đâđš Eve Ottenberg - Affaire Assange: Le vent serait-il en train de tourner?
Les grands journaux demandant instamment l'arrĂȘt des poursuites Ă son encontre veulent dire quelque chose... Et une petite victoire, comme celle contre Pompeo, est Ă©galement la bienvenue.
đâđš Affaire Assange: Le vent serait-il en train de tourner?
đ° Par Eve Ottenberg / CounterPunch, le 23 dĂ©cembre 2022
Le 6 dĂ©cembre, Daniel Ellsberg, l'un des plus courageux lanceurs d'alerte au monde, a mis au dĂ©fi les procureurs amĂ©ricains de s'en prendre Ă lui, comme ils l'ont fait pour Julian Assange. ĂgĂ© de 91 ans, Ellsberg, que l'Ătat sĂ©curitaire amĂ©ricain espĂ©rait peut-ĂȘtre pousser au suicide il y a plusieurs dĂ©cennies, a annoncĂ© qu'il avait lui aussi reçu de l'ancienne analyste militaire Chelsea Manning des documents ayant fait l'objet de fuites et contenant des preuves de crimes de guerre commis par les Ătats-Unis. "Portons cela devant la Cour suprĂȘme", a dĂ©clarĂ© Ellsberg, prĂȘt Ă contester la constitutionnalitĂ© de l'affreuse loi sur l'espionnage, utilisĂ©e contre lui et maintenant contre Assange.
La bombe d'Ellsberg a suivi d'autres nouvelles importantes sur Assange. Enfin, le 28 novembre, les journaux grand public ont trouvĂ©, aprĂšs une recherche ardue, le courage insaisissable de faire ce qu'ils auraient dĂ» faire depuis des annĂ©es : dĂ©noncer la dĂ©tention illĂ©gale et l'agression dĂ©libĂ©rĂ©e, combinĂ©e des Ătats-Unis et du Royaume-Uni, contre l'Ă©diteur Assange. Nota bene - ces journaux ont tous publiĂ© les scoops sur la sĂ©curitĂ© nationale pour lesquels Assange a Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©, scoops que son organisation, Wikileaks, a diffusĂ©s en premier. Pourtant, alors que le prĂ©sident Trump, puis le prĂ©sident suivant, M. Biden, s'efforçaient d'Ă©craser le journaliste obstinĂ© et de prĂ©cipiter ainsi la libertĂ© de la presse dans sa tombe, ces courageux organes de presse - au premier rang desquels le New York Times et le Guardian - sont restĂ©s les bras croisĂ©s. Enfin, Ă la fin novembre, ils se sont secouĂ© et ont exigĂ© l'abandon des accusations bidon contre Assange. Comme l'ont notĂ© au moins deux journalistes sur Twitter, ces organes de presse ont dĂ» apprendre que Biden voulait mettre fin aux poursuites contre Assange. Si seulement !
Entre-temps, en ce qui concerne la situation difficile d'Assange, peu de choses seraient meilleures pour la justice que la mise au pas de la CIA, en raison de ses nombreux crimes. Peu de choses seraient meilleures pour le bien du monde que de voir cette organisation payer pour ses abus. Et rien n'est moins probable. Donc, en l'absence de tels rĂ©sultats dâune grande justice, vous devrez vous contenter de quelque chose de plus petit. Ce quelque chose est arrivĂ© dĂ©but novembre.
C'est Ă ce moment-lĂ que l'ancien chef de la CIA, Mike "Nous avons menti, trichĂ© et volĂ©" Pompeo, s'est vu adresser des documents dans une affaire impliquant son travail clandestin contre Assange. Pompeo a Ă©tĂ© poursuivi par des avocats et des journalistes qui ont rendu visite Ă Assange dans l'ambassade d'Ăquateur. Selon le Dissenter du 15 aoĂ»t, ils "prĂ©tendent que l'agence dirigĂ©e par Pompeo les a espionnĂ©s en violation de leurs droits Ă la vie privĂ©e." La vidĂ©o de Pompeo en train d'ĂȘtre servi, postĂ©e par Wikileaks, est devenue virale sur les mĂ©dias sociaux. Newsweek en a parlĂ© le 3 novembre, mais n'a pas pu vĂ©rifier une information russe selon laquelle "Pompeo a reçu les documents juridiques la semaine derniĂšre lors d'un dĂźner de collecte de fonds".
