đâđš Des personnalitĂ©s australiennes et latino-amĂ©ricaines pour l'arrĂȘt des poursuites contre Assange
Les poursuites contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, sont susceptibles de crĂ©er de graves problĂšmes diplomatiques entre Ătats-Unis & Australie, Ă©tat clĂ© du pacte Aukus.
đâđš Des personnalitĂ©s australiennes et latino-amĂ©ricaines pour l'arrĂȘt des poursuites contre Assange.
Par Chip Gibbons, le 26 septembre 2023
Les poursuites engagĂ©es contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, sont susceptibles de crĂ©er de graves problĂšmes diplomatiques pour les Ătats-Unis.
La semaine derniĂšre, lors de la 78e session de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, deux chefs d'Ătat ont soulevĂ© la question de l'emprisonnement de Julian Assange.
L'Australie est un Ă©lĂ©ment clĂ© de l'ordre sĂ©curitaire dominĂ© par les Ătats-Unis, ce qui fait de l'opposition croissante en Australie un dĂ©fi unique.
La marée rose résurgente d'Amérique latine lutte pour la libération d'Assange
Lors de leurs discours devant l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, le prĂ©sident brĂ©silien Luiz Inacio Lula da Silva et le prĂ©sident hondurien Xiomara Castro ont tous deux appelĂ© Ă la libĂ©ration d'Assange. Lula a dĂ©clarĂ© : âIl est essentiel de prĂ©server la libertĂ© de la presse. Un journaliste comme Julian Assange ne peut ĂȘtre puni pour avoir informĂ© la sociĂ©tĂ© de maniĂšre transparente et lĂ©gitimeâ. Castro est allĂ© dans le mĂȘme sens en qualifiant Julian Assange de âfidĂšle dĂ©fenseur de la libertĂ© d'expressionâ.
Lula et Castro sont tous deux des dirigeants de gauche qui ont Ă©tĂ© Ă©lus dans le cadre de ce que l'on a appelĂ© en AmĂ©rique latine une deuxiĂšme âmarĂ©e roseâ, ou marĂ©e rĂ©surgente.
Lula avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© prĂ©sident du BrĂ©sil lors de la premiĂšre marĂ©e rose. Son successeur de gauche a Ă©tĂ© destituĂ© lors d'une procĂ©dure de destitution considĂ©rĂ©e par la gauche comme un coup d'Ătat parlementaire fondĂ© sur de fausses accusations. Alors qu'il Ă©tait susceptible d'ĂȘtre reconduit Ă la prĂ©sidence par les Ă©lecteurs, Lula a Ă©tĂ© emprisonnĂ© sur la base de fausses accusations, ce qui a ouvert la voie Ă l'accession Ă la prĂ©sidence du candidat d'extrĂȘme droite et fasciste Jair Bolsonaro.
AprÚs sa libération, Lula a battu de justesse Bolsonaro en 2022. Cette victoire a été perçue comme une victoire de la démocratie sur l'autoritarisme.
Lula a certainement abordĂ© ce thĂšme dans son discours, dĂ©crivant la dĂ©mocratie comme l'antidote Ă âla haine, la dĂ©sinformation et l'oppressionâ, tout en mettant en garde contre la double menace de l'Ă©conomie nĂ©olibĂ©rale et des âaventuriers d'extrĂȘme droiteâ qui ânient la politique et vendent des solutions aussi faciles qu'erronĂ©esâ. C'est dans ce contexte que Lula a exaltĂ© les vertus de la libertĂ© de la presse et a dĂ©signĂ© la persĂ©cution d'Assange comme une menace directe.
Castro Ă©tait la premiĂšre dame de l'administration de Manuel Zelaya. Ce dernier, comme Lula, faisait partie de la premiĂšre vague de dirigeants de la âmarĂ©e roseâ en AmĂ©rique latine.
Le gouvernement de Zelaya a Ă©tĂ© interrompu en 2009 par un coup d'Ătat. En 2010, WikiLeaks a publiĂ© des cĂąbles du dĂ©partement d'Ătat qui expliquent comment les Ătats-Unis ont reconnu que la destitution de Zelaya Ă©tait un coup d'Ătat. Toutefois, le dĂ©partement d'Ătat, sous la direction de la secrĂ©taire d'Ătat Hillary Clinton, s'est efforcĂ© d'empĂȘcher que la destitution de Zelaya soit reconnue comme telle afin de maintenir l'aide militaire au rĂ©gime du coup d'Ătat.
L'aide militaire amĂ©ricaine a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour rĂ©primer les mouvements sociaux opposĂ©s au coup d'Ătat (dont Castro Ă©tait l'un des leaders).
