đâđš Fred Hageneder: La bataille pour la Terre : le dangereux leurre du « zĂ©ro net dâici 2050 » â Partie 3
"Les compagnies pĂ©troliĂšres et les politiciens constituent ensemble une recette mortelle pour lâinaction et un niveau catastrophique de dĂ©gradation irrĂ©versible du climat et de la nature".
đâđš La bataille pour la Terre : le dangereux leurre du « zĂ©ro net dâici 2050 » â Partie 3
đ° Par Fred Hazgener*, le 6 novembre 2022
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La tromperie la plus dangereuse pour la protection du climat est actuellement « ZĂ©ro net 2050 ». Tous les pollueurs climatiques â Big Oil (les grandes industries du pĂ©trole) et les gouvernements favorables aux multinationales â lâont rapidement adoptĂ© comme nouvel objectif climatique. Mais il prĂ©sente deux erreurs fatales. Lâune est «zĂ©ro net». Lâautre est «dâici 2050». Les deux crĂ©ent un faux sentiment de sĂ©curitĂ©. Le zĂ©ro net nâest pas physiquement possible, et nous nâavons pas non plus le luxe de trois dĂ©cennies (dâici 2050). Mais le message clĂ© «zĂ©ro net dâici 2050» est dĂ©libĂ©rĂ©ment utilisĂ© pour retarder davantage les mesures rĂ©alistes et efficaces de protection du climat.
đâđš La dangereuse tromperie du âzĂ©ro net dâici 2050â.
TroisiĂšme partie de la sĂ©rie en 10 Ă©pisodes « La lutte pour la reconquĂȘte de notre planĂšte Terre ».
Comme lâĂ©crit le climatologue Peter Kalmus dans The Guardian : « Ces deux erreurs offrent une couverture aux compagnies pĂ©troliĂšres et aux politiciens qui veulent maintenir le statu quo. Ensemble, elles constituent une recette mortelle pour lâinaction et un niveau catastrophique de dĂ©gradation irrĂ©versible du climat et de la nature ». (1)
Tout dâabord, lâĂ©chĂ©ance de 2050 semble agrĂ©ablement Ă©loignĂ©e et encourage Ă repousser encore plus loin la protection du climat. « Qui ressent lâurgence dâune Ă©chĂ©ance en 2050 ? », demande Kalmus. En revanche, le Green New Deal, prĂ©sentĂ© dĂ©but 2019 par la dĂ©putĂ©e amĂ©ricaine Alexandria Ocasio-Cortez, propose un calendrier de seulement dix ans. (2) Parce que lâhumanitĂ© a dĂ©jĂ attendu bien trop longtemps, il ne nous reste plus grand-chose du budget carbone pour maintenir le rĂ©chauffement climatique en dessous de 1,5 degrĂ© Celsius.
DeuxiĂšmement, un mode de vie « zĂ©ro net » nâest tout simplement pas possible pour une espĂšce de mammifĂšre vivant comme lâhomme. Nous devons manger. Nous devons nous dĂ©placer. Nous devons nous tenir chaud. Pour cela, nous avons besoin dâĂ©nergie. Et mĂȘme les Ă©nergies « durables » ou « vertes » (issues du soleil, du vent, des vagues) ont une certaine empreinte carbone (bien que beaucoup plus faible que celle des combustibles fossiles), et leur production et leur dĂ©mantĂšlement ultĂ©rieur gĂ©nĂšrent Ă©galement une contamination partielle, une destruction de lâhabitat et des dommages Ă©cologiques. LâhumanitĂ© doit remettre en question le mantra de la croissance Ă©conomique infinie et dĂ©velopper une Ă©conomie plus durable et plus solidaire.
Mais au lieu de cela, lâidĂ©e de « compenser » les effets dâune Ă©conomie dĂ©bridĂ©e sur le systĂšme terrestre est trĂšs populaire. En effet, elle promet que le « business as usual » (les affaires comme dâhabitude) pourra se poursuivre, mais en « compensant » les dommages par une sorte de « promesse de rĂ©paration » ailleurs. Cette absurditĂ© est lâĂ©quivalent Ă©cologique dâun permis de tuer, si lâon se contente de parrainer ailleurs un cours de sage-femme ou un programme de vaccination pour les jeunes enfants.
Il est vrai quâen ce qui concerne lâurgence climatique et notre empreinte de gaz Ă effet de serre, nous devons rĂ©flĂ©chir sur les mĂ©thodes de sĂ©questration du carbone et agir en consĂ©quence, notamment parce que les gaz Ă effet de serre qui ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© injectĂ©s dans lâatmosphĂšre doivent ĂȘtre Ă©liminĂ©s. Mais pour lâinstant, câest la nature qui sâen charge, si nous la laissons faire.
