đâđš Deux semaines Ă Beyrouth
En sortant de la voiture, nous avons entendu les drones israĂ©liens au-dessus de nos tĂȘtes, un bruit intense mĂȘme par ce trafic dense, une particularitĂ© dĂ©libĂ©rĂ©e d'outil de guerre psychologique.
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đâđš Deux semaines Ă Beyrouth
Par Craig Murray, le 13 novembre 2024
Au dĂ©part de Rome, par un dimanche matin radieux, l'Airbus d'AEM Ă©tait conçu pour accueillir environ 300 personnes. Une vingtaine d'entre nous sont montĂ©s Ă bord pour se rendre Ă Beyrouth. C'est une sensation trĂšs Ă©trange que d'ĂȘtre Ă bord d'un avion de ligne quasi vide, d'autant que la quasi-totalitĂ© du petit nombre de passagers Ă©tait en classe affaires, de sorte que la classe Ă©conomique Ă©tait vide.
Deux prĂȘtres chrĂ©tiens voyageant en classe Ă©conomique, avec des barbes impressionnantes et des chapeaux cylindriques, ont Ă©tĂ© sauvĂ©s par les hĂŽtesses avant le dĂ©collage et sont passĂ©s en classe affaires. Le vol s'est dĂ©roulĂ© sans incident, si ce n'est que, pour une raison inconnue, il n'y avait pas d'alcool, ce qui est nouveau pour AEM. Niels a suggĂ©rĂ© que le personnel avait Ă©tĂ© prĂ©venu de notre prĂ©sence !
Nous avions tous vu des images de bombardements israĂ©liens prĂšs de l'aĂ©roport lĂ oĂč les vols de la MEA atterrissent, mais notre approche s'est dĂ©roulĂ©e sans problĂšme et nous n'avons pu constater aucun dĂ©gĂąt au cours de la descente sur les immenses Ă©tendues de Beyrouth.
Niels Ladefoged et moi-mĂȘme avons fait une tournĂ©e en Allemagne avec le film Ithaka, dont lequel Niels Ă©tait directeur de la photographie. Cette tournĂ©e a Ă©tĂ© relatĂ©e en dĂ©tail sur ce blog. Les lecteurs rĂ©guliers nous connaissent donc tous les deux, et nous sommes arrivĂ©s Ă l'aĂ©roport de Beyrouth un peu dĂ©sorientĂ©s.
Notre objectif en venant au Liban est de contrer le discours majoritairement pro-israélien des médias occidentaux sur l'assaut israélien contre le Liban. Avant de venir, je me suis entretenu avec un ami de la campagne électorale de Blackburn, dont je savais qu'il avait de trÚs bonnes relations au Moyen-Orient.
Cet ami m'a dit qu'il avait un contact pour nous au Liban qui pourrait organiser toute la logistique nécessaire, et la premiÚre étape a été l'arrivée à Beyrouth. Nous savions que d'autres activistes récemment arrivés avaient rencontré des difficultés avec les services d'immigration libanais.
Pour y remĂ©dier, il nous a Ă©tĂ© demandĂ© de fournir nos numĂ©ros de siĂšge avant l'embarquement, afin de pouvoir ĂȘtre accueillis dans l'avion et escortĂ©s par les services d'immigration. Nous l'avons fait, mais Ă l'arrivĂ©e, personne ne s'est prĂ©sentĂ© dans l'avion.
Nous avons vu comment les choses se sont passĂ©es lorsque nous avons dĂ©barquĂ© dans l'allĂ©e qui menait au terminal : les deux prĂȘtres ont Ă©tĂ© escortĂ©s par une porte latĂ©rale jusqu'Ă un vĂ©hicule qui attendait sur le tarmac, pour les emmener directement hors de l'aĂ©roport.
Alors que nous déambulions le long de l'allée des arrivées au terminal, le sentiment d'étrangeté suscité par l'avion presque vide nous est revenu. Alors qu'il y aurait dû y avoir des centaines de personnes affluant de plusieurs vols, l'endroit était vide et silencieux, avec uniquement les 20 passagers de notre vol qui traßnaient dans les vastes couloirs.
C'était étrange et inquiétant.
Une fois arrivĂ©s Ă l'immigration, la raison pour laquelle presque tout le monde voyageait en classe affaires s'est Ă©claircie, car la quasi-totalitĂ© des passagers de notre vol s'est dirigĂ©e vers le couloir âNations unies et diplomatieâ. Il ne restait plus que nous et une famille libanaise avec de jeunes enfants. Alors que nous nous approchions du bureau de l'immigration, un homme en jeans et chemise rayĂ©e s'est approchĂ© de nous, s'est prĂ©sentĂ© comme Ă©tant un policier et nous a demandĂ© de passer l'immigration et de nous diriger vers une zone latĂ©rale.
Huit personnes désemparées attendaient là , séparées par cinq chaises. Nous avons attendu, et attendu. Deux heures se sont écoulées dans une ambiance pesante. Nous avons essayé en vain de contacter le contact censé nous aider dans nos démarches d'immigration.
De temps en temps, quelqu'un était appelé dans un bureau, y restait dix minutes, puis ressortait et s'asseyait à nouveau, l'air mécontent. Il s'agissait d'un groupe ethniquement et socialement disparate. Quelques brÚves conversations ont révélé que les passeports européens étaient les facteurs communs les plus flagrants.
Nous nous trouvions en fait dans un couloir vĂ©tuste. Tout, du mobilier au carrelage en passant par les comptoirs, avait besoin d'ĂȘtre rĂ©novĂ©. Ce n'Ă©tait pas sale, mais simplement dĂ©fraĂźchi et Ă©caillĂ©.
Niels et moi n'avions Ă aucun moment Ă©tĂ© interrogĂ©s sur quoi que ce soit, pas mĂȘme nos noms. Nos passeports n'avaient pas Ă©tĂ© contrĂŽlĂ©s. Tout se passait lentement, trĂšs lentement.
J'ai réussi à téléphoner à mon ami de Blackburn, qui m'a dit qu'il allait essayer de joindre notre contact. AprÚs une heure d'attente supplémentaire, un grand homme en uniforme avec une moustache et des lunettes particuliÚrement osées est sorti et nous a montrés du doigt.
Il nous a demandĂ© : âPourquoi attendez-vous ici ?â
Je lui ai rĂ©pondu : âJe ne sais pas, c'est un policier qui nous l'a demandĂ©â.
Il m'a fait entrer dans son bureau.
âQue faites-vous dans la vie ?
Je suis diplomate Ă la retraite, et maintenant journaliste.
Quel genre de journaliste ?
Média indépendant. Je publie en ligne.
Alors, vous ĂȘtes un influenceur de rĂ©seaux sociaux ?
Oh non, je suis bien trop vieux pour ça.
Vous n'avez pas peur de venir au Liban en ce moment ?
Non, je suis Ă©cossais.â
Cette réponse étant manifestement une explication suffisante, et il s'est levé et a fait signe à un subordonné, qui nous a fait passer et a tamponné nos passeports. Le chauffeur de l'hÎtel, trÚs patient, nous attendait depuis quatre heures et avait déjà retrouvé et chargé nos bagages avec brio.
En sortant de la voiture, nous avons immĂ©diatement entendu les drones israĂ©liens tournoyer au-dessus de nos tĂȘtes.
Il faut que vous compreniez Ă quel point ce bruit est intense. Il n'est pas nĂ©cessaire de faire des efforts pour l'entendre, il est au contraire impossible Ă masquer. On peut l'entendre mĂȘme avec une circulation dense.
Ce bruit est bien plus fort que celui d'un avion normal à cette hauteur, et il doit s'agir d'une particularité délibérée, d'un outil de guerre psychologique. On pourrait comparer ce bruit au fracas délibéré des bombardiers en piqué Stuka, bien que la qualité du son soit trÚs différente.
