đâđš Exceptionnalisme & droit international
L'OTAN doit ĂȘtre taxĂ©e d'organisation criminelle selon le Jugement de Nuremberg de 1946 & des art. 9 & 10 du Tribunal militaire international du 8 aoĂ»t 1945. Car la paix est le plus prĂ©cieux des biens
đâđš Exceptionnalisme & droit international
Par Alfred de Zayas, le 25 septembre 2024
L'exceptionnalisme est l'expression de l'aninmus dominandi des nations puissantes qui refusent de se soumettre aux rĂšgles Ă©tablies de la coexistence humaine et rejettent le droit international coutumier. Au lieu de cela, ces acteurs inventent de nouvelles rĂšgles au fur et Ă mesure et prĂ©tendent que leur lĂ©gendaire âordre international fondĂ© sur des rĂšglesâ est en quelque sorte lĂ©gitime. Une Ă©tude rĂ©cente Ă©tablie par le professeur Jeffrey Sachs (UniversitĂ© de Columbia) pour le Sommet de l'avenir des Nations unies [1], fournit un indice classant la Barbade en premiĂšre position et les Ătats-Unis en derniĂšre position dans la liste des pays susceptibles de soutenir les principes des Nations unies et la solidaritĂ© internationale [2].
Un proche parent de l'exceptionnalisme est le chauvinisme, parfois faussement nommĂ© patriotisme pour le rendre plus acceptable, voire plus noble, bien que le dĂ©rĂšglement Ă©vident nous mette vaguement mal Ă l'aise. L'exceptionnalisme sâest imposĂ© jusqu'Ă prĂ©sent parce que ses victimes n'ont que peu de pouvoir pour s'y opposer efficacement, les pays plus faibles Ă©tant victimes de chantage, dans la crainte d'une intervention militaire ou autre. L'exceptionnalisme est une manifestation de cette vieille rĂšgle qui nous vient du dialogue de Melian [3] dans la Guerre du PĂ©loponnĂšse de Thucydide - âles forts font ce qu'ils veulent, et les faibles subissent ce qu'ils ont Ă subirâ. Cette rĂšgle reflĂšte Ă©galement le dicton latin âquod licet Iovi, non licet boviâ - ce que Jupiter peut, nous, les bĆufs, ne le pouvons pas.
Tout au long de l'histoire, les Assyriens, les Perses, les Ăgyptiens, les Grecs, les Romains, les Mongols, les Espagnols et les Britanniques ont pratiquĂ© la loi du plus fort en toute impunitĂ©. Au XXIĂš siĂšcle, ce sont les Ătats-Unis, leurs vassaux de l'OTAN et IsraĂ«l, avec le soutien et la complicitĂ© des grands mĂ©dias, qui s'y adonnent le plus souvent. En effet, les relations publiques et la propagande incessante ont rĂ©ussi Ă persuader de nombreux citoyens que l'exceptionnalisme et l'interventionnisme militant sont acceptables. Cette perception prĂ©vaut dans l'âOccident collectifâ, mais la MajoritĂ© Mondiale en AmĂ©rique Latine, en Afrique et en Asie ne semble pas ĂȘtre d'accord avec cette vision pastel de la bienveillance amĂ©ricaine. Un nouveau monde multipolaire Ă©merge progressivement.
