đâđš En normalisant ses relations avec IsraĂ«l, la Syrie se rend complice de gĂ©nocide
La normalisation Damas/Tel-Aviv a dĂ©truit une nation stable, permettant Ă IsraĂ«l dâoccuper le territoire & porte un coup Ă la rĂ©sistance palestinienne. Arrive un stade oĂč la rĂ©alitĂ© ne sâescamote plus
đâđš En normalisant ses relations avec IsraĂ«l, la Syrie se rend complice de gĂ©nocide
Par Robert Inlakesh, le 27 juin 2025
Comme cela a toujours Ă©tĂ© le cas, la Palestine est le test dĂ©cisif, et Damas a jusquâĂ prĂ©sent Ă©chouĂ© de façon spectaculaire.
Les médias israéliens rapportent désormais que des pourparlers déjà avancés sont en cours entre les dirigeants de Damas et de Tel-Aviv en vue de conclure un accord de normalisation, qui, selon l'administration Trump, pourrait également s'étendre à d'autres nations arabes. Compte tenu de l'issue de la guerre contre l'Iran, ce serait la victoire idéale pour Israël.
Le prĂ©sident syrien, Ahmed al-Shara'a, a ouvertement admis nĂ©gocier avec les IsraĂ©liens sur des questions de âsĂ©curitĂ©â et, depuis les premiers jours de sa prise du pouvoir, les membres dirigeants de son gouvernement ont non seulement fait allusion Ă une normalisation, mais, Ă lâinstar du nouveau maire de Damas, Maher Marwan, l'ont explicitement rĂ©clamĂ©e.
Au fil des mois, nous avons appris qu'IsraĂ«l et la Syrie ont engagĂ© une sĂ©rie de nĂ©gociations, dont au moins une sans intermĂ©diaires, les deux dĂ©lĂ©gations ayant dĂźnĂ© Ă la mĂȘme table. En outre, des journalistes israĂ©liens, auparavant interdits de territoire syrien, ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă transmettre depuis Damas.
Dans l'un des cas, un journaliste israélien a filmé un documentaire à l'aide des nouvelles forces de sécurité syriennes, qui lui ont fait visiter des sites militaires israéliens, lui ont montré des documents autrefois classifiés et l'ambassade iranienne abandonnée.
SANA, l'agence de presse officielle syrienne, a mĂȘme ouvert un site web en hĂ©breu. Alors que presque tous les pays de la rĂ©gion ont condamnĂ© la rĂ©cente attaque surprise d'IsraĂ«l contre l'Iran, la Syrie a gardĂ© le silence et n'a mĂȘme pas protestĂ© auprĂšs des Nations unies contre le recours Ă son espace aĂ©rien pour lancer des frappes contre les Iraniens.
Lorsque TĂ©hĂ©ran a ripostĂ© contre la base aĂ©rienne amĂ©ricaine d'al-Ubeid au Qatar, Damas l'a mĂȘme immĂ©diatement condamnĂ©. Plus accablants encore sont les rapports publiĂ©s dans les mĂ©dias israĂ©liens, notamment sur la chaĂźne hĂ©braĂŻque Channel 12, qui relate que des responsables syriens auraient approuvĂ© l'utilisation de leur espace aĂ©rien pour attaquer l'Iran.
Jeudi, presque tous les mĂ©dias israĂ©liens ont rapportĂ© que les pourparlers entre la Syrie et IsraĂ«l en sont Ă un stade avancĂ©. Yediot Aharonot a mĂȘme rapportĂ©, citant ses sources, que l'accord de normalisation sur la table comprendrait la reconnaissance officielle par la Syrie de la souverainetĂ© israĂ©lienne sur le plateau du Golan sous occupation illĂ©gale.
à titre indicatif, sous le précédent régime syrien de Bachar al-Assad, la communication et la collaboration directes avec Israël constituaient un délit passible de la peine de mort. C'est dire à quel point la politique a changé en Syrie sous Ahmed al-Shara'a.
Il est particuliÚrement choquant que ce revirement pro-israélien intervienne alors qu'Israël continue de conquérir davantage de terres syriennes, d'occuper des réserves d'eau vitales, de construire des bases militaires et de procéder au nettoyage ethnique de villages dans le sud.
Alors que les Syriens locaux ont affrontĂ© les forces d'occupation avec des pierres et, dans certains cas, ont ouvert le feu sur des convois militaires israĂ©liens, un groupe ayant mĂȘme lancĂ© des roquettes sur le plateau du Golan, les appels Ă la riposte lancĂ©s Ă Damas ont Ă©tĂ© ignorĂ©s. En fait, les nouvelles forces de sĂ©curitĂ© syriennes ont tentĂ© de saisir les armes des Syriens dans des localitĂ©s comme Deraa et les ont mĂȘme combattus.