Arriver dans une ville fortement bombardĂ©e, oĂč des dizaines de personnes sont tuĂ©es chaque jour n'est pas une sensation trĂšs rassurante. Surtout lorsque des journalistes sont dĂ©libĂ©rĂ©ment et systĂ©matiquement assassinĂ©s par IsraĂ«l et que, sans exagĂ©reration, les IsraĂ©liens ne m'apprĂ©cient pas particuliĂšrement.
Les grands drones israĂ©liens transportent des missiles infaillibles, disposent d'une capacitĂ© de surveillance et de verrouillage des cibles Ă la pointe de la technologie et peuvent ĂȘtre dĂ©clenchĂ©s par l'intelligence artificielle sans intervention humaine. Je mentirais si je disais que cette premiĂšre fois, mes poils ne se sont pas dressĂ©s sur la nuque.
Mais on s'y fait.
AprĂšs ce trajet fascinant Ă la tombĂ©e de la nuit, nous sommes arrivĂ©s Ă l'hĂŽtel Bossa Nova Ă Sinn el Fil, un quartier chrĂ©tien de Beyrouth, dont on nous a dit qu'il ne risquait pas d'ĂȘtre attaquĂ© par IsraĂ«l.
L'hĂŽtel est, bizarrement, Ă thĂ©matique sud-amĂ©ricaine, avec un restaurant qui ne sert que des plats prĂ©tendument brĂ©siliens. Il compte neuf Ă©tages et est constituĂ© de piliers massifs en bĂ©ton, en grand nombre. Il dispose d'un bar Ă cocktails trĂšs bien approvisionnĂ© pour satisfaire les amateurs de mĂ©langes les plus tatillons, bien qu'il n'y ait pas de maĂźtre mixologue Ă l'heure actuelle. Il appartiendrait Ă un Ăcossais.
Tous les autres clients de l'hÎtel sont des réfugiés des zones évacuées. 1,2 million de personnes ont été déplacées au Liban. Le traumatisme humain est immense, d'autant que les maisons, les fermes et les entreprises que ces personnes ont quittées sont systématiquement détruites sur leur passage.
Au cours des dix jours suivants, nous avons peu à peu fait la connaissance de certains réfugiés. Un instituteur, un policier, un agriculteur, un tailleur. Tous accompagnés de leur famille nombreuse, entassés à raison d'une famille par chambre dans cet hÎtel plein à craquer. Ces Libanais sont soignés et nets, et sortent de l'hÎtel bien habillés et élégants.
Comme les rĂ©fugiĂ©s partout dans le monde, ils sont assis lĂ , apathiques et sombres, dĂ©placĂ©s et mis au rebut, passant leur temps Ă ne rien faire. Les conversations sont rares et discrĂštes. Les gens s'isolent dans leurs pensĂ©es, mĂȘme de leur propre famille.
Ils ne lÚvent pas les yeux lorsque quelqu'un passe devant eux. Les boulangers locaux apportent de la nourriture dans des sacs en papier qui est consommée dans le hall d'entrée. La fontaine d'eau gratuite est l'endroit le plus fréquenté de l'hÎtel.
Seuls les enfants sont heureux : vacances scolaires inattendues, un voyage en ville, beaucoup de nouveaux amis pour des parties de foot dans la cour de l'hĂŽtel.
Lorsque les drones sont particuliÚrement bruyants ou bas, les enfants se précipitent à l'intérieur, la plupart du temps avant que leurs mÚres n'appellent. Un petit garçon en particulier, ùgé d'environ trois ans, fond en larmes à chaque fois que les drones se font entendre.
Les Israéliens ont pris l'habitude de bombarder les hÎtels hébergeant des réfugiés, en particulier dans les zones chrétiennes. Monter la communauté chrétienne contre les réfugiés fait partie du plan israélien.
Le lendemain matin, nous avons reçu un message de notre contact nous informant qu'un chauffeur, Ali, viendra nous chercher. Nous avions expliquĂ© que nous souhaitions commencer par visiter le âbastion du Hezbollahâ Ă Dahiya, dont les mĂ©dias occidentaux font grand cas et qui fait l'objet de bombardements incessants.
Ali arrive, bien habillĂ©, au volant d'une berline Lexus neuve et trĂšs confortable. Il ne parle pas un mot d'anglais, mais grĂące Ă Google Translate, il nous explique que nous avons besoin dâautorisations spĂ©ciales pour visiter Dahiya.
Nous donnons nos passeports à Ali, qui les prend en photo avec son téléphone et les envoie à quelqu'un qu'il appelle ensuite pour en discuter. Il parle à nouveau dans son téléphone et nous le montre :
âVous ne pouvez pas aller Ă Dahiyah maintenant. Les autorisations prendront un ou deux jours. Mais je peux vous faire visiter les sites bombardĂ©s, sans arrĂȘter la voiture ni prendre de photosâ.
Nous nous embarquons donc avec Ali pour une visite de la mort la plus récente, en nous rendant sur neuf sites de bombardement différents. Nous constatons immédiatement que huit des neuf sites sont des immeubles résidentiels, des blocs d'appartements. Ali est trÚs bien informé sur chacun d'entre eux, indiquant le nombre de personnes tuées, hommes, femmes et enfants.
Ali n'essaie pas de dissimuler le fait que, dans presque tous les cas, des membres du Hezbollah étaient présents, et il peut parfois nous dire qui. Des drapeaux sont plantés au sommet des amas de décombres pour commémorer ces martyrs, et il y a parfois des photos d'eux en uniforme, sur des piquets de bois.
Un ou deux des sites ont été frappés par des missiles de précision visant un seul appartement, et généralement une poignée d'appartements voisins immédiats ont également été endommagés ou détruits. Mais pour la grande majorité des sites, des blocs entiers d'appartements, de 20 appartements ou plus, ont été entiÚrement réduits à l'état de décombres, majoritairement réduits en poussiÚre.
Cela vaut bien sûr aussi pour les habitants. En passant lentement devant les sites, il est immédiatement évident que ces résidences sont des habitations civiles, avec des coins canapé, des lits et des éléments de cuisine éparpillés dans les décombres, ainsi que des images saisissantes de la présence d'enfants, dont un poster rose vif représentant un poney, immobilisé par une botte recouverte de poussiÚre.
Il n'y a aucune indication d'activité militaire et industrielle. Ce n'est pas parce que le Hezbollah se cache derriÚre des boucliers humains. Il s'agit plutÎt de personnalités du Hezbollah tuées aux cÎtés de leurs proches, de leurs parents et de leurs enfants dans leurs foyers respectifs, ainsi que de nombreuses autres familles du quartier. Il s'agit clairement d'un crime de guerre.
IsraĂ«l ne se prĂ©occupe pas de tuer 40 ou mĂȘme 70 personnes totalement innocentes lorsqu'il s'agit d'Ă©liminer une cible. Il ne se prĂ©occupe pas non plus de savoir combien d'entre elles sont des enfants. La vie des non-Juifs n'a tout simplement aucune valeur intrinsĂšque Ă leurs yeux.
Mais il y a aussi, bien sûr, un vrai problÚme quant à l'identité des cibles. Le Hezbollah fait partie intégrante de la société libanaise. C'est un parti politique dont les membres sont élus au parlement, et qui fait partie du gouvernement libanais.
Le Hezbollah gĂšre Ă©galement de vastes secteurs de santĂ©, d'aide sociale et d'infrastructures dans les secteurs Ă prĂ©dominance chiite, en particulier dans le sud du pays, et ces fonctions et institutions sont Ă©troitement imbriquĂ©es dans l'Ătat libanais officiel, et ce de mille et une façons.
