👁🗨 États-Unis-Israël : L'Amérique ne recule devant rien pour assurer son hégémonie mondiale
Le retour explosif du bipartisme américain en politique étrangère est synonyme de grand danger non seulement pour le monde, mais aussi pour les citoyens américains ordinaires.
👁🗨 États-Unis-Israël : L'Amérique ne recule devant rien pour assurer son hégémonie mondiale
Par Ammiel Alcalay*, le 4 juillet 2024
Comment nous y prendre pour résumer ce qui s'est passé depuis le 7 octobre 2023 ?
L'assaut sans précédent sur Gaza, qui se poursuit uniquement grâce au soutien et à la bénédiction de l'administration américaine et de ses alliés occidentaux - comme l'intensification progressive des tests de l'armement et des mesures de surveillance de la population, pratiquée à Gaza depuis bien plus d'une décennie - va au-delà de tout ce que l'on a pu voir et documenter en temps réel.
Il s'agit notamment de l'utilisation par Israël de logiciels d'intelligence artificielle tels que “Lavender” pour accroître les capacités de ciblage à des niveaux jamais atteints auparavant ; de l’anéantissement massif d'universités, d'écoles, d'hôpitaux, d'établissements de santé, de stations d'épuration, de terres agricoles, de rues, de routes, de maisons et de toutes les infrastructures nécessaires à la vie civile ; de la rétention de médicaments et de traitements ; du recours à la famine comme arme de guerre et, plus récemment, à l’isolement total de la bande de Gaza avec le contrôle israélien du checkpoint de Rafah, et à sa destruction partielle.
Comment répertorier ces événements ? Les charniers, les corps encore enfouis sous les décombres, la capture et la torture de médecins, d'infirmiers et d'infirmières, l'assassinat ciblé d'universitaires et de poètes, sans parler des ingénieurs, des journalistes, des travailleurs humanitaires, des ambulanciers, des employés municipaux, de la police, de ceux qui sont en quête nourriture ou d’une connexion internet, ou simplement des enfants qui jouent ?
Tout cela est perpétré par l'armée technologiquement la plus perfectionnée au monde, largement subventionnée par les contribuables américains, sans qu'il soit possible de crier “victoire” sur les forces de résistance qui se battent dans les tunnels, sans armée de l'air, sans marine et sans unités mécanisées.
Ceux qui continuent à diffuser ou commenter les messages faussement encourageants de l'administration américaine ne font que prolonger la destruction et le génocide, tout en occultant l'infrastructure qui rend tout cela possible depuis des décennies.
Alors que le Congrès américain réserve un accueil bipartite à Benjamin Netanyahu, criminel de guerre internationalement reconnu, la gymnastique idéologique élaborée de l'électorat américain semble défier les lois de la gravité.
Bafouer le droit américain
Soumises à la couverture des médias des grandes firmes qui ne sont qu'à la solde de leurs patrons, les nouvelles formes de politique identitaire ont investi toutes les facettes d'un univers politique où les politiciens ont abandonné toute prétention à représenter leurs électeurs, les incitant à s'entre-déchirer sur à peu près tout sauf sur les principes.
Les anciens partisans de la liberté d'expression et les défenseurs d’“America first” mettent en pièces la Constitution en défendant le “droit d'Israël à se défendre”, bafouant ainsi la souveraineté et le système juridique des États-Unis.
Les libéraux et les progressistes qui ont acclamé la collusion de toutes les agences et des médias pendant la présidence Trump pour diaboliser la Russie - ainsi que les complicités entre Big Gov, Big Tech et Big Pharma pour censurer et réglementer pendant la période Covid-19 - s'alarment soudain de la disparition de la liberté d'expression quand il s’agit de la Palestine.
Pourtant, nombre de ces mêmes libéraux et progressistes continuent à encourager un autre mandat pour “Genocide Joe”, soi-disant dans la crainte d'une deuxième administration Trump.
Au cours des années 1970, 1980 et même 1990, divers commentateurs, experts, analystes et simples citoyens appelaient communément le gouvernement américain “Zog”, le “gouvernement occupant sioniste”.
Si la plupart s'identifiaient comme conservateurs, nombreux aussi étaient ceux qui ne s'y reconnaissaient pas. Mais tous étaient considérés comme des “théoriciens du complot”, ce terme ignominieux inventé à l'origine par la CIA pour discréditer toute personne remettant en cause les prémisses ou les conclusions de la commission Warren, ostensiblement créée pour enquêter sur l'assassinat du président John F. Kennedy.
Mais rares sont ceux à s'être penchés sur les détails de la politique de Kennedy à l'égard d'Israël. Dans sa volonté de non-prolifération nucléaire, par exemple, Kennedy s'est heurté frontalement au Premier ministre israélien de l'époque, David Ben-Gourion, au sujet des demandes d'inspection et de surveillance du réacteur nucléaire israélien de Dimona.
Dans une lettre datée du 15 juin 1963, Kennedy écrit :
“Comme je l'ai écrit à M. Ben-Gourion, l'engagement et le soutien de mon gouvernement à l'égard d'Israël pourraient être sérieusement compromis si l'on venait à penser que nous ne sommes pas en mesure d'obtenir des informations fiables sur un sujet aussi vital pour la paix que l'effort d'Israël dans le domaine nucléaire.”
