đâđš Des Palestiniens malmenĂ©s, forcĂ©s de chanter des slogans anti-Hamas dans un âcouloir de sĂ©curitĂ©â
âLe soldat m'a demandĂ© pourquoi je ne rĂ©pĂ©tais pas les slogans. Je n'ai pas rĂ©pondu. Nos cĆurs sont avec la rĂ©sistance sur le terrain, bien que nous soyons sans cesse dĂ©placĂ©s d'un lieu Ă un autreâ.
đâđš Des Palestiniens malmenĂ©s, forcĂ©s de chanter des slogans anti-Hamas dans un âcouloir de sĂ©curitĂ©â
Par Ruwaida Kamal Amer & Ibtisam Mahdi 6 février 2024
Des dizaines de milliers de personnes, dont l'un des auteurs de cet article, ont dû fuir la ville de Khan Younis ces derniers jours. Leurs témoignages révÚlent la terrible épreuve que représente le passage des checkpoints israéliens dans la bande de Gaza.
Depuis plusieurs semaines, la ville de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, est le théùtre d'intenses bombardements israéliens terrestres et aériens, ainsi que d'affrontements féroces entre les forces israéliennes et les combattants du Hamas. Le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a annoncé la semaine derniÚre que l'armée avait réussi à démanteler les capacités du Hamas dans la ville - affirmation qu'Israël avait déjà faite à propos de la ville de Gaza, dans le nord, et qui s'est avérée mensongÚre. Mais à Khan Younis, comme dans le reste de la bande de Gaza, c'est nous, les civils, qui faisons les frais de la violence.
Les chars israéliens ont assiégé deux des hÎpitaux les plus importants qui fonctionnent encore partiellement dans le sud de la bande de Gaza : Nasser et Al-Amal. Tous deux sont situés dans la partie ouest de Khan Younis et sont débordés depuis le début de la guerre, non seulement par l'afflux de patients, mais aussi par les familles qui cherchent un abri aprÚs avoir été déplacées des parties nord de la bande. Les forces israéliennes ont ouvert le feu sur plus de 8 000 personnes déplacées s'abritant à proximité de l'hÎpital Nasser, et ont détruit au bulldozer des tombes dans le cimetiÚre adjacent - l'un des 16 cimetiÚres au moins qu'Israël a profané au cours de son opération à Gaza.
Les chars israĂ©liens ont Ă©galement pĂ©nĂ©trĂ© dans les environs de l'universitĂ© Al-Aqsa, Ă la pĂ©riphĂ©rie ouest de la ville, prĂšs de la âzone de sĂ©curitĂ©â prĂ©cĂ©demment dĂ©signĂ©e d'Al-Mawasi : ils ont pris pour cible le centre de formation de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA), l'un des plus grands abris de toute la bande de Gaza, qui a accueilli plus de 40 000 personnes dĂ©placĂ©es, et ils ont complĂštement encerclĂ© la partie ouest du camp de rĂ©fugiĂ©s de Khan Younis.
L'armĂ©e israĂ©lienne a larguĂ© des tracts ordonnant aux habitants d'Ă©vacuer Khan Younis et, ces derniers jours, quelque 120 000 Palestiniens ont fui la ville en empruntant un prĂ©tendu âcouloir de sĂ©curitĂ©â qui s'Ă©tend de l'ouest du camp de rĂ©fugiĂ©s Ă la zone d'Al-Mawasi, prĂšs de l'universitĂ© Al-Aqsa. Le passage par ce couloir, qui est constituĂ© de trois checkpoints militaires israĂ©liens, a Ă©tĂ© pour de nombreux Palestiniens l'une des Ă©preuves les plus pĂ©nibles depuis le dĂ©but de la guerre.
D'aprĂšs les tĂ©moignages de Palestiniens qui ont fait le voyage - dont l'un des auteurs - ceux qui ont traversĂ© le couloir ont Ă©tĂ© forcĂ©s de chanter des slogans contre le Hamas. Beaucoup se sont vu confisquer leurs biens, et des hommes ont Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s de leur famille, dĂ©shabillĂ©s et soumis Ă des heures d'abus physiques et de privations. Pendant ce temps, des milliers de personnes restent bloquĂ©es Ă l'intĂ©rieur de Khan Younis, incapables de quitter leurs abris de peur d'ĂȘtre abattues dans la rue.