Ainsi, des mĂ©decins, des professeurs, des ambulanciers, des journalistes et des enseignants peuvent ĂȘtre dĂ©signĂ©s comme faisant partie du Hezbollah par IsraĂ«l, exactement comme avec le Hamas Ă Gaza.
Ainsi, la âcible terroristeâ qu'IsraĂ«l Ă©limine en bombardant un immeuble d'habitation, entraĂźnant la mort de quarante autres personnes, peut n'avoir aucune fonction militaire. Il peut s'agir d'un ambulancier. C'est d'ailleurs l'une des possibilitĂ©s les plus probables. Comme Ă Gaza, IsraĂ«l Ă©limine systĂ©matiquement les professionnels de la santĂ©. En 40 jours, il a tuĂ© plus de 200 ambulanciers au Liban. En moyenne cinq par jour.
Nous empruntons une route qui contourne Dahiya et, en regardant le quartier, nous sommes frappés par l'ampleur des destructions. Les immeubles d'habitation ont été rasés les uns aprÚs les autres. En un endroit, le cratÚre de la bombe est tout simplement gigantesque, un grand trou profond dans lequel on pourrait faire entrer des douzaines de bus, sur plusieurs niveaux. La puissance d'une telle explosion est à peine concevable.
Le seul bĂątiment non rĂ©sidentiel Ă avoir Ă©tĂ© bombardĂ© est un hĂŽpital. Il est Ă©ventrĂ© et ses fenĂȘtres ont volĂ© en Ă©clats. Je ne me souviens pas avoir Ă©tĂ© tĂ©moin d'un tel Ă©vĂ©nement en Occident.
C'est une expĂ©rience qui donne profondĂ©ment Ă rĂ©flĂ©chir. Nous rentrons Ă l'hĂŽtel, pensifs, et prenons un gin tonic dans le patio, tandis que les rĂ©fugiĂ©s se serrent les uns contre les autres et que les drones bourdonnent au-dessus de nos tĂȘtes. Je suis rĂ©veillĂ© par de fortes explosions dans la nuit, et le lendemain, la fumĂ©e s'Ă©lĂšve encore dans l'air, Ă environ un kilomĂštre de notre hĂŽtel, et l'odeur et le goĂ»t Ăącres ne disparaissent pas.
Mardi, nous avons enfin rencontrĂ© notre contact, un homme charmant et raffinĂ© vĂ©ritablement horrifiĂ© par le gĂ©nocide Ă Gaza et le carnage qui se dĂ©roule au Liban. Il a appellĂ© le âpatron d'Aliâ pour vĂ©rifier l'Ă©tat d'avancement de nos demandes d'autorisation pour Dahiya, et nous a informĂ© qu'ils seront disponibles plus tard dans la journĂ©e ou le lendemain matin.
Nous convenons de prendre une journée pour nous orienter et nous organiser, et de nous rendre à Dahiya le lendemain, une fois les permis auront délivrés.
Notre contact nous raconte un certain nombre de choses inquiĂ©tantes, notamment qu'il a proposĂ© Ă des amis des zones Ă©vacuĂ©es de les hĂ©berger dans des propriĂ©tĂ©s qu'il possĂšde Ă l'extĂ©rieur de Beyrouth, mais que certaines communautĂ©s chrĂ©tiennes locales s'y sont opposĂ©es au cas oĂč la prĂ©sence de rĂ©fugiĂ©s provoquerait des attaques israĂ©liennes (ce qui se produit frĂ©quemment).
Il s'est excusĂ© pour le retard Ă l'aĂ©roport et a dĂ©clarĂ© qu'une nouvelle procĂ©dure a Ă©tĂ© mise en place le jour mĂȘme de notre arrivĂ©e, lorsque des dizaines d'EuropĂ©ens ont Ă©tĂ© refoulĂ©s. Il a ĆuvrĂ© en coulisses pour se porter garant de nous (ce qui m'a Ă©tĂ© confirmĂ© plus tard par une autre source).
Les nouvelles mesures de répression des entrées sont rapportées dans Orient Today :
âOrient Today a parlĂ© Ă des dizaines de personnes qui ont Ă©tĂ© refoulĂ©es ces derniĂšres semaines, dont une dizaine de travailleurs d'ONG de diverses organisations, deux journalistes interdits d'entrĂ©e et expulsĂ©s, deux personnes refoulĂ©es parce qu'elles n'avaient pas de âmotifs suffisants pour entrer dans le paysâ, et trois passagers en provenance d'Allemagne, d'Espagne et des Ătats-Unis Ă qui l'on a dit le week-end dernier que les Ă©trangers ne peuvent pas entrer dans le pays s'ils n'ont pas de permis de travail.
âUn employĂ© du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres danois a parlĂ© au personnel de l'aĂ©roport par tĂ©lĂ©phone et leur a dit qu'une nouvelle disposition restreignant l'entrĂ©e dans le pays a Ă©tĂ© adoptĂ©e...
âIl n'y a pas eu de modification de la loi concernant l'entrĂ©e des Ă©trangers au Libanâ, a dĂ©clarĂ© une source de la SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale Ă L'Orient Today... â Cependant, en raison de la situation en matiĂšre de sĂ©curitĂ© au Liban, la SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale est plus vigilante quant aux personnes qui entrent et sortent du pays et certains ne sont pas autorisĂ©s Ă entrer pour des raisons de sĂ©curitĂ©â, ...
Un porte-parole de la SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale a dĂ©clarĂ© que l'ordre a Ă©tĂ© donnĂ© il y a environ un mois et qu'il s'applique Ă l'ensemble du pays, mais principalement Ă l'aĂ©roport. Au cours des deux derniers mois, le Hezbollah, actuellement en guerre contre IsraĂ«l, a Ă©tĂ© victime d'un certain nombre d'atteintes graves Ă la sĂ©curitĂ©, dont l'une a conduit Ă l'assassinat de son chef Hassan Nasrallah. Dans les deux semaines qui ont suivi l'escalade vers la guerre totale, Ă partir du 23 septembre, plusieurs personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es, soupçonnĂ©es d'espionnage, dont un journaliste entrĂ© au Liban avec un passeport britannique et dont le passeport israĂ©lien a Ă©tĂ© dĂ©couvert aprĂšs que des rĂ©sidents de la banlieue sud de Beyrouth aient alertĂ© les autoritĂ©s de sa prĂ©sence.
âUne erreur commise par une seule personne peut parfois avoir des rĂ©percussions pour d'autresâ, a dĂ©clarĂ© le porte-parole. âPersonne [au contrĂŽle des frontiĂšres] ne veut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme celui qui a laissĂ© entrer dans le pays quelqu'un qui n'aurait pas dĂ» y ĂȘtre autorisĂ©â.
Ce qui semble tout Ă fait raisonnable, mais lisez la suite.
Nous avons donc passĂ© une journĂ©e tranquille Ă attendre que les autorisations nous parviennent. Je me suis assis dans la cour pour Ă©crire pendant que le drone bourdonnait au-dessus de ma tĂȘte, et Niels a fait un petit tweet Ă ce sujet :
Nous sommes sortis à pied dans Beyrouth. La seule façon de marcher depuis l'hÎtel est de suivre l'un des cÎtés d'une voie rapide encombrée. Nous avons traversé un pont en béton qui enjambe le triste vestige de la riviÚre Beyrouth.
