👁🗨 Es-tu aussi humain que nous ?
Les leaders israéliens sont imbibés d'une soif de génocide & de nettoyage ethnique qui est leur stratégie de guerre. Évoquer les pertes civiles comme le cessez-le-feu est balayé d'un revers de main.
👁🗨 Es-tu aussi humain que nous ?
Par Vijay Prashad, Tricontinental : Institute for Social Research, 10 novembre 2023
Plus de 12 000 Palestiniens ont été tués par les forces armées israéliennes à Gaza depuis le 7 octobre, dont près de la moitié sont des enfants, selon le dernier rapport du porte-parole du ministère de la santé de Gaza, le Dr Ashraf Al-Qudra. Plus de 25 000 autres personnes ont été blessées et des milliers d'autres sont encore ensevelies sous les décombres.
Entre-temps, les chars israéliens ont commencé à encercler la ville de Gaza, qui comptait 600 000 habitants il y a un mois, mais dont les quartiers sont désormais pratiquement désertés en raison de la fuite désespérée de ses habitants vers les abris du sud de la bande de Gaza, et de l'assassinat par Israël de milliers de civils palestiniens dans leurs maisons.
Israël a bouclé la ville et a commencé à la bombarder, allant de porte en porte pour répandre la terreur de l'occupation, entre ciel et terre. Ceux qui attendent ces raids dans leurs maisons pourraient murmurer le poème de Mahmoud Darwish (1941-2008), qui s'adresse au soldat israélien prêt à défoncer la porte d'une maison palestinienne :
Tu es là, au seuil de notre porte,
Entre, et bois avec nous un café arabe
(tu pourras sentir que comme nous, tu es un humain)
Toi, là, au seuil de notre porte,
Sors de nos petits matins
pour que nous soyons sûrs
d’être des humains, comme vous
Lorsque les soldats israéliens passeront de porte en porte, ils ne prendront pas le temps d’un café, non parce qu'il n'y a plus ni café ni d'eau, mais parce qu'on leur a dit que les Palestiniens n'étaient pas des êtres humains. On leur a dit, au contraire, que les Palestiniens étaient des terroristes, et des animaux. Aux yeux des forces d'occupation, le seul traitement que méritent les Palestiniens est d'être agressés, battus, tués et éradiqués.
Les déclarations des hauts fonctionnaires israéliens sont imbibées de la soif de génocide et de nettoyage ethnique qui conditionne leur stratégie dans cette guerre. L'évocation des pertes civiles est balayée d'un revers de main, tout comme les appels au cessez-le-feu. Le porte-parole du Fonds des Nations unies pour l'enfance [UNICEF], James Elder, a déclaré à propos de cette situation :
“Gaza est devenu le cimetière de milliers d'enfants. Et pour tous les autres, c'est un véritable enfer”.
Même lorsque les hauts responsables américains parlent “pause humanitaire”, ils trouvent toujours des milliards de dollars et des stocks d'armes supplémentaires pour l'armée israélienne. Cette idée de “pause humanitaire” est un jargon juridique sans incidence sur la survie des habitants de Gaza : la pause mettrait fin aux bombardements un court instant, peut-être juste quelques heures, pour permettre l’évacuation des blessés et faire entrer l’aide dans la ville de Gaza avant de donner aux Israéliens le feu vert pour reprendre leurs bombardements meurtriers.
Jusqu'à présent, Israël a largué sur Gaza un tonnage d'explosifs supérieur au poids combiné des deux bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki en 1945.
Le refus du cessez-le-feu et de l'ouverture de négociations politiques sous l'égide de l'ONU n'est pas une politique états-unienne uniquement appliquée à la Palestine, c'est la même que celle que les États-Unis et leurs partenaires de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) préconisent avec insistance en Ukraine. Un nouveau projet de loi de dépenses supplémentaires d'un montant total de 105 milliards de dollars, en plus du budget militaire de 858 milliards de dollars pour 2023, probablement sous-estimé, prévoit 61,4 milliards de dollars pour la guerre meurtrière en Ukraine, et 14,1 milliards de dollars pour le génocide israélien des Palestiniens.
Bien que des pourparlers de paix aient été engagés entre les autorités ukrainiennes et russes au Belarus et en Turquie quelques jours après l'entrée des troupes russes en Ukraine, l'OTAN s'est empressée de les faire échouer, alimentant ainsi un conflit qui a causé près de 10 000 morts parmi les civils à ce jour. Le bilan des civils tués en Ukraine en un an et huit mois de conflit a déjà été dépassé par celui des civils tués en Palestine en seulement quatre semaines.