M. Assange risque d'ĂȘtre extradĂ© vers les Ătats-Unis pour avoir publiĂ© les cĂąbles qui documentent le rĂŽle des Ătats-Unis dans le coup d'Ătat.
Lula et Castro ont dĂ©jĂ demandĂ© la libĂ©ration d'Assange. Ils ont Ă©tĂ© rejoints par un certain nombre de chefs d'Ătat latino-amĂ©ricains, dont le prĂ©sident mexicain AndrĂ©s Manuel LĂłpez Obrador, le prĂ©sident colombien Gustavo Petro et le prĂ©sident bolivien Luis Arce. Cette tendance n'est pas nouvelle.
AprÚs tout, c'est le gouvernement démocratique socialiste de Rafael Correa qui avait initialement accordé l'asile à M. Assange. Comme je l'ai écrit pour le magazine In These Times lors de l'arrestation initiale d'Assange :
âAlors que les mĂ©dias occidentaux se sont concentrĂ©s sur le fait qu'Assange Ă©tait un mauvais invitĂ© qui a Ă©puisĂ© son hospitalitĂ© auprĂšs de son hĂŽte Ă©quatorien, ils sont passĂ©s Ă cĂŽtĂ© d'une histoire plus importante. L'asile d'Assange a Ă©tĂ© accordĂ© au plus fort de la "marĂ©e rose", lorsque les pays latino-amĂ©ricains de gauche ont affirmĂ© leur souverainetĂ© face aux Ătats-Unis. C'est le prĂ©sident Rafael Correa qui a accordĂ© l'asile Ă Assange. M. Correa a reprochĂ© Ă son successeur d'avoir permis l'arrestation de M. Assange, qualifiant M. Moreno de "plus grand traĂźtre de l'histoire de l'Ăquateur et de l'AmĂ©rique latine". Le prĂ©sident actuel est impliquĂ© dans un scandale de corruption. Le ministre Ă©quatorien de l'intĂ©rieur a accusĂ© l'un des principaux opposants politiques de M. Moreno, Ricardo Patiño, de conspirer avec WikiLeaks pour dĂ©stabiliser le gouvernement Ă©quatorien. La rĂ©vocation de l'asile d'Assange par M. Moreno intervient dans la foulĂ©e d'un prĂȘt du FMI de 4,2 milliards de dollars, ce qui a conduit des dĂ©tracteurs tels que l'ancien ministre Ă©quatorien des affaires Ă©trangĂšres, Guillaume Long, Ă affirmer que les deux Ă©taient liĂ©s. La rĂ©vocation de l'asile d'Assange par M. Moreno intervient dans le sillage d'un prĂȘt de 4,2 milliards de dollars du Fonds monĂ©taire international (FMI), ce qui a conduit des critiques, comme l'ancien ministre Ă©quatorien des affaires Ă©trangĂšres Guillaume Long, Ă affirmer que les deux Ă©taient liĂ©s.â
Il est parfois trĂšs difficile d'ĂȘtre un "ami des Ătats-Unis".
Au-delà de l'opposition des dirigeants latino-américains, les poursuites judiciaires menacent maintenant de créer un fossé entre l'Australie, un allié clé. M. Assange est en effet citoyen australien.
Le Premier ministre australien Anthony Albanese et le chef de l'opposition australienne Peter Dutton se sont tous deux prononcés en faveur du retour d'Assange dans son pays d'origine. Pas moins de 90 % des Australiens sont d'accord avec eux.
Alors que les chefs d'Ătat se rendaient en masse Ă New York pour l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, un groupe de lĂ©gislateurs australiens de haut niveau s'est rendu aux Ătats-Unis pour rencontrer des membres du CongrĂšs et des fonctionnaires du ministĂšre de la justice.
La délégation était composée de
Barnaby Joyce (National) Ancien vice-premier ministre
Peter Whish-Wilson (Verts) SĂ©nateur
David Shoebridge (Verts) SĂ©nateur
Alex Antic (Libéral) Sénateur
Maria Vamvakinou (Labor) Membre du Parlement
Tony Zappia (Labor) Membre du Parlement
Monique Ryan (indépendante) Membre du Parlement
Soixante-sept membres du Parlement australien ont signé une lettre de soutien à la délégation.
Lors d'une confĂ©rence de presse organisĂ©e pour la dĂ©lĂ©gation, Barnaby a soulignĂ©: âNous ne sommes pas venus ici pour chercher la bagarreâ. Whish-Wilson a Ă©galement dĂ©clarĂ© : âL'Australie et les Ătats-Unis sont Ă la fois les amis et les alliĂ©s les plus prochesâ.
