đâđš Famine Ă Gaza : Nouvelle intervention de la Cour internationale de justice
La rĂ©solution exige que les obstacles Ă l'aide humanitaire soient levĂ©s, âla mise en Ćuvre immĂ©diate & effective des mesures conservatoires indiquĂ©es par la Cour dans l'ordonnance du 26 janvier 2024â.
đâđš Famine Ă Gaza : Nouvelle intervention de la Cour internationale de justice
Par Binoy Kampmark, le 30 mars 2024
Rarement la Cour internationale de justice (CIJ) n'aura Ă©tĂ© autant sollicitĂ©e par un mĂȘme sujet dans un laps de temps aussi court. Le 26 janvier, la Cour internationale de Justice, examinant une requĂȘte dĂ©posĂ©e en dĂ©cembre par l'Afrique du Sud, a acceptĂ© l'argument de Pretoria selon lequel la Convention pour la prĂ©vention et la rĂ©pression du crime de gĂ©nocide Ă©tait applicable au conflit dans la mesure oĂč IsraĂ«l Ă©tait tenu de la respecter dans ses opĂ©rations militaires contre le Hamas Ă Gaza (les juges dĂ©termineront, le moment venu, si les actions d'IsraĂ«l Ă Gaza atteignent le seuil gĂ©nocidaire). Par 15 voix contre 2, les juges ont notĂ© que
âLa situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza risque fort de se dĂ©tĂ©riorer encore avant que la Cour ne rende son arrĂȘt dĂ©finitifâ.
Ă ce stade, 26 000 Palestiniens avaient Ă©tĂ© tuĂ©s, la majeure partie de la bande de Gaza Ă©tait rĂ©duite Ă nĂ©ant et 85 % de ses 2,3 millions d'habitants avaient Ă©tĂ© expulsĂ©s de chez eux. Des mesures devaient donc ĂȘtre prises pour empĂȘcher
âle risque rĂ©el et imminent qu'un prĂ©judice irrĂ©parable soit causĂ© avant que la Cour ne rende sa dĂ©cision finaleâ.
Il a Ă©tĂ© dĂ»ment ordonnĂ© Ă IsraĂ«l de prendre toutes les mesures possibles pour empĂȘcher la commission d'actes relevant de l'article II de la convention sur le gĂ©nocide, de prĂ©venir et de punir âl'incitation directe et publique au gĂ©nocideâ contre la population de Gaza, de permettre l'accĂšs aux services de premiĂšre nĂ©cessitĂ© et Ă l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, de prĂ©server et empĂȘcher la destruction des Ă©lĂ©ments de preuve relatifs aux actes commis contre les Palestiniens de Gaza en vertu des articles II et III de la convention, et de faire rapport Ă la CIJ sur la maniĂšre dont IsraĂ«l respecte ces mesures provisoires dans un dĂ©lai d'un mois. Le bilan Ă cet Ă©gard est pour le moins peu reluisant.
Depuis, le massacre se poursuit, le nombre de victimes palestiniennes s'Ă©levant aujourd'hui Ă 32 300. Les IsraĂ©liens ont refusĂ© d'ouvrir d'autres checkpoints vers Gaza et continuent d'entraver l'acheminement de l'aide dans la bande de Gaza, tout en accusant les organismes humanitaires et les fournisseurs de retard et de malhonnĂȘtetĂ©. Leur agressivitĂ© mĂ©prisante Ă l'Ă©gard des Ătats-Unis s'est traduit par des largages aĂ©riens au succĂšs inĂ©gal et insignifiant (l'utilisation de l'aviation pour acheminer l'aide a toujours Ă©tĂ© un exercice pĂ©rilleux). Lorsqu'ils ont Ă©tĂ© effectuĂ©s, ces largages ont mĂȘme Ă©tĂ© mortels pour les destinataires avec des cas signalĂ©s de parachutes qui ne se sont pas ouverts.
Le 25 mars, aprĂšs trois tentatives infructueuses, le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies a adoptĂ© la rĂ©solution 2728, appelant Ă un cessez-le-feu immĂ©diat pour le mois de Ramadan âpour un arrĂȘt durableâ des hostilitĂ©s, Ă la âlibĂ©ration immĂ©diate et inconditionnelle de tous les otagesâ, Ă âassurer l'accĂšs de l'aide humanitaire pour rĂ©pondre Ă leurs besoins mĂ©dicaux et autres besoins dâurgenceâ et Ă âexiger des parties qu'elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu de la Convention de GenĂšve et de ses protocoles additionnelsâ.
L'accent a également été mis sur
âLâurgence d'accroĂźtre le flux de l'aide humanitaire et de renforcer la protection des civils dans l'ensemble de la bande de Gaza. La rĂ©solution exige en outre que tous les obstacles Ă lâaccĂšs Ă l'aide humanitaire, conformĂ©ment au droit international humanitaire, soient levĂ©s.â
Depuis janvier, l'Afrique du Sud n'a pas mĂ©nagĂ© ses efforts pour freiner l'entreprise israĂ©lienne Ă La Haye. Le 14 fĂ©vrier, elle a appelĂ© la CIJ, en se rĂ©fĂ©rant Ă âl'Ă©volution de la situation Ă Rafahâ, d'exercer d'urgence les pouvoirs que lui confĂšre l'article 75 du rĂšglement de la Cour. IsraĂ«l a rĂ©pondu le 15 fĂ©vrier. Le lendemain, le greffier de la CIJ a transmis aux parties la dĂ©cision de la Cour selon lequel la âdangereuse situationâ dans la bande de Gaza, mais surtout Ă Rafah
âexige la mise en Ćuvre immĂ©diate et effective des mesures conservatoires indiquĂ©es par la Cour dans son ordonnance du 26 janvier 2024â.