Ce n'est pas une coïncidence si ces trois pays - les États-Unis, l'Ukraine et Israël - sont les seuls à ne pas avoir voté en faveur de la résolution annuelle de l'Assemblée générale des Nations unies de cette année appelant à mettre fin à l'embargo américain sur Cuba, vieux de six décennies - imposé officiellement par le président américain John F. Kennedy le 3 février 1962, mais réellement en place depuis 1960. Les États-Unis ont imposé ce blocus non seulement à Cuba en tant que pays, mais aussi à la révolution cubaine en tant que processus.
Lorsque la révolution cubaine de 1959 a proclamé avec force qu'elle défendrait la souveraineté du territoire cubain et la dignité de son peuple, les États-Unis l'ont perçue comme mettant en péril non seulement leurs intérêts criminels sur l'île, mais aussi leur capacité à contrôler les affaires internationales, que la contagion potentielle du processus révolutionnaire menaçait d'anéantir.
Et si Cuba arrivait à s'en sortir en protégeant son propre peuple, voire en se montrant solidaire de ceux qui luttaient pour leur droit à faire de même, sans se soumettre aux exigences des sociétés transnationales américaines, peut-être qu'elle inciterait d'autres nations à suivre la même voie. C'est cette peur de la souveraineté qui a déclenché la politique du blocus.
Bien que le blocus ait coûté à la révolution cubaine des centaines de milliards de dollars depuis 1960, il n'a pas suffi à enrayer la dynamique de dignité du peuple cubain. Par exemple, la Banque mondiale a rapporté qu'en 2020, malgré la brutalité du blocus et la pandémie de COVID-19, le gouvernement cubain a consacré 11,5 % de son produit intérieur brut à l'éducation, alors que les États-Unis n'y ont consacré que 5,4 %. Non seulement toutes les écoles sont gratuites pour les enfants cubains, mais tous reçoivent de l'école des repas et des uniformes.
Les études de médecine sont également gratuites à Cuba, ce qui se traduit par un ratio médecin/patient considérable de 8,4 médecins et 7,1 infirmières pour 1 000 citoyens cubains. Lors de l'Assemblée générale des Nations unies, le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodríguez Parrilla, a déclaré que “le respect de l'être humain a été et continuera d'être la priorité du gouvernement cubain”. Le blocus est peut-être une “guerre économique”, a-t-il dit, mais la révolution cubaine, qui a fait face à ce “blocus économique” pendant des décennies, ne fléchira pas. Elle restera debout.
Le blocus est cruel. Le ministre des affaires étrangères Rodríguez Parrilla a cité quelques exemples illustrant cette cruauté, comme lorsque le gouvernement américain a empêché Cuba d'importer des respirateurs pulmonaires et de l'oxygène thérapeutique - y compris en provenance d'autres pays d'Amérique latine. En guise de réponse, les scientifiques et ingénieurs cubains ont développé leurs propres respirateurs, tout comme ils ont produit leurs propres vaccins contre le Covid.
Selon M. Rodríguez Parrilla, pendant la pandémie, le gouvernement américain a accordé des dérogations humanitaires à divers pays, mais les a refusées à Cuba. “La réalité, a-t-il ajouté, c'est que le gouvernement américain a délibérément utilisé le COVID-19 comme un allié dans sa politique hostile aux Cubains”.
Le poète Darwish demande aux soldats israéliens s'ils sont capables de voir les Palestiniens comme des êtres humains. On devrait poser la même question aux fonctionnaires du gouvernement américain qui encouragent et poursuivent le blocus de Cuba : voient-ils les Cubains comme des êtres humains ?
En juin de cette année, le Marché de la Poésie de Paris a proposé à la poétesse cubaine Nancy Morejón d'être sa présidente d'honneur pour l'année 2023. Juste avant l'événement, les organisateurs du Marché de la Poésie ont annulé cette invitation, déclarant qu'ils leur fallait répondre à des “pressions” et à des “rumeurs”. Le ministère cubain des affaires étrangères a dénoncé cette annulation comme relevant de la “campagne de haine fasciste envers la culture cubaine”, une autre forme de blocus.
Voici le “Réquiem para la mano izquierda” [“Requiem pour la main gauche”] de Nancy Morejón, comme une conversation avec l'humanité de la poésie de Darwish et les rythmes de la musicienne cubaine Marta Valdés (à qui ce poème est dédié) :
“Sur une carte, on pourrait tracer toutes les lignes
horizontales, verticales, diagonales
du méridien de Greenwich au golfe du Mexique
qui témoignent plus ou moins
de notre spécificité
Il y a aussi les grandes, grandes, grandes cartes
de votre imagination
et des planètes Terre à n'en plus finir,
Marta
Mais aujourd'hui, je crains que la plus petite, la plus minuscule des cartes
ébauchée sur le papier d'un cahier d'écolier
suffirait à contenir toute l'histoire
Toute l'histoire.”
https://consortiumnews.com/2023/11/10/are-you-human-like-us/