👁🗨 Exclusif : Les coulisses de la nouvelle proposition de “cessez-le-feu” de Trump pour Gaza
“Libérer la moitié [des otages vivants] en une semaine, puis placer ses espoirs en Trump n'est pas très rassurant”. “Ils peuvent très bien relancer l'offensive, rien ne garantit un retrait permanent”.

👁🗨 Exclusif : Les coulisses de la nouvelle proposition de “cessez-le-feu” de Trump pour Gaza
Par Jeremy Scahill, Sharif Abdel Kouddous & Jawa Ahmad, le 29 mai 2025
Drop Site a obtenu le “document préliminaire” diffusé par Steve Witkoff. Il permettrait à Israël de reprendre la guerre au bout de 60 jours.
“Ils peuvent très bien relancer l'offensive”, a-t-il déclaré. “Rien ne garantit un cessez-le-feu permanent, rien ne garantit un retrait permanent”.
Une nouvelle proposition de cessez-le-feu à Gaza, présentée par l'envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, prévoit une trêve initiale de 60 jours, un “redéploiement” de certains éléments de l'armée israélienne et un échange de prisonniers, dont dix Israéliens détenus à Gaza. Elle prévoit également la livraison “immédiate” de l'aide humanitaire, notamment par les Nations unies et le Croissant-Rouge. Drop Site a obtenu une copie du document, qualifié de “liste des conditions” par Witkoff.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé aujourd'hui qu'Israël a accepté la proposition, affirmant qu'elle permettra à Israël de poursuivre sa guerre d'anéantissement.
“Nous acceptons les grandes lignes qui nous ont été transmises ce soir”, a déclaré Netanyahu. “Nous ne croyons pas à la libération des derniers otages par le Hamas, et nous continuerons donc à nous battre jusqu'à ce que le Hamas soit détruit, et nous ne quitterons pas la bande de Gaza tant que tous les otages ne seront pas de retour parmi nous”.
S'il est finalisé, l'accord serait annoncé personnellement par le président Trump et stipulerait que Trump “garantait le respect par Israël du cessez-le-feu durant la période convenue”. “Witkoff se rendrait sur place pour finaliser l'accord”, précise-t-il, et pour “présider aux négociations”.
Le Hamas a confirmé avoir reçu la proposition de Witkoff et déclare qu'il
“l'étudie sérieusement afin de servir les intérêts de notre peuple, d'apporter un répit et de parvenir à un cessez-le-feu permanent dans la bande de Gaza”.
Mercredi, Witkoff a annoncé que les États-Unis sont sur le point d'envoyer la liste des conditions au Hamas et à Israël pour approbation.
“J'ai un très bon feeling quant à la possibilité d'aboutir à... un cessez-le-feu temporaire et à une résolution pacifique à long terme de ce conflit”,
a-t-il déclaré aux côtés de Trump dans le Bureau ovale.
Selon des responsables qui se sont confiés à Drop Site, ce qui inquiète le plus le Hamas, c'est que la proposition contient des modifications substantielles à un “accord” que le Hamas a annoncé avoir conclu avec les États-Unis lundi (démenti le lendemain par Witkoff). Mardi, le Hamas a publié une déclaration indiquant qu'il est parvenu à
“un accord avec l'envoyé américain Steve Witkoff sur un cadre général qui prévoit un cessez-le-feu permanent, le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza, la reprise de l'aide humanitaire et la nomination d'un comité professionnel chargé de gérer les affaires de la bande de Gaza immédiatement après l'annonce de l'accord”.
La nouvelle proposition de Witkoff ne contient toutefois que des formulations vagues quant à savoir si l'accord conduirait à l'arrêt complet du génocide et au retrait intégral de l'armée israélienne de Gaza.
“Le président tient à ce que les parties respectent l'accord de cessez-le-feu et insiste pour que les négociations menées durant les trêves temporaires, si elles aboutissent à un accord entre les parties, conduisent à un règlement définitif du conflit”, indique le document. “Les États-Unis et le président Trump sont déterminés à œuvrer pour que les négociations loyales se poursuivent jusqu'à la conclusion d'un accord définitif”.
Le nouveau projet ne fait également aucune mention d'un comité indépendant chargé d'administrer Gaza, une condition que le Hamas disait avoir incluse dans son accord initial avec les États-Unis.
“L'accord proposé par les Israéliens par l'intermédiaire de Witkoff est extrêmement difficile à accepter”, a déclaré un haut responsable du Hamas à Drop Site. “Il n'est plus question de l'accord [de cessez-le-feu] du 19 janvier. Il n'est plus question d'un retour à la situation antérieure au 2 mars”,
date à laquelle Israël a violé le cessez-le-feu initial. Le responsable du Hamas a déclaré que rien ne garantit qu'Israël respectera la trêve de 60 jours après la libération de ses dix prisonniers dans la première semaine suivant l'accord.