Le témoignage d'Ibtisam
Je n'avais pas l'intention de quitter Khan Younis. Ayant fui la ville de Gaza au dĂ©but de la guerre avec mon mari et mes deux enfants sur ordre de l'armĂ©e d'occupation, nous avons d'abord cherchĂ© refuge dans le camp de rĂ©fugiĂ©s d'al-Shati, puis nous avons Ă©tĂ© contraints de fuir Ă nouveau vers Khan Younis, considĂ©rĂ©e comme une zone sĂ»re. Nous avons cherchĂ© dans diffĂ©rentes rĂ©sidences de la ville avant de trouver une piĂšce Ă louer. Lorsque l'invasion terrestre de la ville a commencĂ©, nous avons dĂ©cidĂ© dâarrĂȘter de fuir.
Mais nous avons rapidement dĂ» changer d'avis. Aux premiĂšres heures du 26 janvier, l'appartement situĂ© derriĂšre le nĂŽtre a Ă©tĂ© bombardĂ©, entraĂźnant la chute de gravats sur notre refuge. Cet incident a semĂ© la panique et la peur. La mĂȘme nuit, deux autres appartements de notre rue et plus de 20 appartements dans tout le quartier d'Al-Amal ont Ă©tĂ© pris pour cible, tandis que des chars positionnĂ©s prĂšs de l'hĂŽpital Al-Amal lançaient par intermittence des obus dans notre direction et que des drones quadcoptĂšres tiraient de façon rĂ©pĂ©tĂ©e sur les gens dans la rue.
Face Ă la situation, nous avons dĂ©cidĂ© de partir, d'autant que l'armĂ©e a larguĂ© des tracts sur les Ă©coles proches de l'hĂŽpital Nasser, ordonnant aux milliers de personnes dĂ©placĂ©es qui s'y rĂ©fugiaient d'Ă©vacuer les lieux. Vers 10 h 15, un vĂ©hicule de la Croix-Rouge est arrivĂ© pour annoncer l'ouverture d'un âcouloir de sĂ©curitĂ©â, et nous avons rejoint les milliers de personnes qui cherchaient Ă le traverser.
Nous avons alors rejoint les milliers de personnes qui cherchaient à l'emprunter. Le passage impliquait de franchir trois checkpoints militaires israéliens. Pendant tout ce temps, nous avons été insultés, et humiliés - nous et nos mÚres - par un officier de l'armée qui parlait couramment l'arabe. Pour moi et mes enfants, cela a duré plus d'une heure et demie, pour mon mari, prÚs de neuf heures.
Au premier checkpoint, un soldat nous a ordonnĂ© de prĂ©senter nos cartes d'identitĂ© pour qu'un soldat les photographie, tandis que des chars se dirigeaient vers nous d'un air menaçant. Nous avons continuĂ© jusqu'au second checkpoint, oĂč l'armĂ©e a sĂ©parĂ© les hommes des femmes et nous a demandĂ© de nous mettre Ă genoux. Puis un officier a commencĂ© Ă nous sermonner, accusant le Hamas d'ĂȘtre responsable des dĂ©placements, de la destruction de nos maisons, de notre quĂȘte de refuges et de nos peurs.
Il nous a ensuite dit que pour ĂȘtre autorisĂ©s Ă passer le poste de contrĂŽle sans ĂȘtre blessĂ©s, nous devions scander des slogans contre la rĂ©sistance : âLe peuple veut le renversement du Hamasâ, et âDieu nous suffit, et il est meilleur que le Hamas et les Brigades Qassamâ (en s'appropriant une phrase du Coran). L'officier a insistĂ© pour que ces slogans soient rĂ©pĂ©tĂ©s, et ce n'est qu'aprĂšs plus de 45 minutes que les soldats ont autorisĂ© les femmes et les enfants Ă passer, tandis que les hommes restaient derriĂšre.
Au troisiĂšme checkpoint, un soldat m'a dit que pour passer, je devais laisser mon sac - qui contenait tous mes biens, y compris des couvertures et des vĂȘtements pour toute ma famille. Le soldat m'a ensuite demandĂ© de me sĂ©parer de mes enfants pour qu'ils puissent passer avant moi. J'ai refusĂ©, craignant de les perdre dans la foule, et il m'a finalement permis de passer avec eux. D'autres ont perdu leurs enfants et ont dĂ» faire face Ă une grande dĂ©tresse, en tentant de les retrouver.
