👁🗨 Des mois sans pain
Un ami de Salem a payé un lourd tribut au simple fait d’aller chercher de quoi manger. Après avoir attendu 10 heures, il a été abattu d'une balle dans l'épaule par l'armée israélienne.
👁🗨 Des mois sans pain
Par Ruwaida Amer, le 7 mars 2024
Wafaa al-Khalidi a souvent entendu ses enfants pleurer de faim.
Au début de la guerre génocidaire qui sévit à Gaza, Wafaa et ses enfants ont fui leur maison de Beit Hanoun, au nord de la bande de Gaza.
La famille s'est réfugiée dans une école gérée par l'Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Ils y sont restés un certain temps, bien qu'Israël ait ordonné aux habitants du nord de Gaza de se déplacer vers le sud.
Lorsque la farine est devenue particulièrement rare, Wafaa a fabriqué du pain en utilisant des graines d'oiseaux. Elle a dû broyer les graines avec des pierres.
Wafaa, 44 ans, est veuve. Son mari est mort il y a quatre ans.
Ses cinq enfants sont âgés de 15 à 5 ans.
“Mes enfants ont beaucoup maigri”, dit-elle. “Leurs défenses immunitaires contre les maladies sont faibles”.
Un jour, elle a cherché de quoi manger dans des maisons quittées par des personnes déplacées. Tout ce qu'elle a pu trouver, c'est “du vieux pain moisi” et quelques feuilles mortes.
Finalement, Wafaa a senti qu'il fallait partir pour le sud. Elle et ses enfants ont dû passer devant les troupes israéliennes avant d'arriver dans la ville de Deir al-Balah.
Sur le front de mer de Deir al-Balah, elle a rencontré une famille qui l'a aidée à monter une tente.
Cette famille a nourri Wafaa et ses enfants.
“C'était comme un rêve qui se réalisait enfin”, a déclaré Wafaa. “Mes enfants étaient si heureux. Ils refusaient de manger autre chose que du pain parce qu'ils en avaient envie depuis plus de deux mois.”
La famine se répand
Salem al-Hur, 35 ans, est également resté dans la partie nord de Gaza après les ordres d'évacuation israéliens. Ses enfants ont 6, 4 et 1 ans.
Lui et sa famille se sont réfugiés dans un centre de formation de l'UNRWA.
“Depuis le début de la guerre, je me bats pour nourrir mes trois enfants”, a-t-il déclaré. "J'ai une petite fille d'un an qui a besoin de lait. Avant la guerre, je leur rapportais tout ce dont ils avaient besoin”.
La zone où il se trouve étant assiégée, aucune aide n'a pu y être acheminée depuis plusieurs mois.
Et lorsque des livraisons d'aide ont eu lieu, Israël a ouvert le feu sur les personnes en quête de produits alimentaires. Plus de 110 personnes ont été tuées la semaine dernière lors du “Massacre de la farine” dans la rue al-Rashid, au sud-ouest de la ville de Gaza.
Depuis, Israël a mené d'autres attaques contre ceux qui cherchaient de l'aide.
Un ami de Salem a payé un lourd tribut au simple fait d’aller chercher de quoi manger. Après avoir attendu 10 heures pour obtenir quelque chose, il a été abattu d'une balle dans l'épaule par l'armée israélienne.
Au début de la guerre, Salem et sa femme ont envisagé d'aller séjourner chez des parents à Deir al-Balah. Ils ont demandé à plusieurs personnes si un voyage vers le sud serait sûr.
Les réponses qu'ils ont reçues n'étant pas concluantes, ils sont restés dans la partie nord de Gaza.
La famine se propageant, ils se sont finalement dirigés à pied vers le sud.
“J'ai été contraint de partir pour le bien de mes enfants”, explique-t-il. “Sinon, ils allaient mourir de faim”.
Arrivés à Deir al-Balah, “nous avons trouvé du pain, ce dont nous avions été privés pendant plus de 60 jours”, a-t-il déclaré.
“Les choses vont mal à Deir al-Balah”, a-t-il ajouté. “Il est très difficile de se procurer de la nourriture qui plus est très chère. Mais au moins, il y a de la farine.”
* Ruwaida Amer est une journaliste basée à Gaza.
https://electronicintifada.net/content/months-without-bread/45016