“Ils peuvent très bien relancer l'offensive”, a-t-il déclaré. “Rien ne garantit un cessez-le-feu permanent, rien ne garantit un retrait permanent”.
Selon le document, les États-Unis, l'Égypte et le Qatar se porteraient garants d'un cessez-le-feu de 60 jours ainsi que de “toute prolongation convenue” et
“veilleraient à ce que des négociations sérieuses aient lieu sur les accords nécessaires à un cessez-le-feu permanent et mettraient tout en œuvre pour garantir l'aboutissement des négociations susmentionnées”.
Jeudi, un haut responsable de la résistance palestinienne a déclaré à Drop Site que le Hamas débat toujours du libellé du document. Il a souligné que les assurances données par Trump quant à son engagement en faveur d'un cessez-le-feu à long terme ne sont pas applicables, et qu'Israël viole systématiquement les accords de cessez-le-feu, y compris l'accord conclu en janvier que Trump a fait adopter avant son investiture.
“Libérer la moitié [des prisonniers israéliens vivants] en une semaine, puis placer ses espoirs en Trump n'est pas très rassurant”, a-t-il déclaré à Drop Site.
Basem Naim, membre du bureau politique du Hamas, a déclaré à Drop Site en début de mois que le groupe avait reçu l'engagement direct de Witkoff que deux jours après la libération du citoyen américain et soldat israélien Edan Alexander, l'administration Trump obligerait Israël à lever le blocus de Gaza et à autoriser l'entrée de l'aide humanitaire sur le territoire. Selon Naim, Witkoff a également promis que Trump appellerait publiquement à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et à des négociations visant à parvenir à un “cessez-le-feu permanent”.
“Il n'a rien fait de tout cela”, a déclaré Naim. “Ils n'ont même pas violé l'accord. Ils l'ont mis à la poubelle”.
Les responsables du Hamas ont toujours déclaré à Drop Site qu'ils n'accepteront aucune proposition n'incluant pas un cadre clairement défini pour la fin totale du génocide et le retrait de l'armée israélienne. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré qu'Israël n'acceptera pas de conditions qui l'empêchent de reprendre sa guerre d'extermination contre Gaza.
“On peut émettre beaucoup de réserves sur ce document en tant que traité-cadre. Il comporte de nombreuses lacunes et ambiguïtés”, a déclaré à Drop Site une source palestinienne proche de l'équipe de négociation. “Israël n'acceptera jamais de mettre fin à la guerre selon ce cadre. Le nombre de camions d'aide humanitaire n'est pas mentionné. Aucune mention n'est faite quant aux lieux que à l'armée israélienne libèrerait. Toutes ces questions risquent de compromettre l'accord. Witkoff a essayé de satisfaire Israël bien plus que dans le document précédent. La décision finale du mouvement va prendre du temps”.
Peu après la diffusion du projet Witkoff, des responsables israéliens ont déclaré à plusieurs médias hébraïques que le libellé vague du projet permettrait à Netanyahu de reprendre l'offensive au bout de 60 jours. Selon Ha'aretz, un haut responsable israélien a suggéré que
“les responsables américains ont délibérément utilisé un langage ambigu sur la question de la fin de la guerre afin de rendre l'accord acceptable pour les deux parties”, soulignant que la proposition “ne comprend aucune exigence pour Israël de mettre fin à la guerre ou de se retirer de Gaza”.
S'adressant à YNet, des responsables israéliens ont déclaré que la conclusion d'un accord partiel pour la moitié des otages encore en vie ou morts est une victoire pour Israël qui augmente les chances d'un autre accord partiel, car le pouvoir de négociation du Hamas s'en trouverait réduit.
“Si l'on peut obtenir un cessez-le-feu temporaire pour récupérer d'autres otages, je tiens à le souligner : nous sommes prêts à un cessez-le-feu temporaire”,
a déclaré Netanyahu le 21 mai. Des responsables du Hamas ont déclaré à Drop Site que le groupe ne libérera d'autres otages israéliens que lorsqu'on pourra clairement définir un cadre pour mettre fin au génocide.
Des responsables israéliens se sont également vantés auprès de YNet que, selon les termes du document Witkoff, “Israël ne renonce pas à ses acquis stratégiques”, affirmant que le cadre permettra à l'armée israélienne de rester implantée le long du couloir de Philadelphi, à la frontière sud de Gaza avec l'Égypte.
En vertu de cet accord, l'aide serait envoyée à Gaza “dès que le Hamas aura accepté l'accord de cessez-le-feu”. Le processus permettant l'acheminement de l'aide à Gaza n'est pas tout à fait clair, bien que la proposition précise que l'ONU serait impliquée dans la distribution :
“Quel que soit l'accord conclu sur l'aide à la population civile, il sera respecté pendant toute la durée de l'accord. L'aide sera distribuée par des circuits convenus, qui incluront les Nations unies et le Croissant-Rouge”.