L'esprit d'exception imprĂšgne la sociĂ©tĂ© occidentale et transparaĂźt dans la plupart des propos et des actes de nos hommes politiques, universitaires et journalistes. On se souvient ainsi de la dĂ©claration de la secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricaine Madeleine Albright selon laquelle les Ătats-Unis sont la ânation incontournableâ [4]. On se souvient Ă©galement d'une interview dans laquelle elle dĂ©clarait que la mort de 500 000 enfants irakiens (selon les estimations de l'UNICEF) âen valait la peineâ [5] en raison de l'objectif positif ultime de chasser Saddam Hussein du pouvoir. La fin justifie les moyens. Son approche n'est pas trĂšs Ă©loignĂ©e des dĂ©clarations intĂ©ressĂ©es de George W. Bush avant, pendant et aprĂšs la guerre d'Irak, ni du pompeux slogan âMake America Great Againâ (MAGA) de Donald Trump, ni de l'aveu jubilatoire du secrĂ©taire d'Ătat Mike Pompeo : âNous avons menti, nous avons trichĂ©, nous avons volĂ©â [6]. Le commentaire d'Hillary Clinton sur l'assassinat de Moammar Kadhafi, âNous sommes venus, nous avons vu, il est mortâ [7], relĂšve d'un niveau moral encore plus glauque : l'orgueil dĂ©mesurĂ© Ă son paroxysme.
L'exceptionnalisme s'Ă©panouit dans l'univers du solipsisme amĂ©ricain - nous seuls importons. Dans un certain sens, cette Weltanschauung fait Ă©cho Ă une tradition calviniste vĂ©hiculĂ©e par les puritains du Massachusetts au XVIIĂš siĂšcle [8]. Les pieux pĂšlerins se considĂ©raient comme des âĂ©lusâ, prĂ©destinĂ©s Ă occuper les terres de l'AmĂ©rique du Nord comme leur hĂ©ritage lĂ©gitime, Ă ĂȘtre fĂ©conds et Ă se multiplier [9], successeurs comme ils le prĂ©tendaient de l'ancienne JĂ©rusalem, la ville sur la colline. Ils ont ouvert la voie Ă l'exceptionnalisme amĂ©ricain hypertrophiĂ© des siĂšcles suivants, tel que proclamĂ© dans la doctrine Monroe et mis en Ćuvre dans la gĂ©opolitique du Manifest Destiny [âla destinĂ©e manifesteâ, expression apparue en 1845 pour dĂ©signer la forme amĂ©ricaine de l'idĂ©ologie calviniste selon laquelle la nation amĂ©ricaine aurait pour mission divine l'expansion de la âcivilisationâ vers l'Ouest, et Ă partir du XXI siĂšcle dans le monde entier] [10]. C'est cette disposition mentale qui a facilitĂ© la dĂ©possession et le nettoyage ethnique de l'AmĂ©rique du Nord de ses populations indigĂšnes, les Algonquins, Crees, Cherokees, Dakotas, Hopis, Iroquois, Lakotas, Mohawks, Navajos, Pequots, SĂ©minoles, Sioux, Squamish, etc. qui reprĂ©sentaient 10 millions d'ĂȘtres humains et qui, Ă la fin du XIXĂšsiĂšcle, n'en comptaient plus que 300 000 [11].
Peu d'AmĂ©ricains ont voulu reconnaĂźtre l'ampleur de cette tragĂ©die, que Martin Luther King Jr. a qualifiĂ©e Ă juste titre de âgĂ©nocideâ. En 1964, quatre ans avant d'ĂȘtre assassinĂ©, MLK a publiĂ© un livre remarquable intitulĂ© Why we can't Wait [Pourquoi nous ne pouvons pas attendre] [12] Ă la page 141, on peut lire ce qui suit :
âNotre nation est nĂ©e d'un gĂ©nocide lorsqu'elle a adoptĂ© la doctrine selon laquelle l'AmĂ©ricain d'origine, l'Indien, Ă©tait une race infĂ©rieure. Avant mĂȘme l'arrivĂ©e d'un grand nombre de Noirs sur nos cĂŽtes, les stigmates de la haine raciale avaient dĂ©jĂ dĂ©figurĂ© la sociĂ©tĂ© coloniale. Depuis le XVIe siĂšcle, le sang a coulĂ© dans les batailles pour la suprĂ©matie raciale. Nous sommes peut-ĂȘtre la seule nation Ă avoir tentĂ©, dans le cadre de sa politique nationale, d'Ă©radiquer sa population indigĂšne. En outre, nous avons transformĂ© cette expĂ©rience tragique en une noble croisade. En effet, mĂȘme aujourd'hui, nous n'avons pas rĂ©ussi Ă rejeter cet Ă©pisode honteux ou Ă en Ă©prouver du remords. Notre littĂ©rature, nos films, notre thĂ©Ăątre, notre folklore l'exaltent.â
Il s'agissait là aussi d'une forme d'exceptionnalisme américain.
