est mortâ, a dĂ©clarĂ© Ingram, mais Mashael n'a pas Ă©tĂ© en mesure de voir un mĂ©decin pour confirmer la fausse couche ou obtenir un traitement.
âLa situation des femmes enceintes et des nouveau-nĂ©s dans la bande de Gaza dĂ©passe l'entendement et exige des actions intensifiĂ©es et immĂ©diates.â
Selon CARE, le personnel soignant a constaté une augmentation de 300 % des fausses couches depuis le début de l'offensive israélienne.
Les groupes humanitaires affirment que les conditions se sont détériorées au cours du mois dernier, malgré l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant une augmentation de l'aide à Gaza.
âQuelle que soit l'amĂ©lioration marginale constatĂ©eâ, a dĂ©clarĂ© Jeremy Konyndyk, prĂ©sident de Refugees International, au HuffPost, âelle est loin d'ĂȘtre Ă la hauteur de ce qui est indispensable Ă ce stade. Lorsque des amĂ©liorations sont constatĂ©es, elles sont minimes et prĂ©caires - elles peuvent ĂȘtre anĂ©anties par des actions militaires israĂ©liennes ou des dĂ©cisions politiques israĂ©liennesâ.
L'administration Biden, qui contribue au financement et Ă l'armement des forces de dĂ©fense israĂ©liennes et a dĂ©fendu avec vĂ©hĂ©mence l'attaque de Gaza en la qualifiant de âlĂ©gitime dĂ©fenseâ, a dĂ©clarĂ© qu'elle faisait âpressionâ sur IsraĂ«l pour autoriser l'entrĂ©e de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, oĂč quelques rares camions d'aide ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă entrer en moyenne par jour depuis le mois d'octobre. Avant l'assaut israĂ©lien actuel, environ 500 camions transportaient quotidiennement des marchandises et des fournitures dans l'enclave.
MalgrĂ© l'insistance des Ătats-Unis Ă dire qu'ils font pression sur les responsables israĂ©liens, un document du dĂ©partement d'Ătat publiĂ© cette semaine indique que les FDI refusent toujours les demandes de transfert de vivres et de mĂ©dicaments dans le nord de la bande de Gaza, oĂč vivent encore 300 000 personnes.
M. Konyndyk, qui a travaillĂ© dans les administrations Obama et Biden, a dĂ©clarĂ© au HuffPost que tant que les bombardements israĂ©liens se poursuivront, les habitants de Gaza et ceux qui luttent pour prendre soin d'eux âont besoin de l'Ă©quivalent humanitaire du âshock and aweââ [choc et stupeur*].
âLorsque le gouvernement amĂ©ricain dĂ©fend son bilan dans cette affaire, son argument de base est qu'il apporte des amĂ©liorations graduellesâ, a dĂ©clarĂ© M. Konyndyk. Ce qui revient Ă dire : âNous disposons de trois seaux supplĂ©mentaires pour lutter contre les incendies de forĂȘtâ. Quelle que soit l'amĂ©lioration constatĂ©e, son rythme est trĂšs, trĂšs infĂ©rieur au degrĂ© de gravitĂ© de la situation humanitaire.â
* La doctrine choc et effroi (de lâanglais Shock and Awe, ce qui peut aussi ĂȘtre traduit par « Choc et stupeur »), ou de « domination rapide », est une doctrine militaire basĂ©e sur l'Ă©crasement de l'adversaire Ă travers l'emploi d'une trĂšs grande puissance de feu, la domination du champ de bataille et des manĆuvres, et des dĂ©monstrations de force spectaculaires pour paralyser la perception du champ de bataille par l'adversaire et annihiler sa volontĂ© de combattre.
Elle est issue de l'universitĂ© de la dĂ©fense nationale des Ătats-Unis et a Ă©tĂ© rĂ©digĂ©e par Harlan K. Ullman et James P. Wade en 1996.
Elle a principalement Ă©tĂ© mise en Ćuvre lors de l'invasion de l'Irak en 2003. [Wikipedia]
* Julia Conley est rédactrice pour Common Dreams.