Toutes ces informations clarifient la position de l'actuel gouvernement de Damas, qui a Ă©galement arrĂȘtĂ© des dirigeants palestiniens clĂ©s et rĂ©primĂ© les mouvements de rĂ©sistance Ă l'intĂ©rieur du pays.
MĂȘme des membres du parti au pouvoir, comme Shamel al-Ghazi, qui prĂŽnait la reconquĂȘte de JĂ©rusalem occupĂ©e par les armes, ont Ă©tĂ© rĂ©primĂ©s, tout comme ceux qui collectaient des fonds pour Gaza.
Ce qui fait de la Syrie le candidat le plus disposĂ© Ă signer les soi-disant âaccords d'Abrahamâ de Donald Trump, plus encore que l'Arabie saoudite ou le Liban.
Si les dirigeants libanais actuels sont certes redevables aux Ătats-Unis, le Hezbollah et le mouvement Amal n'accepteront jamais d'envisager la normalisation, prĂ©fĂ©rant entrer en guerre plutĂŽt que de tolĂ©rer de mettre en Ćuvre une telle initiative.
Riyad, en revanche, pourrait signer un accord s'il obtient des âgarantiesâ concernant un Ătat palestinien, conditionnant la normalisation Ă la crĂ©ation d'un Ătat palestinien. Toute discussion Ă ce sujet passe toutefois par un cessez-le-feu Ă Gaza.
Revenons Ă la Syrie. Celle-ci n'a rien Ă gagner Ă normaliser ses relations avec IsraĂ«l sacrifiant l'Ăąme mĂȘme de la nation. Une telle initiative reprĂ©senterait un cadeau Ă IsraĂ«l, lui permettant de sauver la face aprĂšs avoir Ă©chouĂ© Ă atteindre ses objectifs durant sa âguerre de 12 joursâ avec la RĂ©publique islamique.
La nouvelle Syrie cesserait donc d'ĂȘtre la Syrie si elle signait un accord de normalisation avec IsraĂ«l en cĂ©dant le plateau du Golan.
Le Premier ministre israĂ©lien, Benjamin Netanyahu, a clairement signalĂ© qu'il ne permettra jamais Ă la Syrie de disposer d'une puissance militaire significative et a ĆuvrĂ© sans relĂąche pour dĂ©truire tout ce qui subsiste de ses capacitĂ©s aprĂšs la chute du prĂ©cĂ©dent rĂ©gime.
Cette potentielle victoire pour les IsraĂ©liens rendrait mĂȘme le gouvernement d'Ahmed al-Shara'a complice du gĂ©nocide.
Certains soutiens du gouvernement syrien, incapables de présenter la moindre preuve d'avantages tangibles de cette normalisation, ont fait valoir que leur peuple est fatigué et souhaite simplement mettre fin à tous les conflits.
Rien n'indique que la Syrie pourrait connaĂźtre un rebond Ă©conomique soudain en cas de normalisation avec IsraĂ«l, d'autant que la Jordanie et l'Ăgypte continuent de s'embourber dans la mĂȘme voie.
Le Soudan, qui a signalĂ© sa volontĂ© de signer les âaccords d'Abrahamâ, a Ă©tĂ© retirĂ© de la liste amĂ©ricaine des pays soutenant le terrorisme, les sanctions ont Ă©tĂ© levĂ©es, ses dettes ont Ă©tĂ© effacĂ©es et il a mĂȘme reçu de l'aide, mais a toutefois rapidement sombrĂ© dans une violente guerre civile, oĂč les IsraĂ©liens ont tentĂ© de jouer sur tous les tableaux.
MĂȘme si la Syrie se relevait Ă©conomiquement, lâargument va Ă l'encontre de l'objectif dĂ©clarĂ© de la rĂ©volution que Hayat Tahrir al-Sham prĂ©tend avoir remportĂ©e au nom du peuple syrien. Si l'objectif est censĂ© assurer la stabilitĂ©, il faut prĂ©ciser que la Syrie n'avait pas de dette extĂ©rieure, disposait de certaines des meilleures universitĂ©s d'Asie occidentale et Ă©tait un pays globalement prospĂšre sur le plan Ă©conomique avant 2011. Sinon qu'Ă l'Ă©poque, elle n'avait pas normalisĂ© ses relations avec IsraĂ«l et soutenait au contraire la rĂ©sistance palestinienne.
Par consĂ©quent, la normalisation des relations avec IsraĂ«l Ă©quivaut Ă la dĂ©faite totale de la nation syrienne. La Syrie est divisĂ©e, dirigĂ©e par une multitude de gangs et de clans dans diffĂ©rents secteurs du pays, a dissous son armĂ©e et ses forces de sĂ©curitĂ©, les remplaçant par des milices inexpĂ©rimentĂ©es â dont une grande partie se caractĂ©rise par le sectarisme et l'intolĂ©rance envers la population multiethnique du pays â alors qu'elle capitule et sacrifie son territoire au principal ennemi de la rĂ©gion.