Ses eaux ayant Ă©tĂ© entiĂšrement dĂ©tournĂ©es pour les besoins de la grande ville, le cours de la riviĂšre est un gigantesque collecteur d'eaux pluviales entiĂšrement bĂ©tonnĂ©, large d'une cinquantaine de mĂštres et profond d'une dizaine de mĂštres. Il y suinte un filet d'eaux usĂ©es d'un brun verdĂątre, d'une largeur de trois mĂštres et d'une profondeur de dix centimĂštres. L'odeur nausĂ©abonde qui s'en dĂ©gage donne la nausĂ©e. Notre hĂŽtel se trouve sur la rive et porte sur son flanc une enseigne au nĂ©on gigantesque : âRiverside Bossa Novaâ, sans aucune ironie. BriĂšvement, lors d'un orage, le fleuve reprend vie pour quelques heures.
Beyrouth n'est pas propice à la promenade. Dans les grandes rues, il y a souvent de longs tronçons sans aucun trottoir, celui-ci n'ayant jamais été construit ou ayant été supprimé pour faire place à des parkings, avec des voitures empilées sur deux niveaux, perpendiculaires à la circulation, et des capots collés aux bùtiments.
Lorsque nous descendons la route de Damas, trÚs fréquentée, vers le centre-ville, les principaux carrefours sont conçus de maniÚre à ne pas permettre aux piétons de traverser : non seulement les feux de signalisation ne prévoient aucun dispositif pour les piétons, mais ils n'ont aucun moyen de se frayer un chemin dans la mer d'asphalte envahie par des véhicules hargneux.
Les scooters frÎlent les piétons avec presque autant de zÚle que les cyclistes d'Amsterdam.
Sur la corniche et la plage, la ville de réfugiés qui a poussé le long de la promenade et de la plage a été évacuée. Les habitants poursuivent la tradition consistant à charger leur salon à l'arriÚre d'une voiture et à le réinstaller sur la corniche pour la soirée. Des familles entiÚres sont assises sur des chaises disposées en cercle sur la promenade, avec du thé, des jeux d'échecs, de backgammon, des shishas et des ragots.
Les appartements dorés, glamour, aux larges balcons, situés de l'autre cÎté de la corniche et surplombant la mer, sont pour la plupart sombres et vides. Les riches sont partis à Paris, Londres et New York pour la durée de la guerre.
Dans cette situation d'urgence nationale, reloger temporairement les réfugiés dans les appartements vacants des riches en fuite semblerait une mesure logique. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Au lieu de cela, les écoles sont fermées et accueillent des milliers de réfugiés. C'est ainsi que le processus s'est développé à Gaza, et nous nous demandons quand Israël commencera à cibler les écoles d'ici.
Il y a de quoi se poser des questions, et mercredi matin, nous Ă©tions impatients d'arriver Ă Dahiya et de rĂ©aliser notre premier reportage vidĂ©o. Ali est arrivĂ© vers midi et nous dit, par l'intermĂ©diaire de Google Translate, qu'il est prĂȘt Ă nous y emmener. Je supposais Ă tort que cela signifiait que les autorisations seraient prĂȘtes.
Nous sommes entrĂ©s dans la banlieue de Dahiya (ce qui est une redondance - Dahiya signifiant simplement âbanlieueâ), et jâai Ă©tĂ© immĂ©diatement frappĂ© par l'Ă©tendue de la zone Ă©vacuĂ©e et par le niveau de son amĂ©nagement. Lorsque nous sommes entrĂ©s dans le quartier, nous avons dĂ©couvert une zone agrĂ©able, rĂ©servĂ©e Ă la classe moyenne, qui me rappellait de jolis coins de Marseille. Rien ne distingue les immeubles dĂ©molis ou endommagĂ©s des autres immeubles rĂ©sidentiels alentour.
Niels m'a branché le son et la stratégie consistait à tout enregistrer, effectuer des entretiens devant la caméra dans les zones clés, puis monter le tout en un court document dans la soirée, en y ajoutant éventuellement quelques réflexions pertinentes. Nous avons donc filmé au fur et à mesure.
Au milieu d'une longue rue commerçante de Dahiya, Ali - qui semblait trĂšs confiant et maĂźtre de la situation, nous ayant dit qu'il Ă©tait nĂ© et avait grandi Ă Dahiya et qu'il connaissait tout le monde - s'est arrĂȘtĂ© Ă un checkpoint tenu par des miliciens armĂ©s en civil, pour s'assurer que nous pouvions sortir et filmer.
C'est alors que tout a commencé à se gùter.
Tout d'abord, un jeune homme a ouvert les portes de la voiture et nous a demandé poliment, dans un bon anglais, nos passeports, que nous lui avons donnés. Il portait une chemise rouge et maniait son AK47 avec beaucoup de précaution, en le pointant vers le sol.
Ali nous dit, par le biais d'une traduction sur téléphone, qu'il ne fallait pas s'inquiéter, qu'il ne s'agissait que de la procédure. Puis le jeune homme est revenu et nous a demandé nos téléphones. Nous lui en avons donné deux chacun. Il a pris le sac de Niels et a fouillé dans les micros et autres équipements.
Plusieurs autres miliciens se sont rassemblĂ©s et le jeune homme est parti. Un homme plus ĂągĂ©, aux cheveux et Ă la barbe blancs, est arrivĂ© dans une berline dĂ©glinguĂ©e. Il ne semblait pas parler d'autre anglais que âDon't worry !â [ne vous inquiĂ©tez pas].
Personne ici ne parle plus l'anglais. Un groupe a regardé nos téléphones et notre équipement d'un air perplexe. Le vieil homme nous a offert du café, et deux boissons fortes, granuleuses et sucrées nous ont été apportées dans de minuscules gobelets en carton.
Mais il était évident que nous n'étions pas libres de partir. La confiance d'Ali s'est envolée comme un ballon crevé.
C'est alors que deux hommes plus grands et d'allure plus militaire sont apparus dans une vieille Jeep Cherokee cabossée aux vitres fissurées, suivis d'un pick-up dans lequel se trouvaient plusieurs autres hommes armés. Ils étaient manifestement des responsables. L'atmosphÚre était tout d'un coup devenue nettement moins amicale. Je suis sorti de la voiture et j'ai fait le tour en serrant des mains pour tenter de remédier à cette situation.
Debout dans une rue jonchĂ©e de dĂ©combres des bombardements, au milieu d'un groupe de quatre vĂ©hicules garĂ©s, dont trois du Hezbollah, au centre d'un groupe croissant de militants armĂ©s du Hezbollah, tandis que des drones israĂ©liens armĂ©s de missiles tournaient au-dessus de nous et nous surveillaient de prĂšs, je ne pouvais m'empĂȘcher de penser intĂ©rieurement que j'avais passĂ© des aprĂšs-midis plus tranquilles.
Plus personne ne parlait anglais autour de nous. Nos affaires ont été chargées dans une série de sacs à dos, puis extraites de ces derniers, faisant à chaque fois l'objet d'un inventaire lent et minutieux dans des registres. De temps en temps, on apportait un objet pour que Niels l'identifie - chargeur, microphone ou disque dur - mais je pense que personne ne comprenait ses réponses.
J'ai jetĂ© un coup d'Ćil dans le quartier. C'Ă©tait une rue commerçante trĂšs frĂ©quentĂ©e, avec des magasins dĂ©cents, tous dĂ©sormais fermĂ©s, qui s'Ă©tendaient Ă perte de vue, avec des restaurants et des cafĂ©s.
La zone était en grande partie déserte, à l'exception d'un ou deux miliciens armés à chaque coin de rue pour prévenir les pillages. Quelques personnes se trouvaient là , rentrant chez elles pour récupérer leurs affaires, et certains commerçants évacuaient leurs stocks dans leurs camionnettes. Beaucoup ont ouvert des magasins temporaires ailleurs. La scÚne se déroulait dans un climat calme et discipliné.