Je suis sortie du couloir vers midi, puis j'ai vĂ©cu les heures les plus difficiles de ma vie en attendant que mon mari arrive. Sept heures plus tard, il a Ă©tĂ© autorisĂ© Ă passer - aprĂšs un parcours rempli d'humiliations et d'atteintes Ă sa dignitĂ©, le tout sous la pluie et dans des conditions de froid extrĂȘme.
Notre dignité a été bafouée durant plus de six heures
La joie d'Umm Mohammed Jakhlab, 56 ans, était indescriptible lorsque ses deux fils sont sortis du dernier checkpoint dans le couloir de Khan Younis. Cela faisait prÚs de six heures qu'elle attendait leur arrivée prÚs du point de passage.
âMes fils uniques, Mohammed et Ibrahim, je les ai Ă©levĂ©s aprĂšs la mort de leur pĂšre jusqu'Ă ce qu'ils deviennent de jeunes hommesâ, a-t-elle dĂ©clarĂ© Ă +972. âJe souhaite apporter la joie dans leur vie et assister Ă leur mariage. Ils sont toute ma vie. J'ai senti mon cĆur chavirer quand je les ai laissĂ©s au poste de contrĂŽle avec l'armĂ©e dâoĂč je suis sortie seule.â
Les heures passaient pour Mme Jakhlab aussi lentement que si c'étaient des jours, des larmes plein les yeux alors qu'elle attendait au bout du passage. Malgré le fracas des soldats israéliens tirant à la mitrailleuse depuis des chars d'assaut situés à proximité, elle n'a pas quitté les lieux avant que ses fils ne sortent enfin.
Ibrahim grelottait lorsqu'il est arrivĂ©. L'armĂ©e l'avait forcĂ© Ă se dĂ©shabiller, y compris ses sous-vĂȘtements, malgrĂ© le temps froid et pluvieux. On lui a ensuite ordonnĂ© de plonger dans une mare d'eau, de sauter plusieurs fois, puis de sortir et de rester debout dix minutes avant d'ĂȘtre autorisĂ© Ă se rhabiller et Ă franchir le poste de contrĂŽle.
âNous avons Ă©tĂ© humiliĂ©s aprĂšs que les soldats aient scannĂ© nos yeux [avec une camĂ©ra biomĂ©trique]â, a racontĂ© Ibrahim. âLe traitement que nous avons subi dĂ©passait l'avilissement. Notre dignitĂ© a Ă©tĂ© bafouĂ©e durant plus de six heures, alors que nous Ă©tions Ă genoux, sans pouvoir nous asseoir.â
Tout au long de cette épreuve, la seule préoccupation d'Ibrahim était de sortir le plus vite possible, craignant pour sa mÚre qui, il le savait, serait angoissée à l'idée de ne pas les revoir.
Khaled Zaqout, 25 ans, a dĂ©crit cette expĂ©rience comme l'une des pires de soon existence. Il s'Ă©tait rĂ©fugiĂ© Ă l'Ă©cole Qandila, prĂšs de l'hĂŽpital Nasser, avec sa femme et son fils, et a dĂ©cidĂ© de quitter la ville aprĂšs que l'armĂ©e a larguĂ© des tracts au-dessus de leur tĂȘte pour leur ordonner d'Ă©vacuer immĂ©diatement les lieux.
âLes tirs n'ont pas cessĂ© ces trois derniers jours, et une Ă©cole voisine a Ă©tĂ© touchĂ©e, tuant quelques rĂ©fugiĂ©s et en blessant d'autresâ, a-t-il dĂ©clarĂ© Ă +972.
AprĂšs ĂȘtre entrĂ© dans le couloir pour quitter Khan Younis, Zaqout a d'abord Ă©tĂ© contraint d'abandonner son sac Ă dos, qui contenait son ordinateur portable de travail, son tĂ©lĂ©phone portable et ses vĂȘtements.
âLorsque j'ai essayĂ© de leur parler de mon sac, ils nous ont insultĂ©s, ma mĂšre et moiâ, a-t-il racontĂ©. âIls m'ont ordonnĂ© de partir sans autre forme de procĂšsâ.
Alors que sa femme et son fils ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă franchir le checkpoint, Zaqout y a Ă©tĂ© retenu âavec un grand nombre d'hommes, y compris des jeunesâ. Bien qu'il ait finalement Ă©tĂ© autorisĂ© Ă passer, il n'a pas encore retrouvĂ© sa famille.