Pendant ce temps, l'Iran, dont les dirigeants syriens prétendent qu'il est l'ennemi des musulmans sunnites, continue de soutenir la résistance palestinienne. Ahmed al-Shara'a, quant à lui, collabore avec les Israéliens qui commettent un génocide contre une population presque entiÚrement sunnite à Gaza.
Par consĂ©quent, dans le cadre d'un accord de normalisation, le nouveau gouvernement syrien se rend complice d'un gĂ©nocide sunnite, mĂȘme si personne ne le formule ainsi, car les Palestiniens sont tuĂ©s en raison de leur nationalitĂ© et de leur appartenance ethnique, et non de leur religion.
Comme toujours, la Palestine est le test dĂ©cisif, et Damas a jusqu'Ă prĂ©sent Ă©chouĂ© de maniĂšre spectaculaire. Alors qu'Ahmed al-Shara'a Ă©voque la tyrannie de l'Iran et que ses hommes dĂ©plorent une prĂ©tendue âconspiration chiiteâ, les deux seuls pays qui ont combattu IsraĂ«l et continuĂ© Ă soutenir la rĂ©sistance palestinienne sont le YĂ©men et l'Iran.
Tout cela est bien entendu controversĂ©, mais c'est la rĂ©alitĂ©. Pour la mĂȘme raison que les anti-impĂ©rialistes se sont opposĂ©s au changement de rĂ©gime en Irak, malgrĂ© les horreurs commises par Saddam Hussein, ils se sont opposĂ©s au changement de rĂ©gime en Syrie.
Une majorité d'entre eux détestaient fortement Bachar al-Assad, mais ont compris la manoeuvre et pourquoi Israël a versé des sommes colossales à au moins une douzaine de groupes d'opposition syriens.
Israël a également armé, fourni un soutien médical et financé Jabhat al-Nusra depuis environ 2013, dirigé par Ahmed al-Shara'a, devenu plus tard Hayat Tahrir al-Sham qui gouverne aujourd'hui Damas. Si la Syrie normalise ses relations avec Israël, les anti-impérialistes auront eu raison.
Qu'il s'agisse des opposants à Mouammar Kadhafi en Libye, de l'opposition à Saddam Hussein ou de l'opposition à Bachar al-Assad, l'histoire se reproduit. Il semble que la région ait la mémoire courte et que les vidéos d'Irakiens défilant dans les rues de Bagdad, s'asseyant sur la statue de Saddam Hussein et brandissant des drapeaux américains aient été gommés de la mémoire collective.
Aujourd'hui, d'innombrables Iraniens soutiennent un changement de rĂ©gime, approuvent le fils du Shah dĂ©chu d'Iran, affirmant que l'instauration d'une monarchie apportera la dĂ©mocratie, les droits des femmes et la libertĂ©. Mais bon nombre des groupes iraniens Ćuvrant au changement de rĂ©gime Ă TĂ©hĂ©ran sont financĂ©s par IsraĂ«l et ses alliĂ©s occidentaux.
Ceux qui ont soutenu ou soutiennent encore le changement de régime dans leur propre pays ont tous invoqué des griefs légitimes à l'encontre des gouvernements en place, mais ont été aveuglés par la haine et tombent dans le piÚge des complots qui détruisent leur pays, encore et encore.
Peu importe ce quâon pense de ces gouvernements, la dure rĂ©alitĂ© est qu'IsraĂ«l, le Royaume-Uni, l'Union europĂ©enne et les Ătats-Unis ont cherchĂ© Ă les dĂ©truire afin de les priver de leur souverainetĂ© et de leur puissance militaire. Pourquoi ? Parce que ces gouvernements ont apportĂ© leur soutien aux Palestiniens ou aux groupes qui rĂ©sistent Ă IsraĂ«l, et qu'ils menacent l'hĂ©gĂ©monie occidentale.
La normalisation entre Damas et Tel-Aviv a coĂ»tĂ© la vie Ă des centaines de milliers de personnes et dĂ©truit une nation stable, tandis que les groupes ethniques et religieux se sont retournĂ©s les uns contre les autres, tout cela pour qu'IsraĂ«l puisse s'accaparer davantage de territoire et porter un coup Ă la rĂ©sistance palestinienne. Arrive un stade oĂč la rĂ©alitĂ© ne sâescamote plus.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Robert Inlakesh est journaliste, écrivain et réalisateur de documentaires. Il s'intéresse particuliÚrement au Moyen-Orient, et plus particuliÚrement à la Palestine. Il a contribué à cet article pour The Palestine Chronicle.