Droit international et droits de l'homme
Le droit international et les droits de l'homme sont intimement liĂ©s et se renforcent mutuellement. Ainsi, lorsque le droit international est violĂ© en toute impunitĂ©, c'est tout le systĂšme qui en pĂątit, y compris les mĂ©canismes de protection des droits de l'homme. L'application arbitraire du droit international signifie que certains ĂȘtres humains ne sont pas pleinement protĂ©gĂ©s par la loi, qu'ils sont laissĂ©s pour compte, tandis que d'autres jouissent de privilĂšges. Elle cimente la philosophie du Herrenmensch [maĂźtre], et entraĂźne une violation Ă part entiĂšre du principe le plus fondamental des droits de l'homme : tous les ĂȘtres humains sont Ă©gaux.
L'exceptionnalisme viole la dignitĂ© de l'individu lorsque la loi en favorise certains, mais qu'elle est invoquĂ©e pour exploiter, opprimer et persĂ©cuter d'autres ĂȘtres humains. Il contrevient Ă l'article 1 de la DĂ©claration universelle des droits de l'homme, qui stipule que
âTous les ĂȘtres humains naissent libres et Ă©gaux en dignitĂ© et en droits. Ils sont douĂ©s de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternitĂ©.â [14]
L'exceptionnalisme enfreint Ă©galement l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) :
âLes hommes sont Ă©gaux devant la loi et ont droit sans discrimination Ă une Ă©gale protection de la loi. Ă cet Ă©gard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir Ă tous une protection Ă©quitable et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.â [15]
L'approche exceptionnaliste du droit international confirme la prérogative impériale de partir en guerre, de s'engager dans des attaques préventives contre des ennemis potentiels. Elle reflÚte la philosophie pseudo-religieuse et pseudo-scientifique de la suprématie. Pour contrer cette mise hors-la-loi, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule dans son article 20 :
â1. toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi. 2. Tout appel Ă la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation Ă la discrimination, Ă l'hostilitĂ© ou Ă la violence est interdit par la loiâ [16]
Il n'est pas surprenant que la plupart des pays de âl'Occident collectifâ aient introduit des rĂ©serves au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dĂ©clarant qu'ils n'accepteraient pas l'article 20.
Cet animus dominandi viole Ă©galement l'article 4 de la Convention internationale sur l'Ă©limination de toute forme de discrimination raciale de 1965[17]:
âLes Ătats parties condamnent toute propagande et toute organisation s'inspirant d'idĂ©es ou de thĂ©ories fondĂ©es sur la supĂ©rioritĂ© d'une race ou d'un groupe de personnes d'une certaine couleur ou d'une certaine origine ethnique, ou cherchant Ă justifier ou Ă encourager la haine et la discrimination raciales sous quelque forme que ce soit, et s'engagent Ă adopter des mesures immĂ©diates et positives destinĂ©es Ă Ă©liminer toute incitation Ă une telle discrimination ou tous actes de discriminationâŠâ
De mĂȘme, la Convention de 1973 sur l'Ă©limination et la rĂ©pression du crime d'apartheid [18] est violĂ©e - non seulement en Afrique du Sud avant Nelson Mandela, mais aujourd'hui en IsraĂ«l sous Benjamin Netanyahu.
