👁🗨 Divergence de vues : La fracture américano-israélienne sur l'après-guerre à Gaza
Les Américains veulent la poursuite de la guerre mais à leur façon. La suite dépendra des tensions politiques entre Israël & USA, étroitement liées à la bataille de Gaza & aux autres fronts régionaux.
👁🗨 Divergence de vues : La fracture américano-israélienne sur l'après-guerre à Gaza
Par Hasan Illaik, le 15 décembre 2023
L'État d'occupation israélien a peut-être reçu la bénédiction et les livraisons d’armes infinies de Washington pour sa guerre génocidaire, mais de profonds désaccords sur le plan d'après-guerre pour Gaza et le sort politique des Palestiniens sont remontés à la surface.
les États-Unis veulent que la guerre se poursuive, mais à leur manière. La suite dépendra des tensions politiques entre Israël et les États-Unis, étroitement liées à la bataille de Gaza et à d'autres fronts régionaux.
Alors que l'État d'occupation reçoit la bénédiction et les armes de Washington pour sa guerre génocidaire, les obstacles politiques internes aux États-Unis et la dynamique militaire sur le terrain ont créé une fracture, influant à la fois les considérations stratégiques et le cours de la guerre à Gaza.
On considère la guerre actuelle d'Israël contre la bande de Gaza comme encouragée par les États-Unis, l'État d'occupation bénéficiant du soutien politique, économique et militaire de Washington lorsqu'il commet des actes de terrorisme d'État génocidaires à l'encontre des Palestiniens.
À plusieurs reprises, ces actions ont reçu l'approbation de l'administration Biden. Toutefois, des déclarations récentes illustrent le malaise croissant chez les Américains, suggérant que les actions d'Israël pourraient passer des limites de plus en plus difficile à justifier et à défendre.
Il convient toutefois de noter que le président Joe Biden a mis Israël en garde relativement tôt, dès le mois d'octobre, contre les “erreurs” commises par les États-Unis à la suite des événements du 11 septembre 2001, qui ont conduit à l'occupation de l'Afghanistan et à la plus longue guerre de l'histoire des États-Unis.
Approches divergentes & objectifs communs
M. Biden a exhorté le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à modifier la composition de son gouvernement extrémiste afin de faciliter la validation de la proposition américaine pour la phase d'après-guerre à Gaza. Cette proposition consiste à confier l'administration de la bande de Gaza, gouvernée par le Hamas, à l'Autorité palestinienne (AP) et à lancer un processus politique aboutissant à une “solution à deux États” théorique.
Les ministres dont M. Biden souhaite le retrait - le ministre du Trésor Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, ainsi que leurs associés - sont considérés à juste titre par les États-Unis comme des extrémistes et comme des obstacles à la mise en place d’une solution à deux États, largement oubliée.
Malgré les dernières déclarations de Joe Biden exhortant Israël à “être plus prudent”, notamment en épargnant les civils à Gaza tout en ciblant prétendument la résistance, rien n'indique qu'il y ait un différend majeur entre les États-Unis et Israël au sujet de la guerre en cours.
Washington reste activement impliqué dans le conflit, avec le déploiement de ses ressources militaires dans la région de l'Asie occidentale pour protéger Israël pendant qu’il commet ses crimes de guerre à Gaza.
Les États-Unis continuent de fournir aux forces d'occupation israéliennes les armes et les munitions nécessaires, témoignage de l’objectif commun avec Israël, mais d'une légère divergence dans l'approche adoptée pour atteindre cet objectif.
Hier, The Intercept a révélé que l'administration Biden avait déployé une “équipe de choc” d'experts pour accélérer la fourniture d'armes à Israël.
La diplomatie de Biden, et les ventes d'armes
Les problèmes sous-jacents entre les États-Unis et Israël s'articulent principalement autour de quatre facteurs. Premièrement, à l'approche des primaires présidentielles américaines, une partie considérable de la base du parti démocrate s'oppose au soutien de l'administration à la guerre israélienne contre Gaza.