Il est dĂ©sormais largement admis que la plantation dâarbres Ă grande Ă©chelle, câest-Ă -dire le reboisement, ainsi que la rĂ©gĂ©nĂ©ration des sols vivants, notamment dans les zones humides et les tourbiĂšres, sĂ©questrent dâĂ©normes quantitĂ©s de carbone et constituent le meilleur levier pour la protection du climat. Les stratĂ©gies dâĂ©missions nĂ©gatives les meilleures et les plus utiles dont nous disposons sont naturelles : la protection des forĂȘts, le reboisement, lâagriculture rĂ©gĂ©nĂ©rative et le rewilding (la restauration). Mais leur mise en Ćuvre ne peut aller de pair quâavec une rĂ©orientation de lâĂ©conomie et de nos consciences.
La rĂ©gĂ©nĂ©ration des forĂȘts et des sols pourrait mĂȘme un jour rĂ©soudre lâensemble de la crise climatique, mais cela prendra des dĂ©cennies, voire des siĂšcles, et nous nâavons plus autant de temps. Surtout avec les quantitĂ©s dâĂ©missions que nous Ă©mettons encore. La seule solution raisonnable est lâabandon immĂ©diat des combustibles fossiles. Comme le dit Kalmus, « pour rĂ©duire la probabilitĂ© dâun effondrement de la civilisation, la sociĂ©tĂ© doit passer en mode dâurgence ». Et ce dĂšs maintenant.
Selon des climatologues comme Manfred E. Mann, le commerce des certificats de carbone a un grand potentiel pour amorcer un changement de lâĂ©conomie fossile Ă lâĂ©chelle mondiale. Personne ne doute quâil ne sâagit que dâun instrument imparfait, mais nous sommes dans le pĂ©trin.
Cependant, la maniĂšre dont un systĂšme corrompu dĂ©forme toute idĂ©e pour maintenir ses objectifs tortueux est une autre affaire. JusquâĂ prĂ©sent, le commerce du carbone nâa pas rĂ©duit les Ă©missions autant quâespĂ©rĂ©. Ce qui se passe, câest que les entreprises et les multinationales ont commencĂ© Ă acheter des forĂȘts ou des zones humides Ă grande Ă©chelle, avec la « promesse » de protĂ©ger leur potentiel de sĂ©questration du carbone. En Ă©change, elles peuvent continuer Ă polluer lâatmosphĂšre. Cette augmentation rapide des achats de terres pour la «compensation carbone» a dĂ©jĂ commencĂ© Ă faire grimper les prix et les loyers, Ă miner les communautĂ©s locales et Ă Ă©vincer les petits agriculteurs et les autochtones.
LâĂcosse est lâune des premiĂšres lignes de front de ce nouveau systĂšme mondialisĂ© pour faire de lâargent, qui contribue en outre Ă creuser encore davantage le fossĂ© qui existe en gĂ©nĂ©ral entre les riches et les pauvres. Peter Peacock, ancien dĂ©putĂ© des Highlands et des Ăźles, et militant chevronnĂ© de la rĂ©forme agraire, a rĂ©cemment dĂ©clarĂ© : «Les Highlands sont une fois de plus vendus Ă des forces extĂ©rieures sous les pieds de la population locale» (3). En effet, en Ăcosse, les mauvais souvenirs des Highland Clearances dâil y a environ deux cents ans refont surface. (N.d.T. : rĂ©fĂ©rence Ă lâexpulsion forcĂ©e des habitants des Highlands et dâĂźles dâĂcosse pour introduire le pastoralisme de moutons). Et au Pays de Galles et dans dâautres pays, de grandes entreprises commencent Ă©galement Ă arracher dâimmenses surfaces de terre sous les pieds des autochtones.
Dans le Sud mondial, on craint mĂȘme que cette nouvelle vague dâaccaparement des terres ne contribue aux famines Ă venir. Mais ces consĂ©quences Ă©conomiques de grande ampleur du commerce du carbone ont rarement Ă©tĂ© discutĂ©es jusquâĂ prĂ©sent.
