đâđš El Pais: Les mĂ©dias auteurs de la co-publication du Cablegate de Wikileaks appellent les Ătats-Unis Ă en finir avec les poursuites contre Assange.
Le Cablegate: aujourd'hui encore, en 2022, journalistes et historiens continuent de publier de nouvelles révélations, en s'appuyant sur ce trésor de documents unique.
đâđš Les mĂ©dias auteurs de la co-publication du Cablegate de Wikileaks appellent les Etats-Unis Ă en finir avec les poursuites contre Assange.
đ° Par Rafa de Miguel Ă London, le 28 novembre 2022
Le New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel et EL PAĂS avertissent que cette affaire menace la libertĂ© de la presse.
Les rĂ©dacteurs et Ă©diteurs des mĂ©dias qui publiaient autrefois les informations les plus pertinentes de WikiLeaks, le site web promu par Julian Assange, ont, dans une lettre ouverte adressĂ©e au gouvernement amĂ©ricain, demandĂ© la fin de la persĂ©cution qui maintient le journaliste le plus cĂ©lĂšbre de l'histoire rĂ©cente en dĂ©tention depuis une dĂ©cennie. Le New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel et EL PAĂS prĂ©viennent que l'inculpation d'Assange constitue "un dangereux prĂ©cĂ©dent" qui risque de porter atteinte Ă la libertĂ© de la presse.
La ministre britannique de l'intĂ©rieur du gouvernement de Boris Johnson, Priti Patel, a finalement approuvĂ© le 17 juin l'extradition du fondateur de WikiLeaks vers les Ătats-Unis pour qu'il soit jugĂ© par la justice amĂ©ricaine. Cette dĂ©cision a marquĂ© le dĂ©but de la derniĂšre sĂ©rie de recours devant les tribunaux britanniques, par lesquels les avocats d'Assange devaient tenter d'empĂȘcher son extradition. Les autoritĂ©s amĂ©ricaines accusent l'activiste australien de 18 infractions, dont l'espionnage, en rapport avec la publication par WikiLeaks d'informations classifiĂ©es, de dossiers militaires et de cĂąbles diplomatiques qui, selon Washington, ont mis des vies en danger.
"AprĂšs examen par la Magistrates' Court et la High Court, l'extradition de Julian Assange vers les Ătats-Unis a Ă©tĂ© ordonnĂ©e. Assange conserve le droit normal de faire appel dans les 14 jours", avait alors dĂ©clarĂ© le ministĂšre de l'IntĂ©rieur dans un communiquĂ©. Downing Street a dĂ©cidĂ© de collaborer avec Washington, plus soucieux de prĂ©server sa "relation spĂ©ciale" avec les Ătats-Unis que de protĂ©ger l'avenir d'Assange.
La dĂ©cision de M. Patel ne marque pas la fin de la bataille juridique de l'Australien, aprĂšs plus d'une dĂ©cennie de procĂ©dures. Son Ă©quipe d'avocats a dĂ©posĂ© un recours auprĂšs de la Haute Cour de Londres, qui doit donner son accord. En fin de compte, ils peuvent chercher Ă porter leur affaire devant la Cour suprĂȘme du Royaume-Uni. Mais si l'appel est rejetĂ©, Assange doit ĂȘtre extradĂ© dans les 28 jours.
M. Assange a été condamné à prÚs d'un an de prison par la justice britannique pour n'avoir pas respecté les conditions de sa libération sous caution en 2012. Les autorités suédoises avaient exigé la remise du fugitif, qui est accusé de plusieurs chefs d'accusation d'abus sexuel à l'encontre de deux femmes ayant collaboré à un événement organisé par WikiLeaks à Stockholm deux ans plus tÎt. Le journaliste a obtenu la protection diplomatique du gouvernement équatorien, alors présidé par Rafael Correa, et a été détenu pendant sept ans dans les locaux de l'ambassade à Londres.
Le gouvernement Ă©quatorien, alors prĂ©sidĂ© par LenĂn Moreno, a dĂ©cidĂ© de rompre les liens avec le fugitif et l'a remis au gouvernement britannique en avril 2019. Ils l'accusent d'avoir abusĂ© de leur hospitalitĂ© et de s'ĂȘtre immiscĂ© dans les activitĂ©s d'autres Ătats depuis son emprisonnement. En mars de cette annĂ©e, Assange a Ă©pousĂ© l'avocate sud-africaine Stella Moris Ă la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh. Le couple a secrĂštement eu deux enfants pendant les sept annĂ©es oĂč Assange a Ă©tĂ© dĂ©tenu Ă l'ambassade d'Ăquateur Ă Londres.
APPEL Ă LA LIBĂRATION DâASSANGE / Texte intĂ©gral
đâđš Le gouvernement amĂ©ricain doit abandonner les poursuites contre Julian Assange
Le journalisme n'est pas un crime
Le gouvernement américain doit abandonner les poursuites contre Julian Assange pour la publication de documents secrets.