âDepuis que je suis passĂ©, je cherche ma femme et mon filsâ, explique-t-il. âJâai dĂ» leur laisser mon tĂ©lĂ©phone portable, j'ai perdu tout moyen de communiquer avec eux, et ma femme ne sait pas comment gĂ©rer la situation sans moiâ.
Zaqout décrit son état mental et physique comme trÚs mauvais, d'autant plus qu'il a perdu tout le travail qu'il conservait sur ses appareils électroniques.
âJe n'oublierai jamais ce que j'ai vĂ©cu ces derniers joursâ, a-t-il dĂ©clarĂ©. âNous avons Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment humiliĂ©s et contraints de rĂ©pĂ©ter des slogans contre la rĂ©sistance et le Hamas. Tout cela s'est passĂ© pendant que les soldats nous filmaient avec leurs tĂ©lĂ©phones portables, afin de pouvoir se vanter en publiant les images sur les rĂ©seaux sociaux.â
Zohdiya Qdeih s'est retrouvée incapable de prononcer les slogans que les soldats ordonnaient aux Palestiniens de scander. Elle s'interroge sur la notion de passage sécurisé lorsqu'il s'agit d'humilier des civils désarmés et de les contraindre à prononcer des paroles qui blessent une partie du peuple palestinien.
âLe soldat m'a demandĂ© pourquoi je ne rĂ©pĂ©tais pas les slogansâ, a-t-elle racontĂ© Ă +972. âJe suis restĂ©e silencieuse et n'ai pas rĂ©pondu. Il m'a dit : âJe sais que ton cĆur est avec eux et que tu ne les insulteras pas, mais ce sont eux qui t'ont mise dans cette situation. Ils ne vous ont pas soutenus, et vous ne trouverez pas d'endroit oĂč vous abriter aprĂšs avoir quittĂ© ce poste de contrĂŽle : toute la population de la ville de Gaza se trouve Ă Rafahââ.
Mme Qdeih souligne que de nombreuses personnes ont répété ces slogans dans le seul but d'obéir aux soldats et de franchir le poste de contrÎle en toute sécurité.
âNos cĆurs sont avec la rĂ©sistance dans toutes ses actions, le terrain, malgrĂ© le fait d'ĂȘtre dĂ©placĂ© d'un endroit Ă l'autreâ, a-t-elle ajoutĂ©.
Une zone sûre soudainement transformée en zone de guerre
Bahaa Wadi, 35 ans, originaire de la partie ouest du camp de rĂ©fugiĂ©s de Khan Younis, a fui Ă contrecĆur par le couloir ces derniers jours vers la partie sud d'Al-Mawasi, prĂšs de Rafah.
âNous nous sentions en sĂ©curitĂ© [dans le camp]â, a-t-il expliquĂ© Ă +972. âPlus de 20 personnes dĂ©placĂ©es de la ville de Gaza sont restĂ©es avec nous dans notre maison pendant plus de trois mois, et le camp est bondĂ© de personnes dĂ©placĂ©esâ.
âSoudain, il y a deux semaines, des chars sont entrĂ©s par lâarriĂšre de l'hĂŽpital Nasser et ont ordonnĂ© aux rĂ©sidents du camp occidental situĂ© Ă cĂŽtĂ© de l'hĂŽpital d'Ă©vacuerâ, poursuit Wadi. âNous avons entendu le bruit des obus et des combats tout au long de la journĂ©e et de la nuit.â
Bien que certains membres de sa famille aient fui la ville pour vivre dans des tentes Ă Al-Mawasi, Wadi avait l'intention de rester. âVivre sous la tente est trop difficile en hiverâ, explique-t-il. Mais la situation a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© : le 27 janvier, des chars israĂ©liens sont soudainement apparus Ă l'entrĂ©e ouest du camp. âIls se trouvaient Ă proximitĂ© de l'universitĂ© Al-Aqsa et de l'hĂŽpital Al-Khair, nous Ă©tions assiĂ©gĂ©s.â
Ă ce moment-lĂ , Wadi et les membres de sa famille qui Ă©taient encore avec lui ont rejoint ceux qui fuyaient la ville par le couloir obligatoire.
âDes milliers de personnes marchaient le long de la rue Al-Bahr dans le camp, et des chars se tenaient Ă l'entrĂ©eâ, raconte-t-il. âLes gens passaient devant l'armĂ©e en brandissant leur carte d'identitĂ© et en essayant dâemporter quelques affaires. Les enfants Ă©taient nerveux Ă la vue des soldats, des chars et des bulldozersâ.
