đâđš Espions, micros & stratĂ©gie amĂ©ricaine pour arrĂȘter Assange aprĂšs la rĂ©vĂ©lation de âCollateral Murderâ
Les Ătats-Unis ont envisagĂ© d'arrĂȘter Assange Ă la frontiĂšre en juillet 2010 & espionnĂ© les Ă©changes sur WikiLeaks lors d'une confĂ©rence de hackers Ă New York Ă laquelle Assange Ă©tait conviĂ©.
đâđš Espions, micros, et stratĂ©gie amĂ©ricaine pour arrĂȘter Assange aprĂšs la rĂ©vĂ©lation de âCollateral Murderâ
Par Stefania Maurizi, le 26 mars 2024
Des documents exclusifs du Freedom of Information Act - FOIA - [loi d'accĂšs Ă l'information] rĂ©vĂšlent qu'en juillet 2010, alors que WikiLeaks n'avait mĂȘme pas encore publiĂ© les dossiers secrets sur la guerre en Afghanistan, une enquĂȘte Ă grande Ă©chelle sur WikiLeaks avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© lancĂ©e, les autoritĂ©s amĂ©ricaines s'appuyant sur des agents du renseignement, des informateurs et des microphones cachĂ©s. Pourtant, les autoritĂ©s amĂ©ricaines n'avaient aucune certitude que le journaliste de WikiLeaks qui avait Ă©changĂ© avec Chelsea Manning Ă©tait bien Julian Assange. Le fondateur de WikiLeaks a dĂ©noncĂ© dĂšs le dĂ©but les tactiques d'espionnage et de surveillance Ă l'encontre de WikiLeaks et de nombreux mĂ©dias ont rejetĂ© ces inquiĂ©tudes en les qualifiant de paranoĂŻaques. Les documents donnent raison Ă Julian Assange.
Le gouvernement amĂ©ricain a envisagĂ© d'arrĂȘter Julian Assange Ă la frontiĂšre des Ătats-Unis en juillet 2010, avant que WikiLeaks ne rĂ©vĂšle des documents secrets sur la guerre en Afghanistan et faire appel Ă au moins un informateur prĂȘt Ă porter un micro pour espionner les conversations sur WikiLeaks lors d'une cĂ©lĂšbre confĂ©rence de hackers Ă New York, Ă laquelle Assange Ă©tait conviĂ©. Douze semaines seulement aprĂšs la publication par WikiLeaks de la vidĂ©o âCollateral Murderâ, l'enquĂȘte amĂ©ricaine sur WikiLeaks a impliquĂ© âplusieurs unitĂ©s militairesâ, notamment des agents de renseignement de l'armĂ©e, des agents de la division des enquĂȘtes criminelles du dĂ©partement de l'armĂ©e (US Army CID), l'unitĂ© d'enquĂȘte sur les crimes informatiques (CCIU) et des avocats de la division des enquĂȘtes criminelles de l'armĂ©e. Mais malgrĂ© tous ces moyens d'investigation, quatre mois aprĂšs l'arrestation de Chelsea Manning, une source de WikiLeaks, les autoritĂ©s amĂ©ricaines n'avaient toujours pas Ă©tabli avec certitude que la personne qui avait parlĂ© Ă Manning sous le pseudonyme de âNathaniel Frankâ Ă©tait Julian Assange.
Cette information est rĂ©vĂ©lĂ©e pour la premiĂšre fois par des documents exclusifs que nous avons pu obtenir Ă l'issue d'une longue bataille juridique menĂ©e aux Ătats-Unis contre le dĂ©partement d'Ătat en vertu de la loi sur la libertĂ© de l'information. Ils rĂ©vĂšlent ce qui s'est passĂ© en coulisses au cours de ces mois de 2010, lorsque WikiLeaks a publiĂ© les documents amĂ©ricains confidentiels pour lesquels Assange risque 175 ans dans une prison de haute sĂ©curitĂ©.
ArrĂȘter Assange Ă la frontiĂšre amĂ©ricaine
AprĂšs la publication de la vidĂ©o âCollateral Murderâ, WikiLeaks est devenu un phĂ©nomĂšne international. Le 7 juillet 2010, les autoritĂ©s amĂ©ricaines ont Ă©crit :
âL'Army CID a Ă©laborĂ© un plan de surveillance Ă New York Ă la mi-juillet lors d'un grand rassemblement de hackers bien connus. L'Army CID pense que l'affaire WikiLeaks sera un sujet de discussion et a engagĂ© un individu coopĂ©rant (CI) pour l'aider dans son enquĂȘte [...] L'Army CID prĂ©voit que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, pourrait assister Ă la confĂ©renceâ.