La délégation a souligné le haut degré de soutien à la libération d'Assange en Australie. Il n'est pas certain que les personnalités de Washington soient conscientes de l'inquiétude croissante de leur principal allié.
Outre le fait que la dĂ©lĂ©gation a soulignĂ© l'impact potentiel des poursuites engagĂ©es contre M. Assange sur les relations entre les Ătats-Unis et l'Australie, les deux sĂ©nateurs verts ont pris la dĂ©fense audacieuse de M. Assange en tant que journaliste. S'adressant Ă Democracy Now !, Whish-Wilson a dĂ©crit Assange comme un prisonnier politique, allant jusqu'Ă dire que les poursuites ressemblaient Ă âce que l'on peut attendre d'un rĂ©gime totalitaireâ.
Lors d'une confĂ©rence de presse, M. Shoebridge a Ă©galement formulĂ© les poursuites engagĂ©es par les Ătats-Unis Ă l'encontre de M. Assange en des termes similaires. âLe seul crime dont nous voyons que Julian Assange a Ă©tĂ© accusĂ© est le crime d'ĂȘtre un journaliste, le crime de dire la vĂ©ritĂ©.â
âIl est parfois trĂšs difficile d'ĂȘtre un ami des Ătats-Unis lorsque ces derniers poursuivent un citoyen australien pour avoir Ă©tĂ© essentiellement un journalisteâ, a ajoutĂ© M. Shoebridge.
L'Australie est loin d'ĂȘtre un adversaire des Ătats-Unis. Elle a Ă©tĂ© un partenaire loyal de l'ordre militaire et sĂ©curitaire dirigĂ© par les Ătats-Unis. Le pays a fourni des troupes de combat pour les guerres amĂ©ricaines au ViĂȘt Nam, en Afghanistan et en Irak. Il est membre de l'alliance de renseignement Ă©lectromagnĂ©tique Five Eyes, vieille de huit dĂ©cennies.
Depuis les années 1960, l'Australie abrite également une station d'espionnage américaine à Pine Gap, qui a joué un rÎle central dans le programme américain de drones.
Dans les annĂ©es 1970, le Premier ministre travailliste Gough Whitlam a commencĂ© Ă Ă©loigner l'Australie des Ătats-Unis. Il a retirĂ© les troupes du ViĂȘt Nam et critiquĂ© la campagne de bombardement amĂ©ricaine. Cela a incitĂ© certains membres de la CIA Ă dĂ©clarer que âles Australiens pourraient tout aussi bien ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des collaborateurs du Nord-Vietnamâ.
Selon l'ancien agent de la CIA Victor Marchetti, les menaces de Whiltlam de fermer Pine Gap âont provoquĂ© l'apoplexie Ă la Maison Blanche... et une sorte de Chili s'est mis en branleâ.
En 1975, l'Australie a connu une crise constitutionnelle et Whitlam a Ă©tĂ© dĂ©mis de ses fonctions par le gouverneur gĂ©nĂ©ral, le reprĂ©sentant officiel du monarque britannique en Australie. Bien qu'aucune preuve irrĂ©futable n'ait jamais Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e, on soupçonne encore aujourd'hui la CIA d'avoir jouĂ© un rĂŽle dans cette affaire. Quoi qu'il en soit, l'Australie est depuis lors un partenaire consciencieux des Ătats-Unis.
Il est donc d'autant plus Ă©tonnant que tous les grands partis politiques soutiennent le retour d'Assange dans son pays.
L'opposition en Australie comprend ceux qui considĂšrent Ă juste titre M. Assange comme un journaliste hĂ©roĂŻque qui a tenu tĂȘte aux Ătats-Unis, ainsi que ceux qui dĂ©testent le journalisme de M. Assange. Ceux qui s'opposent au journalisme d'Assange se demandent pourquoi les Ătats-Unis ne veulent pas renvoyer un citoyen australien en Australie alors qu'il a tant fait pour l'empire amĂ©ricain.
Bien que je ne verse aucune larme pour les Ătats-Unis s'ils perdent un complice volontaire de leurs guerres, le fait que les autoritĂ©s amĂ©ricaines aient poursuivi cette affaire tĂ©moigne de l'incroyable orgueil des Ătats-Unis.
Plaidoyer en faveur d'Assange au Capitole
L'itinéraire complet des réunions de la délégation australienne n'a pas été rendu public. Toutefois, la députée Ilhan Omar a publié sur son site Internet un compte rendu de sa rencontre avec la délégation.
Le sénateur Alex Antic a publié sur les réseaux sociaux une photo de la délégation rencontrant le sénateur Rand Paul (R-KY) et le député Thomas Massie (R-KY). La députée Marjorie Taylor Greene (R-GA) a également déclaré sur les médias sociaux qu'elle avait rencontré la délégation.