En outre, il existe de nombreuses raisons Ă©thiques pour lesquelles le ZĂ©ro Net et le commerce des Ă©missions sont mauvais. Dans son nouveau livre « Wahre Wirtschaft â Von der Geldgier zu eine Ăkonomie der FĂŒrsorge » (La vraie Ă©conomie. De lâavarice pour lâargent Ă une Ă©conomie qui prend soin), Vandana Shiva rĂ©sume comment le commerce du carbone va Ă lâencontre de toutes les notions Ă©thiques de la jurisprudence terrestre: (4)
« PremiĂšrement, la pollution par les combustibles fossiles et le dĂ©passement des limites planĂ©taires violent les droits de la Terre MĂšre, de GaĂŻa (N.d.T.: GaĂŻa Ă©tait la dĂ©esse grecque de la terre, mĂšre de toute vie). Le commerce du carbone viole les droits de la nature en niant lâintĂ©gritĂ© des processus Ă©cologiques de la Terre. La Terre nâexiste pas pour les milliardaires afin quâils puissent continuer Ă lâexploiter pour en tirer des profits illimitĂ©s. La Terre est le fondement de notre vie et de notre bien-ĂȘtre. GrĂące Ă ses processus Ă©cologiques complexes et auto-organisĂ©s, elle crĂ©e lâinfrastructure nĂ©cessaire pour crĂ©er, maintenir et rĂ©gĂ©nĂ©rer la vie. Le commerce du carbone est une violation du droit de la Terre sur son carbone vivant, qui est la base de la vie.
DeuxiĂšmement, le carbone mort, fossile, et sa pollution ne peuvent pas ĂȘtre mis sur le mĂȘme plan que le carbone vivant des plantes et des sols. Un « mauvais » carbone ne peut pas ĂȘtre Ă©changĂ© contre un « bon ». Parler de dĂ©carbonisation, câest mĂ©connaĂźtre que « nous sommes des formes de vie basĂ©es sur le carbone » (AndrĂ© Leu). La vie est du carbone vivant. Assimiler le carbone vivant au carbone fossile mort est une fausse assimilation ».
âȘïž La folie des grandeurs: Capture et stockage du carbone (CSC) et gĂ©o-ingĂ©nierie
Au mĂ©pris de lâĂ©thique et de la justice sociale, Big Oil continue de tromper le public (voir partie 1). « ZĂ©ro net » est basĂ© sur un rĂȘve technocratique irrĂ©aliste appelĂ© « Carbon Capture and Storage » (capture et stockage du carbone CSC). Oui, il existe une fameuse installation de capture du carbone en Islande, qui promet dâextraire le carbone de lâair, de le traiter et de le stocker sous terre. En Islande, cela peut fonctionner dans une mesure limitĂ©e, car il y a une Ă©nergie thermique volcanique abondante qui peut ĂȘtre utilisĂ©e Ă cet effet, ainsi que des cavitĂ©s appropriĂ©es dans les couches rocheuses souterraines. Mais mĂȘme lĂ -bas, cette mĂ©thode est trĂšs coĂ»teuse et ne convient donc pas Ă une utilisation Ă lâĂ©chelle mondiale.
Il existe une cinquantaine de petites installations de CSC dans le monde, dont une vingtaine sont en service. Les autres sont en cours de dĂ©veloppement. Ces installations visent Ă capturer le carbone directement Ă partir des Ă©missions des centrales au charbon. Cela doit soi-disant permettre dâobtenir un « charbon propre ». Une « solution » que lâindustrie charbonniĂšre polonaise a promue sans vergogne lors de la confĂ©rence COP24 sur le climat en Pologne. (5) Mais mĂȘme dans le meilleur des cas, le CSC ne permet de capter que 90 pour cent des Ă©missions de carbone. Et si lâon tente de le faire au niveau mondial en exigeant des exploitants de centrales Ă charbon quâils Ă©quipent leurs usines de systĂšmes de CSC, cela va rendre le charbon encore moins rentable quâil ne lâest dĂ©jĂ . Alors pourquoi ne pas dĂ©penser cet argent dans les Ă©nergies renouvelables ?
Mais le CSC nâest pas seulement utilisĂ© pour faire de la publicitĂ© au secteur du charbon. Tous les producteurs de combustibles fossiles et leurs think tanks (instituts de recherche) de droite libĂ©rale (voir partie 6) adorent les techno-fixes comme le CSC. Toute lueur dâespoir de pouvoir dompter le carbone Ă lâavenir est immĂ©diatement utilisĂ©e comme prĂ©texte pour maintenir lâexploitation fossile. «Oh, ils prĂ©voient dâĂ©liminer nos saletĂ©s Ă lâavenir ? Alors, produisons davantage de saletĂ©s !» MĂȘme lorsquâune technologie proposĂ©e nâest clairement pas une solution, la rĂ©pĂ©tition constante de telles nouvelles forgĂ©es Ă un effet hypnotique. Si lâon a suffisamment dâinfluence sur les mĂ©dias, ce qui est manifestement le cas de Big Oil (voir partie 7), il faudra des annĂ©es pour que le public se rende compte du mensonge.