Ă cet Ă©gard, il convient Ă©galement de rappeler les termes du dĂ©but de la DĂ©claration d'indĂ©pendance des Ătats-Unis de 1776 : âNous tenons ces vĂ©ritĂ©s pour Ă©videntes, que tous les hommes sont crĂ©Ă©s Ă©gauxâŠâ [19]. Dans la mĂȘme veine, la DĂ©claration française des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 [20], dont l'article 1 stipule : âLes hommes naissent et demeurent libres et Ă©gaux en droits.â
Or, comment la doctrine de l'exceptionnalisme dans la pratique nationale et internationale affecte-t-elle ce principe général d'égalité ? Dans une tribune publiée le 11 septembre 2013 dans le New York Times, Vladimir Poutine a exprimé une inquiétude :
âIl est extrĂȘmement dangereux d'encourager les gens Ă se percevoir comme des ĂȘtres exceptionnels, quelle que soit la motivation.... Nous sommes tous diffĂ©rents, mais lorsque nous implorons les bĂ©nĂ©dictions du Seigneur, nous ne devons pas oublier que Dieu nous a crĂ©Ă©s Ă©gauxâ [21].
L'exceptionnalisme et le risque de confrontation nucléaire
L'exceptionnalisme comporte de nombreux dangers. En particulier Ă l'Ăšre nuclĂ©aire, certaines attitudes exceptionnalistes peuvent obscurcir notre perception, nous amener Ă mal juger la façon dont les autres pensent, et donc entraver notre Ă©valuation des risques. Les pays qui pratiquent l'exceptionnalisme ont traditionnellement fait preuve d'une dĂ©sinvolture nausĂ©abonde dans ce qu'ils disent et font. Ils aiment jouer. Ils prennent des risques pour eux-mĂȘmes et pour les autres. Ils provoquent et espĂšrent que l'autre partie ne rĂ©agira pas, que la provocation sera âencaissĂ©eâ.
HĂ©las, Ă l'Ăšre nuclĂ©aire, ce n'est pas seulement la sĂ©curitĂ© de l'exceptionnaliste provocateur qui est en jeu, mais le sort de l'humanitĂ© tout entiĂšre. Les Ătats-Unis et les pays de l'OTAN, notamment le Royaume-Uni, jouent la carte de la provocation depuis des annĂ©es, et pensent manifestement qu'ils peuvent le faire indĂ©finiment. Alors qu'il devrait ĂȘtre Ă©vident pour tous que personne ne survivra Ă une confrontation nuclĂ©aire, les Ătats-Unis, le Royaume-Uni et certains pays de l'OTAN continuent de jouer avec le feu, et intensifient de maniĂšre irresponsable la guerre en Ukraine, au lieu de chercher des solutions pour mettre fin au conflit par la diplomatie et la nĂ©gociation. VoilĂ encore une raison pour laquelle la MajoritĂ© Mondiale en AmĂ©rique latine, en Afrique et en Asie doit se faire davantage entendre, car si l'OTAN fait un mauvais calcul, comme elle l'a dĂ©jĂ fait par le passĂ©, les consĂ©quences seront subies par tous les habitants de la planĂšte Terre.
Aux Nations unies, il existe un consensus selon lequel les armes nuclĂ©aires ne doivent jamais ĂȘtre utilisĂ©es. DĂšs 1995, le Conseil de sĂ©curitĂ© a adoptĂ© la rĂ©solution 984 [22] et a prorogĂ© pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e le traitĂ© de non-prolifĂ©ration [23]. En 2004, le Conseil de sĂ©curitĂ© a adoptĂ© la rĂ©solution 1540, qui impose Ă tous les Ătats l'obligation de mettre en place des dispositifs de contrĂŽle interne pour prĂ©venir la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires. Le 20 novembre 2022, la rĂ©solution 2663 a dĂ©cidĂ©
âque le ComitĂ© 1540 procĂ©derait Ă des examens approfondis de l'Ă©tat d'application de la rĂ©solution 1540 (2004), notamment en organisant des consultations ouvertes du ComitĂ© Ă New York, au bout de cinq ans et avant le renouvellement de son mandatâŠâ et a appelĂ© les Ătats âĂ tenir compte de l'Ă©volution de la nature du risque de prolifĂ©ration et des progrĂšs rapides de la science et de la technologie dans leur mise en Ćuvre de la rĂ©solution 1540 (2004)â [24].