AprĂšs plusieurs heures de âtension, et de peur d'ĂȘtre arrĂȘtĂ©sâ, ils sont sortis du couloir et ont rejoint leur famille Ă Al-Mawasi. âNous craignons toujours d'ĂȘtre Ă nouveau dĂ©placĂ©s. C'est pourquoi nous avons choisi d'aller du cĂŽtĂ© de Rafah d'Al-Mawasi plutĂŽt que du cĂŽtĂ© de Khan Younis, parce que nous ne faisons pas confiance Ă l'armĂ©e, et elle pourrait bombarder la partie proche de Khan Younis avec des missiles - comme elle l'a fait Ă l'Ă©cole de formation de l'UNRWA, tuant et blessant de nombreuses personnes dĂ©placĂ©es lĂ .â
AprÚs avoir dû quitter sa maison dans la ville de Gaza, Salwa Bakr, 44 ans, et huit membres de sa famille ont d'abord élu domicile dans une tente sur le cÎté nord d'Al-Mawasi, juste à l'ouest du camp de réfugiés de Khan Younis, avant de décider de s'enfuir plus au sud.
âNous pouvions entendre le bruit des obus et des missiles. La zone n'a jamais Ă©tĂ© totalement sĂ»re. Nous avons commencĂ© Ă connaĂźtre la faim, les prix sont Ă©levĂ©s et le froid extrĂȘme ici.â
âIl y a quelques jours, des chars ont bombardĂ© l'Ă©cole de formation de l'UNRWA, toute proche de l'endroit oĂč nous nous trouvionsâ, poursuit Bakr. âNous avons vu les tentes d'autres personnes dĂ©placĂ©es brĂ»ler, des gens blessĂ©s crier et des personnes tuĂ©es. Cela a Ă©tĂ© un choc pour nous. Cette zone âsĂ»reâ s'est soudainement transformĂ©e en zone de guerre ; on ne nous a pas dit d'Ă©vacuer.â
âEn raison de la peur intense causĂ©e par les bombardements continus et l'incursion des chars derriĂšre l'universitĂ© Al-Aqsa, ma famille et moi avons Ă©tĂ© dĂ©placĂ©es dans la zone d'Al-Mawasi Ă Rafahâ, poursuit-elle. âNous sommes partis Ă pied et avons vu des gens quitter la partie ouest du camp de rĂ©fugiĂ©s de Khan Younis en pleurant. Nous sommes allĂ©s Ă Rafah et avons cherchĂ© une autre tente. Nous nous sommes installĂ©s dans une tente avec une autre famille pendant deux nuits avant de trouver notre propre tente.â
âNous vivons dans des conditions difficiles aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s pour la deuxiĂšme fois - et nous ne savons pas si c'est la derniĂšre fois ou pas. J'espĂšre que le monde nous aidera en exigeant la fin de la guerre. Assez de dĂ©placements et de rĂ©fugiĂ©s. Nos enfants doivent pouvoir vivre dans la dignitĂ©.â
Ils ont commencé à tirer des obus sur l'hÎpital
Le Dr Khaled Habib est consultant en chirurgie cardiovasculaire et vasculaire Ă l'hĂŽpital Nasser, le troisiĂšme plus grand hĂŽpital de la bande de Gaza. Plus de 90 % du personnel - mĂ©decins, infirmiĂšres, techniciens et personnel administratif - a fui Khan Younis par crainte d'ĂȘtre arrĂȘtĂ© ou pour ne pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s de leur famille. NĂ©anmoins, le service des urgences de l'hĂŽpital continue de recevoir des centaines de patients chaque jour, a-t-il dĂ©clarĂ© Ă +972 lors d'une interview la semaine derniĂšre, tandis que le service des femmes et de l'accouchement reçoit quotidiennement de nombreux cas de fausses couches dues Ă des blessures, ou Ă la peur.
Discutant des défis auxquels l'hÎpital est confronté, Habib a confirmé que l'armée israélienne ciblait périodiquement les environs de l'hÎpital avec des tirs d'artillerie. Un drone quadcopter, a-t-il ajouté, cible également toute personne se déplaçant à l'intérieur du complexe hospitalier, entre les bùtiments des différents services.
Habib a décrit la grave pénurie de fournitures médicales, déjà devenus rares à l'hÎpital. De plus, il n'y a ni nourriture ni boisson pour le personnel de l'hÎpital, les patients, leurs familles et les personnes déplacées toujours abritées à l'intérieur de l'hÎpital en raison du siÚge imposé à ses alentours.