Le traitement du carbone dans le cadre du CSC nĂ©cessite une Ă©norme quantitĂ© dâĂ©nergie, et lâinjection du carbone dans les couches rocheuses libĂ©rerait des hydrocarbures naturels en de nombreux endroits, de sorte que le CSC pourrait facilement produire plus de carbone atmosphĂ©rique quâil nâen Ă©limine. (6) Tout cela est une farce et les scientifiques lâont depuis longtemps rejetĂ© comme solution globale. Pourtant, Bill Gates fait la promotion du CSC, des techniques de gĂ©o-ingĂ©nierie et dâautres fausses solutions qui font rĂȘver dans son livre How to Avoid a Climate Disaster (Comment Ă©viter une catastrophe climatique), paru en 2021. (7)
Gates a raison de dire que la technologie de stockage du carbone est efficace dans la mesure oĂč elle dĂ©tourne lâargent public des gouvernements vers lâindustrie des combustibles fossiles. En investissant dans ces fausses solutions, lâindustrie des combustibles fossiles peut obtenir encore plus de subventions et dâavantages fiscaux. Voici une satire australienne bien faite Ă ce sujet :
Pour voir la vidĂ©o (4âČ 45âČâČ) avec les sous-titres en français sur un ordinateur : 1. Cliquez sur lâicĂŽne Sous-titres (rectangle blanc en bas Ă droite de la fenĂȘtre du lecteur vidĂ©o). 2. Cliquez sur lâicĂŽne ParamĂštres (roue dentĂ©e en bas Ă droite), puis cliquez successivement sur Sous-titres, puis sur Traduire automatiquement. 3. Dans la fenĂȘtre qui sâouvre, faites dĂ©filer la liste des langues et cliquez sur Français.
Honest Government Ad | Capture et stockage du carbone / Clip vidĂ©o satirique de The Juice Media sur la Capture et stockage du carbone (CSC) et lâabus des subventions. Avertissement : contient des insultes.
âȘïž Â«Net Zero 2050» et le rĂ©seau de la tromperie
Depuis la COP26 Ă Glasgow (novembre 2021), toutes les grandes compagnies pĂ©troliĂšres (par exemple Exxon, Shell, BP, Chevron) (8) semblent soudain sâĂȘtre mises dâaccord et ont annoncĂ© avec agilitĂ© des « ambitions » (Exxon) ou des «objectifs» (Chevron) pour le âzĂ©ro net 2050â. Sont-ils vraiment soudainement dâaccord avec la protection du climat, comme si les quarante annĂ©es de leur dĂ©ni du changement climatique nâavaient jamais existĂ© ? Une belle publicitĂ© rapproche les identitĂ©s dâentreprises sĂ»res dâelles-mĂȘmes et profondĂ©ment (lavĂ©es) de vert des consommateurs. Mais derriĂšre ce dĂ©cor rassurant, les milliardaires qui siphonnent les bĂ©nĂ©fices des combustibles fossiles financent des campagnes massives pour boycotter tout progrĂšs dans la protection du climat (plus dâinformations dans la partie 6).
Mais ce rĂ©seau de tromperie est devenu fragile. Ce nâest que lorsquâil y a suffisamment de distractions en permanence (Covid-19, variole du singe, guerre en Ukraine) que personne ne trouve le temps ou le public pour remettre quelque chose en question. MĂȘme de nombreux activistes et groupes climatiques bien intentionnĂ©s tombent dans le piĂšge du mensonge «ZĂ©ro net 2050», qui ne fait que repousser encore plus loin les mesures rĂ©elles et utiles de protection du climat. Et câest exactement ce que veut Big Oil (voir premiĂšre partie).
La rĂ©ponse est de supprimer cette absurditĂ©, câest-Ă -dire de supprimer le «net» dans «zĂ©ro net»; et de changer 2050 en 2035.
Poursuivez la lecture avec la partie 4 « PĂ©trole sale : ce nâest pas seulement une question de carbone, bon sang ».
Sources
2 https://s3.documentcloud.org/documents/5729033/Green-New-Deal-FINAL.pdf#page=8
4 https://www.pressenza.com/de/2022/07/manifest-zu-oekonomien-der-fuersorge-und-erddemokratie/
7 https://www.newsweek.com/fact-check-bill-gates-block-sun-conspiracy-theory-scopex-1573108
https://www.bp.com/en/global/corporate/news-and-insights/reimagining-energy/net-zero-by-2050.html
https://www.chevron.com/stories/chevron-sets-net-zero-aspiration-and-new-ghg-intensity-target
* Fred Hageneder est lâauteur du livre «Nur die eine Erde â Globaler Zusammenbruch oder globale Heilung â unsere Wahl» (Il nây a quâune Terre â Effondrement mondial ou guĂ©rison mondiale â câest Ă nous de choisir).