Par conséquent, l'administration Biden entreprend une campagne de “diplomatie publique” pour se distancer des effets destructeurs de la guerre tout en maintenant son soutien aux ventes d'armes à Israël.
En bref, M. Biden veut dire qu'il n'approuve pas le meurtre de tant de civils dans la guerre contre Gaza, alors qu'il approuve la vente de 14 000 obus de chars à l'armée israélienne.
Deuxièmement, les États-Unis veulent s'assurer qu'Israël atteigne ses objectifs militaires à Gaza, mais les deux camps ne sont pas d'accord sur l'avenir politique de la bande. Les États-Unis veulent s'assurer que les objectifs d'après-guerre d'Israël correspondent à leurs intérêts. Alors que M. Netanyahou cherche à occuper toute la bande de Gaza et à établir une autorité civile alternative avec un financement régional, les États-Unis plaident pour une solution à deux États et s'opposent à l'exclusion de l'AP de l'administration du territoire.
Troisièmement, ce qui se passe dans la région, du Yémen au Liban en passant par l'Irak, a contribué à alimenter les craintes américaines d'une guerre plus étendue voire d'un “chaos régional généralisé”. Les tensions croissantes en Asie occidentale menacent de s'aggraver à tout moment. Les menaces américaines n'ont pas empêché les ennemis d'Israël d'augmenter le niveau des attaques utilisées dans leurs opérations militaires.
Washington pense que la diminution de l'intensité des campagnes aériennes et terrestres sur Gaza empêchera les ennemis régionaux d'Israël d'intensifier leurs attaques.
Ainsi, changer la forme actuelle de l’offensive israélienne et en réduire l'intensité permettrait à Israël de mener à bien sa mission dans le calme, avec le soutien des pays arabes “normalisateurs” et de la majorité des gouvernements dans le monde.
Quatrièmement, les États-Unis se méfient de la capacité d'Israël à remporter une victoire complète par le biais d'une opération militaire, ce qui les incite à chercher une voie politique pour atteindre des objectifs irréalisables sur le champ de bataille.
M. Netanyahou ne cache pas ses intentions d'occuper complètement la bande de Gaza. Son objectif est d'affamer la population pour pousser la résistance à se rendre, puis d'établir une “autorité civile” pour gérer le territoire en coordination avec l'armée d'occupation.
Les alliés d'Israël, tels que l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, sont censés financer cette autorité et contribuer à la reconstruction. Netanyahou a souligné à plusieurs reprises son refus de laisser l'Autorité palestinienne gérer la bande de Gaza.
Quant aux États-Unis, ils souhaitent que la fin de la guerre à Gaza ouvre la voie à un processus de négociation politique conformément à la “solution à deux États”.
La solution à deux Etats : de la poudre aux yeux
Le scénario idéal pour Washington prévoit une transition de la guerre vers une nouvelle phase au moment des élections primaires, et la fin des opérations militaires majeures. Cela ouvrirait la voie à un consensus régional et international sur la solution des deux États, conduisant à la cession de Gaza à l'Autorité palestinienne basée en Cisjordanie, avec des garanties de sécurité pour Israël.
Dans ce contexte, la pression exercée sur le Hamas et les autres factions de la résistance pour un respect des conditions du cessez-le-feu s'intensifierait, l'accent étant mis sur l'obstruction au processus de paix.
Il est donc impératif d'apporter des modifications à l'actuel gouvernement israélien pour progresser vers cet objectif. Cela suppose d'écarter les extrémistes religieux et d'extrême droite ouvertement opposés à la création d'un État palestinien et d'inclure des personnages avalisés par Washington pour leur engagement manifeste en faveur de cette solution.
Il est essentiel de bien distinguer l'apparence d'une “voie vers la solution à deux États”, et la “solution à deux États” elle-même. Les États-Unis visent un retour aux négociations plutôt que la création immédiate d'un État palestinien.