L'Australian Broadcasting Corporation a rapporté que la délégation devait rencontrer le député Jim McGovern (D-MA).
Massie et Omar se sont toujours opposés aux poursuites contre Assange.
En 2020, M. Massie a coparrainĂ© la rĂ©solution de la dĂ©putĂ©e Tulsi Gabbard (D-HI) appelant le prĂ©sident Donald Trump Ă gracier M. Assange. Plus tard, en juin 2022, M. Massie a publiĂ© sur les rĂ©seaux sociaux : âJ'ai un aveu Ă faire. J'ai demandĂ© Ă Trump DEUX grĂąces et une commutation, et je demande la mĂȘme chose Ă Biden. Gracier Julian Assange et Edward Snowden, et commuer la peine de Ross Ulbricht.â
Lorsqu'il a coparrainé la loi sur la réforme de l'Espionage Act du sénateur Ron Wyden et du représentant Ro Khanna, M. Massie a de nouveau évoqué les implications des poursuites engagées contre Julian Assange pour la liberté de la presse.
Le 15 dĂ©cembre 2021, M. Omar a qualifiĂ© les poursuites contre M. Assange âindĂ©fendableâ sur Twitter. Elle a rĂ©itĂ©rĂ© le 18 juin 2022. Mme Omar fait partie des sept dĂ©mocrates qui ont signĂ© une lettre initiĂ©e par la reprĂ©sentante Rashida Tlaib (D-MI) demandant au procureur gĂ©nĂ©ral Garland d'abandonner les poursuites contre M. Assange.
Le 6 juin 2023, Omar a publiĂ© sur sa page Web du CongrĂšs un compte rendu d'une rĂ©union avec Sevim DaÄdelen, membre du Bundestag allemand et chef adjoint du Parti de gauche.
Selon le compte rendu, âils ont discutĂ© de l'affaire Julian Assange et de la menace que ses poursuites judiciaires font peser sur la libertĂ© de la presseâ. La dĂ©putĂ©e Omar a Ă©galement exprimĂ© son inquiĂ©tude quant au fait que âles poursuites engagĂ©es contre Julian Assange sapent les efforts des Ătats-Unis pour libĂ©rer les journalistes emprisonnĂ©s Ă tort pour espionnage dans le monde entierâ.
En plus de s'opposer à la poursuite d'Assange, Omar a soulevé des préoccupations plus larges concernant la loi sur l'espionnage. En 2022, elle a coparrainé l'amendement de Mme Tlaib à la loi d'autorisation de la défense nationale visant à réformer la loi sur l'espionnage.
L'amendement incluait les mĂȘmes protections pour les journalistes et les Ă©diteurs que la proposition de rĂ©forme de la loi sur l'espionnage de Wyden-Khanna-Massie, et il allait plus loin en cherchant Ă protĂ©ger Ă©galement les lanceurs d'alerte.
La proposition a reçu le soutien d'un certain nombre de dĂ©nonciateurs des atteintes Ă la sĂ©curitĂ© nationale, dont le dĂ©funt Daniel Ellsberg, dĂ©nonciateur des âPentagon Papersâ. [L'amendement a Ă©galement Ă©tĂ© soutenu par Defending Rights & Dissent, dont je suis le directeur politique].
Omar a publiquement plaidĂ© pour que Biden gracie le lanceur dâalerte des drones Daniel Hale, qui est toujours en prison.
Dans le passé, Greene a appelé à la liberté d'Assange sur les réseaux sociaux. Ni Paul ni McGovern ne se sont précédemment prononcés en faveur de l'abandon des poursuites contre Assange (bien que Paul ait appelé Trump à gracier Snowden, et McGovern a défendu l'avocat des droits de l'homme Steven Donziger).
Les consĂ©quences pour la libertĂ© de la presse de l'engagement de poursuites contre M. Assange restent dĂ©sastreuses. S'ils y parviennent, les Ătats-Unis crĂ©eront un prĂ©cĂ©dent qui sapera les protections fondamentales du premier amendement. Ils ouvriront la voie Ă la punition de tout journaliste qui publie des informations classifiĂ©es.
Un précédent politique qui pourrait inciter d'autres gouvernements à appliquer de maniÚre extraterritoriale leurs propres lois nationales à l'encontre des correspondants internationaux opérant dans leur pays.
Le prĂ©sident Joe Biden et la Maison Blanche ont cherchĂ© Ă se dĂ©marquer de M. Trump en montrant leur engagement en faveur de la dĂ©mocratie, de la libertĂ© de la presse et de l'Ătat de droit. MalgrĂ© cela, l'administration Biden a poursuivi les poursuites de l'Ăšre Trump.