đâđš Faire campagne pour la libĂ©ration d'Assange : RĂ©flexions sur la confĂ©rence âNight Fallsâ
Ce qu'Assange Ă©crit compte autant que 1984 dâOrwell & Le meilleur des mondes d'Huxley pour Varoufakis, impressionnĂ© par lâintĂ©gritĂ© quasi sacrĂ©e de cet homme, sa dignitĂ© & ses valeurs intellectuelles.
đâđš Faire campagne pour la libĂ©ration d'Assange : RĂ©flexions sur la confĂ©rence âNight Fallsâ
Par Binoy Kampmark, le 10 mars 2024
Les rencontres publiques sont le dernier rappel lancinant des véritables mobilisations. Les gens se rassemblent, les débats ont lieu. Les points de vue convergent, d'autres divergent. Les orateurs sont invités à toucher les invités, à stimuler les cellules grises. Jusqu'à ce que l'intelligence artificielle bannisse ces rassemblements et que le cosmos numérique nous engloutisse tout entier, chérissez ces événements.
Et il y a eu beaucoup de choses positives dans Night Falls in the Evening Lands : The Assange Epic, qui s'inscrit dans le cadre d'un mouvement mondial visant à faire connaßtre l'importance de la libération du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, toujours détenu à la prison de Belmarsh, à Londres. L'événement, qui s'est tenu le 9 mars au Storey Hall de Melbourne, a permis de rappeler de maniÚre salutaire que le sort de l'éditeur est devenu un sujet de préoccupation immédiate. Usé par la procédure judiciaire et emprisonné par un substitut du pouvoir américain, il est confronté à un acte d'accusation politique vicieux de 17 chefs d'inculpation axés sur la loi sur l'espionnage de 1917 et un sur l'intrusion informatique. Un recours devant la High Court britannique sur la question de l'extradition est en suspens.
La nature thĂ©matique de ces Ă©vĂ©nements peut ĂȘtre un dĂ©fi. Il ne faut jamais ĂȘtre trop pessimiste - et dans le cas d'Assange, qu'il s'agisse de sa santĂ©, de la torture, de l'injustice et des tentatives des services de renseignement amĂ©ricains de lui ĂŽter la vie ou de le kidnapper, il y a beaucoup de raisons de l'ĂȘtre. La morositĂ© dâaccord, mais seulement Ă petite dose. Essayez, dans la mesure du possible, d'injecter une note d'humour encourageante dans les dĂ©bats. L'humour dĂ©stabilise les tyranniques, et met Ă mal l'assurance des idĂ©ologues. RĂ©flĂ©chissez ensuite, plus globalement, Ă l'Ă©tonnant hĂ©ritage sur le sujet et posez cette question essentielle : oĂč allons-nous maintenant ?
Les sĂ©ances, remarquablement encadrĂ©es par Mary Kostakidis (âEssayez d'Ă©viter les longs prĂ©ambules Ă vos questions, s'il vous plaĂźtâ), ont couvert un large Ă©ventail de sujets :
la nature de la âloi impĂ©rialeâ et de la juridiction extra-territoriale
le rĂŽle mobilisateur de WikiLeaks dans la dĂ©nonciation des atrocitĂ©s commises par les Ătats
le tonus régénérateur qu'Assange a insufflé à un quatriÚme pouvoir ingrat et envieux
l'émergence salutaire de médias non traditionnels, et
les tactiques nécessaires pour convaincre les responsables politiques que la libération de l'éditeur est justifiée, et de toute urgence.
Deux orateurs se sont montrĂ©s particuliĂšrement incisifs sur l'hĂ©ritage d'Assange et sur ce qu'il fallait faire pour obtenir sa libĂ©ration. L'ancien ministre grec des finances et Ă©conomiste virulent, Yanis Varoufakis, s'est montrĂ© encourageant sur ces deux points. Ce dernier, en pleine forme, s'est interrogĂ© sur âce que Julian lui a apprisâ. Les gens oublient, a rappelĂ© M. Varoufakis Ă son auditoire, le gĂ©nie de M. Assange, l'un des premiers cypherpunks, capable de construire un site web rĂ©sistant aux tempĂȘtes du piratage et Ă rester Ă flot dans les eaux numĂ©riques traĂźtresses. Les lanceurs d'alerte et les auteurs de fuites pouvaient ĂȘtre assurĂ©s de contribuer de maniĂšre anonyme au site web de WikiLeaks.
Il a Ă©galement Ă©tĂ© impressionnĂ© par la grande intĂ©gritĂ©, presque sacrĂ©e, de cet homme. MĂȘme s'ils n'Ă©taient pas d'accord, se souvient-il, âet mĂȘme si j'avais parfois envie de l'Ă©tranglerâ, il respire la dignitĂ© et les valeurs intellectuelles. En ce qui concerne la rĂ©vĂ©lation de ses sources, contrairement Ă l'esprit et Ă la substance de l'acte d'accusation amĂ©ricain, M. Assange Ă©tait scrupuleux Ă l'extrĂȘme. Trahir l'une d'entre elles les mettrait en danger.
