👁🗨 Elon Musk contre le paternalisme numérique
Aujourd'hui, dans un monde où l’on bâillonne Julian Assange & rétablit la censure préalable, défendre la liberté d’expression est devenu quelque chose d’exotique.
👁🗨 Elon Musk contre le paternalisme numérique
📰 Par Frédéric Mas, le 8 novembre 2022
Il est temps de voir renaître la liberté comme principe, en Occident comme ailleurs.
En affichant son attachement à la liberté d’expression, Elon Musk a réveillé tous les censeurs progressistes et les régulateurs étatistes ou para-étatistes qui estiment que les médias doivent demeurer leur chasse gardée, préservée d’un grand public toujours perçu comme une menace.
Depuis le rachat chaotique de Twitter, régulateurs, politiciens et influenceurs se bousculent dans les médias pour mettre en garde contre le « dangereux libertarien » Elon Musk qui menace l’ordre moral numérique des élites progressistes.
Les nouveaux modérateurs de Twitter
En Allemagne, le SPD d’Olaf Scholz a déclaré vouloir un encadrement plus strict de Twitter suite à sa reprise par Musk.
Samedi dernier, c’était au tour du haut-commissaire aux droits de l’Homme Volker Turk de s’inquiéter de la reprise de Twitter par Elon Musk, cette fois-ci au nom des «droits humains»:
« Je vous demande instamment de faire en sorte que les droits humains soient au centre du management de Twitter sous votre direction ».
Son inquiétude porte notamment sur le rôle central de Twitter dans ce qu’il désigne par la « place publique numérique (sic) ».
Le jour précédent, Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, recadrait paternellement Elon Musk sur ses velléités «libertariennes» dans le domaine de la liberté d’expression (en lui donnant au passage quelques conseils business…) : en Europe, la modération de Twitter devra se conforter aux règles communes de l’Union, beaucoup plus restrictives que celles défendues en Amérique du Nord.
Tout le monde a en effet les yeux fixés sur la nouvelle politique de modération d’Elon Musk et s’agace de la liberté de ton, à la limite de la frivolité, du nouveau boss de Twitter. Tout indique, autant pour des questions de convictions personnelles que pour des raisons économiques, que tout va changer radicalement : fini le safe space pour les cinquante nuances de gauchisme woke, bonjour le pluralisme idéologique élargi.
Fini les bots, bienvenue à la certification payante pour éviter le trolling intempestif. Bien entendu, ce ne sont encore que des promesses, mais l’effet d’annonce de Musk a aussi agi comme un révélateur des intentions liberticides de ses concurrents et de ses ennemis. Ou de ses «nouveaux amis», c’est-à-dire ceux qui proposent de cogérer son entreprise pour lui faire retrouver le droit chemin du cléricalisme idéologique progressiste, pour reprendre une expression imagée de Joel Kotkin1.
Conservatisme numérique
Si Elon Musk concentre aujourd’hui toutes les attaques sur lui, c’est qu’il est en train de dissocier Twitter du bloc clérical progressiste qui impose son point de vue sur tous les sujets dominants en Occident.
Sur la classe médiatique, la liberté individuelle, la crise sanitaire ou la crise en Ukraine, son point de vue choque et détonne. Et le fait que cette liberté de ton déplait aux élites technocratiques au point de vouloir la voir disparaître nous donne une bonne indication sur le degré d’illibéralisme qui pétrifie nos démocraties «libérales» en oligarchies bureaucratiques.
Rappelons une nouvelle fois l’évidence pour pointer la dérive liberticide d’aujourd’hui: Elon Musk n’est pas libertarien, même si, selon Jeffrey Tucker, il semble s’être radicalisé avec les confinements.
Il ne voit pas l’État comme un ennemi mortel, et n’a jamais vraiment craché sur les subventions quand il s’agissait de construire ses Tesla ou quand il s’agit de collaborer avec l’État américain via SpaceX.
Son seul crime est d’être un «absolutiste» de la liberté d’expression, ce qui faisait partie, il y a encore quelques années, du patrimoine politique commun, des libéraux classiques à la gauche démocratique, en passant bien entendu par les libertariens. Aujourd’hui, dans un monde où l’on bâillonne Julian Assange et on rétablit la censure préalable, défendre la liberté d’expression est devenu quelque chose d’exotique. Il est temps de voir renaître la liberté comme principe, en Occident comme ailleurs.
Joel Kotkin, The Coming of Neo-Feudalism: A Warning to the Global Middle Class, 2020.
https://www.contrepoints.org/2022/11/08/442541-elon-musk-contre-le-paternalisme-numerique