Entre-temps, le traitĂ© des Nations unies de 2017 sur l'interdiction des armes nuclĂ©aires [25] est entrĂ© en vigueur le 22 janvier 2021, mais les Ătats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine et IsraĂ«l n'en sont pas signataires.
Il est facile de faire semblant de respecter le droit international. Tout le monde le fait. Mais pouvons-nous compter sur des Nations unies dysfonctionnelles pour protĂ©ger le monde des politiciens Ă risque ? L'ONU n'a pas pu empĂȘcher l'OTAN de violer le ius cogens interdisant le recours Ă la force (article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations unies) et de bombarder la Yougoslavie en 1999, dĂ©truisant son intĂ©gritĂ© territoriale sous de faux prĂ©textes et en toute impunitĂ©. En 2003, toujours sous le prĂ©texte manifestement fallacieux de la prĂ©sence d'armes de destruction massive [26], les Ătats-Unis ont rĂ©uni la tristement cĂ©lĂšbre âcoalition des volontairesâ pour envahir et dĂ©vaster l'Irak, afin d'achever l'assaut contre le peuple irakien et le pillage de ses ressources, dĂ©jĂ amorcĂ© en 1991. La guerre de 2003, que le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Kofi Annan a qualifiĂ©e de âguerre illĂ©galeâ [27], a constituĂ© une rĂ©bellion contre le droit international et la Charte des Nations unies de la part d'un nombre considĂ©rable d'Ătats ostensiblement attachĂ©s Ă l'Ătat de droit et aux droits de l'homme. Personne n'a eu Ă rĂ©pondre de ses actes.
N'oublions pas qu'en aoĂ»t 1945, alors que le Japon avait dĂ©jĂ perdu la guerre dans le Pacifique et qu'il ne reprĂ©sentait aucune menace existentielle pour les Ătats-Unis, Harry Truman a dĂ©cidĂ© de bombarder Hiroshima et Nagasaki. Les Ătats-Unis, dans leur orgueil dĂ©mesurĂ©, ont exigĂ© du Japon une âreddition inconditionnelleâ et rien de moins, en dĂ©pit des offres de paix faites par le Japon depuis 1944 [28]. ConformĂ©ment Ă leur doctrine exceptionnaliste, les Ătats-Unis ont dĂ©cidĂ© d'humilier les Japonais et leur empereur. L'arme atomique a Ă©tĂ© utilisĂ©e non pas dans un but militaire lĂ©gitime, mais plutĂŽt dans un but psychologique - pour terroriser les Japonais et les soumettre, et par lĂ mĂȘme pour mettre en garde les SoviĂ©tiques, en leur montrant que les Ătats-Unis Ă©taient jusqu'alors le seul hĂ©gĂ©mon et qu'ils n'hĂ©siteraient pas Ă utiliser la bombe atomique contre tout ennemi potentiel, mĂȘme Ă titre prĂ©ventif. Jusqu'Ă prĂ©sent, seuls les Ătats-Unis ont utilisĂ© des armes nuclĂ©aires dans le cadre d'une guerre. S'ils l'ont fait deux fois contre le Japon, peuvent-ils le faire Ă nouveau, cette fois contre la Russie et la Chine ? [29].
Ă l'Ăšre nuclĂ©aire, ces fanfaronnades manque de conviction. Les Russes possĂšdent plus d'ogives nuclĂ©aires que les Ătats-Unis, et ils disposent Ă©galement de missiles hypersoniques pour les transporter, ce qui n'est pas le cas des Ătats-Unis. Il est temps de revoir le discours de John F. Kennedy prononcĂ© le 10 juin 1963 Ă l'American University :
âAvant tout, tout en dĂ©fendant nos propres intĂ©rĂȘts vitaux, les puissances nuclĂ©aires doivent Ă©viter ce genre de confrontations qui amĂšnent un adversaire Ă choisir entre une retraite humiliante ou une guerre nuclĂ©aire. Adopter une telle attitude Ă l'Ăšre nuclĂ©aire ne serait que la preuve de la faillite de notre politique, ou d'un dĂ©sir collectif mortifĂšre pour le mondeâ [30].