Les plaignants affirment que la CIA de Pompeo a violĂ© leur droit Ă la vie privĂ©e en copiant les donnĂ©es de leurs tĂ©lĂ©phones et appareils, qu'ils ont remis Ă la sĂ©curitĂ© lorsqu'ils ont rendu visite Ă Assange Ă l'ambassade d'Ăquateur, oĂč il s'est cachĂ© de l'extradition amĂ©ricaine pendant sept ans. Ils ont Ă©galement poursuivi la sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© espagnole UC Global et son directeur. Selon l'avocat principal des plaignants, Richard Roth, les visiteurs d'Assange "pouvaient raisonnablement s'attendre Ă ce que les agents de sĂ©curitĂ© de l'ambassade d'Ăquateur Ă Londres ne soient pas des espions du gouvernement amĂ©ricain, chargĂ©s de livrer des copies de leurs appareils Ă©lectroniques Ă la CIA".
En outre, selon le Dissenter, "Pompeo aurait approuvé le placement de microphones cachés dans les nouvelles caméras de l'ambassade. Il aurait approuvé la mise sur écoute de l'ambassade avec des microphones cachés. Il aurait approuvé un plan permettant à la CIA d'observer et d'écouter les activités quotidiennes d'Assange à l'ambassade."
La persĂ©cution d'Assange par les Ătats-Unis horrifie le monde entier. Le 29 novembre, le prĂ©sident Ă©lu du BrĂ©sil, Luis Inacio Lula da Silva, a demandĂ© instamment qu'Assange soit libĂ©rĂ© de son "emprisonnement injuste", ce qui signifierait que cette abomination, cette soi-disant affaire judiciaire, devrait ĂȘtre abandonnĂ©e. Le prĂ©sident colombien Gustavo Petro a rencontrĂ© Wikileaks et s'est engagĂ© sur les rĂ©seaux sociaux, le 22 novembre, Ă "demander au prĂ©sident Biden... de ne pas inculper un journaliste simplement pour avoir dit la vĂ©ritĂ©". Les dirigeants du Venezuela et du Nicaragua ont Ă©galement demandĂ© la libĂ©ration d'Assange. Auparavant, le prĂ©sident mexicain Andres Manuel Lopez-Obrador avait, Ă deux reprises, adressĂ© une pĂ©tition Ă Biden au nom d'Assange. MĂȘme le premier ministre australien, Anthony Albanese, a exhortĂ© le 30 novembre les Ătats-Unis Ă cesser de poursuivre le citoyen de Canberra, Assange.
Il s'agit peut-ĂȘtre de l'appel le plus important, car l'Australie est un alliĂ© qui ne contredit presque jamais les Ătats-Unis, tandis que les autres pays susmentionnĂ©s sont tous dirigĂ©s par des politiques de gauche, que Washington pourrait ĂȘtre peu encline Ă Ă©couter. Il pourrait donc bien y avoir quelque chose dans lâair. Mais il n'en reste pas moins que la demande d'Albanese pourrait ĂȘtre accueillie par le mĂȘme silence retentissant que celui qui a accueilli celles des dirigeants latino-amĂ©ricains. Suivant les traces de Trump, Biden a jusqu'Ă prĂ©sent permis les atroces sĂ©vices infligĂ©s au fondateur de Wikileaks par le gouvernement amĂ©ricain. Il est donc peu probable que ces protestations de simples chefs d'Ătat le dissuadent de laisser cette obscĂ©nitĂ© en vertu de laquelle Assange est accusĂ©, l'Espionage Act, suivre son cours. Heureusement, Assange a pris des mesures pour faire entendre son traitement injuste dans une autre Cour. Le 2 dĂ©cembre, il a interjetĂ© appel de la dĂ©cision de l'extrader vers les Ătats-Unis devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme. Ses partisans attendent avec impatience le verdict, mĂȘme si l'Empire ignore celui qui contredit ses souhaits.