Le document ne précise pas si la Fondation humanitaire de Gaza GHF continuera à fonctionner, ou si elle sera dissoute. Le mécanisme de distribution de l'aide soutenu par les États-Unis et Israël a été dénoncé par l'ONU et des dizaines d'organisations humanitaires internationales après son entrée en vigueur cette semaine à Gaza, avec des conséquences désastreuses, notamment la mort d'au moins 10 Palestiniens tués par l'armée israélienne.
Le cadre du cessez-le-feu comprend un calendrier pour la libération de dix prisonniers israéliens vivants et de 18 prisonniers morts. La moitié serait libérée le premier jour de l'accord, et les autres le septième jour. On compte au total 58 prisonniers israéliens toujours détenus à Gaza, dont 20 vivants, 35 confirmés morts, et trois dont le statut reste inconnu selon Israël. En échange de la libération par le Hamas de dix prisonniers israéliens vivants, Israël libérera 125 prisonniers palestiniens condamnés à perpétuité et 1 111 prisonniers de Gaza détenus depuis le 7 octobre 2023.
“La libération se fera simultanément, conformément à un mécanisme convenu et sans manifestations publiques ni cérémonies”, précise le document.
Toutes les activités militaires offensives israéliennes cesseraient dès l'entrée en vigueur de l'accord. Durant la période initiale de cessez-le-feu de 60 jours, Israël annulerait également tous les mouvements aériens, y compris la surveillance, pendant 10 à 12 heures par jour.
Les détails techniques essentiels ne sont pas précisés dans la liste des conditions, notamment jusqu'où les troupes terrestres israéliennes devraient se retirer. La proposition indique seulement que les troupes seront redéployées dans le nord de Gaza et dans le couloir de Netzarim le premier jour de l'accord, sur la base de cartes qui doivent encore être négociées. Les troupes israéliennes dans le sud de Gaza seront redéployées dans des conditions similaires le septième jour. Selon la liste des conditions, “les équipes techniques détermineront les limites définitives du redéploiement durant les négociations préalables” Selon l'ONU, plus de 80 % de la bande de Gaza est actuellement sous contrôle militaire israélien, ou fait l'objet d'ordres d'évacuation.
Les conditions de l'échange de prisonniers sont conformes à l'accord de cessez-le-feu précédent conclu en janvier, qu'Israël a violé presque quotidiennement avant de le rejeter définitivement, imposant un blocus total le 2 mars et reprenant ses opérations militaires génocidaires à pleine puissance le 18 mars. En échange de la libération des dépouilles des 18 prisonniers israéliens, Israël libérerait 180 prisonniers palestiniens morts à Gaza. La proposition interdit expressément toute “manifestation publique ou cérémonie” durant la libération des prisonniers.
Le document stipule également que le dixième jour du cessez-le-feu, le Hamas devrait fournir “des informations exhaustives (preuve de vie et rapport médical / preuve de la mort)” sur chacun des prisonniers israéliens restants, tandis qu'Israël serait tenu de fournir les mêmes informations sur les prisonniers palestiniens détenus depuis le 7 octobre à Gaza. Il mentionne les prisonniers palestiniens détenus par Israël en Cisjordanie, dont des dizaines sont toujours portés disparus et dont le sort reste inconnu.
La proposition appelle également le Hamas à s'engager
“à garantir la santé, le bien-être et la sécurité des otages pendant le cessez-le-feu”,
sans aucune disposition concernant les prisonniers palestiniens détenus par Israël. Au moins 70 Palestiniens sont morts en détention israélienne au cours des 19 derniers mois. Près de 4 000 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le 18 mars seulement, date à laquelle Israël a repris ses bombardements intensifs suivis d'une invasion terrestre à grande échelle.
Plus de 430 000 Palestiniens ont été à nouveau déplacés de force au cours de cette période. Par ailleurs, selon l'ONU, le blocus imposé par Israël depuis près de trois mois a plongé 100 % de la population de Gaza dans une « situation d'insécurité alimentaire grave » et l'ensemble de l'enclave est au bord de la famine.
Alors que l'assaut génocidaire d'Israël sur Gaza a franchi mercredi la barre des 600 jours, l'UNOCHA a déclaré que la situation humanitaire a “atteint son seuil le plus grave”. Alors que les bombardements incessants et meurtriers s'intensifient et que les déplacements massifs se poursuivent, les familles sont affamées et privées des moyens de survie les plus élémentaires.
Cet article a été mis à jour afin d'inclure les nouveaux commentaires d'un responsable du Hamas et d'une autre source palestinienne.
Traduit par Spirit of Free Speech