Je suis sûr que tout le monde était conscient qu'une bombe pouvait tomber sans avertissement sur cette zone en cours d'évacuation, et les gens agissaient vite avec un objectif évident. Mais sans émotion apparente.
Juste en face de moi, un grand magasin de jouets gardait un volet ouvert, et un groupe de gros ours en peluche me regardait d'un air triste au-dessus d'un modÚle réduit de voiture électrique. De temps en temps, des scooters passaient, leurs occupants faisant un signe de la main à nos gardiens.
Au bout d'un laps de temps qui, j'en suis sûr, a été plus court que mon ressenti, on nous a fait monter sur la banquette arriÚre de la Jeep Cherokee, derriÚre les deux hommes les plus ùgés. Un homme armé s'est glissé sur le siÚge passager à cÎté de nous, et un autre est entré dans le coffre à bagages derriÚre nous.
Ali a suivi au volant de la Lexus, avec des hommes armés à ses cÎtés et derriÚre lui. La situation semblait mal engagée.
J'Ă©tais soulagĂ© que nous ayons quittĂ© Dahiya pour entrer dans une zone un peu plus peuplĂ©e, mais je me suis senti Ă nouveau trĂšs seul lorsque le vĂ©hicule a bifurquĂ© vers une entrĂ©e fermĂ©e gardĂ©e par plusieurs hommes portant ouvertement des armes, et s'est arrĂȘtĂ© sur un petit parking en face d'un bĂątiment banal en bĂ©ton.
Le porche d'entrée de ce bùtiment était protégé par une grille en fer forgé. Les portes d'entrée étant fermées, nous nous sommes retrouvés dans une véritable cellule avec Niels, Ali et moi sous ce porche et le portail verrouillé derriÚre nous. Le groupe d'hommes discutant de notre sort grossissait et était de plus en plus bruyante.
Au bout d'un moment, quelqu'un a ouvert la porte pour nous donner des bouteilles d'eau. Mais on nous a aussi demandé de retourner nous asseoir et de nous mettre face au mur. J'ai obéi pour la forme, trop désireux de voir ce qui se passait derriÚre nous.
Niels m'a dit plus tard qu'il pensait que je regardais ailleurs à cause des nombreuses éclaboussures de sang sur le mur, juste devant moi. Je dois dire que je ne les ai tout simplement pas remarquées. Je suppose que Niels avait bien observé, en dépit de ses origines scandinaves qui lui font tout voir en noir.
Finalement, quelqu'un est arrivé dans un autre véhicule, parlant trÚs bien anglais. Il est entré sous le porche et a demandé si l'un d'entre nous était déjà allé en Israël. Nous avons répondu par la négative. J'espérais pouvoir expliquer plus en détail qui nous étions, de quel cÎté nous étions et à quel point il était facile de le prouver, quand Ali s'est mis à parler avec fougue en arabe.
Notre interlocuteur s'est tourné vers Ali, qui semblait depuis quelque temps horrifié, et lui a posé plusieurs questions en arabe, auxquelles Ali a répondu avec sérieux. L'homme est ensuite parti. Cela n'a pas servi à grand-chose car Ali, à ma connaissance, ne savait rien sur Niels ni sur moi.
Peu de temps aprÚs, un sac a été apporté avec nos affaires, et il y eut une nouvelle agitation lorsque chaque objet a été identifié, enregistré et transféré dans un autre sac à dos. Nous avons ensuite été emmenés à l'extérieur et avons pris place à l'arriÚre d'un gros pick-up, à nouveau entourés d'hommes armés. Ali n'a pas suivi et on nous a pas dit ce qu'il était devenu.
Nous sommes retournés à Dahiya et, dans une rue déserte, on nous a conduits dans un parking souterrain. Cela nous a semblé particuliÚrement inquiétant. Un homme seul, apparemment non armé, nous attendait dans le parking. Les portes de la voiture ont été ouvertes, nous avons été emmenés et nos gardiens nous ont remis entre ses mains.
âNe vous inquiĂ©tez pasâ, a-t-il dit en anglais,âvous ĂȘtes en sĂ©curitĂ© maintenant. Je suis de la SĂ©curitĂ© gĂ©nĂ©rale. Nous sommes les services de sĂ©curitĂ© officiels du gouvernement libanais.â
Ayant une certaine expĂ©rience des services de sĂ©curitĂ© de l'Ătat dans le monde entier, je crains de ne pas avoir trouvĂ© cela aussi rĂ©confortant que souhaitĂ©. On nous a fait passer dans un couloir, oĂč nos biens ont Ă©tĂ© une fois de plus rĂ©emballĂ©s et inventoriĂ©s.
15 minutes plus tard, un autre véhicule est arrivé avec trois autres agents de la Sûreté générale, dont aucun ne parlait anglais. Mon sentiment de malaise s'est accentué lorsque Niels et moi avons été immédiatement menottés. Nous avons été placés à l'arriÚre d'une Toyota beaucoup plus chic, et sommes partis avec deux agents de la Sûreté générale à l'avant, et un autre entre nous.
Notre destination suivante était le QG de la Sûreté générale, manifestement un bùtiment gouvernemental. à notre arrivée, nos biens ont été à nouveau inventoriés et, cette fois, nous avons dû signer un reçu.
Ă ce stade, deux choses plutĂŽt alarmantes ont Ă©tĂ© mentionnĂ©es. La premiĂšre est que l'on nous a demandĂ© si nous prenions des mĂ©dicaments âau cas oĂč vous deviez ĂȘtre incarcĂ©rĂ©sâ. La seconde est que l'un des officiers m'a dit, sur un ton hostile,
âPourquoi soutenir les Palestiniens ? Si vous voulez soutenir les Palestiniens, pourquoi n'allez-vous pas les rejoindre Ă Gaza ?â
Cela m'a rappelé qu'au Liban, tous les membres du gouvernement ne sont pas forcément hostiles à Israël.
Il y a eu une nouvelle longue attente, sur des chaises défoncées dans un arriÚre-bureau miteux, sans que rien ne se passe pendant des heures. Finalement, un officier est arrivé avec un niveau d'anglais suffisant pour nous interroger, appréciation que je conteste.
Nous avons passĂ© ma vie en revue dans les moindres dĂ©tails. Ma date de naissance, mes parents, leurs dates de naissance, mes grands-parents, leurs dates de naissance, mes frĂšres et sĆurs, leurs dates de naissance, mes enfants, leurs dates de naissance, ma compagne, sa date de naissance. Nous avons Ă©galement passĂ© en revue mes Ă©tudes et tous les emplois que j'ai occupĂ©s, chaque Ă©tape prenant six fois plus de temps que si nous pouvions communiquer sans difficultĂ© dans la mĂȘme langue.
Ce qui n'a guÚre été abordé, c'est la véritable nature et les raisons de ma présence au Liban en général et à Dahiya en particulier. Mes efforts pour aborder ce sujet ont été tout simplement ignorés. Je ne crois pas que mon interlocuteur aurait compris mon explication selon laquelle je pensais que les permis avaient été demandés et accordés.
à un moment donné, mon interlocuteur m'a demandé :
âDahiya est trĂšs dangereux. Vous pouvez ĂȘtre tuĂ©. Pourquoi n'avez-vous pas peur ?â, et j'ai Ă©tĂ© ravi de redĂ©ployer la rĂ©plique âJe n'ai pas peur, je suis Ă©cossaisâ. Cette fois, j'ai obtenu un sourire et une rĂ©ponse en un mot : âBraveheart !â
Une fois que tout a Ă©tĂ© terminĂ©, Niels a Ă©tĂ© soumis Ă la mĂȘme procĂ©dure pendant que j'attendais.