Tout au long du mois suivant, d'autres dĂ©bats et des Ă©changes juridiques ont eu lieu, Pretoria rĂ©clamant le 6 mars que la CIJ âimpose d'autres mesures conservatoires et/ou modifieâ celles qui ont Ă©tĂ© ordonnĂ©es le 26 janvier. La demande a Ă©tĂ© motivĂ©e par les Ă©lĂ©ments suivants :
âDes morts effroyables dues Ă la famine d'enfants palestiniens, y compris des bĂ©bĂ©s, provoquĂ©es par les actes dĂ©libĂ©rĂ©s et les omissions d'IsraĂ«l ... y compris les tentatives concertĂ©es d'IsraĂ«l depuis le 26 janvier 2024 pour assurer le financement de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) et les attaques d'IsraĂ«l contre les Palestiniens affamĂ©s qui cherchent Ă accĂ©der Ă l'aide humanitaire extrĂȘmement limitĂ©e qu'IsraĂ«l autorise dans le nord de Gaza, en particulierâ.
IsraĂ«l a rĂ©pondu le 15 mars Ă la communication sud-africaine, rejetant âdans les termes les plus virulentsâ les allĂ©gations de famine rĂ©sultant d'actes et d'omissions dĂ©libĂ©rĂ©s. La logique de la rĂ©futation sommaire d'IsraĂ«l Ă©tait que rien nâa matĂ©riellement changĂ© depuis le 26 janvier justifiant un rĂ©examen :
âLa situation difficile et tragique dans la bande de Gaza au cours des derniĂšres semaines ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme modifiant matĂ©riellement les considĂ©rations sur lesquelles la Cour a fondĂ© sa dĂ©cision initiale concernant les mesures conservatoiresâ.
Le 28 mars, la Cour a rendu une ordonnance adoptée à l'unanimité modifiant l'ordonnance provisoire de janvier. En examinant des preuves macabres, les juges ont pris note d'un rapport actualisé du 18 mars sur l'insécurité alimentaire émanant de l'Initiative mondiale pour la classification de la phase de sécurité alimentaire intégrée (IPC Global Initiative) de la sécurité alimentaire (IPC Global Initiative), dans lequel on peut lire ce qui suit :
âLes conditions Ă mĂȘme de prĂ©venir la famine ne sont pas rĂ©unies, et les derniĂšres preuves confirment que la famine est imminente dans les provinces du nord et qu'elle devrait survenir entre la mi-mars et le mois de mai 2024.â
Le Fonds des Nations unies pour l'enfance a Ă©galement indiquĂ© que 31 % des enfants de moins de deux ans vivant dans le nord de la bande de Gaza souffraient de âmalnutrition aiguĂ«â.
Face Ă cette dĂ©vastation extrĂȘme, la Cour n'a pu que constater que
âLes Palestiniens de Gaza ne sont plus confrontĂ©s au risque de famine, comme le constate l'ordonnance du 26 janvier 2024, mais cette famine est en cours, au moins 31 personnes, dont 27 enfants, Ă©tant dĂ©jĂ morts de malnutrition et de dĂ©shydratation.â Ont Ă©tĂ© constatĂ©s âdes niveaux sans prĂ©cĂ©dent d'insĂ©curitĂ© alimentaire subis par les Palestiniens dans la bande de Gaza au cours des derniĂšres semaines, ainsi que le risque croissant d'Ă©pidĂ©mies.â
Ces conditions âgravesâ ont donnĂ© compĂ©tence Ă la Cour pour modifier l'ordonnance du 26 janvier, qui ne rĂ©pondait plus entiĂšrement
âaux consĂ©quences dĂ©coulant de l'Ă©volution de la situationâ. Compte tenu de âl'aggravation des conditions de vie des Palestiniens de Gaza, en particulier de la propagation de la famine et de la famineâ, IsraĂ«l doit prendre âtoutes les mesures nĂ©cessaires et efficaces pour assurer sans dĂ©lai, en pleine coopĂ©ration avec les Nations Unies, la fourniture sans entrave et Ă grande Ă©chelle par toutes les parties concernĂ©es des services de premiĂšre nĂ©cessitĂ© et de l'aide humanitaire en d'urgenceâ.
La liste des besoins est Ă©galement Ă©numĂ©rĂ©e, Ă savoir nourriture, eau, Ă©lectricitĂ©, carburant, abris, vĂȘtements, hygiĂšne, besoins sanitaires,
âla fournitures et les soins mĂ©dicaux aux Palestiniens dans toute la bande de Gaza, notamment en augmentant la capacitĂ© et le nombre de points de passage terrestres en les maintenant ouverts aussi longtemps que nĂ©cessaireâ.
Un aspect moins connu de l'ordonnance du 28 mars, adoptĂ©e par 15 voix contre une, est que l'armĂ©e israĂ©lienne doit s'abstenir de commettre âdes actes constituant une violation des droits des Palestiniens de Gaza en tant que peuple sous protectionâ, en vertu de la Convention sur le gĂ©nocide, y compris en empĂȘchant, par quelque action que ce soit âl'acheminement de l'aide humanitaire requise en urgenceâ.
La Cour souligne ainsi la relation de cause à effet, de plus en plus plausible, entre la privation de nourriture, la famine et la privation de services de premiÚre nécessité comme politique étatique dans l'intention de nuire et de tuer des membres d'un peuple protégé. Il s'agit sans aucun doute d'un élément qui pÚsera lourd dans l'esprit des juges lorsqu'ils continueront à se pencher sur la nature des opérations militaires à Gaza, dont l'Afrique du Sud continue d'affirmer qu'elles sont génocidaires de par leur ampleur et leur nature.
https://www.middleeastmonitor.com/20240330-starvation-in-gaza-the-world-courts-latest-intervention/