Trois jours seulement avant l'assassinat de Kennedy, son ambassadeur à l'ONU, Adlai Stevenson, continuait à plaider en faveur du retour des réfugiés palestiniens, une politique que Stevenson avait déjà défendue en 1961 lors de ses affrontements avec Ben-Gourion, lorsqu'il était allé jusqu'à dire qu'Israël devait faire une déclaration publique acceptant le principe du retour, tel qu'il est inscrit dans la résolution 194 de l'ONU.
Ranimer les principes
S'il est impossible de savoir précisément quelle aurait été la politique de Kennedy s'il avait vécu, nous connaissons en revanche celle du président Lyndon Johnson. Sous Johnson, le soutien à Israël avant, pendant et après la guerre de 1967 est devenu totalement partial, amorçant un changement radical dans la vie politique et la culture des États-Unis.
La dissimulation par Johnson de l'attaque israélienne vicieuse et implacable contre l'USS Liberty le 8 juin 1967, au cours de laquelle 34 membres d'équipage ont été tués et 173 blessés - un incident pour lequel les survivants demandent toujours publiquement réparation - a défini une nouvelle réalité géopolitique.
Alors que la guerre américaine au Viêt Nam faisait rage, les soldats israéliens étaient dépeints comme héroïques et intrépides, occupant le devant de la scène.
Alors que les soldats américains au Viêt Nam tuaient certains de leurs propres officiers en rébellion contre des consignes intenables, et que le mouvement anti-guerre se développait parmi les soldats et les vétérans, ils étaient de plus en plus décrits comme des psychopathes et des losers.
Lorsque l'appel sous les drapeaux a pris fin, la machine de guerre américaine est entrée dans la clandestinité, s'engageant dans 15 années de guerre secrète, consciente que la population américaine en avait plus qu'assez.
Mais la guerre du Golfe, les sanctions contre l'Irak, les événements du 11 septembre 2001, la déclaration immédiate de la “guerre contre le terrorisme”, suivie des invasions de l'Afghanistan et de l'Irak, d'autres opérations en Libye, en Syrie et dans tant d'autres pays, ainsi qu'une coordination idéologique, politique et militaire totale avec Israël, ont pleinement concrétisé la déclaration faite en 1986 par le sénateur Joe Biden, alors membre de la commission des Affaires étrangères :
“S'il n'y avait pas Israël, les États-Unis d'Amérique devraient en inventer un pour protéger leurs intérêts dans la région”.
Alors que les générations qui ont connu la guerre américaine au Viêt Nam disparaissent peu à peu et que les effets concrets de la politique américaine en Irak et ailleurs ont été nettoyés et aseptisés, les véritables incidences des actions gouvernementales - “banaliser le mal”, selon la formule capitale de Hannah Arendt - se doivent d'être replacées sous le signe des principes, loin des variations de la politique politicienne et des trivialités de la politique identitaire.
Une prise de conscience planétaire
Le retour explosif du bipartisme américain représente un grand danger, non seulement pour l'ensemble du monde - comme le savent pertinemment la Russie, la Chine et la plupart des pays non occidentaux - mais aussi pour les citoyens américains.
Comme l'écrit Joy Gordon dans “Invisible War : The United States and the Iraq Sanctions”, l'un des rares ouvrages consacrés à ce sujet :
“Que les trois administrations, qu'elles soient républicaines ou démocrates, aient nié la gravité de la situation et leur responsabilité totale, même sous la pression des membres du Congrès, n'arrange en rien les choses.
“Mais en fin de compte, cela n'a pas changé grand-chose : le Congrès était, à une écrasante majorité, tout simplement indifférent aux souffrances causées par les sanctions en Irak, quel que soit le rôle des États-Unis... La conclusion qui s'impose est que, livrés à eux-mêmes, les États-Unis ne connaissaient pas de limite au mal que le pays était prêt à infliger à l'Irak”.
La prise de conscience mondiale sur Gaza n'est quasiment due qu'au travail héroïque des journalistes palestiniens et des journalistes citoyens palestiniens assiégés, dans les médias alternatifs, par le biais de diverses plateformes de réseaux sociaux.
Mais combien de temps vont-ils pouvoir tenir, dans les conditions actuelles ?
L'information et la liberté d'expression étant soumises à un autre type de blocus en Occident, les politiciens et les médias du secteur privé traitant leurs citoyens comme des envahisseurs, il semblerait que les États-Unis et leurs alliés ne connaissent aucune limite dans leur volonté d'assurer leur hégémonie - et que leurs citoyens et le reste du monde aillent au diable.
Croire au contraire est un gaspillage d’une précieuse énergie qui serait mieux employée à faire face à ce mastodonte sur ses réelles postures, plutôt que sur celles que nous pourrions espérer.
* Ammiel Alcalay est poète, romancier, traducteur, essayiste, critique et universitaire. Il est l'auteur de plus de 20 livres, dont After Jews and Arabs, Memories of Our Future et Controlled Demolition : a work in four books, qui paraîtra prochainement. Il est professeur émérite au Queens College, CUNY, et au CUNY Graduate Center à New York.
https://www.middleeasteye.net/opinion/us-israel-stop-nothing-maintain-global-hegemony