Le grand rassemblement de New York Ă©tait (et est toujours) l'une des plus importantes confĂ©rences de hackers aux Ătats-Unis. Cette annĂ©e-lĂ , la confĂ©rence Hackers On Planet Earth (HOPE) devait se tenir du 16 au 18 juillet, une semaine avant que WikiLeaks ne publie les Journaux de guerre afghans. Chelsea Manning, la source qui avait divulguĂ© les documents amĂ©ricains confidentiels Ă WikiLeaks, avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e le 27 mai 2010, aprĂšs avoir avouĂ© lors d'une discussion avec Adrian Lamo - alors qu'elle ne l'avait jamais rencontrĂ© auparavant - que c'Ă©tait elle qui avait divulguĂ© ces documents Ă Wikileaks. Les dossiers comprenaient des informations confidentielles de l'armĂ©e amĂ©ricaine et environ 260 000 cĂąbles diplomatiques amĂ©ricains. Quelle meilleure occasion pour les autoritĂ©s amĂ©ricaines que d'attraper Assange lors de la confĂ©rence HOPE ?
âLâArmy CID peut tenter dâarrĂȘter Assange Ă la frontiĂšre entre le Canada et New York s'il peut obtenir des informations sur son arrivĂ©eâ,
peut-on lire dans les documents de la FOIA. Toutefois, M. Assange ne s'est pas rendu aux Ătats-Unis. Jacob Appelbaum, journaliste d'investigation amĂ©ricain et expert en sĂ©curitĂ© informatique, a prononcĂ© un discours Ă HOPE en son nom.
Les micros cachés
Bien que la confĂ©rence HOPE soit un Ă©vĂ©nement public, les documents FOIA rĂ©vĂšlent que lâArmy CID comptait âun individu coopĂ©rant (CI) qui a acceptĂ© de porter un microphone lors de sa participation Ă la confĂ©rence HOPEâ. Il est raisonnable de conclure que le microphone Ă©tait vraisemblablement destinĂ© Ă espionner les conversations privĂ©es concernant WikiLeaks, Ă©tant donnĂ© que les discussions et conversations publiques Ă©taient accessibles Ă tous.
Appelbaum a prononcĂ© son discours d'ouverture et s'est ensuite envolĂ© pour l'Europe, mais Ă son retour aux Ătats-Unis, il a Ă©tĂ© dĂ©tenu et interrogĂ© Ă l'aĂ©roport.
Comment les Ătats-Unis ont fait obstruction Ă notre combat pour la libertĂ© d'information
Bien que les autoritĂ©s amĂ©ricaines aient pu recourir Ă des micros, des informateurs et des ressources considĂ©rables, elles n'Ă©taient apparemment pas encore certaines, prĂšs de quatre mois aprĂšs l'arrestation de M. Manning, que âNathaniel Frankâ, avec qui M. Manning avait discutĂ© avant de transmettre les documents amĂ©ricains confidentiels, Ă©tait en fait Julian Assange.
âLâArmy CID pense que âNathaniel Frankâ dans les registres de discussion est en rĂ©alitĂ© Julian ASSANGE. Une minoritĂ© pense que âFrankâ pourrait ĂȘtre un associĂ© de WikiLeaksâ,
peut-on lire dans un document FOIA daté de septembre 2010. Le nom de l'associé de WikiLeaks est caviardé dans le document FOIA, comme de nombreuses autres informations. Nous allons bientÎt entamer une bataille juridique pour obtenir la suppression de ces caviardages. Les autorités américaines font obstruction à la procédure FOIA depuis des années. Dans le cadre de cette procédure, nous avons été représentés à titre entiÚrement bénévole par deux avocats américains, Alia Smith et Lauren Russell, du cabinet Ballard Spahr.
âNous avons Ă©tĂ© frustrĂ©es par le temps incroyablement long qu'il a fallu au DĂ©partement d'Etat pour traiter la demande de FOIA de Mauriziâ, expliquent Smith et Lauren Ă notre journal, âMĂȘme en tenant compte des complications liĂ©es Ă la vĂ©rification pendant le COVID, les annĂ©es de retard sont inacceptables. Nous sommes heureux d'avoir pu aider notre cliente Ă obtenir l'essentiel des documents demandĂ©s, bien que six ans se soient Ă©coulĂ©s depuis qu'elle a soumis sa demande de libertĂ© d'information, et nous espĂ©rons que cette affaire sera bientĂŽt closeâ.
Contacté par Il Fatto Quotidiano et invité à commenter ces révélations, le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, a répondu :
âQue Julian ait dĂ©jĂ Ă©tĂ© dans le collimateur des Ătats-Unis Ă cette Ă©poque est trĂšs inquiĂ©tant. Cela montre la dĂ©termination prĂ©coce de l'administration amĂ©ricaine Ă museler le journalisme quand cela lui chante".