Je crains que dans le monde actuel des fake news et des rĂ©cits manipulĂ©s, dans la sociĂ©tĂ© d'aujourd'hui soumise au lavage de cerveau, Kennedy ne soit accusĂ© d'ĂȘtre un âconciliateurâ [31], voire un traĂźtre. Et pourtant, aujourd'hui, c'est le sort de toute l'humanitĂ© qui est en jeu. Ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'un autre JFK ou d'un autre Jimmy Carter Ă la Maison Blanche.
Conclusion
Il ne fait aucun doute que l'exceptionnalisme amĂ©ricain contrevient au sens et Ă l'esprit de la Charte des Nations unies, Ă la DĂ©claration et au Programme d'action de Vienne, Ă d'innombrables rĂ©solutions de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, notamment les rĂ©solutions 2625, 3314 et 60/1. L'unilatĂ©ralisme est Ă©galement incompatible avec de nombreux articles de la Convention de Vienne sur les traitĂ©s, dont l'article 26 stipule que les traitĂ©s doivent ĂȘtre observĂ©s en toute bonne foi, pacta sunt servanda. Parmi les traitĂ©s Ă appliquer, nous reconnaissons avant tout la Charte des Nations unies, dont l'article 103, la clause de suprĂ©matie, donne Ă la Charte la primautĂ© sur tous les autres traitĂ©s, y compris le traitĂ© de l'Organisation du traitĂ© de l'Atlantique Nord.
De nombreux universitaires amĂ©ricains nous ont mis en garde contre le danger d'un anĂ©antissement nuclĂ©aire et la nĂ©cessitĂ© d'une dĂ©sescalade. Parmi eux, nous comptons les professeurs John Mearsheimer, Jeffrey Sachs, Stephen Kinzer et Francis Boyle. HĂ©las, ce sont des Cassandre modernes. La triste rĂ©alitĂ© est que l'exceptionnalisme et l'unilatĂ©ralisme font partie de l'ADN de nombre de nos dirigeants politiques aux Ătats-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.
Les relations publiques et la propagande ont convaincu de nombreux citoyens que l'OTAN serait une âalliance de dĂ©fenseâ. Pourtant, depuis 1991 et le dĂ©mantĂšlement du Pacte de Varsovie, la raison d'ĂȘtre de l'OTAN a disparu et l'organisation s'est mĂ©tamorphosĂ©e en une force militaire agressive dont la fonction n'est pas la dĂ©fense, mais l'expansion pour le plaisir de l'expansion, l'expansion pour contraindre les autres Ă se soumettre Ă la volontĂ© de Washington et de Bruxelles, une organisation qui prĂ©tend usurper les fonctions des Nations unies.
Les forces de l'OTAN ont commis des agressions, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanitĂ© en Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, etc. Mais les fake news qui ont accompagnĂ© ces guerres se sont dĂ©sormais muĂ©es en fake history, et nombreux sont ceux qui gobent l'apologie des actions criminelles de l'OTAN. En rĂ©alitĂ©, l'OTAN devrait ĂȘtre qualifiĂ©e d'organisation criminelle au sens du jugement de Nuremberg de 1946 et des articles 9 et 10 du statut du Tribunal militaire international (accord de Londres du 8 aoĂ»t 1945, ironiquement adoptĂ© deux jours aprĂšs le bombardement nuclĂ©aire d'Hiroshima et un jour avant l'anĂ©antissement de Nagasaki).
Les avocats des gouvernements portent une responsabilitĂ© considĂ©rable dans ces illĂ©galitĂ©s, car au lieu de conseiller les dirigeants politiques sur la meilleure façon d'appliquer la Charte des Nations unies et les arrĂȘtĂ©s de la Cour internationale de justice, de maintenir la paix et de pratiquer la solidaritĂ© internationale, ils cherchent le moyen de se soustraire aux engagements internationaux, d'inventer des failles dans les traitĂ©s et de formuler des interprĂ©tations exceptionnalistes du droit international.