Selon Habib, un autre problÚme auquel l'hÎpital est confronté est l'accumulation de déchets médicaux et autres poubelles dans ses couloirs et ses cours : il n'y a aucun moyen de s'en débarrasser, ce qui pose un sérieux risque de propagation de maladies à l'intérieur de l'hÎpital - en particulier depuis que les chiens et les chats ont commencé à fouiller dans ces déchets.
Habib a indiqué qu'entre le 21 janvier et le 1er février, l'hÎpital a reçu environ 157 morts et 450 blessés, tandis que de nombreux autres morts et blessés gisent dans les rues, hors de portée des ambulanciers pris pour cible par l'armée israélienne s'ils quittent l'hÎpital.
Bien que les chars israĂ©liens se soient retirĂ©s quelques jours, ils sont maintenant revenus, et les environs de l'hĂŽpital sont toujours la cible des tirs des drones quadcoptĂšres. Cela a encore intensifiĂ© la pression psychologique sur le personnel de l'hĂŽpital, en raison de la peur qui se propage aussi Ă leurs familles, quâils sont incapables de joindre en raison des difficultĂ©s de communication actuelles, selon Habib.
Shatha Mahdi, 30 ans, originaire du quartier de Tal al-Hawa dans la ville de Gaza, est toujours réfugiée à l'intérieur de l'autre grand hÎpital de Khan Younis, Al-Amal, avec son mari et ses trois enfants.
âAu dĂ©but de lâoffensive, nous avons quittĂ© nos maisons et sommes allĂ©s Ă l'hĂŽpital Al-Quds, tout proche, afin d'Ă©chapper aux bombardements intensifs. Mais lorsque l'armĂ©e a encerclĂ© l'hĂŽpital et s'est trouvĂ©e tout prĂšs de nos maisons, nous avons eu trĂšs peur et avons fui vers le sud, vers Khan Younis. Comme nous n'avons ni parents ni amis dans cette ville, nous nous sommes rĂ©fugiĂ©s Ă l'hĂŽpital Al-Amal.â
âNous n'avons pas trouvĂ© de place Ă l'intĂ©rieur de l'hĂŽpital, mais le personnel nous a dit que nous pouvions rester dans la cour arriĂšreâ, poursuit Mahdi. âAu dĂ©but, nous nous sommes sentis en sĂ©curitĂ©. Nous pouvions entendre le bruit des bombardements dans la ville, mais pas avec l'intensitĂ© des bombardements que nous avions l'habitude de ressentir et d'entendre dans la ville de Gaza. Mais la situation a changĂ© radicalement aprĂšs l'entrĂ©e des chars dans Khan Younis, il y a quelques semaines.â
âIls ont commencĂ© Ă tirer des obus en direction de l'hĂŽpital et des maisons environnantesâ, poursuit-elle. âLes bombardements Ă©taient violents et effrayants, et les drones tiraient sur les civils prĂšs de la porte de l'hĂŽpital. Lorsque mon mari devait sortir pour aller chercher de la nourriture, j'avais si peur qu'il soit touchĂ©.â
âRĂ©cemment, l'armĂ©e a intensifiĂ© ses attaques contre l'hĂŽpital et empĂȘche quiconque de le quitter. J'ai vu des gens allongĂ©s sur le sol, blessĂ©s par des balle ou tir dâobus. Le bruit des obus est effrayant et le mouvement des chars nous inquiĂšte. Nous avons l'impression qu'ils vont attaquer l'hĂŽpital Ă tout moment.â
âIl y a des milliers de personnes dĂ©placĂ©es dans la cour avec nous et Ă l'intĂ©rieur de l'hĂŽpital. Les gens crient quand les bombardements s'intensifient. Les enfants hurlent de peur et nous essayons de les rassurer comme nous pouvons. J'espĂšre que cette horreur prendra bientĂŽt finâ.
+972 a contacté le porte-parole des FDI pour obtenir des commentaires ; leur réponse sera publiée ici dÚs qu'elle sera reçue.
* Ruwaida Kamal Amer est une journaliste indépendante de Khan Younis.
* Ibtisam Mahdi est une journaliste indépendante de Gaza, spécialisée dans les reportages sur les questions sociales, en particulier celles qui concernent les femmes et les enfants. Elle travaille également avec des organisations féministes de Gaza dans le domaine du reportage et de la communication.