Finalement, on nous a dit que nos passeports et nos affaires seraient confisquĂ©s. Nous allions devoir revenir quand on nous appellerait pour rencontrer le juge d'instruction du tribunal militaire. Entre-temps, nous allions ĂȘtre dĂ©tenus en prison ou autorisĂ©s Ă partir, selon la dĂ©cision du juge. Il fallait attendre.
Nous avons demandĂ© ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă Ali. On nous a dit qu'il Ă©tait en sĂ©curitĂ© chez lui avec sa famille, ce que nous avons mentalement classĂ© dans la catĂ©gorie âTant mieux si c'est vraiâ. L'attente de la dĂ©cision du juge a Ă©tĂ© longue et angoissante, et nous Ă©tions parfaitement conscients que le juge ne disposait que des informations fournies par quelqu'un qui n'avait compris que trĂšs peu de choses Ă ce que nous avions racontĂ©.
L'un aprĂšs l'autre, les agents de sĂ©curitĂ© sont rentrĂ©s chez eux, jusqu'Ă ce qu'il ne reste plus qu'un seul homme Ă cet Ă©tage du bĂątiment, qui s'est plaint de ne pas pouvoir rentrer chez lui tant que le juge n'aurait pas appelĂ©. Heureusement, vers 22 heures, le juge a appelĂ© et dĂ©clarĂ© que nous pouvions ĂȘtre libĂ©rĂ©s en attente d'un complĂ©ment d'enquĂȘte.
Niels et moi avons parcouru les trois kilomÚtres qui nous séparaient de notre hÎtel pour nous remettre les idées en place.
Je reconnais que je suis fautif. Je croyais que notre contact et Ali savait ce qu'ils faisait en sollicitant les autorisations. Je n'avais pas compris que notre contact n'était qu'un ami riche et bien intentionné de mon contact de Blackburn, et qu'il n'avait aucune expérience en la matiÚre.
Les grands médias ont tous recours à des intermédiaires, au tarif standard de 250 dollars par jour, pour obtenir les autorisations et négocier ce genre de choses. J'avais cru que c'était essentiellement le rÎle d'Ali. En fait, il s'agissait simplement de quelqu'un que notre organisateur avait chargé de nous emmener, qui semblait comprendre le systÚme mais qui, apparemment, ne le maßtrisait pas.
Comme je n'Ă©tais qu'un idiot en balade dans une zone de guerre oĂč de vĂ©ritables espions israĂ©liens ont rĂ©cemment Ă©tĂ© capturĂ©s, je n'ai pas Ă me plaindre du traitement que nous ont rĂ©servĂ© le Hezbollah et la SĂ©curitĂ© gĂ©nĂ©rale.
Cette situation engendre une certaine terreur psychologique qu'ils ont fait de leur mieux pour apaiser avec du café et de l'eau et en m'assurant que tout allait bien. à aucun moment, personne n'a pointé d'arme sur moi, personne n'a menacé de violence de quelque maniÚre que ce soit. La milice du Hezbollah est particuliÚrement disciplinée et professionnelle pour une force locale de volontaires.
Le problĂšme venait de la situation, pas des gens. Or, j'Ă©tais responsable de la situation.
On m'a alors averti de ne rien publier avant d'avoir obtenu toutes les accréditations nécessaires, à commencer par le ministÚre de l'Information. Nous ne pouvions pas demander d'accréditations tant que nous n'avions pas récupéré nos passeports. Il n'y avait donc plus rien à faire, si ce n'est attendre la décision du juge.
Ce qui Ă©tait alarmant, c'Ă©tait la disparition d'Ali et de notre organisateur. Le lendemain de cette aventure, nous avons Ă©tĂ© surpris de n'avoir aucune nouvelle de lâun ou de lâautre. Je l'ai contactĂ© par l'intermĂ©diaire de son bureau et sa secrĂ©taire m'a rĂ©pondu de ne pas m'inquiĂ©ter, que tout allait bien se passer.
J'ai ensuite reçu un message de mon ami à Blackburn m'enjoignant de ne plus contacter notre organisateur.
Grùce à de multiples relations, j'ai rapidement été en contact avec une pléthore de personnes au Liban, à qui j'ai demandé de l'aide et des conseils. La réponse unanime était qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que tout cela était parfaitement normal. Un journaliste libanais trÚs connu m'a envoyé un texto :
"La Sûreté générale, les tribunaux militaires - nous passons tous par là . Ne vous inquiétez pas, c'est normal ».
J'ai parlĂ© Ă un avocat qui m'a dit Ă peu prĂšs la mĂȘme chose, mais qui m'a aussi donnĂ© un conseil utile : si je ne pouvais pas publier d'articles journalistiques sans accrĂ©ditation, rien ne m'empĂȘchait d'ĂȘtre interviewĂ© par des journalistes accrĂ©ditĂ©s, en tant que personne bien connue Ă Beyrouth.
C'est ce que j'ai fait. J'ai particuliÚrement apprécié cette conversation avec Laith Marouth pour Wartime Café sur Free Palestine TV :
J'ai également rencontré Steve Sweeney de Russia Today. Il se peut que vous ne puissiez pas regarder cette émission au Royaume-Uni :
âRT s'est entretenu avec l'ancien diplomate britannique Craig Murray, qui s'est envolĂ© pour Beyrouth avec pour mission d'exposer la vĂ©ritĂ© sur les frappes meurtriĂšres d'IsraĂ«l sur des zones civilesâ pic.twitter.com/GUHofWbdcI
â RT (@RT_com) 2 novembre 2024
Nous avons également eu l'occasion de découvrir cette ville extraordinairement attachante qu'est Beyrouth. Les habitants de Beyrouth ont vécu une succession de guerres civiles, d'occupations, de résiliences et de désastres, et la cohésion interne est à la fois fragile et insaisissable.
Mais ce climat a suscité un instinct de survie. Lorsqu'Israël a ordonné l'évacuation du quartier majoritairement chiite de Dahiya et a commencé à le raser systématiquement, la majorité de ses habitants s'est simplement déplacée vers le nord de Beyrouth.
Sur les 1,4 million de personnes dĂ©placĂ©es, on estime que 400 000 sont parties, la moitiĂ© vers la Syrie ou l'Iran, l'autre moitiĂ© vers l'Europe et les Ătats-Unis. Sur le million restant de personnes dĂ©placĂ©es Ă l'intĂ©rieur du pays, la majoritĂ© est arrivĂ©e Ă Beyrouth. Le grand pĂŽle d'attraction est le quartier de Hamra. J'ai demandĂ© Ă un habitant pourquoi. Il m'a rĂ©pondu :
âTout le monde veut s'installer Ă Hamra. On y trouve des bars et des bordels, des Ă©glises et des mosquĂ©es. Tout le monde a toujours Ă©tĂ© le bienvenu Ă Hamra. Tout le monde y trouve refugeâ.
Il est vrai qu'il y a aujourd'hui énormément de monde et que la circulation est en permanence embouteillée. Un chauffeur de taxi a refusé de m'y accompagner pour ne pas rester coincé. Les véhicules sont garés en double ou triple file, parfois en plein carrefour.
Cette affluence me rappelle le festival d'Ădimbourg, la mauvaise humeur et les enterrements de vie de garçon qui vomissent en moins.
Nous en apprenons Ă©galement plus sur Dahiya. Une jeune femme, Yasmeena, travaille dans ce qui est bientĂŽt devenu un de ses restaurants prĂ©fĂ©rĂ©s. ĂgĂ©e d'une trentaine d'annĂ©es, elle s'habille Ă l'occidentale, ne porte ni voile ni foulard et Ă©lĂšve seule un enfant de sept ans. Pourtant, elle vivait heureuse et sans menace dans ce que les mĂ©dias occidentaux qualifient son quartier de âbastion du Hezbollahâ - jusqu'Ă ce qu'elle doive Ă©vacuer et que sa maison et ses biens soient complĂštement dĂ©truits, bombardĂ©s jusqu'Ă disparaĂźtre, comme elle nous l'a racontĂ© avec des larmes passagĂšres, vite dissipĂ©es par un sourire radieux.