En ce 21Ú jour de septembre 2024, Journée internationale de la paix [32], nous n'avons jamais été aussi proches de l'anéantissement depuis 1945. L'OTAN est hors de contrÎle. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un cessez-le-feu immédiat et de négociations diplomatiques pour mettre fin aux guerres en Ukraine et en Israël/Palestine, au Liban, au Yémen, en Syrie. La Majorité Mondiale doit rejeter les paradigmes obsolÚtes de l'exceptionnalisme et de l'unilatéralisme et redécouvrir la spiritualité de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Pax optima rerum - la paix est le plus précieux des biens.
Notes
[1] https://www.un.org/en/summit-of-the-future
[2] https://impakter.com/the-nations-most-and-least-likely-to-support-un-principles/
[3] https://www.thecollector.com/melian-dialogue-thucydides/
[4] https://1997-2001.state.gov/statements/1998/980219a.html
[5]
[6]
[7]
[8] David Stannard, American Holocaust, Oxford 1992.
[9] GenĂšse, 9:7.
[10] Richard Drinnon, Facing West, University of Oklahoma Press, 1997.
[11] Alfred de Zayas, Countering Mainstream Narratives, Clarity Press, Atlanta 2022.
[Martin Luther King Jr, Why We Can't Wait (New York : New American Library, Signet Classics, 2000) ; de Zayas, Countering Mainstream Narratives, p. 54.
[14] https://www.un.org/en/about-us/universal-declaration-of-human-rights
[15] https://www.ohchr.org/en/instruments-mechanisms/instruments/international-covenant-civil-and-political-rights
[16] Ibid.
[17] https://www.ohchr.org/en/instruments-mechanisms/instruments/international-convention-elimination-all-forms-racial
[18] https://www.un.org/en/genocideprevention/documents/atrocity-crimes/Doc.10_International%20Convention%20on%20the%20Suppression%20and%20Punishment%20of%20the%20Crime%20of%20Apartheid.pdf
[19] https://declaration.fas.harvard.edu/resources/text
[20] https://www.elysee.fr/la-presidence/la-declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen
[21] https://www.nytimes.com/2013/09/12/opinion/putin-plea-for-caution-from-russia-on-syria.html
[22] https://en.wikipedia.org/wiki/United_Nations_Security_Council_Resolution_984
[23] https://disarmament.unoda.org/wmd/nuclear/npt/
[24] https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n22/716/75/pdf/n2271675.pdf
[25] https://disarmament.unoda.org/wmd/nuclear/tpnw/
[26] Hans Blix, Disarming Iraq, Pantheon, 2004.
[27] http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/3661134.stm
[28] https://www.jstor.org/stable/2049539
https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-asian-studies/article/abs/japanese-peace-maneuver-in-19441/1B5B584A53782C211CB28AE71BA3EA56
[29] https://foreignpolicy.com/2023/10/27/united-states-middle-east-wars-asia-europe-same-time/
https://www.foreignaffairs.com/united-states/could-america-win-new-world-war
Le « vĆu de mort » de l'OTAN dĂ©truira non seulement l'Europe, mais aussi le reste du monde
[31] https://www.counterpunch.org/2024/08/09/appeasement-reconsidered/
[32] https://internationaldayofpeace.org/
* Alfred de Zayas est professeur de droit Ă l'Ăcole de diplomatie de GenĂšve et a Ă©tĂ© expert indĂ©pendant de l'ONU sur l'ordre international de 2012 Ă 18. Il est l'auteur de douze ouvrages, dont « Building a Just World Order » (2021), « Countering Mainstream Narratives » (2022) et « The Human Rights Industry » (Clarity Press, 2021).
https://www.counterpunch.org/2024/09/25/exceptionalism-and-international-law/