Pendant sept ans, cachĂ© dans l'ambassade d'Ăquateur Ă Londres, Assange a affirmĂ© que s'il la quittait, il serait extradĂ© vers les Ătats-Unis. Aujourd'hui, en prison, Assange risque l'extradition et 175 ans de prison s'il est reconnu coupable. Les journalistes qui l'ont dĂ©nigrĂ© pour s'ĂȘtre retranchĂ© dans l'ambassade se sont-ils excusĂ©s ? Ont-ils mĂȘme reconnu qu'ils avaient tort ? Pas du tout. Il ne fait aucun doute que leur rĂ©ticence dĂ©coule de motifs aussi pusillanimes que le fait qu'ils aient ridiculisĂ© Assange au dĂ©part, Ă savoir un ressentiment en rĂ©action Ă un vrai journaliste, celui qui peut pĂ©rir parce qu'il a dit la vĂ©ritĂ©, alors qu'ils ne sont que de simples stĂ©nographes.
Et les vĂ©ritĂ©s d'Assange Ă©taient explosives ! Il a humiliĂ© l'Ătat sĂ©curitaire amĂ©ricain - ce qu'on ne pourra jamais lui pardonner - avec, entre autres, la vidĂ©o Collateral Murder, basĂ©e sur des images divulguĂ©es par Chelsea Manning. Ce film expose des soldats amĂ©ricains assassinant onze civils irakiens innocents et blessant deux enfants depuis leur hĂ©licoptĂšre Apache. Cette vidĂ©o a fait bondir l'Ătat sĂ©curitaire. Il s'est emparĂ© de Manning et l'a torturĂ©e en prison jusqu'Ă ce qu'elle tente de se suicider. Elle a Ă©tĂ© jugĂ©e pour la mĂȘme infraction deux fois, ce qui signifie qu'il y avait double incrimination. Et il s'est lancĂ© Ă la poursuite d'Assange, avec la mĂȘme fureur que celle avec laquelle il a poursuivi le lanceur dâalerte de la NSA, Edward Snowden, dans la recherche frĂ©nĂ©tique de celui que l'armĂ©e amĂ©ricaine a forcĂ© Ă descendre l'avion d'un vĂ©ritable chef d'Ătat, Evo Morales, afin d'inspecter l'appareil Ă la recherche de leur proie, vraisemblablement soupçonnĂ©e de se cacher sous un siĂšge.
Bien que les choses ne semblent toujours pas aller pour Assange, malgrĂ© les efforts de nombreux partisans, un changement pourrait ĂȘtre en prĂ©paration. Les grands journaux qui demandent instamment l'arrĂȘt des poursuites Ă son encontre veulent dire quelque chose, bien que l'on ne sache pas encore quoi. Et une petite victoire, comme celle contre Pompeo, est Ă©galement la bienvenue. Cela signifie que quelqu'un au pouvoir pourrait ĂȘtre tenu responsable de cette agression barbare contre un journaliste et une presse libre. Cela signifie que les abus de la CIA sur Assange, sombrement dissimulĂ©s - l'agence avait, aprĂšs tout, prĂ©vu de l'enlever, avec l'aide promise par les Britanniques - verront la lumiĂšre du jour. Cela pourrait mĂȘme fournir Ă Assange lui-mĂȘme du matĂ©riau Ă utiliser au procĂšs, ou en appel. De ces rĂ©sultats dĂ©pendent beaucoup de choses. Parce que jusqu'Ă prĂ©sent, les systĂšmes judiciaires britannique et amĂ©ricain se sont comportĂ©s de maniĂšre honteuse, indiffĂ©rents et satisfaits alors qu'ils s'avĂšrent ĂȘtre totalement truquĂ©s.
https://scheerpost.com/2022/12/23/has-the-worm-turned-in-the-assange-case/