👁🗨 Enfin le jour J : Assange obtient une audience, sans doute la dernière occasion de bloquer l'extradition
Le tribunal pourrait attendre fin 2024 pour rejeter l'appel avant d'extrader. Ce qui arrangerait bien Biden &Trump en pleine course électorale, mais pas Assange si la détention à Belmarsh se prolonge.
👁🗨 Enfin le jour J : Assange obtient une audience, sans doute la dernière occasion de bloquer l'extradition
Par Kevin Gosztola, ce 19 décembre 2023
Rien n'empêche la High Court d'attendre fin 2024 pour rejeter l'appel avant d'extrader. Biden & Trump ne seraient pas encombrés par Assange dans leur course électorale.
La Haute Cour de justice du Royaume-Uni a accordé au fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, une dernière audience en appel qui se tiendra les 20 et 21 février 2024.
Son épouse, Stella Assange, a publié une annonce. “Le jour X [J] est arrivé”.
“C’est sans doute la dernière chance pour le Royaume-Uni de bloquer l’extradition de Julian. Rendez-vous devant le tribunal à 8h30 les 20 & 21 février. C’est maintenant ou jamais”, a-t-elle ajouté.
Julian Assange est détenu à la prison de Belmarsh depuis plus de quatre ans et demi. Cette dernière année et demie représente une nouvelle période de vide juridique difficile à vivre.
Le tribunal qui entendra l'appel d'Assange a refusé au fondateur de WikiLeaksune audience début juin 2023.
L'équipe juridique d'Assange a soumis ses motifs de recours mi-juillet 2022. La High Court a attendu près d'un an pour signifier le refus de recevoir l’appel.
Julian Assange n’a, de ce fait, jamais eu l'occasion de faire valoir que son extradition vers les États-Unis pour y faire face à des accusations en vertu de l’Espionage Act violerait son droit à la liberté d'expression en tant que journaliste.
En 2021, la High Court a statué en faveur de l’administration américaine après avoir appel de la décision d'un juge de première instance [Vanessa Baraitser] qui a estimé que l'extradition serait préjudiciable à la santé psychologique d'Assange, compte tenu des traitements inhumains généralisés qui ont cours dans les prisons américaines. [Décision rendue à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme].
L'équipe juridique d'Assange argumentera sur des bases beaucoup moins générales. L’argumentaire, qui ne doit pas excéder 20 pages, sera soumis au tribunal pour l'audience de février.
La High Court n'était pas tenue d'accorder à Assange cette audience de deux jours. Elle aurait pu rejeter une fois de plus les demandes de recours, permettant au gouvernement américain d'expédier Assange par avion aux États-Unis et de l'inculper au titre de l’Espionage Act avant la fin de l'année.
Si la cour d'appel britannique ne bloque pas son extradition, Julian Assange pourra faire appel devant la Cour européenne des droits de l'homme [la demande de recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme n’est possible qu’une fois les procédures épuisées sur sol britannique]. Cependant, on ne sait pas encore si les autorités américaines peuvent obtenir des autorités britanniques le transfert d’Assange aux États-Unis avant que l'équipe juridique d'Assange ne ne dépose son recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.
L'audience en appel de février est d'autant plus remarquable qu'elle aura lieu quelques semaines seulement avant le “Super Tuesday” des primaires présidentielles républicaines de 2024 [« Super mardi » est le jour le plus important des primaires américaines avec le vote d’une quinzaine d’états, dont les deux plus gros : la Californie et le Texas].
L'ex président Donald Trump, qui fait l'objet de poursuites pénales devant plusieurs tribunaux américains, qui était président quand Julian Assange a été inculpé, est le grand favori pour être candidat du parti républicain.
Trump a gardé le silence sur Assange. Confronté à un procès en destitution au Sénat en janvier 2021, il a refusé de gracier Assange (ou Edward Snowden, le lanceur d'alerte de la NSA) de peur de donner à plusieurs républicains du Sénat une raison de soutenir sa destitution.
Le Parti démocrate ayant refusé d'organiser des primaires. Biden sera d’office le candidat démocrate.
L’armée du gouvernement israélien à Gaza, soutenue sans réserve par l'administration Biden, a tué plus de 70 journalistes.
Le soutien délibéré à l’effroyable blocus militaire contre plus de 2 millions de Palestiniens a fait chuter Biden dans les sondages, le rendant vulnérable face à Trump (ce qui ne signifie pas que Trump soit moins favorable à la guerre).
Un procès sans précédent, basé une inculpation en vertu de l’Espionage Act contre un éditeur - ouvertement condamné par presque toutes les organisations réputées de défense des libertés civiles, des droits de l'homme et de la liberté de la presse dans le monde - saperait une part des arguments électoraux de Biden.
Pour Joe Biden, il va être en effet complexe d'affirmer être le seul candidat capable d'empêcher Trump de poursuivre la destruction de la démocratie et de la liberté, alors que son administration a fermement soutenu l'extradition d'un journaliste.
Comment le président Biden ose-t-il condamner la façon dont Trump et les Républicains sapent et suppriment la liberté d'expression des Américains en vertu du Premier Amendement, alors qu'un procès contre Assange soutenu par Biden va museler cette liberté fondamentale ? On sait déjà aujourd’hui que les agences gouvernementales sous la présidence Biden ont fait pression sur les plateformes de réseaux sociaux pour censurer les messages exprimant des “opinions alternatives”.
Tous ceux qui se soucient de la liberté de la presse et de la cause beaucoup plus globale des droits de l'homme peuvent encore imposer une issue susceptible d’épargner M. Assange. La pression politique peut s'intensifier au Congrès. Mais la lenteur des rouages du système judiciaire britannique pourrait bien retarder encore une telle conclusion.
Après l'audience de février, rien n'empêchera la High Court d'attendre fin 2024 pour rejeter l'appel d'Assange et donner son feu vert à l'extradition. On dirait bien que Biden et Trump n'auront pas à craindre qu'Assange entrave leur course à la présidence, ce qui se traduirait par une année supplémentaire de détention à Belmarsh, sans pour autant que cette affaire politique se termine.