Il y a douze ans aujourd'hui, le 28 novembre 2010, nos cinq rédactions, en collaboration avec WikiLeaks, publiaient une série de révélations qui ont fait la une des journaux du monde entier. Le Cablegate, une collection de 251.000 messages confidentiels du Département d'Etat américain, exposaient la corruption, les scandales diplomatiques et les affaires d'espionnage d'envergure internationale. Selon les termes du "New York Times", les documents
"montraient sans fard comment le gouvernement américain prenait ses décisions les plus importantes, décisions qui coûtaient au pays de nombreuses vies et beaucoup d'argent".
Et aujourd'hui encore, des journalistes et des historiens publient de nouvelles révélations basées sur ce trésor documentaire unique.
Pour Julian Assange, l'Ă©diteur de WikiLeaks, ces publications et autres fuites associĂ©es ont toutefois eu de graves consĂ©quences. Le 12 avril 2019, Assange a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© Ă Londres sur la base d'un mandat d'arrĂȘt amĂ©ricain. Il est incarcĂ©rĂ© depuis prĂšs de trois ans et demi dans une prison britannique de haute sĂ©curitĂ©, oĂč sont habituellement enfermĂ©s les terroristes ou les membres du crime organisĂ©. Il risque d'ĂȘtre extradĂ© vers les Etats-Unis et de passer jusqu'Ă 175 ans dans une prison amĂ©ricaine de haute sĂ©curitĂ©.
Nos rédactions, qui collaboraient alors avec WikiLeaks, ont décidé en 2011 de critiquer (1) publiquement le comportement d'Assange lorsque les documents ont été rendus publics dans leur version originale, sans traitement journalistique. Et certains d'entre nous ont pris connaissance avec inquiétude des accusations contenues dans l'acte d'accusation, selon lesquelles Assange aurait aidé à hacker un ordinateur donnant accÚs à une base de données secrÚte. Mais aujourd'hui, nous nous exprimons ensemble parce que nous sommes profondément préoccupés par le fait que Julian Assange soit toujours poursuivi pour avoir obtenu et publié des documents secrets.
Le gouvernement de Barack Obama et Joe Biden, en place lors des publications de WikiLeaks en 2010, avait refusĂ© d'inculper Assange, car les journalistes des grands mĂ©dias auraient alors Ă©galement dĂ» ĂȘtre poursuivis. Son apprĂ©ciation de la libertĂ© de la presse a prĂ©valu, mĂȘme dans un cas oĂč les consĂ©quences Ă©taient douloureuses. Sous Donald Trump, cette attitude a toutefois changĂ©. Le ministĂšre amĂ©ricain de la Justice a utilisĂ© la vieille loi anti-espionnage de 1917, autrefois conçue pour condamner les espions pendant la PremiĂšre Guerre mondiale. Elle n'avait jamais Ă©tĂ© utilisĂ©e auparavant pour traduire en jus*tice un Ă©diteur ou un journaliste.
L'inculpation d'Assange constitue un dangereux précédent et une attaque contre la liberté de la presse.
L'une des tĂąches principales des journalistes dans les pays dĂ©mocratiques est de critiquer les malversations des gouvernements. Se procurer des informations sensibles et les publier lorsque cela est dans l'intĂ©rĂȘt public fait partie de notre travail quotidien. Criminaliser ce travail, c'est affaiblir le discours public, et donc la dĂ©mocratie.
Douze ans aprÚs le Cablegate, il est temps pour le gouvernement américain de mettre fin aux poursuites contre Julian Assange pour avoir publié des documents secrets. Car le journalisme n'est pas un crime.
Les rédacteurs en chef et éditeurs de :
"The New York Times", "The Guardian", "Le Monde", "Der Spiegel", et "El PaĂs"
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(1) Il est intĂ©ressant de noter que les rĂ©serves Ă©mises par les 5 rĂ©dactions quant aux publications dans leur forme originale, sans rectifications dites de "caviardage", qui consistent Ă supprimer les noms de personnes susceptibles d'ĂȘtre mises en danger, sont prĂ©cisĂ©ment imputables Ă deux journalistes du Guardian - Luke Harding & David Leigh - qui ont publiĂ© en tĂȘte de chapitre un mot de passe de Wikileaks confiĂ© par Assange, donnant accĂšs aux documents non expurgĂ©s.
* Rafa de Miguel est le correspondant d'EL PAĂS pour le Royaume-Uni et l'Irlande. Il a Ă©tĂ© le premier correspondant de CNN+ aux Ătats-Unis, oĂč il a couvert le 11 septembre. Il a dirigĂ© les services d'information de SER, a Ă©tĂ© rĂ©dacteur en chef d'Espagne et directeur adjoint d'EL PAĂS. Il est titulaire d'un diplĂŽme en droit et d'une maĂźtrise en journalisme de l'Ă©cole EL PAĂS/UNAM.