Le défi réside dans l'opposition historique de Netanyahou à une solution à deux États, rendant improbable sa volonté de se conformer pleinement aux exigences américaines.
La carrière politique de M. Netanyahou se caractérise par le rejet des accords d'Oslo et ses incitations à tuer Yitzhak Rabin, qui a signé les accords en 1993.
De plus, Netanyahou a affirmé il y a quelques mois, lors d'une session parlementaire à huis clos, qu'il ferait tout ce qui est nécessaire pour éradiquer l'idée d'un État palestinien du champ des possibles.
Il est donc peu probable que le Premier ministre israélien accepte toutes les exigences américaines. Son action politique, depuis la signature de l'accord sur le nucléaire iranien en 2005 jusqu'à aujourd'hui, nous montre qu'il est capable de continuer à gouverner, malgré de profonds désaccords avec l'administration américaine.
À un moment charnière de sa carrière, il n'est pas improbable que Netanyahou trouve dans cette divergence d'objectifs avec les États-Unis l'occasion de renforcer la droite israélienne pour faire face aux pressions visant à établir un État palestinien “sur la terre d'Israël”.
Naturellement, les personnalités politiques israéliennes populistes et d'extrême droite rejettent toute idée de solution à deux États, y compris la cession de la bande de Gaza à l'Autorité palestinienne.
Les États-Unis, cependant, restent déterminés dans leur vision de la phase d'après-guerre, apportant leur soutien à Israël sur le plan militaire et diplomatique, comme en témoignent les récentes livraisons d'obus de chars et le veto au Conseil de sécurité de l'ONU contre un cessez-le-feu immédiat.
Malgré le soutien apparent de l'opinion publique israélienne en faveur de la poursuite de la guerre, sa durée et son issue restent incertaines, avec des répercussions de plus en plus lourdes sur l'économie et la vie des soldats.
Le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, prévoit que la guerre contre le Hamas “durera plus que quelques mois” en raison des défis posés par l'infrastructure de la résistance à Gaza - malgré les perspectives divergentes entre les États-Unis et Israël sur la durée et la nature de la guerre.
Contrairement à ce que déclarent les Américains, tous les indicateurs suggèrent que la guerre va se prolonger, quelle que soit sa forme. Il est probable que Washington soit en mesure d'imposer un changement dans la forme de la guerre dans les semaines à venir.
Là encore, les facteurs susceptibles de faire évoluer la réalité et de pousser Israël et les États-Unis à mettre un terme à la guerre et à tenter de vaincre le Hamas par le blocus, la famine et le refus de la reconstruction sont les suivants :
Premièrement, la résilience de la résistance et les pertes qui peuvent être infligées à l'armée d'occupation avec des dizaines de soldats tués et des milliers de soldats blessés mis hors d'état de nuire. Dans ce cas, l'armée d'occupation peut faire pression sur ses dirigeants politiques pour qu'ils reviennent sur les objectifs élevés qu'ils s'étaient fixés pour la guerre. Même si le nombre de soldats tués est relativement faible, le nombre de soldats retirés du service pour cause de blessures constitue une limite insurmontable.
Deuxièmement, la poursuite des opérations de l'Axe de la résistance au Yémen, au Liban et en Irak obligera également les États-Unis à réduire leurs objectifs de guerre, à réclamer un cessez-le-feu et à lever le siège de Gaza. Ce dernier point, à savoir la levée du blocus, a été placé par Ansarallah au Yémen au premier rang des exigences à satisfaire pour mettre fin aux opérations contre les navires israéliens se dirigeant vers les ports israéliens depuis l'Asie de l'Est ou vice-versa.
En conclusion, les États-Unis veulent que la guerre se poursuive, mais à leur manière. La suite dépendra des tensions politiques entre Israël et les États-Unis, étroitement liées à la bataille de Gaza et à d'autres fronts régionaux.
https://new.thecradle.co/articles/diverging-paths-the-us-israel-divide-over-post-war-gaza