Plus Ă©mouvant encore, Varoufakis a Ă©voquĂ© son propre Ă©veil intellectuel en lisant les mĂ©ditations d'Assange sur internet : il a Ă©voquĂ© la maniĂšre dont celui-ci pourrait, tout simplement, briser l'imperium de l'information si Ă©troitement gardĂ© par des intĂ©rĂȘts puissants. Enfin, les citoyens ordinaires auraient Ă leur disposition les moyens de faire reculer l'espionnage et la surveillance. Le miroir numĂ©rique nous permettrait de voir ce qu'ils - les agents de l'Ătat, leurs hommes de main et leurs serviteurs - peuvent voir Ă notre sujet. Pour Varoufakis, ce qu'Assange a Ă©crit est aussi important que 1984 de George Orwell et Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley, des livres qu'il a lus avec une certaine angoisse Ă l'Ă©poque de la junte militaire grecque.
En ce qui concerne la nature du pouvoir - en l'occurrence, la menace que reprĂ©sente l'imperium amĂ©ricain - l'Australie doit se libĂ©rer et adopter le non-alignement. Avec sa verve coutumiĂšre, Varoufakis a qualifiĂ© l'exercice de l'influence de Washington sur ses Ătats satellites de gang mafieux : âIls fabriquent de l'insĂ©curitĂ© pour vendre leur protectionâ. Cette formulation brillante est au cĆur du dĂ©sir puĂ©ril des dĂ©cideurs australiens d'approuver AUKUS, un dangereux pacte militaire avec les Ătats-Unis et le Royaume-Uni qui va hypothĂ©quer le pays Ă hauteur de 368 milliards de dollars australiens.
MĂȘme en supposant que cet accord soit maintenu, les responsables de la capitale nationale, y compris le Premier ministre Anthony Albanese, devraient poser la question fondamentale Ă propos d'Assange. âFaites d'AUKUS une condition du retour d'Assange en Australieâ, a insistĂ© M. Varoufakis. âEt les puissants vous respecteront mĂȘme si vous n'ĂȘtes pas d'accord avec euxâ. Jusqu'Ă prĂ©sent, le Premier ministre a Ă©tĂ© trĂšs dĂ©cevant, et n'est guĂšre digne de confiance, mĂȘme par le prĂ©sident amĂ©ricain Joe Biden, pratiquement comateux.
Toutefois, sa viabilitĂ© est peut-ĂȘtre en train de rĂ©apparaĂźtre. Ce thĂšme a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence dans le discours percutant de Greg Barns, avocat expĂ©rimentĂ© et stratĂšge de campagne qui a participĂ© Ă l'aventure WikiLeaks depuis 2012. Tout en attirant l'attention sur l'affirmation scandaleuse de la compĂ©tence extraterritoriale de Washington pour cibler Assange, il a estimĂ© que les perspectives politiques Ă Canberra Ă©taient trĂšs prometteuses. Il y a quelques annĂ©es, il n'aurait jamais imaginĂ© se trouver dans une piĂšce oĂč le chef des Verts australiens, Adam Bandt, serait assis Ă cĂŽtĂ© d'un dĂ©fenseur des combustibles fossiles et sĂ©nateur national, Matthew Cannavan. âĂ cĂŽtĂ© de M. Green se trouvait M. Coalâ. Leur objectif commun : la libĂ©ration d'Assange et la fin d'une situation si inadmissible qu'elle ne fait plus l'objet de dĂ©bats dans les salles de classe des universitĂ©s et les forums spĂ©cialisĂ©s.
Pour le public et les militants potentiels, M. Barns a prodiguĂ© des conseils avisĂ©s. Interpeller les reprĂ©sentants politiques locaux. Organiser des rĂ©unions, de prĂ©fĂ©rence en groupe, avec le dĂ©putĂ© local. Leur rappeler l'importance de la question. âFaites-en un enjeu pour l'allianceâ. Il n'y a rien de plus inquiĂ©tant pour un dĂ©putĂ© lambda que de voir son bureau s'inquiĂ©ter d'un âtraficâ suggĂ©rant un changement de tendance de la part de l'Ă©lectorat. âJe suis prĂȘt Ă parier que le traitement rĂ©servĂ© Ă Assange est entrĂ© dans les discussions au sein du partiâ, a dĂ©clarĂ© M. Barns avec assurance.
Pour conclure, câest l'infatigable pĂšre d'Assange, John Shipton, qui a rĂ©confortĂ© son auditoire avec des pensĂ©es douces et mĂ©ditatives. Ă la maniĂšre d'un chaman apaisant, il a abordĂ© certains des thĂšmes de la journĂ©e en posant des questions. AUKUS constitue-t-il un pot-de-vin ? Un hommage ? Une rĂ©tribution pour le savoir ? Mais, avec optimisme, Shipton a de l'espoir pour son fils : la conscience de l'exĂ©cutif s'est Ă©veillĂ©e Ă la lumiĂšre des âgraines d'orâ rĂ©coltĂ©es. Les responsables ont finalement Ă©coutĂ©.
* Binoy Kampmark a été boursier du Commonwealth au Selwyn College de Cambridge. Il enseigne actuellement à l'université RMIT. Courriel : bkampmark@gmail.com