Dahiya a été fondée aprÚs que l'invasion d'Israël en 1982 ait attiré un premier flot de réfugiés chiites du Sud, qui y ont trouvé un havre de vie au milieu des allées poussiéreuses et des champs cultivés. La ville s'est rapidement transformée en un pÎle commercial prospÚre et, comme dans toutes les zones de réfugiés du Moyen-Orient, y compris à Gaza, des logements de bonne qualité, des infrastructures viables, des soins de santé de qualité et, surtout, l'éducation ont été mis en place, au prix de ressources et d'efforts remarquables.
Les Israéliens tentent à présent de pulvériser toute la région, de maniÚre systématique, par une campagne de bombardement sans précédent qui, je pense, se poursuivra sans relùche pendant plus d'un an, comme dans la bande de Gaza.
Mais ce qui est intĂ©ressant Ă propos de Dahiya, tel que reprĂ©sentĂ© par Yasmeena et d'autres comme elle, c'est que ce quartier Ă©tait devenu un lieu de libertĂ© d'expression, avec une culture de cafĂ©s et une scĂšne artistique florissante. L'islam Ă©tait au centre de la communautĂ©, mais il n'Ă©tait imposĂ© Ă personne et mĂȘme les musulmans n'Ă©taient pas contraints de respecter des principes prĂ©cis, tandis que d'autres religions Ă©taient protĂ©gĂ©es.
Tyr est un autre exemple. Cette grande citĂ© antique est continuellement bombardĂ©e par IsraĂ«l, qui la considĂšre comme un autre foyer du Hezbollah, et le Hezbollah y exerce en effet un contrĂŽle politique fort. Pourtant, c'est aussi une ville oĂč tout le monde peut porter des maillots de bain sur de belles plages et oĂč l'alcool est en vente libre et peut ĂȘtre consommĂ© en public sans problĂšme.
En d'autres termes, le Hezbollah n'est pas du tout reprĂ©sentĂ© sur le terrain comme on l'a dĂ©peint en Occident, et sans lien avec l'Ătat islamique.
En fait, plus je reste au Liban, plus je me rends compte que la plupart des choses que je croyais savoir étaient fausses. J'espÚre que vous me suivrez dans ce voyage de découverte.
Six jours de plus se sont écoulés dans une relative inactivité, avec la frustration de ne pouvoir ni publier ni filmer quoi que ce soit. Les bombardements israéliens se sont intensifiés de jour comme de nuit. La destruction gratuite des régions du sud est effroyable, et les Israéliens commencent également à bombarder lourdement la vallée de la Bekaa, au nord-est de Beyrouth, massacrant les civils sans pitié. Des photos de nourrissons morts commencent à nouveau à inonder mon fil d'actualité.
Le mardi soir, neuf jours aprÚs notre arrivée, nous avons été abordés dans notre hÎtel par un homme de la sécurité générale, qui a remis à chacun d'entre nous une convocation à se présenter à nouveau à leur QG à 9 heures le lendemain. Il nous a dit que cette convocation avait pour but de récupérer nos passeports. Nous nous doutions que ce serait plus compliqué que cela, et nous avons essayé sans succÚs de trouver un avocat pour nous accompagner.
Le lendemain matin, nous nous sommes prĂ©sentĂ©s Ă 9 heures et, Ă notre grand dam, nous avons Ă©tĂ© reconduits Ă l'Ă©tage oĂč nous avions Ă©tĂ© dĂ©tenus l'avant-dernier jour. Nous avons Ă©tĂ© enfermĂ©s dans une salle d'attente sale avec un seul et unique banc en bois et un matelas sur le sol. Peu Ă peu, trois autres personnes nous ont rejoints, tous suspects.
Nous Ă©tions Ă nouveau prisonniers.
Nous avons parlĂ© Ă l'un d'entre eux, un jeune homme qui a Ă©tĂ© surpris, selon ses propres dires, en train de prendre des photos de sa maison et de sa communautĂ©, juste pour passer le temps. Il est revenu quatre fois pour ĂȘtre interrogĂ© et a passĂ© trois nuits en prison, qu'il a qualifiĂ©e d'âenferâ. Il a dĂ©clarĂ© que la nourriture Ă©tait immangeable, que les cellules Ă©taient surpeuplĂ©es et qu'il n'y avait nulle part oĂč dormir. Il a vu un homme hurler d'agonie et de terreur, victime d'une crise cardiaque, mais incapable de se faire entendre par les gardiens.
Rien de trĂšs rassurant.
Nous avons attendu dans cette piÚce jusqu'à 11 heures environ, lorsqu'un officier de la sécurité générale parlant un peu l'anglais est venu nous questionner. Nous ne l'avions pas vu auparavant.
Il s'est plaint que les officiers de la fois prĂ©cĂ©dente n'avaient rien fait et qu'il n'avait pas consultĂ© le dossier. Il a alors recommencĂ© toute la procĂ©dure : ma date de naissance, mes parents, leurs dates de naissance, mes grands-parents, leurs dates de naissance, mes frĂšres et sĆurs, leurs dates de naissance, mes enfants, leurs dates de naissance, ma compagne, sa date de naissance.
C'Ă©tait Ă hurler.
Il a sorti mes téléphones d'une grande enveloppe brune et m'a demandé qui était Eugenia. J'ai répondu que je n'en avais aucune idée, que je ne connaissais aucune Eugenia. Il m'a dit que j'avais une Eugenia dans mes contacts avec un numéro de téléphone israélien. J'ai répondu que non. Il m'a demandé d'allumer le téléphone et de regarder, mais je n'ai pas pu car il n'avait plus de batterie et pas de chargeur disponible.
Le deuxiÚme téléphone était chargé et nous avons pu vérifier qu'il ne contenait pas d'Eugenia. Au cours de ce processus, nous sommes tombés sur les messages que j'avais échangés avec notre organisateur au sujet d'Ali, de la voiture et de la date à laquelle les autorisations pour se rendre à Dahiya arriveraient. Ces messages étaient si clairs et montraient si clairement que la transgression était un malentendu qu'il a semblé se désintéresser de la question.
Il a suivi la mĂȘme procĂ©dure avec Niels et nous a demandĂ© si nous avions de l'argent pour payer nos vols de retour en Europe. Il est ensuite allĂ© âparler au jugeâ et est revenu au bout d'une demi-heure pour nous annoncer qu'il avait Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que nous Ă©tions sincĂšres et que nous pouvions rester, ce qui a semblĂ© le surprendre.
Il a dĂ©clarĂ© que ce n'Ă©tait dĂ©sormais plus qu'une question de temps, mais qu'il devait Ă©galement obtenir l'accord du âBig Bossâ de la SĂ©curitĂ© nationale pour nous laisser partir. Il nous a toutefois posĂ© de nombreuses autres questions, bien plus pointues et pertinentes que toutes celles qui nous avaient Ă©tĂ© posĂ©es jusque-lĂ , et a continuĂ© Ă noter nos rĂ©ponses sur un ordinateur portable - jusqu'Ă ce stade, le processus s'Ă©tait dĂ©roulĂ© entiĂšrement au stylo et sur papier.
Une fois de plus, c'Ă©tait une situation Ă©trange : nous Ă©tions apparemment trĂšs sympathiques - il a partagĂ© son sandwich avec moi - mais en mĂȘme temps, nous Ă©tions des prisonniers. On nous a rendu nos tĂ©lĂ©phones et nos passeports, et nous avons dĂ» signer un reçu, mais nous n'avons toujours pas Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă partir.
Nous avons ensuite dû signer trois fois un formulaire en arabe dans des cases imprimées, puis apposer trois fois l'empreinte de notre pouce sur ces cases. Nous avons demandé à quoi correspondait ce formulaire et on nous a dit qu'il s'agissait de notre libération. Nous avons eu beaucoup de mal à le croire - pourquoi devrions-nous signer et apposer l'empreinte de notre pouce en trois exemplaires pour obtenir notre libération ? Mais c'était peine perdue.
Au fur et Ă mesure que l'aprĂšs-midi avançait, l'officier a identifiĂ© pour nous les diffĂ©rentes marques de drones israĂ©liens qui tournaient au-dessus de nos tĂȘtes, ainsi que leurs caractĂ©ristiques. Puis les drones ont Ă©tĂ© suivis d'un grondement plus sourd, qu'il a qualifiĂ© d'avions Ă rĂ©action F35 venus pour bombarder. Si le QG de la sĂ©curitĂ© gĂ©nĂ©rale dispose d'un abri antiatomique, il l'ignorait, mais un groupe d'agents s'est rassemblĂ© pour regarder par la fenĂȘtre et il est clair qu'ils Ă©taient inquiets.
Ă 17 heures, les agents sont tous partis, Ă l'exception d'un seul, et nous ont dit que nous devions rester pour obtenir la dĂ©cision du âBig Bossâ concernant notre libĂ©ration. Soudain, la restitution de nos passeports et de nos tĂ©lĂ©phones nous a semblĂ© terriblement prĂ©maturĂ©e, et nous nous sommes interrogĂ©s sur ces formulaires triplement signĂ©s. Nous avons d'abord Ă©tĂ© enfermĂ©s dans la salle d'attente crasseuse, puis l'agent de service (qui ne parlait pas anglais) est venu et nous a conduits dans un bureau confortable, oĂč nous n'avons pas Ă©tĂ© enfermĂ©s.
Enfin, Ă 20 heures, le âBig Bossâ a appelĂ© l'agent de service pour lui dire que nous pouvions partir, et nous sommes sortis dans Beyrouth, libres, mais avec des drones israĂ©liens qui tournoyaient au-dessus de nos tĂȘtes et les frĂ©quences lancinantes des F35.
Nous Ă©tions maintenant impatients d'ĂȘtre accrĂ©ditĂ©s pour faire notre travail, et de pouvoir enfin faire ce pour quoi nous Ă©tions venus au Liban. Le lendemain matin, nous nous sommes donc rendus au bureau de presse du ministĂšre de l'Information, armĂ©s des accrĂ©ditations fournies par Consortium News.
J'y travaille depuis de nombreuses annĂ©es, mais, coĂŻncidence, je venais d'avoir le grand honneur d'ĂȘtre Ă©lu au conseil d'administration de Consortium News, en remplacement de mon ami le grand John Pilger.
Le chef de la salle de presse du ministÚre nous a regardés tristement et nous a dit qu'il était désolé, qu'ils ne pouvaient pas accepter les accréditations de Consortium News, car il ne s'agit que d'une publication en ligne. L'accréditation est strictement limitée à la presse écrite et à la télévision.
Il a envoyé à Niels un texte confirmant ce qui était nécessaire pour l'accréditation, à savoir un courriel du rédacteur en chef d'anciens médias contenant une lettre officielle d'accréditation et des copies de cartes de presse, de passeports et de visas.
Pour remuer le couteau dans la plaie, c'est à ce moment-là que l'équipe de journalistes du Wall Street Journal, journal sioniste appartenant à Murdoch, a débarqué. Ils ont bénéficié d'un traitement VIP.
La rĂ©glementation libanaise garantit que seuls les mĂ©dias sionistes historiques, appartenant Ă l'Ătat et aux milliardaires, peuvent ĂȘtre accrĂ©ditĂ©s, tandis que les mĂ©dias alternatifs antisionistes sont interdits d'accrĂ©ditation, et donc de publication.
à ce stade, on aurait pu nous pardonner d'abandonner, mais l'idée ne nous a pas effleuré l'esprit. Nous nous sommes immédiatement assis dans la salle de presse étrangÚre et avons commencé à envoyer des SMS à toutes les personnes susceptibles de nous aider.
Cette démarche s'est soldée par de nombreuses impasses, mais grùce à des amis à Rome, j'ai été présenté à Byoblu media, une chaßne alternative qui a obtenu le statut de télévision nationale en Italie, à la fois comme chaßne hertzienne et satellite.
Ils étaient disposés à fournir une accréditation et le rédacteur en chef disposé à franchir toutes les étapes bureaucratiques exigées par le Liban, en échange de reportages occasionnels, qu'ils devront faire doubler. Ils nous ont envoyé les maquettes des cartes de presse requises et nous les avons fait réaliser sur place.
Entre-temps, nous avions quitté l'hÎtel pour nous installer dans un AirBnB. Nous savions pas en fait si notre organisateur payait pour l'hÎtel (il ne nous avait pas facturé les services du mystérieux Ali), mais l'hÎtel a commencé à nous faire comprendre que ce n'était pas le cas. Les finances ont commencé à poser un réel problÚme, car nous n'avions plus aucun moyen de transport et il était évident qu'un interprÚte serait indispensable. Nous nous sommes installés dans un AirBnB confortable et avons commencé à nous organiser pour vivre moins cher.
Le lundi matin, nous Ă©tions de retour au ministĂšre de l'Information pour prĂ©senter nos nouvelles accrĂ©ditations Byoblu. Le responsable de l'accrĂ©ditation avait l'air sceptique, mais n'a rien trouvĂ© Ă redire sur Byoblu TV. Avant de partir, il a tĂ©lĂ©phonĂ© Ă quelqu'un et n'a cessĂ© de mentionner âByobluâ au cours d'une conversation animĂ©e en arabe.
Il nous a ensuite dit que la demande serait transmise Ă la SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale pour traitement. Je me suis alors imaginĂ© les officiers en train de lever les yeux au ciel et de crier : âEncore ces deux-lĂ !â
Nous sommes retournés au ministÚre le lendemain, comme convenu, préparés à une nouvelle déception. à notre grande surprise, nous avons reçu nos accréditations de presse immédiatement.
Nous devons en obtenir d'autres auprĂšs du ministĂšre de la DĂ©fense et des milices locales avant de pouvoir voyager, mais cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
Vous ĂȘtes maintenant au courant, et nous sommes prĂȘts Ă commencer le vrai reportage au Liban. C'est parti !
Nous avons prévu un programme sérieux de contenu écrit et vidéo à publier d'ici Noël, mais cela dépendra de nos finances.
Nous avons besoin de réunir un minimum absolu de soixante mille livres, et de préférence plus. Cette somme est destinée aux transports, à l'hébergement, à la logistique et au recrutement.
Nous sommes prĂȘts Ă risquer notre vie pour essayer de vous apporter la vĂ©ritĂ© ici et contrecarrer les mĂ©dias sionistes, mais cela nĂ©cessite un sacrifice de votre part, lecteurs et tĂ©lĂ©spectateurs, pour mettre en place les ressources nĂ©cessaires.
Les méthodes habituelles de soutien à mon travail sont disponibles. J'espÚre y ajouter demain les options Patreon et GoFundMe - mais le virement bancaire direct reste la meilleure solution, et elle est gratuite : Cliquer ici pour un don
https://www.craigmurray.org.uk/archives/2024/11/two-weeks-in-beirut/
Une vĂ©ritable aventure avant mĂȘme de commencer ! Et qui plus est pour un retraitĂ© !